Assureur et nouveaux risques

Transcription

Assureur et nouveaux risques
UNIVERSITÉ MONTPELLIER I
FACULTÉ DE DROIT
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHÉ
MASTER II RECHERCHE DROIT DU MARCHÉ
« Assureur et nouveaux risques »
Sous la direction de Mademoiselle Marion MURCIA,
Doctorante à la faculté de Droit Montpellier 1.
Mémoire présenté et soutenu dans le but de l’obtention du Master II
Par Benjamin BERENGUER
Année 2010 - 2011
À mes parents,
À mes grands-parents,
À mes frères,
À Marion,
À Mathilde
2
REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont en premier lieu à ma directrice de mémoire,
Mademoiselle Marion MURCIA, qui par l’ensemble de ses conseils et de ses remarques
m’a accompagné et soutenu tout au long de la rédaction de ce mémoire.
Toute ma reconnaissance va également aux enseignants-chercheurs qui m’ont
accordé leur confiance en m’accueillant au sein du Master II Recherche Droit du
Marché : MM. les professeurs Daniel MAINGUY et Malo DEPINCÉ.
Mes pensées vont également à Mademoiselle Fleur DUBOIS-LAMBERT, ainsi
qu’à toute l’équipe de recherche du Centre du Droit de la Consommation et du Marché
(CDCM) de la faculté de Droit de Montpellier.
Pour sa présence et son soutien tout au long de l’année, que Mlle Marion
FERRANT sache combien compte la complicité qui nous lie.
Enfin, mes remerciements vont à l’ensemble de la promotion 2010 – 2011 du
Master II Droit du Marché avec laquelle j’ai pu passer d’agréables moments.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION .......................................................................................................... 7
Partie 1/ Identification de la nature et des difficultés découlant des nouveaux
risques pour les assureurs ............................................................................................ 15
Titre 1/ La nature des nouveaux risques ..................................................................... 15
Chapitre 1/ Les outils contractuels de transfert de risque ....................................... 15
Chapitre 2/ L’identification des nouveaux risques .................................................. 28
Titre 2 / Caractères et difficultés résultants de ces nouveaux risques......................... 39
Chapitre 1/ De nouveaux caractères pour de nouveaux risques .............................. 39
Chapitre 2/ Les difficultés résultant de ces nouveaux risques pour le secteur de
l’assurance ............................................................................................................... 48
Partie 2 / Identification des solutions pouvant répondre aux difficultés posées par
les nouveaux risques ..................................................................................................... 57
Titre 1/ Analyse des solutions existantes .................................................................... 57
Chapitre 1/ Les mécanismes de renforcement des fonds propres ........................... 57
Chapitre 2/ Le recours au partenariat public/privé .................................................. 71
Titre 2/ Analyse des mesures à venir et nouvelles propositions ................................. 80
Chapitre 1/ L’étude prospective des mécanismes de responsabilisation et de
prévention des risques extrêmes : mesures à venir et nouvelles propositions ........ 80
Chapitre 2/ L’étude prospective des mécanismes de renforcement des fonds propres
des sociétés d’assurance .......................................................................................... 94
CONCLUSION ........................................................................................................... 104
4
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
ACAM. –
Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles, ancienne
Commission de Contrôle des Assurances, des Mutuelles et des
Institutions de Prévoyance (CCAMIP)
ACP. –
Autorité de Contrôle Prudentiel
AIR. –
Applied Insurance Research
AMF. –
Autorité des Marchés Financiers
ART. –
Alternative Risk Transfert
Cat. Bonds. –
Catastrophe Bond
CATEX. –
The Catastrophe Risk Exchange
Cat. Nat. –
Catastrophes Naturelles
CCR. –
Caisse Centrale de Réassurance
CE. –
Commission Européenne
CER. –
Caisse Européenne de Réassurance (sigle non officiel)
FFSA. –
Fédération Française des Sociétés d’Assurances
FMI. –
Fonds Monétaire International
GAREAT. –
Gestion de l’Assurance et de la Réassurance des risques Attentats et
actes de Terrorisme
G.E.M.A. –
Le Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurances
JCP E. –
La Semaine Juridique Édition Entreprise
MCR. –
Minimum Capital Requirement (Capital minimum requis)
5
ONU. –
Organisation des Nations Unies
PPR. –
Plan de Prévention des Risques
SPC. –
Special Purpose Company
SCR. –
Solvency Capital Requirement (Capital solvabilité requis)
SPV. –
Special Purpose Vehicle
6
INTRODUCTION
« L’opération d’assurance est une espèce de jeu qui exige beaucoup de prudence
de la part de ceux qui s’y adonnent. Il faut faire l’analyse des hasards, et posséder
la science du calcul des probabilités ; prévoir les écueils de la mer, et ceux de la
mauvaise foi ; ne pas perdre de vue les cas insolites et extraordinaires ; combiner le
tout, le comparer avec le taux de prime, et juger quel sera le résultat de
l’ensemble ? Pareilles spéculations sont l’ouvrage du génie. Mais si la théorie,
dirigée par l’expérience, n’est que trop souvent fautive, quel sera le sort des
négociants, qui alléchés par l’appât du gain, signent les polices qu’on leur présente,
sans considérer où la fortune aveugle et leur témérité peuvent les entraîner ? »1
Balthazard-Marie EMERIGON
1. - Le risque, indissociable des décisions et activités humaines, constitue le socle
des assurances, dont le but est d’abord de couvrir les dommages qui peuvent en résulter
et d’indemniser, ensuite, le cas échéant, les préjudices causés à autrui suite à la faute
imputable à son assuré.
En d’autres termes, la « société du risque », pour reprendre le qualificatif
désormais célèbre d’Ulrich Beck2, est en même temps une « société assurantielle »,
terminologie utilisée par François Ewald pour caractériser la prolifération des
assurances3.
L’univers entier repose sur le chaos et l’harmonie, et l’homme lui-même est
marqué par cette ambivalence, puisque sa vie entière est vouée à supprimer le premier et
à tendre vers la seconde. Il a peur de tout ce qu’il ne maîtrise pas, et l’existence du
hasard est la source d’une de ses plus grandes angoisses.
1
Balthazard-Marie Emerigon, Traité des assurances et des contrats à la grosse, Paris, p. 16, 1827.
Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001.
3
François Ewald, Histoire de l’Etat-Providence, Paris, Grasset, 1996.
2
7
Il recherche donc tous les moyens de lutter contre cette insécurité et l’assurance,
qui permet d’en neutraliser les effets, apparaît aujourd’hui comme la meilleure
invention de lutte contre l’incertitude.
C’est dans ce sens que s’établit une relation étroite entre risques et assurances.
Le lien se noue autour de l’inquiétude que provoquent les risques et l’aspiration à la
sécurité qu’apporte l’assurance.
2. - Il apparaît, alors, qu’une des raisons du recours à une assurance soit la crainte
de la réalisation d’un certain aléa contre lequel on veut être protégé. Les fondements de
l’assurance (I) découlent directement de ce besoin exacerbé de sécurité. La définition de
la notion de risque (II) constitue le point de départ indispensable à la compréhension de
l’économie dont il fait l’objet (III) dans le cadre d’un contrat d’assurance. D’ailleurs,
l’intérêt d’une étude portant sur les nouveaux risques est de savoir si ces derniers
peuvent remettre en cause cette économie (IV). L’approche retenue, à cet effet, sera
exposée et justifiée (V).
I/ Fondements de l’assurance
3. - Historiquement, il convient de distinguer deux fondements à l’assurance. Le
premier s’appuie sur l’idée de secours mutuel et a été notamment développé au XVIème
siècle dans certains villages éloignés des Alpes et au XIXème siècle dans des
communautés ouvrières britanniques. C’est l’idée d’écrêtement de charges trop lourdes
et de solidarité qui fonde le principe de mutualisation des risques, à savoir un transfert
redistributif des risques au sein d’une communauté bien définie.
Néanmoins, cette pratique apparait bien avant dans l’histoire puisque déjà au
ème
27
siècle avant Jésus-Christ, les tailleurs de pierre de Basse-Egypte avaient élaboré
un système de mutualisation au sein de leur communauté afin d’aider financièrement les
membres ayant des difficultés à payer les rites funéraires d’un défunt de leur famille.
4. - Parallèlement à ce principe de mutualisation, l’assurance trouve son autre
fondement dans le transport maritime de marchandises, et son développement au cours
du XVIème siècle, sous la forme du « prêt à la grosse aventure ».
8
Au Moyen Âge, les routes maritimes étaient très peu sûres. Le risque était élevé
de voir le bateau pris dans une tempête ou encore attaqué par des pillards. La navigation
maritime était donc périlleuse.
Pour éviter au marchand le risque d’une perte trop lourde, le « prêt à la grosse
aventure » garantissait les cargaisons contre les risques maritimes. Néanmoins, ce prêt
fonctionnait apparemment à l’inverse de la logique de l’assurance, car le prêteur à la
grosse aventure avançait à l’armateur la valeur de sa cargaison en contrepartie d’un
remboursement augmenté d’un intérêt substantiel en cas d’arrivée du bateau et donc de
la marchandise, l’armateur n’avait rien à rembourser.
Au 12ème siècle, avec la reprise des échanges commerciaux, le prêt à la grosse
aventure se redéveloppa et donna lieu à des abus quant au taux d’intérêt. Le pape
Grégoire IX, par le Décrétale de 1234, interdit le prêt usuraire4 et ainsi condamna le prêt
à la grosse aventure.
Il fallut trouver un moyen qui permit au banquier d’être certain du
remboursement de son prêt. Ainsi, peu à peu, fut mis en place un système qui donna
naissance à l’assurance maritime : des banquiers ou des groupements de commerçants
acceptèrent de garantir, en cas de perte, la valeur du navire et de sa cargaison,
moyennant le paiement d’une somme fixée au préalable.
5. - Le système moderne des assurances se met en place dès la révolution
industrielle et le développement rapide des assurances modernes est directement lié à
l’essor du capitalisme. C’est à partir de cette époque que « les sociétés sont devenues
des manufactures de risques»5.
Depuis quelques décennies, des nouveaux risques, « à grande échelle » font leur
apparition et remettent en cause le système bien rodé des assurances traditionnelles.
L’étude de ces nouveaux risques suppose qu’ils soient définis, ce qui conduit
nécessairement à tenter de poser la définition, ou, plus modestement, les définitions du
risque.
4
Taux d’intérêt excessif.
Bruno Latour, « Beck ou comment refaire son outillage intellectuel », Préface, in Beck Ulrich, La
Société du risque, p. 8.
5
9
II/ Définitions de la notion de risque
6. - Le risque est le pivot de l’assurance et le déterminant de ses limites. Le
problème est qu’il n’est pas possible d’en donner une définition qui fasse l’unanimité.
7. - Dans la vie quotidienne, le risque peut désigner un « danger éventuel ou
prévisible », ou « l’éventualité d’un événement ne dépendant pas exclusivement de la
volonté des parties et pouvant causer un dommage », ou « le fait de s’exposer à un
danger dans l’espoir d’obtenir un avantage ».6
8. - En droit, le risque est aussi un des fondements de la responsabilité civile depuis
que JOSSERAND et SALEILLES ont proposé que celui qui profite d’une activité en
supporte les conséquences dommageables. Mais la même notion est utilisée dans le
droit des obligations, où la théorie des risques permet de rechercher le cocontractant
devant subir les conséquences de l’inexécution d’une obligation résultant d’une force
majeure. Elle désigne enfin l’objet du contrat d’assurance.
9. - Pour les assureurs, le risque est à la fois l’événement incertain, les chances
statistiques de sa réalisation et la chose ou la personne assurée.
10. - Ces quelques exemples de l’approche possible du risque, montrent que celuici est multiforme, mais, mettent aussi en évidence un minimum de points communs
permettant d’en proposer une définition générale.
Le risque peut alors être défini comme un événement incertain, qui entraine, s’il
survient, l’obligation pour l’assureur d’exécuter sa promesse. Cette définition
indiscutable est aussi insuffisante, car elle ne reflète que très schématiquement une
réalité complexe où tout événement a plusieurs causes, des manifestations diverses et
des conséquences d’une ampleur variable. Ceci, tend à la question plus large de
l’économie du risque.
6
J. Rey Debove et A. Rey, Le Nouveau petit Robert de la langue française 2010, Le Robert, 2010, p. 233.
10
III/ L’économie des risques
11. - L’économie des risques englobe l’ensemble des transactions entre assureurs et
assurés dont le but est la couverture des dommages qui découlent des risques, contre le
paiement d’une prime. La source de la rentabilité des assurances est la différence entre
le montant des primes perçues, d’une part, et indemnités déboursées pour les
dommages, d’autre part. Basées sur la réalisation aléatoire des risques, les assurances
peuvent atteindre une rentabilité élevée tant que les indemnités des dommages sont
relativement limitées.
En cumulant les excédents des primes et des réserves légales au cours des années
fastes pendant lesquelles elles enregistrent peu de sinistres, les sociétés d’assurances
sont devenues des « institutions financières » puissantes. Au fil des décennies,
l’industrie de l’assurance a acquis un véritable pouvoir financier.
12. - En réalité, l’assurance encadre les risques « ex ante » et « ex post » la
survenance d’un sinistre7. Mais son rôle primordial est d’intervenir quand l’événement
assuré se produit et de dédommager ses conséquences. Autrement dit, le risque devient
réel au moment où le dommage paraît. C’est la « concrétisation » des risques qui
constitue le véritable enjeu des assurances. En prenant en charge les coûts des
dommages, l’assurance établit le lien monétaire entre le risque potentiel et le risque
manifesté. C’est précisément le point d’ancrage économique des risques.
13. - Face aux risques les plus connus et les plus fréquents, l’assurance répartit «
l’incertitude » entre les différents porteurs de risques, en garantissant l’indemnisation
des dommages8. Pour être en mesure de couvrir les risques, les assureurs recherchent la
distribution optimale des coûts entre les assurés concernés par le même risque, ou par le
transfert des charges des sinistres à des investisseurs non directement impliqués, mais
intéressés par un gain financier qu’offrent les compagnies d’assurances. Les cotisations
7
Dans le domaine des assurances, la notion de dommage se définit comme « une atteinte portée à
l’intégrité d’une chose ou d’une personne; en même temps, le dommage peut être corporel, matériel ou
immatériel ». Quant au dommage écologique, il est « l’atteinte irréversible ou un dommage causé au
milieu naturel, dont la restauration ne peut être réalisée qu’à long terme, ou encore une perturbation de
l’équilibre naturel ». Swiss Re, « L’environnement, la responsabilité civile et l’assurance », Zurich,
1996, p. 6.
8
Swiss Re, «Transfert alternatif des risques (ART) : état des lieux », Sigma, nº 1, 2003, p. 15.
11
prévues en contrepartie de la prestation des assureurs sont également distribuées entre
tous les preneurs d’assurance en appliquant la loi des grands nombres9.
14. - Cette distribution optimale des coûts entre les assurés est, depuis quelques
années, mise à mal par l’apparition de nouveaux risques, plus rares et plus dévastateurs
que les autres. Ces derniers constituent indubitablement le nouveau défi, pour tout le
secteur de l’assurance et de la réassurance, des prochaines années.
IV/ Intérêts d’une étude portant sur les nouveaux risques
15. - La nouveauté de ces risques résulte plus du changement de nature dont ils ont
fait l’objet depuis quelques années que d’une récente apparition.
16. - Les nouveaux risques, objet du mémoire, peuvent être regroupés sous
l’appellation de « risque à grande échelle ».
17. - Que faut-il entendre par risque à grande échelle ? La notion serait pour
certains directement liée à l’importance des pertes occasionnées. Néanmoins, lorsque la
bourse de Paris perd quelques points de pourcentage, correspondant à une variation de
plusieurs milliards d’euros, personne ne parle de catastrophe.
Pour d’autres, elle serait directement liée au nombre de victimes affectées par
l’événement. Des milliers de personnes trouvent la mort sur les routes de France chaque
année ; pourtant, on ne parle pas de catastrophe, mais seulement d’accident de la route.
Lorsqu’un avion de ligne s’abîme en mer avec à son bord des centaines de passagers, on
parle en revanche d’une catastrophe aérienne. La simultanéité et la nature des
dommages subis joueraient donc pleinement dans l’idée de catastrophe.
Cependant, si l’on rapporte la perte d’un avion aux centaines de millions de
passagers utilisant les transports aériens chaque année, on serait tenté de réserver le
terme de catastrophe à l’occurrence d’un tremblement de terre de forte amplitude
touchant une zone habitée ou à un attentat dévastateur. L’usage commun du mot ne
correspondant dons pas exactement à sa signification en assurance.
9
V. infra.
12
De plus, un autre type de risque doit être sous l’appellation de « risque à grande
échelle ». Il s’agit du risque financier. Ces conséquences économiques sont toutes aussi
dévastatrice que l’occurrence d’un tsunami ou d’un ouragan sur des zones habitées.
18. - Une brève définition de ces nouveaux risques peut en être proposée. Il s’agit
d’événements menaçant de manière soudaine et grave aussi bien la population que
l’environnement économique ou naturel. En cela, ils induisent un changement d’échelle
dans l’espace et dans le temps. Ils sont rares, mais susceptibles de se produire à
n’importe quel moment et de provoquer de gros dégâts. Il s’agit de risques « proliférant
» qui, s’ils se réalisent, agissent en multiplicateur, et leurs conséquences peuvent
dépasser la capacité financière des assurances à indemniser les dommages. Leur « effet
domino » est particulièrement redouté.
19. - Pour l’auteur Ulrich Beck, notre société évolue vers une société du « risque
incompressible» dans laquelle l’assurance, comme mode de protection, s’amoindrit
paradoxalement à mesure que croît l’ampleur du danger. Face à ce type de risque, la
collectivité pourrait devenir une « société sans assurances ». Les dégâts éventuels en jeu
sont « illimités, globaux et souvent irréparables, ce qui enlève toute signification à
l’idée de compensation monétaire »10.
Ces nouveaux risques n’ont plus de limites spatiales et temporelles et changent
de ce fait de signification : ils deviennent des incidents dont on voit le début mais non la
fin. Or cela signifie qu’il n’y a plus de critères de normalité ni de méthodes de mesure et
donc de base pour évaluer les dangers. On compare ce qui n’est pas comparable,
l’évaluation devient dissimulation.
20. - Leur multiplication, depuis quelques années, pose de nouveaux défis aux
assureurs et aux assurés. Devant l’ampleur que peuvent avoir ces nouveaux événements,
la limite de l’assurabilité de certains risques peut être atteinte. Enfin, les montants
toujours plus élevés des indemnisations mettent en péril la capacité financière des
assureurs11.
10
Ulrich Beck, « De la société industrielle à la société à risques », Revue suisse de sociologie, n° 19,
1993, pp. 316-319.
11
Dans la classification des assureurs, la catastrophe est un sinistre dont le montant des pertes assurées
dépasse 25 millions de dollars, tandis que les dommages d’un cataclysme dépassent 5 milliards de dollars.
