Examen d`Analyse II EDP LINÉAIRESÉLÉMENTAIRES

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Examen d`Analyse II EDP LINÉAIRESÉLÉMENTAIRES
Examen d’Analyse II
Ecole normale supérieure de Lyon
3 janvier 2005 (Bonne année !)
EDP LINÉAIRES ÉLÉMENTAIRES
Tous documents et notes de cours sont autorisés.
La théorie des équations aux dérivées partielles est une branche immense des
mathématiques ; ici on ne considèrera que des équations linéaires (simplification
monstrueuse), à coefficients constants (simplification considérable) et en une dimension d’espace (grande simplification). Nous allons voir que, pour “triviales” qu’elles
puissent paraı̂tre, ces équations simplifiées doivent parfois être maniées avec prudence, et réservent encore quelques surprises.
Etant donné un opérateur différentiel sur C ∞ (R), à coefficients réels constants,
L=
N
X
ak
k=1
∂k f
,
∂xk
on dira qu’une fonction f = f (t, x) résout l’équation ∂t f = Lf avec donnée initiale
f0 ∈ C(R) au sens fort si f ∈ C 0 (R+ × R), ∂t f , ∂xk f (1 ≤ k ≤ N) appartiennent
à C(]0, +∞[×R), l’équation ∂t f = Lf est vérifiée au sens classique, et la restriction
de f à l’axe t = 0 coı̈ncide avec f0 .
1. EXISTENCE ET SOLUTIONS FONDAMENTALES
1.1. L’une des premières et plus célèbres équations aux dérivées partielles est
l’équation de la chaleur (Fourier, 1822), qui sur R s’écrit
∂f
∂2f
=
.
∂t
∂x2
Soit f0 ∈ C(R) ∩ L1 (R). Montrer que l’équation de la chaleur admet une solution
forte avec donnée initiale f0 . On pourra deviner la forme de la solution en utilisant
la transformée de Fourier (dans la variable x). Montrer que pour tout t > 0, f (t, ·)
appartient à l’espace de Sobolev H k (R), pour tout k.
1.2. On appelle informellement solution fondamentale une solution au sens des
distributions, partant de la donnée initiale δ0 (masse de Dirac en 0). Donner une
définition rigoureuse de ce concept (qu’est-ce qu’une solution au sens des distributions, etc.) en prenant garde à l’existence de deux variables t et x.
1
1.3. Appelons informellement solution fondamentale tempérée une solution
fondamentale à valeurs dans les distributions tempérées. Donner une définition rigoureuse de ce concept, permettant d’obtenir une équation sur la transformée de Fourier des solutions fondamentales tempérées (à supposer que ces solutions existent !).
Ecrire cette équation (dans le cas particulier que nous considérons, i.e. les équations
linéaires à coefficients constants !).
1.4. Montrer que l’équation de l’“anti-chaleur”
∂f
∂2f
=− 2
∂t
∂x
n’admet pas de solution fondamentale tempérée.
1.5. Parmi les équations suivantes, lesquelles admettent des solutions fondamentales tempérées ? Calculer ces solutions fondamentales quand elles existent, justifier
leur non-existence quand elles n’existent pas.
∂f
∂f
∂f
∂f
=
,
=−
∂t
∂x
∂t
∂x
∂2f
∂f
=
,
∂t
∂x2
∂f
∂2f
=− 2
∂t
∂x
∂f
∂3f
=
,
∂t
∂x3
∂f
∂3f
=− 3
∂t
∂x
∂4f
∂f
∂4f
∂f
=
,
=
−
∂t
∂x4
∂t
∂x4
1.6. Parmi ces cas, quand une solution fondamentale tempérée existe, montrer
qu’il est possible de résoudre l’équation au sens des distributions pour toute donnée
initiale f0 appartenant à S ′ (R).
2. UNICITÉ
L’unicité des solutions des équations non linéaires est un casse-tête classique.
Ici nous considérons des équations tellement simples que l’unicité semble assurée.
Nous allons voir qu’il n’en est rien. On prendra bien garde dans ce problème qu’une
solution forte est automatiquement une solution au sens des distributions, mais pas
nécessairement des distributions tempérées.
On notera [x] la partie entière de x ∈ R. On rappelle, à toutes fins utiles, la
formule de Stirling :
n n
√
Quand n → ∞,
n! ∼ 2πn
.
e
Soit f0 ∈ C ∞ (R), on considère

