DERMATITES A MALASSEZIA – COMMENT JE LES GERE. Ana
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DERMATITES A MALASSEZIA – COMMENT JE LES GERE. Ana
DERMATITES A MALASSEZIA – COMMENT JE LES GERE. Ana Rostaher Dermatology Unit, Clinic for Small Animal Internal Medicine, Vetsuisse Faculty University of Zurich, Zurich, Switzerland 1. Introduction La dermatite à Malassezia est une affection fréquente chez le chien et un peu moins chez le chat.1,2Les Malassezia spp. sont des levures commensales qui colonisent habituellement l’épiderme superficiel de la peau et des oreilles. On retrouve les M. pachydermatis (organisme non dépendants des lipides) et leurs congénères dépendants des lipides M. sympodialis, M. globosa, M. nana, M. slooffiae, M. restricta et M. furfur sur la peau ou les muqueuses des chiens et des chats.1-3 Parce que les Malassezia sp. n’envahissent pas la couche sous-cornée, on a émis l’hypothèse que la dermatite est le résultat de réactions inflammatoire et/ou d’hypersensibilitéaux antigènes et aux enzymes produits par les levures. 4Les IgG et les IgE Malassezia-specifiques semblent être présents en quantités plus élevées chez les chiens atopiques que chez les sujets normaux, ce qui fait soupçonner leur implication dans la pathogenèse de la dermatite atopique.5,6Ceci a également été démontré chez l’homme.7 Il existe des facteurs de prédisposition ou déclencheurs de dermatite à Malassezia comme: augmentation de l’humidité, présence de plis cutanés, endocrinopathies (hypothyroïdie, diabète sucré, hyperadrénocorticisme), prolifération de la population de staphylocoques, altérations immunologiques (allergies, FIV, néoplasie, traitement aux glucocorticoïdes) et prédispositions génétiques (Basset hound, West Highland White terrier, cocker américain et beaucoup d’autres races canines ; races de chats comme le Sphynx et le Rex).1-3,8-12 2. Signes cliniques Les lésions cutanées prédominantes chez le chien sont : érythème, desquamation, séborrhée grasse, croûtes, ainsi que lichénification et hyperpigmentation (localisées ou généralisées) dans les cas chroniques.2 Parfois, la maladie est associée à des papules et même à de la furonculose.2 Si elles sont affectées, les griffes vont présenter une coloration rouge ou brunâtre. Les localisations de prédilection sont les lèvres, les canaux auriculaires, l’aine, la partie ventrale du cou, la face médiane des cuisses, la zone péri-anale, l’espace inter digité et les plis cutanés. Outre les modifications au niveau de la peau, la plupart des patients présentent également du prurit.2 Chez le chat, la dermatite à Malassezia doit être envisagée dans les présentations cliniques suivantes : otites externes (souvent avec accumulation d’une substance cireuse marron/noire), acné du menton, dermatite de la face, paronychie et/ou décoloration rouge-brunâtre des griffes ainsi qu’une dermatite érythémateuse généralisée squameuse à cireuse.2,8,11,13,14 3. Diagnostic Il existe de nombreux diagnostics différentiels et notamment : la dermatite allergique, la dermatite de contact, la folliculite superficielle à staphylocoques, la démodécie, les dermatophytoses, la gale, la cheyletiellose, l’acné félin et le lymphome épithéliotropique. Il faut se souvenir que la plupart des chiens et des chats qui présentent une dermatite à Malassezia souffrent d’une dermatose concomitante ou d’une maladie systémique qui devra faire l’objet d’un diagnostic approprié. On réalise le diagnostic par un examen cytologique sur des prélèvements effectués par impression directe sur une lame de microscope, par des écouvillons, des raclages superficiels ou encore des tests au ruban adhésif (pour les zones difficilement accessibles comme les espaces interdigités ou les lésions sèches).2 Quelle que soit la méthode de prélèvement utilisée, la lame sera généralement colorée selon la technique de Romanowsky (Diff-Quik®). Parfois, les échantillons (pas ceux sur ruban adhésif) pourront être fixé à la chaleur avant coloration.15Ce traitement peut prévenir la perte d’éléments du prélèvement et donc d’informations importantes lors de la procédure de coloration. Si on ne recherche que les agents infectieux comme des bactéries et des Malassezia, on peut se contenter de réaliser uniquement la coloration basophile. L’utilisation de la coloration éosinophile permet, elle, d’obtenir des informations