13
21. - Tout l’enjeu des prochaines années pour le secteur assurantiel sera donc de
pouvoir couvrir ces nouveaux risques à grande échelle sans hypothéquer leur chance de
survie.
22. - La question centrale qui se pose donc ici est la suivante : comment, le secteur
de l’assurance, pourra-t-il faire face efficacement à l’apparition et à la
multiplication de nouveaux risques ?
V/ Approche retenue et plan
23. - L’intérêt de cette étude n’était pas d’examiner la totalité des nouveaux risques.
Elle aurait pu, par exemple, consacrer un chapitre à l’examen des nouveaux risques
sociaux avec, à leur tête, le risque de dépendance qui devrait frapper tous les grands
pays industrialisés dans peu de temps. Elle aurait également pu traiter des risques
bactériologiques ou chimiques.
Cependant, certains de ces nouveaux risques, comme ceux qui ont été cités, ne
présentent pas de difficultés majeures pour les entreprises d’assurance et de réassurance,
du moins, pas de difficultés menaçant directement leur équilibre financier ; le principe
de mutualisation restant pour eux tout à fait opérant.
Aussi, n’a-t-elle seulement sélectionné que des risques à grande échelle,
difficilement supportables pour les acteurs du marché de l’assurance.
Seuls les risques extrêmes regroupant le risque de catastrophe naturelle et le
risque d’hyper-terrorisme ainsi que les risques financiers ont répondu favorablement
aux critères de sélection.
24. - Le choix de l’approche retenue pour cette étude s’est porté naturellement vers
une analyse thématique et chronologique. En effet, tout l’intérêt de ce travail réside dans
l’identification de ces nouveaux risques (Partie 1) ainsi que dans leur traitement actuel,
futur et envisageable par le secteur de l’assurance (Partie 2), que ce dernier se fasse par
le recours à des mécanismes purement assurantiels ou bien par d’autres moyens
proposés, soit par les pouvoirs publics, soit par les marchés financiers.
14
Partie 1/ Identification de la nature et des difficultés
découlant des nouveaux risques pour les assureurs
25. - Dans un sujet comme celui-ci, « assureur et nouveaux risques », l’une des
premières questions qui se pose est sans doute de savoir ce que l’on entend par
nouveaux risques. Sont ils nouveaux parce qu’ils n’existaient pas auparavant, ou ont-ils
seulement changé de nature ou d’apparence ? Ainsi, l’ensemble de cette première partie
s’efforcera d’apporter une réponse complète à cette question majeure. Par souci de
clarté, celle-ci commencera par une identification aussi précise que possible de la nature
de ces nouveaux risques (Titre 1) afin d’en saisir tous les caractères et d’identifier les
difficultés qu’ils posent au secteur de l’assurance (Titre 2).
Titre 1/ La nature des nouveaux risques
26. - Afin de s’appuyer sur une base solide pour comprendre et saisir toutes les
subtilités du monde assurantiel, il parait intéressant dans un premier temps de faire une
analyse synthétique mais complète des différents outils contractuels de transfert de
risque (Chapitre 1) pour se concentrer dans un second temps sur l’identification des
nouveaux risques (Chapitre 2), objets du mémoire.
Chapitre 1/ Les outils contractuels de transfert de risque
27. - Par mécanismes assurantiels, il faut comprendre, les mécanismes permettant à
un individu ou une entreprise, même une entreprise d’assurance, de couvrir des risques
auxquels ils peuvent faire face contre le versement d’une cotisation. Il en existe
plusieurs, le mécanisme de référence étant celui de l’assurance (Section 1), mais
d’autres encore peuvent prétendre à cette qualification (Section 2).
Section 1/ L’assurance : le mécanisme de référence
28. - L’assurance est un mécanisme (Paragraphe 1) à la fois simple à comprendre
mais complexe à établir. Celui-ci, en effet, repose sur un équilibre délicat entre la
15
somme versée à l’assureur et le risque assuré par ce dernier. C’est pourquoi des critères
« d’inassurabilité » des risques (Paragraphe 2) ont été établis.
Paragraphe 1/ Le mécanisme de l’assurance
29. - Chacun sait à peu près en quoi consiste la démarche d’assurance, tout le
monde, en France du moins, est détenteur de contrats d’assurance, qu’ils soient
obligatoires ou volontaires.
30. - L’assurance sur un plan plus économique, est « un contrat par lequel un
assureur garantit à l’assuré, moyennant une prime ou une cotisation, le paiement d’une
somme convenue en cas de réalisation d’un risque déterminé12 ». En cela, le contrat
d’assurance se présente comme un outil contractuel de transfert de risque.
31. - Dans une approche purement économique, un assuré paie donc un certain prix,
la prime d’assurance, pour recevoir un certain montant d’argent, l’indemnisation, si le
risque pour lequel il est assuré, l’aléa, se réalise. Ainsi, une des caractéristiques de
l’assurance est-elle l’inversion du cycle de production : on paie aujourd’hui pour un
produit dont on ne connaîtra la valeur qu’à la fin de la période couverte par le contrat.
32. - Aussi, pour déterminer son offre de contrat, l’assureur doit, d’un côté, recenser
l’ensemble des risques possibles ainsi que l’ensemble des événements conditionnant ces
risques13 et, de l’autre, être en mesure d’affecter à chaque risque une probabilité
d’occurrence14. Dans ces conditions, lorsqu’un sinistre couvert par le contrat
d’assurance se réalise, il déclenche la prestation de la compagnie d’assurance, à savoir
l’indemnisation.
12
T. Debard et S. Guinchard, Lexique des termes juridiques 2011, Dalloz 18ème édition, 2011, p. 72.
Couverture du contrat d’assurance et clauses d’exclusion explicites.
14
Définition : Fréquence, cas ou circonstance, Cf. J. Rey-Debove et A. Rey, Le Nouveau petit Robert de
la langue française 2010, Le Robert, 2010, p. 1726.
13
16
33. - A ce titre, la première étape du processus de l’indemnisation sera l’estimation
des dommages subis par l’assuré15. Le règlement à l’assuré se fera alors sur la base de
cette estimation, suivant les conditions particulières spécifiées dans le contrat comme,
par exemple, l’application de franchises ou de limites de garantie16.
L’estimation et l’indemnisation peuvent parfois être très longues, de quelques
mois à plusieurs années lors de sinistres impliquant de nombreuses parties prenantes et
relevant de décisions de justice.
Ce délai peut paraître d’autant plus long que l’événement est grave et plonge le
sinistré dans une situation financière et morale difficile. Si le versement d’acomptes est
très répandu, les assurés ayant payé leur cotisation ont souvent le sentiment que les
compagnies d’assurance ne jouent pas le jeu de la rapidité dans l’indemnisation des
victimes. A titre d’exemple, le jugement final dans l’affaire du naufrage de l’AmocoCadiz n’est intervenu qu’en 1992, soit quatorze ans après la catastrophe.
34. - Cependant, si certains risques sont considérés comme
« facilement
assurables », par les assureurs en raison de leurs occurrences plus ou moins
probabilisables et de leurs coûts limités, d’autres risques peuvent leur poser beaucoup
plus de problème et remettre en cause le principe fondamental, en droit des assurances,
de mutualisation des risques. Aussi, certains critères « d’inassurabilité » des risques ont
été posés.
Paragraphe 2/ Les limites à l’assurabilité d’un risque
35. - En 1827, dans son Traité des assurances, Monsieur EMERIGON, avocat au
parlement de Provence, définit l’opération d’assurance comme « une espèce de jeu qui
exige beaucoup de prudence de la part de ceux qui s’y adonnent. Il faut faire l’analyse
des hasards, et posséder la science du calcul des probabilités ; prévoir les écueils de la
mer, et ceux de la mauvaise foi ; ne pas perdre de vue les cas insolites et
extraordinaires ; combiner le tout, le comparer avec le taux de prime, et juger quel sera
15
Sur simple déclaration pour de faibles montants, après estimation par les experts de la compagnie
d’assurance pour les dommages plus importants.
16
D. Henriet et J.-C. Rochet, Microéconomie de l’assurance, Paris, Economica, 1991.
17
le résultat de l’ensemble ? Pareilles spéculations sont l’ouvrage du génie. Mais si la
théorie, dirigée par l’expérience, n’est que trop souvent fautive, quel sera le sort des
négociants, qui alléchés par l’appât du gain, signent les polices qu’on leur présente,
sans considérer où la fortune aveugle et leur témérité peuvent les entraîner ? »17.
36. - Cette définition renvoie à la distinction essentielle entre risque et incertitude,
le risque étant l’incertitude probabilisable. En l’appliquant au domaine de l’assurance, il
s’agit alors de différencier les cas où le marché de l’assurance opère aisément et celui
où il montre des limites opérationnelles, en d’autres termes de repérer les situations
limitant l’assurabilité.
37. - Dans son ouvrage Limits of Insurability of Risks, Monsieur Baruch
BERLINER propose sept critères nécessaires à l’assurabilité d’un risque18. Selon cette
approche, un risque cesse d’être assurable si l’un des critères suivants n’est pas
respecté :
-
La survenance de l’événement a un caractère aléatoire
-
La perte maximale possible n’est pas catastrophique au regard de la solvabilité
de l’assureur
-
Le montant des pertes moyennes est identifiable et quantifiable
-
La période moyenne d’occurrence entre deux sinistres n’est ni trop faible ni trop
grande
-
Il n’y a pas d’aléa moral
-
L’opération d’assurance se fait dans un environnement économique et politique
stable
-
Il y a compatibilité avec les restrictions légales du pays où l’assureur opère
38. - A s’en tenir à cette théorie, seul un risque répondant à l’ensemble de ces
critères serait assurable. Néanmoins, la pratique montre qu’il n’est pas nécessaire que
l’ensemble de ces sept critères soit vérifié. Pour le comprendre, il est intéressant de se
focaliser sur trois limites à l’existence d’un marché d’assurance, à savoir, la non
applicabilité d’une loi des grands nombres (A), les asymétries d’information (B) et les
17
18
B. M. Emerigon, Traité des assurances et des contrats à la grosse, Paris, 1827.
B. Berliner, Limits of Insurability of Risks, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1982.
18
événements à faible probabilité mais aux conséquences catastrophiques, et d’observer
comment l’assurance a su les contourner.
A/ La non applicabilité d’une loi des grands nombres
39. - Pour la plupart des actuaires19, une limite importante d’assurabilité se situe
dans la non-applicabilité d’une loi des grands nombres, laquelle garantit aux assureurs
un niveau d’indemnisation à payer à peu près certain.
40. - On doit notamment aux travaux des Professeurs PASCAL et POISSON cette
loi des grands nombres qui, dans sa forme actuelle appliquée à l’assurance, peut
s’énoncer comme suit : pour une série de variables aléatoires dont la corrélation20 ne
dépasse pas certaines limites, la variance de la moyenne devient aussi petite qu’on le
souhaite pour autant que le nombre de variables soit suffisamment grand. Ainsi, en
termes d’assurance, plus le nombre des contrats agrégés est grand, plus il autorise, toute
chose étant égale par ailleurs, une perspective de prévision certaine en moyenne.
41. - Cet effet du grand nombre est très utile mais néanmoins pas strictement
nécessaire à l’acte d’assurance21. L’économiste et prix Nobel américain SAMUELSON
a montré que le partage des risques, c'est-à-dire la prise en charge d’une certaine
proportion d’un risque donné par chacune des parties, peut être plus fondamental pour
réduire le risque que la réplication de risques identiques et indépendants.
D’ailleurs, plusieurs exemples de partage de risques peuvent être avancés
comme celui de la couverture du risque terroriste en France qui sera développé un peu
plus loin.
19
L’actuaire est une personne généralement diplômée en actuariat, chargée de réaliser des calculs
actuariels. L’actuariat consiste à modéliser l’évolution de phénomènes aléatoires, puis à en estimer la
valeur, à l’aide de statistiques et de mathématiques financières. J. Landel, Lexique des termes
d’assurance, 2010, p. 29.
20
Rapport réciproque entre deux choses, deux personnes, deux notions. J. Landel, Lexique des termes
d’assurance, 2010, p. 150.
21
P. Samuelson, « Risk and Uncertainty. A Fallacy of Large Numbers », Scientia, 1963, p. 108-113.
19
B/ Les asymétries d’information
42. - Une limitation forte au déploiement de l’assurance peut résider également
dans la présence d’asymétries d’information entre l’assuré et la compagnie d’assurance.
En effet, lorsque l’information disponible sur le risque n’est pas également répartie
entre les deux parties, toutes deux peuvent en souffrir sous la forme de difficultés à
contracter.
La présence de sélection adverse ou anti-sélection apparaît lorsque l’assuré
possède une meilleure information sur son risque que l’assureur, mais ne peut pas
modifier ce risque. Une conséquence directe est que l’assureur ne sait pas a priori
distinguer parmi ses assurés les faibles risques des hauts risques22.
L’assureur est donc tenté de traiter de manière identique tous ses assurés, en leur
demandant une même prime alors que les risques sont différents ; de ce fait, il est
susceptible de perdre les « bons » risques et de ne garder que les « mauvais ».
43. - On doit à George AKERLOF23, prix Nobel d’économie en 2001 pour ses
travaux fondateurs sur les asymétries d’information, la description du phénomène
suivant, directement lié à l’existence d’anti-sélection.
Dans un même groupe d’assurés, l’assureur propose une prime moyenne. De
fait, les mauvais risques24 paient ainsi une prime inférieure à celle correspondant à leur
niveau réel de risque. Inversement, les bons risques paient, quant à eux, une prime
supérieure à celle correspondant à leur niveau de risque. Si, dans une telle situation, les
agents ont le choix du niveau de leur assurance, les bons risques estimeront la prime
moyenne proposée par l’assureur trop élevée au regard de leur risque. Il a ainsi été
montré qu’en présence d’anti-sélection les bons risques tendront à s’assurer moins,
voire à ne pas s’assurer du tout alors que les hauts risques seront entièrement couverts25.
Ce faisant, le niveau de risque moyen augmente, nécessitant une hausse de la
prime demandée par l’assureur et provoquant de nouveaux départs parmi les bons
22
On parle aussi de bons ou de mauvais risques.
G. Akerlof, The market for lemons: qualitative uncertainty and the market mechanism , Quarterly
Journal of Economics, 1970, p. 488-500.
24
G. Akerlof parle alors de « lemons », en référence à l’expression américaine désignant les voitures
d’occasion en mauvais état.
25
M. Rothschild et J. Stiglitz, Equilibrium in Competitive Insurance Markets. An Essay on the Economics
of Imperfect Information, Quaterly Journal of Economics, 1976, p. 629-649.
23
20
risques restants. C’est le cercle vicieux décrit par George AKERLOF, qui peut aboutir à
la disparition du marché d’assurance26.
44. - Néanmoins, des moyens existent pour limiter ce phénomène : tarification
différenciée suivant les caractéristiques de l’assuré, auto-sélection de l’assuré suscitée
par l’offre de différents contrats standard susceptibles de révéler son type 27, un bon
risque acceptant par exemple plus facilement une franchise plus élevée qu’un mauvais,
ou encore, cas extrême, l’assurance obligatoire qui évite le cercle vicieux décrit plus
haut en empêchant le départ des bons risques.
45. - Il est également important de souligner que dans de nombreuses situations,
cette asymétrie d’information est inversée : l’assureur dispose, du fait de son expertise
et de sa connaissance statistique des risques, d’une meilleure information sur le risque
que l’assuré. Des travaux montrent que le statut des assurés est inversé en pareil cas : les
bons risques s’assurent complètement alors que les mauvais risques ne sont que
partiellement assurés28.
46. - Enfin, la présence du risque de moralité, ou d’aléa moral, constitue un autre
cas d’asymétrie d’information. Cela correspond aux situations où le comportement de
l’assuré est en mesure d’affecter la probabilité d’occurrence du sinistre et souvent,
l’assureur ne peut pas observer le comportement de l’assuré et en particulier les mesures
de prévention qu’il adopte29. Dans le cas extrême de fraude à l’assurance, un assuré peut
même provoquer le sinistre de façon à être indemnisé, si le prix des biens assurés est
devenu inférieur au montant de remboursement qu’il attend de son assureur30.
47. - Comme le soulignait déjà l’économiste et prix Nobel Kenneth ARROW, « la
police d’assurance qui couvrirait plus que la valeur des locaux pourrait être un
26
L’argument est d’autant plus vrai que les contrats d’assurance comportent une clause d’exclusivité.
La théorie parle de « contrat révélateur ».
28
B. Villeneuve, Monopole d’assurance informé et discrimination des risques, Revue économique, 1998,
p.821-882.
29
On parle alors d’aléa de moralité ex ante.
30
On parle alors d’aléa de moralité ex post.
27
21
encouragement à l’incendie criminel, ou pour le moins à l’imprudence »31. C’est ici que
se situe la contradiction possible entre d’un côté les demandes d’assurance et, de l’autre
côté, les impératifs de prévention et de précaution.
48. - Les solutions aux problèmes d’aléa moral relèvent de l’incitation à la
prudence. Par exemple, la mise en place de franchises modulées permet d’inciter les
assurés à plus de prudence en leur faisant supporter une part financière du sinistre.
C/ Les événements à faible probabilité mais aux conséquences
catastrophiques
49. - Une troisième limitation forte à l’assurabilité se rencontre dans le cas des
risques à faibles probabilité d’occurrence mais aux conséquences catastrophiques
comme « les risques à grande échelle ».
Sommairement, il existe trois niveaux de connaissance d’événements possibles :
celui où l’ensemble des événements possibles est déterminé et les probabilités
d’occurrence de ces événements connus, celui ou l’ensemble des événements possibles
est déterminé mais non les probabilités, enfin celui où ni les événements ni les
probabilités ne sont connus32. Dans ce dernier cas, on parle d’incertitude radicale,
caractéristique des situations dites d’ignorance.
Le premier niveau caractérise une situation traditionnelle d’assurance. Les deux
autres niveaux constituent des limitations à l’assurabilité des risques. Les assureurs sont
le plus souvent allergiques à l’ambiguïté, c'est-à-dire aux situations où, précisément, la
loi de probabilité, n’est pas connue et le niveau des pertes difficilement calculable33.
Face à une situation de pure ignorance, les agents se comportent souvent comme
si l’acte ne devait pas se produire du tout 34. Ces comportements sont de nature à
compliquer le traitement économique et assurantiel de ces situations. Les compagnies
31
K. Arrow, Essays in the Theory of Risk-Bearing, Markham Publishing Compagny, 1971.
R. Hogarth et H. Kunreuther, « Ambiguity and Insurance Decision », American Economic Review,
Papers and Procedings, 1985, p. 386-390.
33
H. Kunreuther, R. Hogarth et J. Meszaros, « Insurer ambiguity and market failure », Journal of Risk
and Uncertainty, 1993, p. 71-87.