k

 ∂f = ∂ f ,
t > 0, x ∈ R,

∂t
∂xk
(1)



f (0, x) = f0 (x)
∀x ∈ R.
2.1. Montrer que pour k = 1 l’équation (1) a une solution unique et déterminer
cette solution (par des méthodes complètement élémentaires).
2
2.2. On suppose maintenant k ≥ 2. On admet dans cette question qu’il existe une
fonction φ ∈ C ∞ (R+ ), telle que

φ 6= 0,







∀n ∈ N,
φ(n) (0) = 0,
(2)






∃λ < k, ∃M > 0; ∀n ∈ N, sup |φ(n) (t)| ≤ M n [λn]!
t≥0
En déduire une solution de (1), de classe C ∞ , non nulle bien qu’associée à une
donnée initiale nulle ( !). On pourra chercher cette solution sous la forme
f (t, x) =
∞
X
cn φ(n) (t) xβn ,
n=0
avec cn ∈ R, βn ∈ N. Bien sûr, à partir du moment où l’on a construit une telle
solution, il en existe une infinité (pourquoi ?)
Cette construction, due à Tychonov (Mat. Sb. 42 (1935), 199–216), montre qu’il
est illusoire d’espérer un théorème d’unicité sans imposer de conditions de “taille”
sur la solution, même pour la “banale” équation de la chaleur.
2.3. La solution précédente définit-elle une distribution ? Une distribution tempérée ?
2.4. Enoncer un théorème d’unicité pour l’équation de la chaleur qui évite l’écueil
précédent, en supposant certaines conditions a priori sur la solution recherchée. (On
évitera les énoncés triviaux tels que “si la donnée initiale est nulle, il existe une
unique solution nulle” ! ! !)
2.5. Les problèmes rencontrés précédemment se posent-ils encore si l’on remplace
R par le tore T = R/Z ?
3. QUASI-ANALYTICITÉ
Reste à se convaincre que l’on peut construire une fonction φ satisfaisant (2), et
à voir pour quelles valeurs de k cela est possible !
3.1. On pose φ(t) = exp(−1/t2 ) pour t > 0, φ(0) = 0. Montrer que pour tout
n ∈ N il existe un polynôme
X
Qn (X) =
αn,q X q
q
tel que pour tout t > 0,
φ
(n)
1
1
(t) = Qn
exp − 2 .
t
t
En déduire en particulier que φ ∈ C ∞ (R+ ) et que pour tout n ≥ 0, φ(n) (0) = 0.
3.2. Calculer d(n) = deg Qn le degré de Qn . Montrer par récurrence que |αn,q | ≤
3n n!, puis que φ vérifie (2) pour un certain λ < 3. En déduire que l’on peut effectivement construire une infinité de solutions à l’équation (1) si k ≥ 3.
3
3.3. (Attention, question combinatoire délicate) On va maintenant affiner le calcul
précédent. On procède au calcul des dérivées successives de f comme suit :
1
2
′
φ (t) = − 3 exp − 2 ,
t
t
6
4
1
1
′′
φ (t) = 4 exp − 2 + 6 exp − 2 ,
t
t
t
t
et ainsi de suite. Comme la dérivée de
A
1
exp − 2
tv
t
s’écrit comme la somme de deux termes,
1
2A
1
Av
− v+1 exp − 2 − v+3 exp − 2 ,
t
t
t
t
on voit que la dérivée d’ordre n s’exprime comme une somme de 2n−1 termes de la
forme
1
A
exp − 2 .
tw
t
Chacun de ces termes a été obtenu en dérivant ℓ fois la fonction exp(−1/t2 ), et m
fois une fonction de la forme t−v , avec ℓ + m = n. Montrer que
w ≤ ℓ + 3m ≤ 3n,
|A| ≤ (3n)k .
Montrer qu’il existe une constante C > 0 telle que tous les termes apparaissant dans
la dérivée d’ordre n se majorent ainsi :
1
|A|
exp − 2 ≤ C n n3k/2 ,
tw
t
pour une certaine constante C > 0. En déduire que l’on peut étendre le résultat de
la question précédente à k = 2.
3.4. Faire le lien avec le théorème de Denjoy-Carleman, que l’on admettra :
Soit (Ak ) une suite de nombres positifs, 0 < A0 < A1 < A2 < . . . Si
∞
X
1
< +∞,
1/k
k=0
Ak
alors il existe une fonction f ∈ C ∞ (R) telle que