importantes sur la réponse inflammatoire (par exemple, présence d’éosinophiles). Les levures sont le mieux visibles au grossissement 40x ou 100x et elles apparaissent comme des éléments de forme ronde à ovale avec ou sans bourgeon (la classique “peanut shape”). Le diamètre des levures va de trois à huit microns.2 Il n’existe pas de nombre précis de levures pour diagnostiquer une dermatite à Malassezia. Par conséquent, les critères de diagnostic de dermatite à Malassezia doivent toujours être interprétés dans le contexte clinique. Dans certains cas, il faut même avoir recours à un essai thérapeutique pour confirmer le diagnostic. La culture fongique n’a aucune valeur diagnostique dans les affections superficielles puisque les chiens et les chats peuvent être des porteurs sains. Il est également important de retrouver les lésions cliniques typiques associées aux Malassezia découvertes à l’examen cytologique. 4. Traitement Les options thérapeutiques dépendent de la sévérité des lésions mais aussi de la capacité d’observance du propriétaire et du patient. Les petites zones focalisées peuvent être traitées avec des crèmes antifongiques, des lingettes ou des gouttes auriculaires. En cas de lésions multifocales ou de maladie généralisée, le traitement topique consistera en l’application de shampooings et de lotions de rinçage utilisés seuls ou en préparations combinées : chlorhexidine, kétoconazole, miconazole, climbazole, sulfure de sélénium, énilconazole, lime sulfur (polysulfure de calcium), acides acétique et borique. Lorsque le traitement topique est impossible ou inefficace, il faudra administrer un antifongique par voie orale. Les médicaments les plus couramment utilisés sont l’itraconazole, le kétoconazole et la terbinafine.13,16-21Comme les niveaux thérapeutiques des antifongiques systémiques persistent de plusieurs jours à plusieurs semaines au niveau de la peau, on peut envisager une thérapie pulsée. De nouvelles approches thérapeutiques comme les « peptides tueurs » ont été récemment décrites.22 Il est très important de tenir compte des éventuelles interactions médicamenteuses lorsqu’on met en place un régime thérapeutique multimodal (par exemple des chiens allergiques traités à la ciclosporine). Comme les infections à Malassezia sp. coexistent souvent avec des infections à staphylocoques, il ne faut pas oublier de diagnostiquer et de traiter ces infections de manière appropriée. Les patients dont la maladie présente une composante inflammatoire clinique (généralement les chiens allergiques) auront besoin en outre, de médicaments anti-inflammatoires comme des corticostéroïdes. Les tests de susceptibilité antifongique ne sont en général pas systématiquement réalisés mais ils doivent être envisagés pour les cas réfractaires car des cas de résistance aux dérivés azolés ont été décrits en médecine vétérinaire.23 On constate en général une amélioration dramatique des signes cliniques au bout de une à deux semaines (plus rapidement en combinant un traitement topique et systémique). La durée du traitement dépend de la résolution des symptômes cliniques et doit normalement être prolongée de 7 à 10 jours après la guérison clinique soit en général un traitement d’environ quatre semaines.2 Les cas récurrents de dermatite à Malassezia ne sont pas rares puisqu’il existe souvent une maladie chronique sous-jacente. Lors de fréquentes récidives, il est parfois nécessaire de mettre en place un protocole de maintenance en ayant recours soit à des applications topiques régulières (une à deux fois par semaine) ou à des antifongiques systémiques administrés de manière pulsée (1-3 trois jours/ semaine). Encore une fois, pour obtenir une bonne réponse clinique au traitement, tous les efforts doivent être mis en place pour identifier et corriger les facteurs de prédisposition (allergie, troubles hormonaux, néoplasies, immuno-déficiences). Références 1. Guillot J, Bond R. Malassezia pachydermatis: a review. Med Mycol 1999; 37:295-306. 2. Scott D, Miller W, Griffin C. Fungal and algal skin diseases In: Miller WH, Griffin CE, Campbell KL, eds. Muller and Kirk's Small Animal Dermatology 7th ed. St Louis: Elsevier, 2013; 223-283. 3. Bond R. Superficial veterinary mycoses. Clin Dermatol 2010; 28:226-236. 4. Velegraki A, Cafarchia C, Gaitanis G et al. 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