34
M. Cohen et J.-Y. Jaffray, « Rational Behavior under Complete Ignorance », Econometrica, 1980, p.
1281-1299.
32
22
d’assurance peuvent refuser de s’y impliquer, dans la mesure où elles estiment ne pas
les maitriser.
50. - Néanmoins, l’assurance a su faire en partie face à de telles situations
d’incertitude et accroitre son domaine d’intervention. Deux développements récents en
témoignent : d’abord, les extensions de garanties en responsabilité civile couvrant
l’entreprise contre les dommages causés à autrui du fait de la consommation ou de
l’utilisation de produits qu’elle fabrique ou commercialise ; ensuite, l’assurance des
lancements de satellites.
51. - Si le mécanisme de l’assurance est le mécanisme de référence pour l’ensemble
des citoyens et des entreprises, il est de plus en plus concurrencé par d’autres
mécanismes offrant une couverture du risque plus large et mieux adaptée à leurs
besoins.
Section 2/ Les autres mécanismes assurantiels
52. - Deux autres mécanismes assurantiels peuvent être cités. Il s’agit d’une part de
la coassurance (Paragraphe 1) et d’autre part de la réassurance (Paragraphe 2). Ces deux
mécanismes peuvent se cumuler entre eux et, dans les faits, se cumulent assez
régulièrement avec l’assurance traditionnelle étudiée dans la section précédente.
Paragraphe 1/ La coassurance
53. - La coassurance constitue l’exemple parfait du partage de risque défendu par
l’économiste Paul SAMUELSON.
54. - C’est en effet, l’opération par laquelle plusieurs entreprises d’assurance
garantissent un même risque, chacune d’elles prenant en charge une fraction convenue,
sans solidarité. Les inconvénients pratiques qui découleraient pour l’assuré de la
multiplicité des assureurs sont évités par la rédaction d’une police unique collective, et
23
par la désignation d’un « apériteur », la « société apéritrice » agissant comme
mandataire des coassureurs pour se charger des relations avec l’assuré35. Lorsque
plusieurs assureurs passent entre eux un contrat de coassurance obligatoire pour certains
risques exceptionnels, on dit que ces affaires sont en « consortium ».
La coassurance est très fréquente, pour les gros risques maritimes, aériens,
immobiliers et industriels. D’ailleurs, l’exemple du pool industriel est certainement un
des plus parlants en matière de coassurance.
55. - En Allemagne, la tragédie de la thalidomide36 a fortement contribué à la prise
de conscience, par les industriels pharmaceutiques allemands, des risques liés à leur
activité. L’Allemagne a donc réagi en mettant en place une assurance obligatoire pour
les industriels de la pharmacie.
Cette mesure a découlé sur la création du pool d’assureurs et de réassureurs,
Pharma-Pool. Ce dernier permet, aujourd’hui, de couvrir les risques de développement
inhérents à la mise en vente de nouveaux médicaments. La responsabilité des
industriels, entièrement couverte par le pool, est limitée à 100 millions d’euros par
produit et l’indemnisation est limitée à 250 000 euros par victime. La récente affaire du
MEDIATOR, médicament pour diabétiques en surpoids du laboratoire Servier, ayant
entraîné, en France, la mort d’au moins 500 personnes, conduira-t-elle une telle prise de
conscience en France ?
56. - Pour le reste, l’avantage majeur de ce type de pool industriel réside
évidemment dans la mutualisation, mais aussi du fait que le pool connaît les techniques,
les pratiques et donc les risques liés à l’activité en cause, qu’elle soit pharmaceutique ou
chimique.
De ce fait, le pool ne conserve que les candidats sérieux présentant une
exposition aux risques maîtrisée. Une telle sélection des membres permet d’offrir une
35
Conclusion du contrat, établissement de la police, encaissement des primes ensuite réparties entre les
coassureurs, règlement des sinistres.
36
En 1961, on a observé un taux important de malformations chez de jeunes enfants dont la mère avait
utilisé de la Thalidomide un calmant fabriqué en Allemagne. Plus de 8000 enfants dans le monde ont été
touchés. Les montants des dédommagements aux victimes ont été considérables, et l’événement est à
l’origine de l’assurance du risque pharmaceutique actuellement en vigueur en Allemagne.
24
prime d’assurance plus faible que celle du marché traditionnel de l’assurance contre le
risque chimique.
57. - Le dernier outil contractuel de transfert de risque proposé par le monde des
assurances, à savoir la réassurance, est sans doute le plus important, tant par la force
financière qu’il dégage que par l’étendue de la couverture des risques qu’il propose.
Paragraphe 2/ La réassurance
58. - Lorsqu’un particulier veut se prémunir contre la réalisation d’un risque
pouvant porter atteinte à son bien-être, voire sa vie, il contracte une police d’assurance.
On observe généralement qu’un assureur souhaitant à son tour se prémunir
contre un risque de grandes pertes peut se tourner vers une compagnie de réassurance.
59. - La réassurance ou assurance indirecte est souvent définie de manière
tautologique comme « l’assurance de l’assurance ». Selon la Fédération Française des
Sociétés d’Assurance, « la réassurance est un service fourni par des réassureurs37 par
lequel tout ou partie du risque souscrit par un autre assureur, la cédante, est assumé
par eux moyennant rémunération »38.
Ainsi, un contrat type de réassurance est signé entre deux parties moyennant une
prime de réassurance : la compagnie d’assurance ou cédante qui souhaite transférer une
portion de ses risques à une compagnie de réassurance, la seconde partie.
En signant un contrat de réassurance, la compagnie d’assurance se protège
contre certaines des pertes éventuelles de ses assurés. Il n’existe pas de contrat universel
de réassurance. Bien souvent, dans la pratique, il convient d’effectuer de nombreuses
combinaisons contractuelles.
Il existe néanmoins deux types fondamentaux de réassurance, la réassurance
facultative et la réassurance obligatoire, et deux formes contractuelles précisant
l’engagement des parties, la réassurance proportionnelle et non proportionnelle.
37
38
Réassureurs professionnels ou autres assureurs.
Source : www.ffsa.fr.
25
60. - En réassurance facultative, la cédante propose au réassureur un contrat sur un
risque particulier d’un de ses assurés. Le réassureur est libre d’accepter ou de refuser.
En cela, elle est facultative. La décision du réassureur est souvent prise après une
enquête approfondie sur l’assuré en question et sur le risque lui-même, et requiert donc
du personnel et des outils technologiques spécialisés.
61. - A l’inverse, dans un contrat de réassurance obligatoire39 ou traité, l’assureur
direct cède une part de son portefeuille au réassureur ; celui-ci ne peut pas choisir parmi
les risques proposés mais doit accepter cette part intégralement. En cela, il s’agit de
réassurance obligatoire. Ainsi, le traité ne porte plus sur une police ou un risque isolé
mais sur une partie du portefeuille de l’assureur. Ces traités ne peuvent donc pas
s’accompagner d’un examen systématique de chacune des polices comme en
réassurance facultative. Ils requièrent du réassureur une bonne connaissance des
pratiques de l’assureur, en particulier de sa capacité à expertiser et à contrôler les
risques qu’il assure et à inciter les assurés à la prévention ou à la précaution.
62. - Il existe plusieurs formes de réassurance de base susceptibles d’être
combinées pour obtenir des montages plus complexes.
63. - Lorsqu’un contrat de réassurance dite proportionnelle est signé, l’assureur et
le réassureur s’engagent à partager proportionnellement le montant des dommages que
l’assureur pourrait subir. Elle permet notamment de lisser les fluctuations d’un
portefeuille contenant de très grands risques. Ce type de réassurance permet des contrats
faciles à gérer, tant pour l’assureur direct que pour le réassureur. Cette simplicité
d’utilisation40 s’avère tout particulièrement pertinente lorsque les primes sont difficiles
à calculer.
64. - La réassurance non proportionnelle constitue l’autre forme élémentaire de
réassurance. Elle n’est pas fondée sur les risques couverts, mais sur les sinistres réalisés,
selon deux formules possibles :
39
40
On parle alors de traité.
Le contrat se résume au ratio et à la limite de prise en charge du réassureur.
26
-
Le traité en excédent de sinistre modulé par risque ou par événement (excess of
loss) : Dans le cas de l’excédent de sinistre par risque, l’assureur direct limite le
niveau de sinistre qu’il souhaite supporter pour chacun de ses risques, c’est la
priorité de l’assureur (priority ou deductible). Pour tout sinistre associé à ce
risque, le réassureur supporte l’excédent (montant supérieur à la priorité) à
hauteur d’un montant maximum de prise en charge, la tranche du réassureur.
-
Le traité de réassurance stop-loss : Son objet est le résultat financier de
l’assureur direct sur une période d’activité, généralement d’un an. Si les pertes
totales de l’assureur dépassent une certaine limite, le réassureur prendra en
charge le surplus de pertes. L’assureur est ainsi protégé contre toute éventualité
et est certain de demeurer solvable moyennant un prix de réassurance souvent
très élevé.
65. - Géographiquement, l’industrie de la réassurance est dominée par quelques
grands spécialistes basés en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis et en France. Les
opérateurs américains opèrent essentiellement sur leur territoire, même s’il est à noter
qu’ils tendent à s’internationaliser de plus en plus. Enfin, la croissance spectaculaire des
implantations aux Bermudes est notable, en particulier dans le secteur de la réassurance
catastrophe41.
Ils représentent à eux seuls 80% de la capacité mondiale du marché de la
réassurance. 60% de l’offre mondiale de réassurance est européenne, alors que le
marché américain et les Bermudes représentent 39% des primes cédées au niveau
mondial.
66. - A l’issue de ce premier chapitre un constat peut être fait. Le monde de
l’assurance, au sens large, offre une multitude de mécanismes permettant à l’assureur ou
au réassureur de proposer une couverture du risque adaptée aux besoins de l’assuré.
Cependant l’apparition de nouveaux risques semble pouvoir mettre à mal cet équilibre.
Leur identification permettra d’en prendre plus amplement conscience.
41
1 400 sociétés d’assurance et plus d’une cinquantaine de réassureurs.
27
Chapitre 2/ L’identification des nouveaux risques
Après une analyse poussée du secteur de l’assurance et de la réassurance, deux
types de risques, nouveaux par leur nature changeante et leurs conséquences, semblent
poser d’importants problèmes. Il s’agit des risques extrêmes (Section 1) regroupant les
risques de catastrophe naturelle et les risques d’hyper-terrorisme, et des risques
financiers (Section 2) englobant les risques de crises financières et de crises
économiques. Aussi, ce mémoire s’est il volontairement orienté vers ces deux types de
nouveaux risques.
Section 1/ Les risques extrêmes
67. - La définition la plus simple se réfère à la très faible occurrence de ces
événements ainsi qu'à leur très grande gravité en termes de destruction de capital
humain ou de capital physique et financier.
Il est toutefois important de bien distinguer les événements extrêmes. Les
attaques terroristes peuvent coûter 1 million comme 100 milliards de dollars américains,
avoir un caractère extrême comme rester circonscrits. En revanche, la défaillance d'une
centrale nucléaire prendra systématiquement des proportions démesurées, comme cela a
été le cas pour la centrale de Fukushima au Japon. On doit donc faire preuve de
prudence et de précision dans la caractérisation des sinistres à la fois quant à leur gravité
et quant à leur caractère continu ou discontinu.
68. - Les entreprises de réassurance distinguent d’ailleurs deux types d'événements
extrêmes :
-
les cas de force majeure ou « Acts of God42 », à savoir les catastrophes
naturelles, qui ne sont pas le résultat d'un comportement humain. Dans le secteur
de la réassurance, on estime que 75 % des coûts annuels mondiaux sont
imputables à des catastrophes naturelles, ce qui veut dire qu'elles restent les
facteurs les plus destructeurs dans le monde ;
42
En français : Actes de Dieu.
28
-
les catastrophes qui résultent de l'action de l'homme ou « Man made
catastrophes » : elles peuvent résulter de défaillances humaines, ou de
défaillances techniques ou technologiques telles que l'explosion de l'usine AZF à
Toulouse ou l'explosion de la centrale de Tchernobyl. Elles peuvent
malheureusement résulter d'actes mal intentionnés. Dans ce cas, on peut parler
d'« Acts of Evil43 ». L'exemple le plus récent de ces catastrophes de nature
criminelle est évidemment l'attentat du World Trade Center. Seulement 25 % du
coût total annuel des catastrophes dans le monde sont imputables à l'action de
l'homme, que cette action soit intentionnelle ou accidentelle.
69. - La nature stricto sensu est in fine plus destructrice, aussi bien en termes de
vies humaines que de capital physique et financier, que tous les risques que génère
l'homme par son action. Une année constitue toutefois une exception à cette règle
historique : il s'agit de 2001, les pertes liées aux « Acts of Evil » ayant été équivalentes
à celles des « Acts of God » du fait du World Trade Center.
70. - La multiplication des catastrophes naturelles (Paragraphe 1) et l’apparition ces
dernières années d’une nouvelle forme de terrorisme, aussi appelée « hyper-terrorisme »
(Paragraphe 2) semblent, à eux seuls, incarner la principale menace pesant sur le monde
de l’assurance pour les années à venir. Aussi, était-il intéressant de les analyser en
profondeur.
Paragraphe 1/ Les catastrophes naturelles ou « Acts of God »
71. - Les catastrophes naturelles font régulièrement partie des principaux titres de
l’actualité. L’année 2005 est, à ce jour, l’année la plus coûteuse de l’histoire de
l’assurance avec une conjonction de phénomènes naturels aussi meurtriers que
dommageables : ouragans aux États-Unis et au Mexique, tremblements de terre au
Pakistan et en Inde.
43
En français : Actes du Diable.
29
Cependant, et ce depuis quelques années, le nombre de catastrophes naturelles
ne cesse d’augmenter, leur gravité également. La comparaison entre l’immédiat aprèsguerre et les premières années du nouveau millénaire met en relief cette augmentation.
C’est de ce changement de fréquence et de nature qu’ils apparaissent, aux yeux des
assureurs du monde entier, comme de nouveaux risques à traiter.
72. - La notion de catastrophe naturelle est une notion large. On peut y englober, les
tsunamis, les ouragans comme les tremblements de terre ou les glissements de terrain.
En France, elle est déterminée en rapport aux critères d’anormalité du
phénomène et d’inassurabilité des dommages dus au phénomène, et non pas en rapport
avec leur nature physique.
L’article L. 125-1 du Code des assurances dispose, en effet, que les effets des
catastrophes naturelles sont « les dommages matériels directs non assurables, ayant eu
pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures
habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance
ou n’ont pu être prise».
Ainsi, le critère d’anormalité ne correspond pas à la nature du phénomène qui
détermine l’état de catastrophe naturelle, mais son intensité anormale. Quant au critère
d’inassurabilité, il fut ajouté par une loi du 16 juillet 1992 afin d’étendre le classement
de catastrophe naturelle à certains sinistres jusqu’alors exclus.
73. - D’autres pays définissent différemment ce risque, ce qui peut poser quelques
problèmes lorsque plusieurs pays sont touchés par un même événement catastrophique
naturel. En réalité, cela est rapidement réglé, les polices d’assurance internationales
offrant leurs propres définitions des risques naturels.
74. - Un autre risque extrême mérite une grande attention car son apparition
remonte à la triste date du 11 septembre 2001. Il s’agit de l’hyper-terrorisme.
30
Paragraphe 2/ L’hyper-terrorisme ou « Acts of Evil »
75. - Proposer une définition universelle du terrorisme n’est pas un exercice facile.
A fortiori, celle de l’hyper-terrorisme ne l’est pas plus.
La principale difficulté vient du fait que nombre d’Etats, notamment du Tiers
Monde, considèrent que le terrorisme est un combat légitime, voire une « guerre du
pauvre », alors que les pays, notamment occidentaux, qui en sont les victimes
l’envisagent sous l’angle de ses effets destructeurs, lâches et criminels à leurs yeux.
Quel que soit le point de vue, le terrorisme est d’essence politique. Il tend par la
terreur à déstabiliser un Etat ou ses institutions. Cela le différencie du crime organisé
bien qu’il utilise souvent les mêmes armes. La finalité du second est le profit illicite.
76. - Mais en quoi ce risque est-il nouveau ? La question peut légitimement se
poser. En réalité ce n’est pas tant le risque qui est nouveau mais plutôt sa nature. Cette
dernière a, en effet, considérablement changé au cours des vingt dernières années.
Avant les attaques à grande échelle du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la
couverture terroriste ne posait pas de problème particulier pour l'industrie de l'assurance
dans la plupart des pays industrialisés, soit que ces pays aient déjà été exposés à ces
risques et aient mis en place des systèmes particuliers de couverture44, soit que les
autres pays n'aient pas considéré le terrorisme comme présentant un potentiel
catastrophique, n'ayant pas eu à en souffrir.
77. - Il est facile de faire des remarques après coup, mais il est intéressant de
remarquer que si les assureurs avaient porté une attention plus soutenue à leur
éventuelle exposition au risque terroriste, sans doute auraient-ils pu observer le
changement radical dans la nature même de la menace terroriste.
Si tel avait été le cas, il est fort probable qu'ils auraient ajusté leur engagement45
bien avant ce matin du 11 septembre 2001.
78. - Pour mieux comprendre les enjeux posés par la couverture du risque terroriste
par les seuls marchés d'assurance et de réassurance, il est nécessaire d'observer avec
44
45
France, Angleterre, Espagne, Israël, Afrique du Sud, entres autres.
Exclusions, limitation de la concentration de portefeuille, prime spécifique au risque terroriste.
31
plus de détails l'évolution de la nature du terrorisme international au cours des dernières
années.
Cela devrait notamment permettre de mieux comprendre pourquoi la question
centrale aujourd'hui posée par les milieux d'assurance n'est plus de savoir si une autre
attaque de la dimension des événements du 11 septembre 2001 est de nouveau
vraisemblable dans le future, mais bien de savoir quand, et où, elle surviendra, et par
quels moyens.
79. - Walter ENDERS et Todd SANDLER, deux pionniers des études de sciences
politiques sur le terrorisme international, ont récemment publié un ouvrage montrant
clairement les profondes modifications de la nature de ce risque46.
D'une part, le nombre total d'attaques terroristes internationales47 a diminué
considérablement en moyenne entre les années 80 et les années 90. D'après les données
disponibles auprès du Département d'État américain, 635 attaques terroristes ont été
perpétrées dans le monde en 1985, 612 en 1986, 665 en 1987 et 605 en 1988. En
comparaison, 296 attaques terroristes ont été perpétrées dans le monde en 1996, 304 en
1997, 274 en 1998 et 355 en 2001, soit près de deux fois moins en moyenne qu'à la fin
années 80. Cette décroissance est largement due à la fin du conflit Est/Ouest qui s'est
traduit par une diminution significative du nombre de groupes terroristes perpétrant des
attentats politiques.