f 6= 0,







∀k ∈ N,
f (k) (0) = 0,
(3)






∃M > 0; ∀k ∈ N, sup |f (k) (t)| ≤ M k Ak .
t≥0
(Sans perte de généralité, on peut supposer M = 1, pourquoi ?)
4
Si, en revanche,
∞
X
1
1/k
k=0
Ak
= +∞,
alors toute fonction f de classe C ∞ sur R, vérifiant |f (k) | ≤ Ak et f (k) (0) = 0, est
identiquement nulle Ce comportement étant similaire à celui des fonctions analytiques, on dit que l’ensemble des fonctions f vérifiant |f (k) | ≤ Ak est une classe
quasi-analytique.
Cet énoncé est démontré par une méthode élégante au début de l’ouvrage de
Hörmander (The analysis of Linear Partial Differential Operators I). Notons en
passant qu’il a des applications intéressantes en statistiques théoriques (“problème
des moments” : peut-on reconstituer la loi d’une variable aléatoire rélle par la donnée
de tous ses moments ?).
4. SOLUTIONS ÉTERNELLES
4.1. On suppose k = 1 dans (1). Partant d’une donnée initiale f0 (non nécessairement
régulière), peut-on définir des solutions qui soient valides à la fois pour les temps
positifs et les temps négatifs (dites solutions éternelles) ? Qu’en est-il si k = 2 ? Et
si l’on impose à ces solutions d’être intégrables ?
4.2. Soit f une solution de l’équation de la chaleur définie pour tous temps,
intégrable et positive. Nous allons montrer qu’en fait, f est identiquement nulle
(en oubliant la contrainte de positivité, à quel énoncé célèbre d’analyse complexe
cela vous fait-il penser ?) Pour cela, commencer par montrer qu’une telle solution
est de norme L1 constante.
R
2
R4.3. On 2suppose maintenant que f (0, x)x dx < +∞. Trouver une équation sur
f (t, x)x dx et montrer que cette quantité doit être négative pour t suffisamment
négatif, ce qui est bien sûr impossible.
R
4.4. On va maintenant traiter le cas général, sans supposer f (0, x)x2 dx < +∞,
en utilisant un argument dû à S. Poirier. Montrer qu’il existe K < 1 tel que pour
toute solution f de l’équation
√ de la chaleur, intégrable et positive, l’intégrale de f (t, ·)
sur une boule de rayon t est majorée par Kkf0 kL1 . On pourra utiliser la formule
explicite faisant intervenir la solution fondamentale (tempérée !) de l’équation de la
chaleur, et noter que cette solution est (pour tout t) une fonction décroissante de
|x|. En déduire que, si f est solution de l’équation de la chaleur qui existe depuis√le
temps t, alors f a une fraction au plus K de sa masse dans la boule de rayon t.
En faisant tendre t vers l’infini, montrer que la masse totale de f est égale à une
fraction de la masse totale, ce qui est bien sûr absurde sauf si f est identiquement
nulle...
4.5. La conclusion précédente est-elle encore vraie si l’on remplace R par T = R/Z ?
4.6. Remarque culturelle : La classification de solutions éternelles est parfois utile
pour l’étude qualitative à grande échelle (ou en grand temps) de certaines équations.
Dans de nombreux cas, c’est un problème ouvert.
5

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