D'autre part, les attentats ne sont pas moins dévastateurs même s'ils sont en
nombre réduit. En effet, un changement radical s'est opéré au cours de ces dernières
années vers des attentats de plus grande échelle infligeant des pertes humaines plus
nombreuses. Ainsi l'observation des 15 attentats les plus meurtriers révèle qu'ils sont
tous survenus après 1982. De plus, 80% d'entre eux furent perpétrés au cours des 20
dernières années, entre 1993 et 2004, incluant les attaques à grande échelle à Madrid le
11 mars 2004 qui tuèrent plus de 200 personnes et blessèrent un millier d'autres.
80. - Les attaques du 11 septembre 2001 ne sont donc que la traduction et non pas
la source de ce changement radical dans la nature de la menace terroriste initié vingt ans
46
47
W. Enders et T. Sandler, « The political economy of terrorism », Cambridge University Press, 2006.
Non perpétrées par des intérêts domestiques.
32
plus tôt. Aujourd’hui, ces risques représentent donc une menace sérieuse pour les
assureurs quant à leur santé financière.
81. - A coté de ces risques extrêmes, se développe des risques tout aussi
dévastateurs. Les risques financiers, en effet, représente une des nouvelles formes de
risque dont les assureurs vont devoir tenir compte et faire face pour ne pas voir leur
chance de survie économique s’effondrer.
Section 2/ Les risques financiers
82. - Les crises sont un « éternel recommencement », les historiens le savent et les
spéculateurs veulent l’ignorer, sans doute parce qu’ils sont intéressés à le perdre
régulièrement de vue.
Il n’y a pas de capitalisme sans crises financières. Charles KINLEBERGER l’a
montré sur la longue période depuis le XVIIe siècle jusqu’à la crise boursière de 1987
dans le tableau quasi exhaustif qu’il a dressé des épisodes spéculatifs qui reviennent
inlassablement déstabiliser les marchés, ruiner les institutions et redistribuer les
richesses48.
De la célèbre crise des bulbes de tulipes de 1634 à 1637 en passant par celles de
la South Sea Company et de la Compagnie des Indes de 1720, de la crise des
compagnies de chemins de fer, des canaux du XIXe siècle, des crises financières
engendrées par les guerres, jusqu’aux lancinantes crises de changes et des krachs
boursiers récurrents, l’histoire économique est scandée par ces épisodes périodiques
d’effondrements des prix des actifs monétaires et financiers.
Cependant, leurs multiplications durant les vingt dernières années en font des
risques nouveaux pour les assureurs menaçant fortement leur santé financière.
83. - Aussi, l’identification des différents types de crises financières (Paragraphe 1)
est primordiale pour comprendre les conséquences qu’elles peuvent avoir sur
l’ensemble de l’économie en général, et sur le secteur de l’assurance en particulier.
48
C. P. Kindleberger, « Manias, Panics, and Crashes: A History of Financial Crises », Wiley 5ème
édition, 2005.
33
Aussi, l’analyse de la dernière crise financière majeure de 2007 (Paragraphe 2) pourra,
sans doute, apporter des éléments de réponse.
Paragraphe 1/ L’identification des différents types de crises financières
84. - Les crises financières se sont multipliées depuis quelques années, prenant
souvent la forme de crises « jumelles49 ». Elles ont aussi changé de nature, les crises
dites de première génération50, relayées par des crises financières de deuxième ou
troisième génération mettant en œuvre d’autres mécanismes et appelant d’autres
réponses. Mais, quelle que soit leur nature, la plupart de ces crises restent difficiles à
prévoir, et même leur interprétation après coup est sujette à débats.
Elles secouent depuis vingt ans, presque sans interruption, l’économie mondiale.
Elles ont été spécialement fréquentes et profondes pour les économies les plus
récemment intégrées aux mouvements financiers internationaux, alors que les
économies qui s’inscrivent dans une longue tradition d’intermédiation financière ont été
moins fréquemment touchées, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elles aient moins
souffert.
En effet, aux États-Unis, en 1998, la faillite d’un grand fonds d’investissement
LTCM met en péril les équilibres financiers des marchés américains.
A partir de 2000, tous les grands pays industriels affrontent une des plus grandes
crises boursières de leur histoire, qui met un terme à l’euphorie de la « nouvelle
économie » et porte au jour les fraudes qui l’ont accompagnée et nourrie, jusqu’à la
terrible crise des « Subprimes » de 2007 qui toucha, a des degrés variés, l’ensemble du
globe.
85. - Ainsi, leur prolifération récente aux pays industrialisés interroge de plus en
plus le secteur des assurances et des réassurances sur leurs capacités indemnitaires en
cas de survenance d’une crise majeure. En effet, de lourdes dérives quant aux
49
Conjugaison de crises bancaires et de crises de change.
Avec un régime de change non soutenable parce qu’incompatible avec les déséquilibres extérieurs et
budgétaires.
50
34
indemnisations pourraient être observables et fragiliseraient la santé financière du
secteur.
86. - La première question est donc de savoir comment définir ces épisodes de la
vie économique, afin de les prévenir et les traiter convenablement.
Le regain d’intérêt des économistes pour les crises financières a renouvelé les
études historiques et comparatives sur la question constitue donc une opportunité pour
les assureurs. Aux travaux historiques traditionnels sur les crises qui s’appuient
principalement sur l’analyse monographique et l’étude détaillée de chaque crise, dont
l’ouvrage de KINDLEBERGER est un modèle du genre, se sont ajoutées depuis le
début des années quatre-vingt-dix un ensemble rapidement croissant d’études
appliquant aux crises les méthodes statistiques d’analyses des évènements nombreux et
répétables qui traitent chacune d’elles comme un cas particulier d’une population
donnée de cas semblables.
Il est ainsi devenu possible d’appliquer aux crises les méthodes développées par
la statistique de comparaison contrôlée des cas et de recherche des causes des
évènements. Ces travaux aident à cerner quelques traits généraux des crises financières.
87. - Trois types de crises peuvent être ainsi dégagés : les crises de change ; les
crises bancaires et les crises boursières.
Il existe bien évidemment d’autres crises51, mais ces trois types de crises
apportent déjà beaucoup d’informations sur les faits stylisés des crises récentes. Elles
sont en outre les plus fréquentes. De plus, les autres crises qui ne sont pas prises en
compte en tant que telles peuvent leur être facilement rattachées52.
Ainsi, il ne paraît pas totalement illégitime d’un point de vue théorique de
limiter la notion de crises financières aux seuls marchés financiers et aux seuls
intermédiaires financiers, dès lors que les autres crises ne débouchent pas
nécessairement sur des crises financières, qu’elles ne deviennent des crises financières
qu’à partir du moment où elles ont un impact sur les marchés financiers ou les
intermédiaires financiers à travers la contrainte de liquidité.
51
Crise immobilière, crise industrielle, crise des comptes publics, etc.
Par exemple les crises immobilières et les crises bancaires ; les crises de la dette souveraine et les crises
de change, puis les crises bancaires ; les crises industrielles et les crises boursières.
52
35
88. - Pour le marché des changes, la solution habituellement retenue consiste à
considérer qu’une monnaie subit une crise de change lorsque sa valeur exprimée dans
une monnaie de référence subit une dépréciation au cours d’une année supérieure à un
certain seuil égal, en général, à 25 %.
89. - Pour les crises bancaires, le repérage utilise les données financières bancaires
lorsqu’elles existent, les informations de diverses sources (presse, études), les dires
d’expert, les indices de panique (gel des dépôts, fermeture de banques, garantie générale
des dépôts) ou l’existence du plan de sauvetage d’une certaine ampleur organisé par les
pouvoirs publics.
90. - Enfin, pour les crises boursières la solution s’apparente à la méthode de
repérage des crises de change. Elle consiste à considérer qu’un marché boursier est en
crise lorsqu’au cours d’une période donnée, dite « fenêtre », la variation de l’indice du
cours a dépassé un certain seuil, dont la valeur choisie est 20 %, en général, par
référence aux krachs de 1929 et 1987.
91. - La seconde et dernière question est alors de savoir quels sont les facteurs
susceptibles d’expliquer le regain des crises financières au cours des années récentes, et
ce, dans le but de pouvoir les anticiper.
Or, aucune analyse minutieuse de l’ensemble des crises ayant eu lieu ces
dernières années ne peut apporter de réponses satisfaisantes à cette question. En effet,
chaque crise financière apparaît spécifique car elle s’inscrit dans un contexte différent et
combine de diverses manières un certain nombre de mécanismes généraux.
92. - Seule l’analyse de leurs conséquences peut permettre d’en limiter les effets
futurs en leur appliquant des méthodes de prévention par exemple. La crise des
« subprimes » de 2007 semble pouvoir offrir quelques éléments de réponse.
36
Paragraphe 2/ L’exemple récent de la crise des « subprimes »
93. - L’exemple de la crise des « subprimes » de 2007 est un exemple précieux car
récent. Il montre au monde de l’assurance comme au monde entier, comment une
mesure nationale peut avoir des répercutions sur l’ensemble du globe. Un rapide regard
sur les raisons de cette crise ne mettra que davantage en lumière cet effrayant constat
En temps normal, un particulier qui souhaite acquérir un appartement peut
emprunter en fonction de son salaire et de sa capacité à rembourser. L’inconvénient du
système est que l'emprunt est proportionnel au salaire.
Les Américains ont donc créé des « subprimes », des prêts non proportionnels
aux revenus des emprunteurs mais avec comme garantie une hypothèque sur la maison.
En cas d’impossibilité à rembourser la somme empruntée, la banque récupère la maison
et la vend.
Un problème se pose quand les prix de l’immobilier baissent car si l’emprunteur
ne peut plus rembourser, la banque perdra de l’argent en vendant la maison. C’est ce
qu’il s’est passé en 2007 aux États-Unis. Certaines banques qui avaient eu trop recours à
ce type de prêt se sont retrouvés dans une situation financière critique.
Pour tenter de limiter les risques de ces crédits d'un nouveau genre, les banquiers
ont eu recours à la titrisation. Ils ont transformé ces emprunts en titre sur les marchés
boursiers. Concrètement, lorsqu’un particulier empruntait 1000 euros, il devait en
rembourser 1200 euros à la banque avec les intérêts. Pour gagner plus rapidement de
l'argent, les banques ont émis des titres de dette, c'est-à-dire un papier donnant droit à
ces 1200 euros. Ces titres de dette se sont échangés sur les places boursières.
L'intérêt pour les acheteurs de ces titres était que lorsqu’ils achetaient un titre à
1100 euros, ils savaient qu'ils auraient la garantie de recevoir 1200 euros. Or, à partir du
moment où celui qui doit rembourser l'emprunt pour l'achat de sa maison ne peut plus
payer, le titre n'a plus aucune valeur. Ce sont ces montages financiers complexes qui
expliquent la chute de la bourse car toutes les banques étrangères, notamment
européennes, se sont aperçues qu'elles possédaient des titres de « subprime » qui ne
valaient plus rien. Tout le monde en avait mais personne ne savait vraiment combien.
Certaines banques se sont retrouvées asphyxiées très rapidement : elles ont perdu
des sommes colossales avec les « subprimes », et elles n'ont pas réussi à poursuivre leur
activité de crédit car les autres banques, méfiantes,
37
refusaient de leur prêter des
liquidités pour faire face. De nombreuses banques se sont donc retrouvées dans des
situations difficiles : en Grande Bretagne, la Northern Rock a dû être nationalisée, sous
peine de disparaître.
La plupart des économistes pensaient que le gros de la crise était passé début
2008, mais elle est repartie de plus belle en février 2008 quand les banques ont arrêté
leurs comptes annuels. Les pertes se sont avérées plus importantes que prévu : entre la
chute de l'immobilier, la crise des « subprimes », les soubresauts de la bourse qui ont
fait chuter les cours, les pertes d'actifs se sont chiffrées à plusieurs dizaines de milliards
de dollars pour certaines banques. C'est le cas de Citibank, qui était la première banque
mondiale jusqu'à cette crise.
Dès lors, la crise financière qui était d'abord une crise bancaire va se transformer
en krach boursier. A chaque mauvaise nouvelle ou publication des comptes d'une
banque, le titre de la banque chute sur les marchés financiers. Les banques ont alors des
pertes colossales, et comme en 2007, peinent à trouver des liquidités. Vue la situation de
crise, comme en 2007, les banques ne se font plus confiance et le marché interbancaire
se grippe. Certains établissements de crédit ont donc vu leur valeur boursière chuté en
quelques semaines.
Par exemple, AIG a perdu 45% de sa valeur en une semaine et 79% sur un an.
Lehman Brothers, la quatrième banque d'affaires de Wall Street, a perdu 45% de sa
valeur en une seule journée et 94% sur un an. Jamais des chutes aussi vertigineuses
n'avaient été constatées depuis la crise de 1929.
94. - Cette crise frappe par sa rapidité et son enchaînement : la crise immobilière
américaine s'est transformée en crise financière et bancaire, elle-même entraînant une
crise économique mondiale avec des risques de récession aux Etats-Unis, en Europe et
partout ailleurs.
95. - Si chaque crise est différente, l’exemple de la crise des « subprimes » le
montrant une nouvelle fois, les conséquences en découlant sont malheureusement
souvent les mêmes à des degrés, certes, différents.
38
96. - La première étape tenant à l’identification des nouveaux risques étant réalisée,
il reste donc à analyser leurs caractères pour mettre en lumière les difficultés qu’ils
posent et qu’ils poseront au monde de l’assurance dans les prochaines années. Ceci,
dans l’optique d’offrir, aux assureurs, un certain nombre de solutions adaptées.
Titre 2 / Caractères et difficultés résultants de ces nouveaux risques
97. - Ces nouveaux risques étaient déjà connus des assureurs auparavant. Seulement
leur nature a changé et ils présentent de nouveaux caractères (Chapitre 1). Le constat
étant que lorsqu’ils se réalisent, ils entraînent de lourdes difficultés pour le secteur
assurantiel (Chapitre 2).
Chapitre 1/ De nouveaux caractères pour de nouveaux risques
98. - Ces nouveaux risques, dans leur ensemble, présentent des similitudes quant à
leurs caractères. Ils représentent tous des risques à grande échelle (Section 2) entraînant
des conséquences désastreuses tant sur un plan économique, que sur le plan humain.
Conséquence ou effet de ce premier caractère, ils présentent tous un risque fort de
contagion tant sur le territoire circonscrit d’un état que sur l’ensemble du monde. En
cela, ils peuvent être considérés comme des risques systémiques (Section 1).
Section 1/ Des risques systémiques
99. - Ces nouveaux risques présentent ce caractère pour deux raisons bien
particulières. Lorsqu’ils se réalisent, ou même avant leur réalisation, il est remarquable
de noter le niveau d’interdépendance existant (Paragraphe 1) entre différents facteurs et
acteurs jouant un rôle plus ou moins grand dans la survenance et l’aggravation des
conséquences découlant de ces risques.
39
De plus, dans la période de survenance de ces risques53, il est courant d’observer
un phénomène de « recorrélation » des comportements des individus susceptibles
d’expliquer également les raisons de l’aggravation du risque dans le temps (Paragraphe
2).
Paragraphe 1/ L’existence d’interdépendances multiples
100. - En y regardant de plus prêt, toutes les causes des nouveaux risques traités
dans ce mémoire trouvent leur source au niveau mondiale. Les catastrophes naturelles,
en partie dans le réchauffement de la planète, l’hyper-terrorisme dans les choix de
politique internationale et les crises financières dans la globalisation des marchés
financiers. En cela, ces questions ne peuvent être traitées durablement à la seule échelle
nationale.
101. - Mais pourquoi une catastrophe naturelle frappant les cotes japonaises peut
elle avoir des répercutions sur l’ensemble du globe ? La même question peut être
formulée concernant les choix financiers, économiques ou politique d’un pays et leurs
conséquences immédiates sur les choix économico-politico-financiers des autres pays
du monde.
102. - Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette interdépendance économique et
politique et cette aggravation dans les conséquences des catastrophes. Ces derniers
s’articulent autour d’un phénomène de globalisation. On peut en citer deux :
-
La concentration des richesses : le préjudice économique découlant des
« risques à grande échelle » est directement lié à l’occurrence d’événements
majeurs touchant des pays développés ou de grands pays émergents. En effet, de
par les fortes concentrations de richesses (infrastructures, entreprises, habitats…)
présentes, ces pays sont caractérisés par une très forte exposition économique
qui renchérie considérablement le coût des catastrophes, quelles soient d’origine
naturelle ou humaine. Ainsi, les quatre années les plus coûteuses correspondent
53
Pour rappel : les catastrophes naturelles, l’hyper-terrorisme et les crises financières et économiques.
40
à des années au cours desquelles des événements extrêmes ont touché des pays
développés et des pays émergents.
-
La globalisation économique : elle se caractérise par une ouverture des espaces
économiques, un développement des échanges internationaux et des activités
économiques transnationales54. A ces tendances, s’ajoute un phénomène
caractéristique de « déspatialisation » des activités économiques, notamment des
activités financières et de communication comme le montre typiquement la
globalisation contemporaine des marchés financiers.
103. - Dans ce cadre, toute catastrophe, peu importe sa nature, aura des répercutions
plus ou moins importantes sur le reste du monde. Deux exemples récents le montrent :
la catastrophe japonaise de mars 2011 et la crise économique de 2007 qui ont eu, toutes
les deux, pour conséquences, d’entrainer des baisses significatives sur les places
boursières mondiales mais également d’augmenter le taux de licenciements en Europe
et aux États-Unis.
104. - Au-delà de ces interdépendances économiques entraînant un phénomène de
contagion spectaculaire, une interdépendance décisionnelle est également observable.
En effet, le risque qu'encourt un individu, une entreprise ou même un pays ne dépend
pas uniquement de ses propres choix d'investissement en sécurité mais aussi des actions
des autres agents.
Il y a une possibilité non négligeable d'être affecté par un attentat terroriste, une
crise financière ou même une catastrophe naturelle parce que d'autres n'ont pas pris les
mesures nécessaires de protection et de prévention. Ainsi, dans un système global, si le
maillon faible est mis en défaut, cela peut avoir un impact sur l'ensemble du système,
indépendamment des protections établies par chacun des agents le constituant.
Dans le cas des événements du 11 septembre 2001, les mesures de sécurité
inefficaces à l'aéroport de Boston conduisirent aux milliers de victimes dans les Tours
du World Trade Center à New York, au Pentagone et en Pennsylvanie.
54
Accroissement drastique de la mobilité des activités, et des firmes, qui sont devenues plus fréquemment
multinationales.
41
105. - Les mécanismes d'assurance ne sont pas bien configurés pour traiter de telles
interdépendances. En effet, dans ce cas il est extrêmement difficile de lier prix de la
couverture et efforts de prévention dès lors que ces efforts peuvent n'être que d'une
utilité très limitée si d'autres agents, dont l'assuré dépend, ne sont pas assez protégés, et
sur lesquels les assureurs ont peu de prise.
106. - A ce stade, une différence importante est à noter entre deux des nouveaux
risques. En effet, contrairement aux catastrophes naturelles pour lesquelles
l'investissement d'un individu ou d'une entreprise dans des mesures de protection a pour
influence de réduire l'occurrence de l'événement et/ou le niveau des pertes potentielles,
les mesures de protection contre le risque terroriste posent de réelles difficultés.
Effectivement, toute mesure d'autoprotection locale peut également engendrer
des externalités négatives. Par exemple, mettre en place dans un aéroport des mesures
de protection observables publiquement peut permettre de réduire la vraisemblance
d'une attaque contre cet aéroport puisque le bénéfice d'une telle attaque, du point de vue
du groupe terroriste, décroît du fait de l'effet richesse.
Néanmoins, cela peut alors inciter les terroristes à attaquer d'autres cibles plus
vulnérables. Il en résulte donc que l'autoprotection d'un agent peut augmenter le danger
pour les autres agents d'être attaqués. Le bénéfice social retiré par cet effort de
protection peut alors s'avérer bien moindre que le bénéfice privé retiré par le
propriétaire du premier aéroport.
107. - A coté de ces interdépendances, il est courant d’observer un phénomène de
« recorrélation » des comportements lors de la survenance d’un de ces nouveaux
risques.
Paragraphe 2/ L’apparition d’un phénomène de « recorrélation » des
comportements
108. - Evidemment, l’analyse et l’observation minutieuse de ces nouveaux risques
dégagent deux caractéristiques majeures à ces derniers. Ils sont profondément
42
incertains, en tout cas beaucoup plus incertains que d’autres risques pour lesquels le
marché de l’assurance n’a aucun problème en ce qui concerne leur assurabilité, et
ambigus, car reposant sur des séries de causes différentes et échappant à toute logique
humaine.
Ils sont aussi très complexes. En effet, les événements les plus extrêmes
correspondent presque toujours à la « recorrélation » d'événements par ailleurs
totalement décorrélés ou très faiblement corrélés en temps normal. Le risque systémique
correspond ainsi à une « recorrélation » des comportements.
109. - Ceci est observable lors de crises financières où, tous les comportements
deviennent corrélés et les acteurs économiques agissent tous dans le même sens. Le
processus n'est tout à coup plus linéaire, la décorrélation n'existe plus et on assiste à une
« recorrélation » de comportements. Ceci explique les comportements irrationnels, les
accidents, les mouvements de panique, les mouvements de foule... Le marché, pour bien
fonctionner, suppose des comportements très variés, des anticipations très diverses, des
décisions atomisées. Il cesse de fonctionner correctement quand tous les acteurs
deviennent vendeurs55 ou quand tous les acteurs deviennent acheteurs56.
110. - « Les risques à grande échelle » ont aussi une dimension particulière car ils
vont avoir des effets en chaîne : ainsi, un attentat terroriste d'ampleur historique va agir
sur les marchés financiers qui vont fortement baisser, sur la croissance économique qui
va ralentir, sur des secteurs industriels qui vont souffrir...
Le cas du World Trade Center est à cet égard emblématique. En temps normal,
les attentats terroristes n'ont que peu de répercussion sur les marchés financiers. Dans le
cas du World Trade Center, le choc a été d'une ampleur telle que l'on a eu une
« recorrélation » avec les marchés financiers, et ce le jour même. Les réassureurs ont
ainsi connu au même moment une augmentation significative de leur passif
correspondant au coût estimé de la catastrophe et une baisse de 20 % du cours des
actions conduisant à une réduction elle-même significative de leur actif. À cette
occasion, il y a donc eu « recorrélation » entre le marché financier et les attaques
55
56
Krash.
Bulle.
43
terroristes. Ce type de « recorrélation » est crucial pour comprendre les événements
extrêmes.
111. - C'est pourquoi les réassureurs ont dépensé beaucoup d'énergie et d'efforts
pour étudier les phénomènes de « recorrélation » d'événements normalement décorrélés
et essayer d'en mesurer la probabilité d'occurrence. Pour cela, ils utilisent la technique
dite des « copules ». Elle permet de déterminer la probabilité d'un événement dont la
distribution est hyperbolique57 en fonction de la probabilité d'un autre événement dont
la distribution est aussi hyperbolique.
Elle repose sur l'hypothèse d'une dépendance hiérarchique entre les deux
événements, au moins dans les situations extrêmes. Pour autant, elle n'exige pas une
causalité formelle entre eux, les phénomènes décorrélés en temps normal n'ayant a
priori guère de liens de causalité évidents.
112. - Ces nouveaux risques frappent également par leur pouvoir destructeur qui ne
semble avoir aucune limite.
Section 2/ Des risques « à grande échelle »
113. - Les nouveaux risques peuvent être qualifiés de risques à grande échelle, tant
la destruction en termes de vies, d’emplois ou de richesses est massive (Paragraphe 1),
et les pertes économiques exorbitantes (Paragraphes 2).
Paragraphe 1/ Des risques « de destruction massive »
114. - A l’image des nouvelles armes de destruction massive, ces nouveaux risques
ont également pour principale conséquence d’être extrêmement destructeurs autant en
termes de vies, que d’emplois ou de richesses.
57
En d’autres termes : d’une rareté excessive.
44
115. - Selon un rapport de l’ONU58, les risques d’origine naturelle pourraient
amputer les richesses mondiales de plus de 1.500 milliard de dollars d’ici à 2015.
Le risque de perte de richesses lié aux désastres augmente aujourd'hui plus
rapidement que la vitesse à laquelle ces richesses sont créées. Ainsi, les pertes issues des
catastrophes sont souvent aussi importantes que celles subies par un pays à cause d'une
forte inflation ou d'un conflit armé.
116. - Sur la décennie 2001-2010, la France et ses départements d’Outre-mer ont
subi 670 « événements naturels dommageables » ayant entraîné la mort de plus de
15 000 personnes.
Dans le monde, 788 catastrophes naturelles ont été comptabilisées en 2010. Un
chiffre bien supérieur à la moyenne de ces trente dernières années. Elles ont fait presque
six fois plus de victimes que la moyenne des catastrophes depuis 1980 : plus de 390 000
morts contre 66 000 en moyenne.
L'homme a souvent une part de responsabilité dans le bilan de ces tragédies. Le
séisme de magnitude 7 qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, faisant plus de 316 000
morts et quelque deux millions de sans abri, en est un parfait exemple. Ravagée par le
tremblement de terre, Port-au-Prince compte presque trois fois plus d'habitants et
davantage de bidonvilles qu'il y a 25 ans. Si le même séisme s'était produit en 1985, le
nombre total de morts aurait été probablement d'environ 80 000.
Dans un échantillon de 19 pays africains, asiatiques et latino-américains, le
nombre de logements endommagés dans des catastrophes météorologiques a sextuplé au
cours des 20 dernières années. Les causes principales de cette augmentation sont, une
urbanisation mal planifiée et mal gérée, la dégradation de l'environnement et la
pauvreté.
117. - En matière de risques d’origine humaine, l’exemple de la crise financière de
2007 est criant. Elle a ébranlé l’économie américaine et a entraîné des conséquences
désastreuses dans beaucoup de domaines. C’est le monde de la finance qui a été le
premier touché par la crise, elle entraîna la faillite de nombreuses sociétés financières.
Pas moins de 84 sociétés de crédit hypothécaires ont été mises en liquidation. Fin 2009
58
Rapport ONU, Natural hazards, Unnatural Disasters : The economics of effective prevention, 2010.
45
plus de douze millions de personnes étaient touchés par le chômage aux États-Unis, du
jamais vu depuis 1983.
Cette crise a eu d’importantes conséquences en Europe et particulièrement en
France où elle a entraîné la mise en place de nouvelles politiques économiques. Les
industriels français, notamment ceux du secteur automobile, ont procédé à la
compression de leur personnel et à la diminution de leurs activités. C’est ainsi que chez
Renault, plus de 6 000 emplois ont été supprimés durant l’année 2008. De son côté, la
filiale Nissan a licencié environ 1 600 personnes. L’économie française est entrée dans
une phase de récession et un recul de la croissance a été constaté. Comme dans les
autres pays touchés par la crise, la Bourse a aussi été durement touchée et une forte
baisse des cours a été constatée. Le même constat, à des degrés différents, peut être
dressé en Asie et en Afrique.
118. - Enfin, le risque d’hyper-terrorisme n’échappe pas à la règle. Les seuls
attentats du 11 septembre 2001 ont fait 3 095 morts, dont 2 672 dans le Word Trade
Center, 125 au Pentagone, et 265 dans les trois avions qui ont été détournés et qui se
sont écrasés. Un bilan aussi apocalyptique peut être dressé concernant les attentats de
Madrid en 200459, de Londres en 200560 ou de Sinjar en Irak en 200761.
119. - Si les pertes humaines et matérielles paraissent gigantesques, les pertes
financières le sont tout autant.
Paragraphe 2/ Des risques aux coûts exorbitants
120. - Les conséquences financières de ces nouveaux risques sont effrayantes. Pris
individuellement, chaque nouveau risque présente un bilan impressionnant.
121. - Les catastrophes naturelles ont coûté particulièrement cher en 2010. Les
dommages globaux ont atteint 218 milliards de dollars en 2010, plus du triple de l'année
59
191 morts et 1400 blessés.
56 morts et 700 blessés.
61
572 morts et plus de 1500 blessés.
60
46
précédente. Les coûts pour les assurances ont été de 43 milliards de dollars, soit 39,5
milliards d’euros.
Tous types de catastrophes confondus, dix événements ont atteint ou dépassé des
dommages d'un milliard de dollars. La tempête hivernale Xinthia qui a balayé l'Europe
de l'Ouest se place en troisième position.
En France, sur les dix dernières années, les assurances ont déboursé 13,6
milliards d’euros, mais le chiffre réel des dommages se situerait autour de 30 milliards
d’euros en y incluant les dégâts non assurés62.
Pour le reste du monde, entre 2001 et 2010, le coût total des catastrophes
naturelles est estimé à 1023 milliards de dollars dont un tiers ont été pris en charge par
les compagnies d’assurance et de réassurance. Il s’agit de la décennie la plus coûteuse
depuis 1980.
Les cyclones et tempêtes tropicales sont de loin les événements les plus coûteux
puisqu’ils représentent 43,3 % du coût total des dommages liés aux catastrophes
naturelles entre 2001 et 2010. Les inondations et les séismes arrivent en seconde et
troisième positions avec respectivement 22,9 % et 13,5 % des coûts. La part élevé des
cyclones et des tempêtes tropicales s’explique par le fait que ces événements sont
récurrents63, qu’ils touchent souvent plusieurs pays et que plusieurs pays développés et /
ou émergents64 sont directement exposés à cet aléa.
Le coût pour les compagnies d’assurance du séisme et du tsunami survenus au
Japon le 11 mars 2011 a été évalué à 70 milliards de dollars par le cabinet de
modélisation et d’évaluation du risque AIR Worldwide.
122. - Concernant le risque d’hyper-terrorisme, les seuls attentats du 11 septembre
aux États-Unis ont coûté 3 milliards de dollars au marché des assurances de personnes,
dont 1 milliard en risque décès, individuel ou collectif, et 2 milliards en accident,
incapacité de travail, ou invalidité. En Europe, les attentats de Madrid en 2004 ont coûté
plus de 200 millions d’euros au marché des assurances et ceux de Londres de 2005
presque 100 millions d’euros.
62
Routes, forêts, infrastructures publiques.
91 surviennent en moyenne tous les ans dans le monde dont 53 atteignent le stade cyclonique
64
USA, Japon, Australie, Taïwan, Corée du Sud, Chine, Inde.
63
47
123. - Enfin, le coût des crises financières ou économiques est quant à lui beaucoup
plus complexe à établir. En effet, seules des estimations imprécises des sommes
engagées par les États pour venir en aide aux banques en détresse peuvent être faites.
Leur ordre de grandeur est cependant suffisamment significatif puisque, selon
certaines études65, il s’élèverait en moyenne sur les 30 dernières années à 12,8% du PIB
mondial. Réduit à l’échelle du marché de l’assurance et de la réassurance, le chiffre
semble resté conséquent. Son impact sur la solvabilité des opérateurs du marché
également.
124. - Le constat pour les assureurs est donc effrayant. Les sommes en jeu sont
colossales. Mais les difficultés posées par ces nouveaux risques ne peuvent se résumer
en quelques chiffres. Elles sont en effet beaucoup plus techniques.
Chapitre 2/ Les difficultés résultant de ces nouveaux risques pour le
secteur de l’assurance
125. - Comme il a été fait état un peu plus haut dans ce mémoire, l'un des enjeux
centraux du financement de ces nouveaux risques est de déterminer une démarche
similaire de partage de risque, mais pour des événements aux potentialités extrêmes et,
relativement, bien moins fréquents. Précisément, ces deux facteurs posent de réelles
difficultés pour les assureurs.
En effet, en simplifiant, deux conditions doivent être vérifiées pour qu'un risque
soit jugé assurable. La première est la capacité d'identifier et de quantifier la probabilité
de survenance de l'événement, ainsi que les montants des pertes associées au sinistre s'il
survient. La seconde est la capacité à établir des niveaux de primes qui reflètent les
niveaux de risque. Si ces deux conditions sont vérifiées, le risque peut alors être
considéré comme assurable.
65
R. Boyer, M. Dehove et D. Plihon, Rapport sur « les crises financières », La Documentation Française,
2004.
48
126. - Ce rappel peut sembler banal, mais il constitue pourtant l'un des fondements
de l'assurance : elle garantit la continuité des activités économiques et sociales, mais
nécessite une profitabilité minimum pour ceux qui s'y engagent. Or, ces nouveaux
risque sont extrêmes dans leurs conséquences et rares dans leurs fréquences. Ils sont, de
ce fait, difficilement probabilisables (Section 1).
De plus, de par leur nature variable et leur évolution rapide, leur coût probable
est difficilement déterminable (Section 2). Aussi ces risques menacent ils fortement la
santé financière des entreprises d’assurance et de réassurance.
Section 1/ Des risques difficilement probabilisables
127. - La probabilité de récurrence de ces événements majeurs est difficile à établir
pour les entreprises d’assurance, car il existe pour ces types de risque une forte
asymétrie informationnelle (Paragraphe 1) entre les assurés ou l’état et les assureurs.
Les causes varient selon le risque concerné mais les conséquences pour les assureurs
restent les mêmes. La rareté et le changement perpétuel de nature de ces risques
(Paragraphe 2) dans le temps compliquent d’autant plus l’obtention, par les assureurs,
une ligne de probabilité pertinente.
Paragraphe 1/ L’existence d’une asymétrie informationnelle importante
128. - Comme souligné précédemment, l'asymétrie d'information est, de façon plus
ou moins consciente, un phénomène connu des praticiens de l'assurance depuis ses
origines. Son identification par les économistes est plus récente et a permis de réelles
contributions en matière de compréhension du fonctionnement des marchés d'assurance.
Cette asymétrie d'information entre l'assureur et l'assuré se manifeste par deux
phénomènes bien connus, l'aléa moral et l'anti-sélection.
L'aléa moral concerne l'influence du contrat d'assurance sur le comportement de
l'assuré tandis que l'anti-sélection se présente lorsque l'assureur ne peut distinguer le
degré d'exposition au risque des assurés, alors même que ce degré diffère entre ces
derniers.
49
129. - Dans le cas du risque terroriste, le problème est qu'il existe une symétrie de
non information entre les assureurs et leurs assurés quant aux risques encourus à
couvrir. En effet, pas plus les assureurs que les assurés eux-mêmes ne disposent
d'information probante sur ces risques. S'il existe bien une asymétrie d'information,
celle-ci se situe entre le gouvernement et les compagnies d'assurance couvrant les
risques : le gouvernement dispose a priori d'une meilleure information sur ces risques,
notamment grâce aux services de renseignements, d'espionnage et de contre-espionnage
et à la coopération intergouvernementale en matière de lutte anti-terroriste.
Cependant, au nom de la sécurité de l'État, de telles informations ne sont pas
rendues publiques. Les problèmes d'asymétrie d'information ex ante, observés dans une
relation traditionnelle assureur/assuré, ne se posent guère pour le risque de terrorisme de
masse.
Contrairement à d'autres risques pour lesquels le domaine public dispose de
données historiques assez importantes66, celles concernant les actes de terrorisme sont
assez limitées. Cela résulte à la fois de la nature changeante du risque même, qui permet
difficilement d'extrapoler depuis les données du passé, et du fait que pour des raisons
évidentes de sécurité nationale les assureurs n'ont pas accès aux données récoltées par
les services de renseignements gouvernementaux.
La nature de l'information disponible sur d'éventuelles nouvelles attaques est
tout à fait originale, et mérite donc une attention particulière, pour élaborer des
politiques publiques ou des stratégies de marchés pour les assureurs/réassureurs.
130. - Concernant les risques financiers, là encore réside une asymétrie
informationnelle. Cette fois, seuls les états et les assureurs sont en état d’ignorance
contrairement aux acteurs du marché. Pourquoi les autorités publiques disposeraientelles d’une meilleure information que les agents qui ont intérêt à collecter toute
information pertinente puisqu’ils réalisent ainsi des profits d’intermédiation ?
De plus, l’aléa moral, induit par le secours prévisible de l’État en cas de sinistre,
compromet le bon fonctionnement normal des marchés en modifiant l’évaluation des
risques.
66
Inondations, tremblements de terre, etc.
50
131. - Cette asymétrie informationnelle ne fait donc que compliquer la tache des
assureurs dans leur tentative d’anticipation et d’évaluation de ces nouveaux risques.
Cette dernière est d’autant plus délicate que la récurrence de ces événements n’est pas
linéaire.
Paragraphe 2/ Des récurrences difficilement probabilisables
132. - Le contrat d’assurance est un contrat à titre onéreux. En contrepartie de la
couverture du risque par l’assureur, le souscripteur contrat a pour principale obligation
de payer une somme d’argent : la prime.
Toute l’économie du contrat d’assurance réside ici. Aussi, l’assureur se doit de
déterminer un taux de prime suffisamment juste, d’une part, au regard de l’assuré, qui,
dans le cas contraire, pourrait estimer le taux fixé beaucoup trop élevé et ainsi aller voir
ailleurs, et d’autre part, pour lui même, car en fixant un prix trop faible, il risquerait une
dérives des indemnisations.
Cette détermination du taux de prime s’effectue à partir de calculs statistiques
dans lesquels interviennent, d’une part, les probabilités de survenance du sinistre et,
d’autre part, l’intensité du sinistre.
133. - En matière d’événements extrêmes, cette détermination est complexe pour
les assureurs. En effet, la difficulté qu'il y a à prévoir les événements extrêmes ne tient
pas seulement à leur plus grande incertitude intrinsèque67, mais surtout à leur ambiguïté,
c'est-à-dire à l'incertitude que l'on a sur leur véritable loi de distribution statistique.
Ces événements appartiennent à ce que l'on appelle la « queue de distribution »,
ce qui veut dire que l'on dispose de très peu d'observations pour caractériser leur
distribution de probabilité. On peut certes la déduire à partir de la distribution centrale
d'événements similaires et plus fréquents, pour lesquels on dispose d'un nombre
d'observations suffisants, mais cela ne reflètera jamais vraiment la réalité.
67
C’est-à-dire à la plus grande volatilité de ces phénomènes dont la distribution de probabilité peut tendre
vers une loi binomiale (soit il ne se passe rien avec une probabilité très élevée, soit il se passe une terrible
catastrophe avec une probabilité infinitésimale).
51
De fait, toute nouvelle observation peut soulever des interrogations sur la
véritable nature de la distribution et modifier très sensiblement celle qui doit être
retenue pour évaluer, tarifer et couvrir le risque.
L'ambiguïté est intrinsèque aux événements extrêmes tout simplement parce
qu'ils sont si rares que l'on ne peut faire que quelques observations.
La distribution des événements extrêmes est par nature « anormale », entraînant,
de fait, une sous-estimation systématique de leur probabilité d'occurrence. C'est vrai des
phénomènes réels comme des phénomènes financiers. C'est le phénomène des queues
de distribution épaisses qui se caractérisent par le fait que si le cœur de la distribution
est normal, les extrêmes sont en revanche hyperboliques.
Pour un réassureur, le monde n'est donc pas « normal » mais « hyperbolique », il
n'est pas continu, mais il est bi-varié. C'est probablement cette non-linéarité, cette noncontinuité des événements extrêmes qui pose le plus problème.
134. - Cela est a conjugué avec le fait que, pour le risque terroriste, l’incertitude liée
à son occurrence n'est pas seulement élevée, elle est également « dynamique ». Les
groupes terroristes peuvent adapter leurs comportements et stratégies d'action en
fonction de leurs ressources et de leur connaissance des vulnérabilités des cibles
potentielles comme on a déjà pu le souligner.
Le risque terroriste n'est donc pas figé en tant que tel, mais évolue dans le temps
en fonction de nombreux paramètres68.
135. - Ainsi, s'il est possible de réduire les dommages dus à un tremblement de terre
dans la région de Nice par l'adoption de mesures de prévention déjà bien connues
techniquement, personne ne peut influencer l'occurrence du séisme lui-même. Le risque
terroriste est par contre changeant puisqu'il résulte à tout instant des mesures de
protection mises en place par ceux exposés, des actions des gouvernements pour
augmenter le niveau de sécurité, et de la volonté des groupes terroristes de perpétrer un
68
Des nouveaux groupes se constituent et peuvent rester à l'état de veille plusieurs années, les cibles et les
types d'attaques changent, la politique étrangère d'un pays évolue, la lutte anti-terroriste est efficace ou ne
l'est pas, etc.
52
attentat. Ainsi, et à juste titre, l'incertitude qui s'y rattache a été qualifiée, par Erwann
MICHEL-KERJAN, d' « incertitude dynamique »69.
136. - En plus d’être difficilement probabilisables, ces nouveaux risques ne
supportent bien le test de l’évaluation ce qui peut, nécessairement, fragiliser les finances
des assureurs.
Section 2/ Des risques difficilement évaluables
137. - L’anticipation des coûts de ces types de risques est difficilement réalisable
(Paragraphe 1), tant les conséquences peuvent changer d’une ville à une autre et à
fortiori d’un pays à un autre. Malheureusement, le montant des dégâts occasionnés par
ces risques ne cesse d’augmenter avec le temps, comme cela a été souligné dans le
chapitre précédent. Aussi, cela représente t’il une menace importante de fragilisation
financière des assureurs (Paragraphe 2).
Paragraphe 1/ Un niveau de perte difficilement anticipable
138. - Travailler sur les conséquences des catastrophes naturelles, terroristes ou
financières conduit à plusieurs difficultés spécifiques. En particulier, dans les modèles
économiques d'équilibre, qui par construction ne peuvent pas représenter des échelles de
temps courtes, ces évènements ne peuvent être pris en compte qu'à travers une réduction
de la productivité moyenne. Mais les catastrophes affectent principalement la vie et le
bien-être des gens et détruisent du capital productif et du patrimoine bâti.
Ainsi, modéliser les catastrophes par une réduction de la productivité ou par des
destructions de capital ne reviendrait au même que si on pouvait « moyenner » les
impacts des catastrophes sur de longues périodes de temps. Et ce n'est possible que si
les impacts des catastrophes étaient linéaires par rapport à l'intensité de l'évènement, ce
qui n'est clairement pas le cas.
69
Erwann Michel-Kerjan, Traité des nouveaux risques, Gallimard, Collection. Folio-actuel, 2002.
53
139. - Pour corriger cette sous-estimation et représenter ces catastrophes de manière
cohérente avec les observations, il est nécessaire de considérer les contraintes de court
terme dans les conséquences directes et dans le rythme de reconstruction.
Sans ces contraintes, les dégâts de toutes les catastrophes, même les plus
grandes, seraient reconstruits en quelques mois, ce qui est contredit par l'observation de
cas réels70.
140. - Il existe en effet de fortes contraintes financières à la reconstruction,
spécialement mais pas seulement dans les pays pauvres, et des contraintes techniques,
comme le manque de travailleurs qualifiés et d'équipements de construction. Ces
contraintes peuvent hausser considérablement le coût total d'un événement. Ainsi, au
coût de remplacement d'une usine détruite, il faut ajouter la perte d'exploitation pendant
le délai réel de reconstruction.
De même, dans l'habitat, la destruction d'une maison avec un délai de un an
avant sa reconstruction a un coût total égal au coût de remplacement de la maison plus
la valeur perdue associée à un an de « service logement ».
La valeur de cette perte de production au sens large, peut être très élevée dans
plusieurs secteurs, surtout quand des besoins fondamentaux sont en jeu. Appliquée à
l'ensemble du système économique, cette différence peut être forte pour des
catastrophes de grande échelle.
141. - Le coût en termes d’indemnisation peut donc varier du simple au double pour
les assureurs. Cette délicate anticipation des coûts représente donc un énorme problème
pour les assureurs dans le traitement économique et assurantiel de ces nouveaux risques.
Paragraphe 2/ La menace d’une fragilisation financière des assureurs
142. - Ces nouveaux risques par leur caractère dévastateur et leurs coûts exorbitants
sont une menace importante pour le secteur assurantiel.
70
Ex : les tempêtes de l'hiver 1999 en Europe; les inondations de 2002 en Europe centrale; la saison des
cyclones de 2004 en Floride.
54
L’exemple des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis est encore une
fois remarquable. En effet, du fait de la forte concentration de biens et d'activités dans le
World Trade Center, les montants de remboursement ont été particulièrement élevés
pour les assureurs.
Ainsi, les Lloyd's71 ont payé 2,9 milliards d'indemnisations, et ont frôlé de peu la
faillite. Munich Re et Swiss Re, les deux leaders mondiaux de la réassurance, ont payé
2,4 milliards de dollars chacun. Parmi les grands assureurs, Allianz, AIG et Axa ont
payé respectivement 1,3 milliards de dollars, 820 millions et 550 millions de dollars.
143. - Une étude récente72, portant uniquement sur la couverture des salariés,
analysait ainsi plusieurs scénarios jugés plausibles par certains experts.
L'explosion d'une bombe dans l'immeuble du Rockefeller Center à New York à
une heure de pointe engendrerait des montants de remboursement d'assurance estimés à
plus de 7 milliards de dollars.
Plusieurs autres scénarios montrent que les pertes économiques associées à des
interruptions d'activités pourraient avoir des conséquences financièrement bien plus
lourdes encore, et pour beaucoup ne seraient pas couvertes par l'assurance.
Par exemple, la survenance d’un événement extrême sur un des grands ports
internationaux pourrait nécessiter la fermeture provisoire de celui-ci, et engendrer en
cascade des conséquences économiques difficilement quantifiables à l'échelle
internationale pour l'ensemble des compagnies transportant leurs produits par voie
maritime, et fonctionnant pour la très grande majorité en flux tendu. L'éventualité
d'utiliser des containers maritimes comme armes de destruction au sein d'un réseau
maritime mondial fonctionnant en flux ininterrompu conduit à des pertes économiques
encore supérieures. Les conséquences pour les assureurs et réassureurs à la fois des
compagnies et de leurs clients seraient énormes.
144. - De plus, ces derniers ne sont pas non plus épargnés par les catastrophes
naturelles et l’année 2011 s’annonce encore très difficile pour eux. Le réassureur
71
72
Assureurs anglais.
Towers Perrin, An ERM Update on the Global Insurance Industry, 2004.
55
helvétique Swiss Re a d’ailleurs plongé dans le rouge au premier trimestre en raison du
niveau « très élevé » des catastrophes naturelles en début d’année.
Le deuxième réassureur mondial a subi une perte nette de 665 millions de
dollars73, contre un bénéfice net de 158 millions un an plus tôt.
Il a souffert de l’impact des séismes au Japon et en Nouvelle-Zélande, ainsi que
des inondations en Australie. L’activité dommages a ainsi subi une perte d’exploitation
de 1,2 milliard de dollars entre janvier et mars, contre un bénéfice opérationnel de 259
millions il y a un an. Les catastrophes naturelles ont ainsi conduit à une perte avant
impôt de 2,3 milliards pour cette division.
Pour Swiss Re, cette accumulation de désastres « devrait faire de 2011 l’une des
années avec les plus importantes charges dues aux catastrophes naturelles ».
Même constat pour le premier assureur européen Allianz qui a annoncé un
bénéfice net de 915 millions d’euros au premier trimestre, en chute de 43% sur un an à
cause du coût des catastrophes naturelles.
145. - Ainsi, la multiplication des risques extrêmes et leur cumul sur une courte
période peut être catastrophique pour le secteur de l’assurance et de la réassurance. Leur
capacité à couvrir ces risques est en jeu.
Aussi, depuis quelques années, le secteur de l’assurance recherche des solutions
aux différents problèmes posés par les risques à grande échelle. Si certaines de ces
solutions peuvent paraitre satisfaisantes, il n’en demeure pas moins que la recherche de
nouveaux moyens permettant de limiter l’exposition des assureurs et des réassureurs à
la menace de ces nouveaux risques doit continuer.
73
447,4 millions d’euros.
56
Partie 2 / Identification des solutions pouvant répondre aux
difficultés posées par les nouveaux risques
146. - Afin de répondre avec exactitude et rigueur aux problèmes posés par les
nouveaux risques identifiés dans la partie précédente, il est indispensable de connaitre
les solutions existantes (Titre 1) proposées par le secteur assurantiel et par les marchés
financiers, pour analyser les apports des mesures à venir et, le cas échéant, les compléter
par des solutions nouvelles (Titre 2).
Titre 1/ Analyse des solutions existantes
147. - Deux catégories de solutions sont offertes aux assureurs. La première fait
appel au secteur privé et vise à renforcer leur fonds propres pour leur permettre de faire
face plus sereinement à ces risques majeurs (Chapitre 1). La seconde fait appel au
principe de solidarité par un partenariat public/privé (Chapitre 2) et vise à couvrir en
dernier ressort les assureurs en cas de problème de liquidité ou de solvabilité.
Chapitre 1/ Les mécanismes de renforcement des fonds propres
148. - Le secteur privé offre deux solutions à l’assureur. Il peut recourir, soit aux
mécanismes assurantiels traditionnels (Section 1), mécanismes plus ou moins bien
adaptés aux nouveaux risques majeurs, soit aux modes alternatifs de couverture des
risques offerts par les marchés financiers (Section 2).
Section 1/ Le recours aux mécanismes assurantiels traditionnels
149. - Le mécanisme le mieux adapté aux nouveaux risques reste le mécanisme de
la réassurance (Paragraphe 1) car il offre des montants de couverture de risque très
importants à l’assureur. Un deuxième mécanisme peut également être cité à ce stade, il
57
s’agit de la co-réassurance. Le GAREAT, mécanisme de co-réassurance français pour la
couverture des risques terroristes (Paragraphe 2), en est d’ailleurs un bon exemple.
Paragraphe 1/ La réassurance : un mécanisme adapté aux nouveaux
risques
150. - Les compagnies de réassurance brassent des montants financiers très élevés.
Puisque le marché est mondial, elles disposent de fait d’un réel pouvoir de
diversification géographique et peuvent assez facilement accepter de couvrir des risques
de nature très diverses. La réassurance apparaît alors comme un candidat naturel au
partage des risques nouveaux, et ce pour plusieurs raisons.
151. - D’abord, elle permet de limiter le risque de faillite de l’assureur. Si l’assureur
doit supporter un sinistre catastrophique, celui-ci peut le conduire à la faillite. Dans un
cas moins extrême, des sinistres importants peuvent mettre en péril son équilibre
financier, suite à une crise de trésorerie. En l’absence de réassurance, la compagnie
d’assurance devrait conserver un niveau de capital et de liquidité plus important pour
faire face à d’éventuels sinistres majeurs.
Grâce à l’opération de réassurance, l’assureur peut placer les primes qu’il
perçoit, d’une part à plus long terme, ce qui est généralement plus rémunérateur, et
d’autre part de manière plus diversifiée. Ces placements lui garantissent des revenus
financiers et permettent ainsi de consentir des tarifs plus faibles.
152. - La réassurance remplit deux autres fonctions principales :
-
L’augmentation de la capacité de souscription de l’assureur et le nivellement de
ses paiements
-
La diversification des risques assurés
Le recours à un réassureur permet à l’assureur d’élargir sa base de clients,
davantage encore s’il fait appel à plusieurs réassureurs. Ce recours le protège également
contre des écarts de remboursements trop brusques. En effet, puisque la cession en
réassurance a un prix prédéterminé, il ne conserve qu’un montant prédéfini de sinistre
58
probable et nivelle donc la limite supérieure de montants d’indemnisation potentielle
associés aux risques qu’il assure.
La réassurance permet également de ne conserver que certains des risques
assurés. En choisissant de ne conserver que des risques suffisamment indépendants, une
meilleure diversification du portefeuille est réalisée, qui réduit d’autant les possibilités
de déséquilibre qui résulteraient de la dépendance excessive des sinistres. Les atouts
d’un recours à la réassurance sont donc importants.
153. - De manière générale, les assureurs de petite taille sont plus demandeurs de
réassurance car ils ont plus de mal à diversifier leur portefeuille. Ils peuvent ainsi se
prémunir contre les risques de faillite qui les touchent plus particulièrement.
Inversement, les gros assureurs ont peu de chances d’être ruinés compte tenu de
leur puissance financière et de leur capacité de diversification. Ils préfèrent s’autoassurer ou se co-assurer ; leur demande de réassurance est souvent plus faible. Plusieurs
travaux confirment ce point de vue74. Ils montrent en particulier que la demande de
réassurance est décroissante à mesure qu’augmente la taille de l’assureur.
154. - Cependant, une étude réalisée sur le marché américain de la réassurance
catastrophe, à partir de données provenant de Guy CARPENTER, un des plus
importants courtiers d’assurance sur ce marché, aboutit à la relation inverse75. A savoir
que la demande de réassurance catastrophe est croissante avec la taille de l’assureur.
Cette divergence de résultats peut s’expliquer par le champ de l’étude : elle se
focalise sur les seules catastrophes alors que les précédentes études considèrent le
marché global de la réassurance. Même si l’on peut penser que les grandes compagnies
d’assurance assurent plus contre des risques élevés de catastrophes naturelles ou
d’hyper-terrorismes, ce résultat est cependant assez surprenant. Justement, face à des
risques à grande échelle, et compte tenu de leur capacité financière, les plus gros
assureurs ont une probabilité de faillite plus faible que les assureurs de moindre taille.
74
D. Mayers et C. Smith, On corporate demand for insurance. Evidence from the reinsurance market,
Journal of Business, 1990, p. 19-40.
75
A. Gron, Insurer Demand for Catastrophe Reinsurance, The Financing of Catastrophe Risk, Chicago
University Press, 1999, p. 23-44.
59
155. - Toutefois, le recours à la réassurance permet en fait deux choses :
-
En premier lieu, pour l’assureur direct, il augmente ses chances de rester
solvable après un grand sinistre
-
En second lieu, il lui garantit également de conserver un certain niveau de
liquidité
Les grands assureurs vont donc se focaliser essentiellement sur leurs besoins en
liquidités. L’effet liquidité pourrait donc l’emporter sur l’effet solvabilité. Cet argument
est corroboré par une étude réalisée sur une population de dix-huit compagnies
d’assurance couvrant des biens contre les tremblements de terre en Californie 76. La
simulation reproduit, aux conditions actuelles, un tremblement de terre survenu en 1906
à San Francisco. Onze des dix-huit firmes, celles dont le surplus est inférieur à 2
milliards de dollars, feraient faillite. Parmi les sept demeurant solvables, trois seraient
confrontées à de réels problèmes de liquidité77.
156. - Dans leur article intitulé Reinsurance for Catastrophes and Cataclysms , les
Professeurs David CUTLER et Richard ZECKHAUSER définissent une catastrophe
comme un sinistre dont le montant des pertes assurées dépasse 25 millions de dollars. Il
s’agit d’un cataclysme lorsque le montant des pertes dépasse 5 milliards de dollars78.
Selon la dichotomie catastrophe/cataclysme, certes tout à fait relative mais assez
usuelle, la réassurance paraît parfaitement adaptée pour traiter des catastrophes pour peu
qu’elles ne soient pas à répétitions sur un court laps de temps.
157. - Hélas, pour faire face aux cataclysmes comme on a connu ces dernières
années, le recours à la réassurance elle-même peut s’avérer insuffisant. Le tremblement
de terre et le tsunami qui l’a suivi, ont dévasté les côtes du Nord Est du Japon en mars
2011, a couté à lui seul plus de 70 milliards de dollars au marché de l’assurance. Encore
est-il admis que si ces événements avaient touché des zones plus peuplées du Japon, ce
montant aurait pu être multiplié par quatre. A titre indicatif, on chiffre à 1 000 milliards
76
H. Kunreuther et A. Kleffner, Should earthquake mitigation measures be voluntary or required ?,
Journal of Regulatory Economics, 2002, p. 321-335.
77
H. Kunreuther, Mitigating disaster losses through insurance, Journal of Risk and Uncertainty, 1996, p.
171-187.
78
D. Culter et R. Zeckhauser, Reinsurance for Catastrophes and Cataclysms, The Financing of
Catastrophe Risk, p. 233-268.
60
de dollars le montant des pertes éventuelles, directes et indirectes, qui résulteraient d’un
tremblement de terre à Tokyo. On parle dans ces derniers cas de « Big One » ou de
« Big Cat ».
158. - Le second moyen proposé par le secteur de l’assurance réside dans la coréassurance. Si le mécanisme a déjà été développé précédemment, l’étude de son
application à des risques extrêmes peut être très enrichissante. La coassurance française
contre le risque terroriste est à ce titre un parfait exemple.
Paragraphe 2/ La co-réassurance : le GAREAT, l’exemple français de
couverture des risques terroristes
159. - La France est le premier pays au monde à avoir établi un programme de
couverture du risque terroriste après les attentats du 11 septembre 2001.
160. - Le GAREAT79, instauré le 1er janvier 2002, est un pool de co-réassurance qui
englobe toutes les entreprises d'assurances autorisées à opérer en France. La couverture
est organisée en quatre paliers de partage de risques.
Une première tranche de 400 millions d'euros est prise en charge par des
assureurs au prorata du risque cédé au pool. Soixante-dix compagnies d'assurance et
mutuelles non-vie, membres de la FFSA et du GEMA dont la participation est
obligatoire, ainsi que trente-cinq autres volontaires constituent cette première tranche.
Une deuxième tranche est prise en charge par des réassureurs et d'autres
assureurs de grande taille. Ils sont responsables d'une couverture de 1,25 milliards
d'euros en excédent de pertes annuelles de 400 millions. La compagnie suisse de
réassurance, Swiss Re, couvre la plus grande part de cette deuxième tranche, en
partenariat avec trente autres entreprises parmi lesquelles AGF, Axa, Scor ainsi que
Partner Re et Munich Re.
Une troisième tranche apporte une couverture supplémentaire de 350 millions
d'euros, prise en charge par plusieurs grands réassureurs internationaux. Ainsi, au total,
79
Gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme.
61
l'industrie de l'assurance et de la réassurance couvre le risque terrorisme en France à
hauteur de 2 milliards d'euros.
Au-delà (4ème et dernière tranche du système), l'État prend en charge l'ensemble
des remboursements d'assurance qui résulteraient d'une attaque terroriste et utilise la
Caisse Centrale de Réassurance à cet effet.
161. - Cette garantie gouvernementale est illimitée, ce qui constitue un élément
fondamental dans une approche de partage de risque, le caractère extrême des pertes
potentielles liées à une attaque terroriste limitant son assurabilité. Dans le cas français,
le risque est alors limité à deux milliards d'euros, un montant gérable par l'industrie, a
fortiori lorsque le risque est diversifié entre un grand nombre de preneurs de risques,
comme c'est le cas au sein du GAREAT.
162. - Les primes collectées par les assureurs sont transférées au GAREAT et
partagées de la manière suivante : le pool conserve 30%, les participants de la deuxième
tranche conservent 50%, les réassureurs de la troisième tranche conservent 10%.
Finalement, le gouvernement reçoit 10% des primes pour sa garantie illimitée.
Un tel schéma présente deux avantages :
-
D’une part, de permettre une mutualisation du risque terroriste parmi les
assureurs et de limiter l’engagement des réassureurs partenaires du pool
-
D’autre part, de maitriser, grâce à la garantie de l’Etat, un effet éventuel de
cumul global sur une année.
163. - Depuis 2005, la couverture terroriste est obligatoire en France si bien que
toute entreprise est couverte contre une attaque terroriste sur le territoire français.
L'assureur peut alors se réassurer auprès du pool, à condition que le risque réponde aux
critères suivants : le risque doit être localisé en France et les sommes assurées doivent
être supérieures à 6 million d'euros80.
En d'autres termes, le pool ne couvre pas le risque de « faible » taille, mais offre
une mutualisation pour les risques de moyenne et grande taille. Le pool couvre contre
80
Couverture en dommages-responsabilité incendie.
62
les attaques utilisant des armes de destruction massives de type chimiques, biologiques,
radiologiques et nucléaires.
164. - Le prix de la couverture terroriste par le GAREAT ne dépend que des
sommes assurées. Comme celles-ci sont les mêmes en couverture terroriste que pour la
couverture de base incendie, il est très facile de calculer le prix de l'assurance terroriste
en France. La règle est la suivante :
-
pour les sommes assurées comprises entre 6 et 20 millions d'euros, la prime est
égale à 6% de la prime commerciale de base en dommages-responsabilité;
-
pour les sommes assurées comprises entre 20 et 50 millions d'euros, la prime est
égale à 12% de la prime commerciale de base;
-
pour les sommes assurées entre 50 et 750 millions d'euros, la prime est égale à
18% de la prime commerciale de base.
Pour certains risques dits « spéciaux 81», la prime est définie au cas par cas.
Le prix de l'assurance contre le terrorisme ne dépend donc pas, en France, de la
localisation du risque. Ainsi, un assureur couvrant une usine chimique à hauteur de 20
millions d'euros paiera la même prime de réassurance au GAREAT pour lui transférer
ce risque, que l'usine se trouve au cœur du couloir de la chimie dans la région lyonnaise
ou bien en rase campagne. Ce faisant, le système subventionne les zones plus exposées
par celles qui ne le sont pas.
165. - Cette co-réassurance à la française a donc répondu à deux problèmes majeurs
posés par le risque terroriste mais également par les autres nouveaux risques. Celui de la
solvabilité des assureurs et celui de la fixation du taux de prime. La co-réassurance peut
donc être un bon moyen pour que les assureurs puissent lutter durablement contre les
risques à grande échelle.
166. - Cependant, cette approche, fondée sur l'idée de solidarité nationale devant les
catastrophes, n'a pas été suivie dans tous les pays. En particulier, cette question fait
actuellement l'objet de débats aux États-Unis.
81
Sommes assurées supérieures à 750 millions d'euros.
63
167. - Le recours aux marchés financiers représente également, depuis peu, une
solution pour les assureurs. En effet, ces derniers s’efforcent depuis maintenant
quelques années d’offrir aux assureurs de nouveaux moyens leur permettant de
renforcer leur fonds propres en complément des mécanismes de réassurance ou de coréassurance.
Section 2/ Le recours aux marchés financiers
168. - L’idée d’un recours aux marchés financiers comme possible extension des
mécanismes de réassurance a fait son chemin depuis quelques années. Elle est
cependant plus ancienne, puisque déjà en 1973, elle était discutée dans un article publié
dans le Journal of Business Finance82.
Ce regain d’intérêt récent s’explique en partie par, en amont, les montants de
pertes catastrophiques auxquels on dû faire face les compagnies d’assurance et de
réassurance au cours de la décennie écoulée et, en aval, par la réalisation concrète de ce
recours aux marchés financiers comme instrument de réassurance des risques
catastrophiques.
Au lendemain de la survenance, aux États-Unis, de l’ouragan Andrew en 1992
en Floride, et du tremblement de terre de Northridge en Californie en 199483, on a
assisté à une pénurie mondiale de capacités de réassurance pour ce type de catastrophe,
et donc de l’offre. Pas moins de neuf compagnies d’assurance américaines sont
devenues insolvables à la suite de l’ouragan84. Les tarifs de la réassurance des
catastrophes naturelles se sont envolés : l’indice de référence85 ayant augmenté de plus
de 50%. Ainsi, les questions de liquidité, de solvabilité et de faillites potentielles des
assureurs et des réassureurs sont-elles devenues primordiales.
169. - Comme le soulignent les professionnels de la réassurance, très peu de
réassureurs offrent une couverture pour des événements susceptibles d’occasionner des
82
R. Goshay et R. Sandor, An Inquiry into the Feasability of a Reinsurance Futures Market, Journal of
Business Finance, 1973.
83
Pertes assurées atteignant 36 milliards de dollars pour les deux événements.
84
R. King, Insurance Markets after Hurricanes Andrew, Washington, Congressional Research Service,
1993.
85
Indice « Paragon ».
64
pertes supérieures à 5 milliards de dollars. En outre, le nombre de catastrophes dont les
montants assurés dépassent le milliard de dollars est passé de sept dans les années 70 à
plus de quarante dans les années 2000. Pour la compagnie d’assurance voire de
réassurance, il s’agit de trouver, pour certaines, de nouvelles sources de liquidité ou,
pour les autres, de solvabilité comme cela a déjà été souligné.
170. - L’idée de transférer une partie des risques catastrophiques vers les marchés
financiers a alors été développée, puis concrétisée aux États-Unis. Elle s’appuie sur un
argument assez simple : la capitalisation boursière des marchés financiers américains
dépasse 19 000 milliards de dollars, avec des fluctuations journalières moyennes de
l’ordre de 130 milliards de dollars. Ces marchés offrent en théorie une capacité de
couverture sans commune mesure avec les capacités de l’industrie de l’assurance et de
la réassurance.
Ainsi, une catastrophe causant des dommages assurés de 100 milliards de
dollars, capable de conduire à la faillite plusieurs grands assureurs et réassureurs,
représenterait moins de 0,5% de la capitalisation de ces marchés financiers et pourrait
donc être absorbée relativement facilement.
171. - Si l’idée était intéressante, il restait à faire se rencontrer deux mondes bien
différents : le monde de l’assurance et celui de la finance. L’histoire, les références, les
outils, les procédés, les acteurs y sont différents. Il a fallu élaborer des outils permettant
de convertir certains risques catastrophiques, d’ordinaire couverts par la réassurance, en
titres financiers échangeables sur les marchés boursiers. Cette conversion a permis, d’un
coté, aux investisseurs de s’intéresser à ces nouveaux titres issus du monde de
l’assurance, et de l’autre, pour les assureurs, de solliciter les capacités de couverture de
nouveaux acteurs.
172. - Deux questions se posent alors : Quels sont les moyens proposés aux
assureurs et réassureurs par les marchés financiers (Paragraphe 1) et quels avantages
peuvent-ils leur procurer (Paragraphe 2)?
65
Paragraphe 1/ Les mécanismes alternatifs de transfert de risques offerts
par les marchés financiers aux assureurs et réassureurs
173. - Deux principaux outils ont été mis en place :
-
les échanges de portefeuilles entre assureurs différemment exposés aux risques
de catastrophe : les swaps catastrophes ;
-
et les obligations, indexées sur la survenance de catastrophes.
A/ Les swaps catastrophes
174. - La plus grande bourse d’échange de portefeuilles d’assureurs est basée à
New York. Le « Catastrophe Risk Exchange » ou CATEX est avant tout, pour les
assureurs, un lieu d’échange d’expositions aux risques de catastrophes naturelles.
175. - Certaines zones exposées des États-Unis, telles que la Californie ou la
Floride, font l’objet d’études actuarielles aboutissant à un zonage par degré d’exposition
aux risques et par maximum des pertes possibles en cas de catastrophe. Une telle
approche permet de diviser le risque global du portefeuille d’une compagnie
d’assurance en plusieurs « unités standard d’exposition ».
Chacune de ces unités correspond à une exposition86 d’un million de dollars. Sur
la base de cette standardisation de l’exposition aux risques catastrophiques, ces derniers
deviennent échangeables, on parle de swaps, entre les portefeuilles de différents
assureurs, notamment en fonction de la probabilité estimée des catastrophes.
176. - L’avantage de cette bourse d’échange est de permettre à des assureurs,
établis dans des régions connues pour être exposées aux catastrophes naturelles, de
réduire une surexposition due à la concentration de leur activité au sein d’une même
zone géographique.
Par exemple, un assureur de Floride et un assureur de Californie peuvent
s’échanger 25 unités standard d’exposition aux ouragans en Floride contre 50 unités
standard d’exposition aux tremblements de terre en Californie, si chacun d’entre eux
86
Estimation de la perte maximum possible.
66
estime que la probabilité de survenance de tempêtes en Floride conduisant à une perte
de 25 millions de dollars pour l’un est deux fois élevée que celle de tremblements de
terre en Californie occasionnant des pertes de 50 millions de dollars pour l’autre.
177. - Si le CATEX constitue le premier marché d’échange au monde disponible
sur internet pour les assureurs et réassureur, et concernant les risques liés aux
événements d’origine naturelle, il offre également à ses membres, grâce aux droits
prélevés, de puissants outils de gestion des risques.
En effet, les compagnies membres peuvent non seulement échanger entre elles,
mais disposent également des informations les plus récentes sur les risques qui les
intéressent : données historiques, de nombreuses évaluations, et des simulations
individualisées, qui leur sont fournies par le CATEX et ses firmes partenaires. Parmi
celles-ci, Applied Insurance Research (AIR), basée notamment à Boston, offre des
simulations de catastrophes et des analyses de risques.
Bien que cette bourse d’échanges ait débuté le 1er octobre 1986, la première
transaction effectuée entièrement sur Internet a été annoncée le 28 juillet 1997. Le
nombre d’adhérents a considérablement évolué : on en comptait 13 fin 1996, on en
compte à ce jour 300. Plus d’un millier de transactions ont été enregistrées représentant
quelques 5,5 milliards de dollars de limite de couverture. Son champ d’activité s’est
depuis étendu au monde entier.
B/ Les obligations indexées sur la survenance de catastrophes
178. - Les obligations indexées sur un risque catastrophique, ou Cat Bonds,
constituent une autre forme de transfert de risques entre l’industrie de l’assurance et la
sphère financière. Le principe de ces obligations indexées est le suivant : un acteur
(assureur/réassureur) émet une dette obligataire dont le remboursement, sous forme
d’un nominal et/ou de coupons, est contingent à la survenance d’un événement naturel
donné, ou, plus précisément, au niveau des sinistres occasionnés par cet événement, au
cours d’une période déterminée.
179. - Plusieurs acteurs interviennent dans ce mécanisme. D’un coté, une
compagnie d’assurance ou de réassurance est désireuse de transférer une part de risques
67
catastrophiques qu’elle couvre. De l’autre, des investisseurs sont à la recherche de
placements attractifs.
Classiquement, comme intermédiaire, on met en place une compagnie ad hoc
spécifique, Special Purpose Vehicle (SPV) ou Special Purpose Company (SPC) dans le
jargon de l’assurance. Celle-ci fait office de réassureur pour la compagnie d’assurance.
180. - Il est important de rappeler à ce stade que, pour des raisons fiscales
évidentes, la plupart des SPV sont aujourd’hui basées aux Bermudes pour les cédantes
américaines, à Guernesey ou Dublin pour les cédantes européennes. La compagnie
d’assurance souhaitant utiliser des Cat Bonds établira son propre réassureur SPV auprès
duquel elle signera un contrat de réassurance87. Une fois le contrat signé, le SPV met en
place les Cat Bonds correspondants et les vend aux investisseurs présents sur les
marchés financiers.
181. - Comment le SPV couvre-t-il l’assureur et rémunère-t-il les investisseurs ?
D’une part, le plus souvent, les montants payés par les investisseurs, qui achètent
des Cat Bonds, sont convertis par le SPV en obligations d’Etat sans risque, afin de
garantir l’engagement des investisseurs. D’autre part, la prime de réassurance payée par
la cédante au réassureur SPV lui permet de rémunérer les investisseurs, par l’émission
de coupons. D’où l’idée de véhicule.
Deux cas de figure peuvent apparaître suivant que l’assureur subit, durant une
période de temps spécifiée dans le contrat, des pertes supérieures ou inférieures à un
seuil de référence prédéterminé, ou que la profession subit des pertes supérieures ou
inférieures à un certain indice.
Si les pertes sont supérieures à ce seuil, les coupons et/ou le principal sont
réduits d’un montant tel que défini par le contrat. Les investisseurs perdent donc ce
montant, qui est rétrocédé par le SPV à la compagnie d’assurance. En ce sens, l’assureur
est indemnisé par le SPV qui fait office de réassureur.
Dans le second cas, absence de sinistre ou des montants de sinistres en deçà du
niveau spécifié par le contrat, la compagnie d’assurance ne perçoit rien et perd sa prime
versée au SPV. Les investisseurs reçoivent alors le principal augmenté d’un intérêt
87
Prime de réassurance et couverture.
68
substantiel financé par la prime de réassurance88, afin de compenser leur exposition aux
risques et de rémunérer l’utilisation de leurs fonds initialement versés au SPV.
Le rendement est alors beaucoup plus avantageux pour eux que celui obtenu sur
des obligations d’Etat non risquées. En cela, certains Cat Bonds suivent une logique
similaire à celle du prêt à la grosse aventure de mer.
182. - Ces deux mécanismes sont plus souvent réunis sous l’expression de
« titrisation des catastrophes naturelles ». En effet, en divisant un risque en plusieurs
titres qu’ils revendent sur un marché, les assureurs et réassureurs réalise une opération
de titrisation. Mais dans les faits, quels sont les avantages procurés par ces mécanismes
pour le marché de l’assurance et de la réassurance.
Paragraphe 2/ Les avantages procurés par les mécanismes alternatifs de
transfert de risque
183. - Pour les compagnies d’assurance et les assurés, la titrisation présente
plusieurs avantages.
En premier lieu, elle limite le risque dit de crédit ou de contrepartie, c'est-à-dire
la possibilité que l’autre partie, l’assureur ou le réassureur, ne soit pas en mesure
d’honorer ses remboursements tels que spécifiés dans le contrat d’assurance ou de
réassurance. En effet, en ce qui concerne les obligations indexées par exemple, le SPV
détient le capital correspondant au montant du sinistre potentiel, puisque les fonds à
garantir sont investis dans des placements sans risque. Ces utilisations des marchés
financiers offrent donc une meilleure garantie de crédit que la réassurance traditionnelle.
Deuxièmement, ces outils offrent une disponibilité de couvertures plus étendues
et une garantie de déblocage des fonds très rapide. Effectivement, il arrive assez souvent
que des assureurs ne puissent pas trouver les couvertures de réassurance importantes
qu’ils recherchent, soit qu’elles soient inexistantes89, soit qu’elles soient pour eux
inabordables. La titrisation est à même de les leur fournir.
88
89
Diminuée des frais de commission du SPV.
Limitation de l’exposition du réassureur par risque.
69
De plus, les outils de titrisation apportent souvent une couverture pluriannuelle
pour un prix prédéfini, ce qui limite l’impact de possibles élévations brutales du prix de
la réassurance des événements extrêmes comme après le 11 septembre 2001 ou les
événements du 11 mars 2011 au Japon.
Par ailleurs, lorsque les assurés voient leurs biens détruits à la suite d’une
catastrophe, la valeur qu’ils attribuent aux remboursements de leur compagnie
d’assurance est d’autant plus élevé qu’ils sont indemnisés rapidement. En cela, la
titrisation pourrait aussi permettre une élévation du consentement à payer des assurés,
dans la mesure où ils peuvent attendre une indemnisation rapide.
Un troisième avantage consiste à limiter le phénomène d’aléa moral présent dans
une relation traditionnelle entre un assureur et son réassureur dans la mesure où
l’instrument financier peut se baser sur des pertes qui sont indépendantes des actions de
l’assureur.
Par exemple, pour les Cat Bonds, l’aléa moral est nul si l’indice pour les
tremblements de terre est basé sur l’échelle de Richter.
184. - La titrisation des risques de catastrophes naturelles offre également plusieurs
avantages pour les investisseurs sur les marchés financiers. D’une part, son rendement
est attractif et d’autre part, elle offre aux investisseurs une réelle diversification de
portefeuilles.
185. - Le marché français, comme le marché européen, est en retard dans ce
domaine. Cependant, une avancée notable a été réalisée il y a peu. Le 10 mai 2010,
Météo-France et Euronext, ont annoncé la création de METNEXT, une coentreprise
dédiée à la gestion indicielle du risque météorologique.
Cette société commercialise, depuis, des services à destination des entreprises,
assureurs, réassureurs et banquiers.
Elle établit des indices météorologiques à partir d’une analyse historique de
l’impact des variations météorologiques90 sur les paramètres de gestion. Ils sont
disponibles à des échéances de prévisions allant de quelques jours à plusieurs semaines,
voire même plusieurs mois.
90
Température, quantité de pluie, force et direction du vent, etc.
70
METNEXT devrait pouvoir fournir également, d’ici à 2012, aux intervenants de
marché, des outils et des moyens nécessaires à la création et à la structuration de
produits de couverture climatique, en leur permettant de créer des indices climatiques.
Une telle initiative devrait pouvoir être étendue en Europe. Ces indices ne
serviront pas dans un premier temps d’instruments financiers négociables sur un
marché, mais ils seront utilisés comme base de données. D’ici 2013, ils serviront de
support à de nouveaux instruments financiers permettant à des entreprises (et leurs
assureurs) dont le résultat dépend des aléas de la météo de se couvrir contre des risques
climatiques.
186. - Ces nouveaux produits financiers semblent offrir une contribution précieuse
pour résoudre les problèmes de solvabilité et de liquidité des assureurs face à des
sinistres à grande échelle, aux conséquences financières extrêmes. D’ailleurs, le nombre
d’entrants sur ce marché est croissant.
187. - D’autres moyens ont été trouvés pour répondre au défi lancé par ces
nouveaux risques à grande échelle. Ces derniers font appel au principe de solidarité par
le biais d’un partenariat public/privé.
Chapitre 2/ Le recours au partenariat public/privé
188. - L’idée sera, dans ce chapitre, d’identifier les raisons possibles d’un
partenariat public/privé dans un secteur apparemment réservé aux grandes
multinationales (Section 1) pour, ensuite, faire l’examen de ce qui est proposé en France
à l’heure actuelle (Section 2)
71
Section 1/ Les risques à grande échelle et le partenariat des
secteurs public et privé
189. - Le débat sur l’efficacité respective des secteurs public et privé pour la
gestion des risques à grande échelle est animé. Certains prétendent que le marché peut,
seul, traiter efficacement les enjeux des risques catastrophiques. D’autres pensent que ce
domaine relève de l’intervention publique. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici d’offrir
une liste exhaustive des différents points de vue et arguments mis en avant de part et
d’autre. Il paraît néanmoins utile de dégager certaines interrogations majeures qui
devraient plutôt conduire vers une approche reposant sur le partenariat public-privé,
capable de s’appuyer sur les avantages des deux secteurs tout en évitant certaines de
leurs limites respectives.
190. - La légitimité de l’intervention publique (Paragraphe 1) dans un domaine
réservé traditionnellement au secteur privé est une de ces interrogations majeures, tout
autant que les conséquences bénéfiques et néfastes que peut présenter un tel partenariat
sur le secteur ou le risque concerné (Paragraphe 2).
Paragraphe 1/ La légitimité de l’intervention publique
191. - Une première interrogation de fond porte sur la capacité des assureurs et
réassureurs privés à résoudre seuls les problèmes posés par l’échelle et la nature des
risques en cause. Aucun argument ne semble pouvoir être avancé de manière
complètement convaincante quant à la capacité illimitée du seul secteur privé à faire
face à des sinistres aux conséquences catastrophiques. On peut d’ailleurs observer une
attitude de retrait des assureurs privés vis-à-vis de certaines catégories de risques.
192. - L’intervention gouvernementale est quasi inéluctable dans de telles
circonstances pour prendre en charge une partie des indemnisations lorsque les
assureurs pourraient devenir insolvables.
72
Mais l’intervention gouvernementale ne se limite pas à cela, loin s’en faut. Elle
opère également pour protéger les citoyens selon trois voies différentes.
La première consiste à les protéger contre leur propre imprévoyance par la mise
en place d’assurances obligatoires.
L’intervention publique peut également se justifier pour garantir la protection
des assurés. En effet, ces derniers n’ont aucune garantie lors de la signature du contrat
que la compagnie d’assurance sera en mesure de satisfaire à ses obligations au terme du
contrat. En cela, les instances publiques de régulation défendent les intérêts des assurés
en imposant des contraintes de solvabilité aux assureurs.
Un troisième argument légitimant l’intervention du secteur public trouve son
fondement dans des considérations éthiques, liées notamment à la recherche de l’équité.
L’assurance, dans une logique de marché, cherche à différencier au maximum
ses tarifs de façon à représenter au mieux la diversité des risques actuariels
correspondants. Si cette discrimination tarifaire apparaît justifier pour certains types de
risques91, elle l’est beaucoup moins dans d’autres situations où l’individu ne peut guère
peser sur le caractère inhérent du risque qu’il doit supporter. Cet argument est
notamment valide pour le risque de contamination après une catastrophe industrielle, ou
pour les conséquences d’actes terroristes, et, dans une certaine mesure, celles des
catastrophes naturelles.
193. - Cependant, comme toute solution, elle présente des avantages et des
inconvénients.
Paragraphe 2/ La mise en balance des avantages et des inconvénients
d’un tel partenariat public/privé
194. - Le secteur public présente au moins quatre avantages :
-
Pouvoir de redistribution de richesses : il détient le pouvoir de répartir les coûts
de la catastrophe sur une longue période de temps et de le faire sur la plus large entité
sociale existante, la population toute entière des citoyens et des entreprises, fondant sa
91
Ex: un automobiliste inexpérimenté qui paie une prime d’assurance plus élevée.
73
démarche sur « un principe de solidarité nationale ». Il pourrait donc, s’il est bien établi,
résoudre seul le problème de limite de capacité dans le financement des risques à faible
probabilité mais aux conséquences catastrophiques.
-
Capacité à diversifier des risques : le secteur public peut atteindre un très haut
degré de diversification en regroupant de multiples sources de risques largement
indépendants.
-
Politique de subvention des primes d’assurance : il peut offrir des conditions
non commerciales d’assurances très favorables, notamment par l’établissement de
mécanismes de subventions directes ou croisées des primes d’assurance au sein d’un
même groupe d’assurés.
-
Loi rendant une assurance obligatoire : les pouvoirs publics peuvent adopter des
lois rendant certaines assurances obligatoires. La France détient certainement le record
du nombre d’assurances obligatoires : elles sont aujourd’hui plus de 90.
195. - Néanmoins, la prise en charge publique exclusive présente également
certains inconvénients. Il s’agit d’abord des conditions, parfois floues, d’attribution des
indemnisations ou des subventions.
Ainsi, le Professeur George PRIEST, de la Yale Law School, recensait de tels
dysfonctionnements dans une allocution prononcée lors de la conférence sur les risques
catastrophiques organisée à l’université Stanford en 199492. Selon lui, de nombreuses
attributions douteuses dans le cadre de l’aide à l’agriculture sinistrée avaient été
relevées par deux rapports de commissions gouvernementales après l’ouragan Andrew
de 1992 et les inondations du Mississippi en 1993.
196. - Dans un autre domaine, les débâcles bancaires en nombre important depuis
vingt ans ont relevé certaines facettes plus noires de l’intervention publique : rigidité
92
G. Priest, The Government, the Market, and the Problem of Catastrophic Risk, Journal of Risk and
Uncertainty, 1996, p. 219-237.
74
face à des situations de crise, incompétence technique et de gestion, réseaux publics de
corruption, etc.
197. - Une autre lourdeur du système public, souvent citée, concerne l’aspect
réglementaire. La difficulté d’adaptation à des changements rapides, la complexité des
procédures et la superposition de réglementations redondantes jouent en sa défaveur.
Comme le souligne le Professeur Jean-Charles ROCHET, « une entreprise
inefficace, un produit inadapté aux besoins des consommateurs disparaissent
rapidement sous la pression de la concurrence. Quand une réglementation est
inadaptée ou obsolète, il est très rare qu’elle disparaisse. Dans la plupart des cas, on
lui adjoint une nouvelle réglementation qui la rend redondante ou parfois, au contraire,
inapplicable »93.
Cette constatation fait écho au débat qui a lieu aux États-Unis au début des
années 90, concernant la régulation des taux de primes d’assurance des catastrophes
naturelles, régulièrement jugée trop contraignante par les assureurs américains.
198. - De cette courte analyse, une conclusion intermédiaire appelle donc à
imaginer une forme de partenariat entre les secteurs public et privé, susceptible de
combiner au mieux leurs avantages respectifs, tout en minimisant leurs faiblesses
potentielles.
Plusieurs combinaisons sont possibles. Plusieurs devront être testées pour
aboutir, suivant la nature de l’événement considéré et les particularités de pays
d’application, à des partenariats équilibrés et efficaces. Une fois établis, ils devront
évoluer non seulement avec l’apparition de nouveaux événements sur le territoire
national, mais aussi au regard des politiques mises en place à l’extérieur de celui-ci.
A ce titre, le régime des catastrophes naturelles français semble être un exemple
de partenariat public/privé fonctionnant bien.
93
J-C Rochet, Innovations, Rents and Risk, Econometrica, 2010, p. 108.
75
Section 2/ L’exemple du partenariat public/privé en France
199. - Le seul partenariat public/privé ayant trait aux événements catastrophiques
majeurs en France, touche le risque de catastrophes naturelles (Paragraphe 1). Ce
régime, appelé régime Cat. Nat., présente une multitude d’avantages pour les assureurs.
Cependant, comme dans tout système, certains abus ont été constatés (Paragraphe 2),
mais ne remettent pas en cause l’efficacité du régime.
Paragraphe 1/ Le régime français de l’assurance des catastrophes
naturelles
200. - Le système français de couverture contre les conséquences négatives
d’événements naturels, crée il y a trente ans, constitue un exemple de partenariat entre
l’Etat et l’industrie de l’assurance.
En novembre 1981, un projet de loi a proposé la création d’un régime
d’indemnisation pour les victimes de désastres naturels, et, le 13 juillet 1982, la
première loi significative en la matière a été votée.
Ce régime est dit « à péril non dénommé » : il n’existe pas de liste exhaustive
des périls ou d’aléas qu’il couvre.
201. - L'état de catastrophe naturelle est constaté par un arrêté interministériel 94 qui
détermine les périodes et la(les) commune(s) où s’est produite la catastrophe, ainsi que
la nature des dommages couverts par la garantie95. L’arrêté interministériel est pris
après avis d’une commission interministérielle, saisie par le Préfet sur demande d’une
commune. Cette commission reconnaît, sur la base de rapports scientifiques, le caractère
exceptionnel du phénomène naturel ayant généré les dommages. Seuls les particuliers et
entreprises assurés peuvent bénéficier cette garantie.
202. - Le régime Cat. Nat est fondé sur le principe de solidarité nationale. En effet,
l’article 2 de la loi du 13 juillet 1982 prévoit que « la garantie est couverte par une
94
95
Des ministères de l’Intérieur, et de l’Économie et des Finances.
Article L.125-1 du Code des assurances.
76
prime ou cotisation additionnelle, calculée à partir d’un taux unique défini par arrêté
pour chaque catégorie de contrat. Ce taux est appliqué au moment de la prime ou
cotisation principale ou au montant des capitaux assurés, selon la catégories du
contrat ».
Tous les citoyens et toutes les entreprises paient le même taux de surcharge au
titre de l’assurance contre les catastrophes naturelles et cela quel que soit leur degré
d’exposition au risque.
Cette surcharge est un pourcentage de la prime d’assurance habitation et
véhicules à moteur payée par chaque assuré et est fixée par la Direction du Trésor au
ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Ce taux de surcharge est
obligatoire, ce qui supprime les phénomènes d’anti-sélection.
203. - En plus des assurés, il existe trois acteurs principaux dans le schéma
français : l’industrie de l’assurance96, la Caisse centrale de réassurance (CCR) et le
gouvernement.
Les assureurs collectent les primes, et donc les surcharges de primes au titre des
catastrophes naturelles. Comme ils avaient d’abord refusé d’assurer ces risques, le
gouvernement leur a offert des commissions de gestion afin de les inciter à participer au
système. Afin de parer au danger de faillites et aux problèmes de liquidité possibles, le
système offre la possibilité aux assureurs de se réassurer auprès de la CCR.
204. - Cette dernière a été créée après la Seconde Guerre mondiale, en 1946.
Détenue majoritairement par l’Etat, elle est aujourd’hui classée parmi les trente
premiers réassureurs mondiaux. En outre, une convention passée avec les pouvoirs
publics l’habilite à offrir des couvertures en réassurance avec une garantie de l’Etat,
notamment dans le domaine des catastrophes naturelles. Elle bénéficie donc d’une
garantie illimitée de l’Etat français, sous forme de réassurance entre l’Etat et la CCR,
qui lui confère un statut de réassureur à jamais solvable.
Le gouvernement est ainsi l’assureur en dernier ressort : il paiera de façon à ce
que la CCR ne se trouve jamais en faillite. Le gouvernement joue donc un rôle essentiel
dans ce système.
96
Compagnies d’assurance, de réassurance et mutuelles.
77
205. - Dès lors, la question est de savoir quels sont les avantages et les
inconvénients de ce partenariat pour les assureurs et les assurés.
Paragraphe 2/ L’évaluation du régime Cat. Nat.
206. - Ce partenariat présente au moins trois avantages clairs.
En premier lieu, il existe un vaste réseau d’assureurs couvrant l’ensemble du
territoire, dans les villes mais aussi dans les communes rurales ou montagnardes. Il est
en outre techniquement facile aux assureurs privés d’ajouter et de gérer une nouvelle
ligne de risques « catastrophes naturelles » sur chaque contrat. La question de la collecte
des surcharges et de leur gestion est ainsi résolue : les assureurs privés reçoivent toutes
les surcharges payées par leurs assurés au titre de l’assurance Cat. Nat.
Deuxièmement, les assureurs sont capables d’estimer relativement rapidement
les dommages grâce à leurs réseaux d’experts ; les délais d’indemnisation s’en trouvent
réduits d’autant.
Enfin, et c’est la troisième force du système, le partenariat avec les assureurs
privés limite certaines dérives possibles dans un système exclusivement public comme
par exemple le risque de charité, défini comme « la tendance d’un individu à risquer ne
pas se couvrir par l’achat d’une assurance puisqu’il compte sur la charité des
programmes d’indemnisation gouvernementaux97 ».
En effet, après une catastrophe, le gouvernement devra toujours aider les
citoyens, qu’ils soient assurés ou non, au travers de mesures d’urgence, de la gestion de
le crise, des aides financières qu’il est amené à leur accorder. Cette anticipation peut
inciter certains assurés potentiels à considérer comme trop élevée la prime proposée,
puisque leur consentement à payer pour être couverts diminue d’autant plus que le
risque de charité est plus marqué.
207. - Les assureurs partagent les montants versés au titre des dommages avec la
Caisse Centrale de Réassurance dans la mesure où ils se sont réassurés auprès d’elle.
97
M. J. Browne et R. E. Hoyt, The Demand for Flood Insurance: Empirical Evidence, Journal of Risk
and Uncertainty, 2000, p. 291-306.
78
Puisque elle dispose d’une garantie illimitée de l’Etat, les assureurs sont sûrs d’être
remboursés.
208. - La garantie publique permet à la CCR d’offrir une garantie de solvabilité aux
assureurs, et donc la certitude que les assurés pourront toujours être indemnisés.
209. - Néanmoins, le risque de dérives est grand. En effet, en France, ce partenariat
a largement bénéficié aux assureurs privés. Ces derniers ont prélevé, avec l’accord du
gouvernement, des frais de gestion tout à fait disproportionnés.
Sur la période 1992-2005, les compagnies d’assurance ont versé environ 3
milliards d’euros d’indemnisations alors qu’elles prélevaient quelque 500 millions
d’euros de commissions et environ 1,2 milliards d’euros au titre des frais de
fonctionnement. Cela fait 1,7 milliards d’euros de recette hors primes pour les
assureurs. Or, puisque l’assurance catastrophe accompagne automatiquement des
contrats dommages, les coûts de mise sur le marché et de gestion sont, au total, quasi
nuls.
Les frais autorisés représentent donc, sur cette période, plus de la moitié des
prestations versées aux assurés. En d’autres termes, on peut considérer que lorsqu’une
victime de catastrophe naturelle a reçu 2 000 euros de sa compagnie d’assurance, cette
dernière a bénéficié de plus de 1 000 euros comme frais de gestion. Les assureurs
français semblent avoir bien tiré profit du régime Cat. Nat. Cependant, cela ne remet en
rien en cause l’efficacité de ce partenariat.
210. - Après avoir fait l’analyse des solutions existantes proposées à la fois par le
secteur privé et le secteur public, il serait intéressant de s’attarder sur les nouvelles
mesures applicables dans un avenir proche, à savoir celles qui découlent de la directive
européenne Solvabilité 2, afin de savoir si elles ont tenu compte des différentes
difficultés rencontrées par les assureurs face à ces nouveaux risques, pour le cas
échéant, en proposer de nouvelles, soit additionnelles, soit complémentaires.
79
Titre 2/ Analyse des mesures à venir et nouvelles propositions
211. - L’ensemble de ce titre se consacrera à l’étude prospective des mesures à
venir offrant des solutions nouvelles aux assureurs face à ces nouveaux risques et
s’attèlera à proposer des solutions nouvelles et/ou complémentaires.
Cette étude prospective portera à la fois sur les mécanismes de
responsabilisation du secteur assurantiel et de prévention des risques nouveaux
(Chapitre 1) et sur les mécanismes de renforcement des fonds propres des assureurs
(Chapitre 2)
Chapitre 1/ L’étude prospective des mécanismes de responsabilisation et
de prévention des risques extrêmes : mesures à venir et nouvelles
propositions
212. - Il paraissait important de traiter de la question de l’entrée en vigueur de la
directive Solvabilité 2, courant 2013, (Section 1), tant cette directive va opérer des
changements radicaux dans la manière de gérer les risques des entreprises d’assurance
et de réassurance européenne.
De nouvelles propositions directement liées à cette entrée en vigueur (Section 2)
seront également traitées dans ce chapitre.
Section 1/ 2013 : L’entrée en vigueur de la directive Solvabilité II
213. - L’importance des sommes en jeu et le rôle croissant des entreprises
d’assurance dans la société on conduit l’état à établir des normes permettant le contrôle
de la solvabilité financière des différents intervenants du secteur de l’assurance.
Ces enjeux ont été repris au niveau européen dans le but d’harmoniser les
systèmes des différents états membres. Ceci a notamment permis la mise en place de
l’agrément unique qui permet à un assureur européen d’intervenir dans les autres pays
de l’Union européenne s’il a reçu un agrément dans son pays d’origine. Dans cette
80
optique d’harmonisation européenne, la Commission Européenne s’est attachée à établir
un système de solvabilité commun. Dans un premier temps, elle a harmonisé les
systèmes de marge de solvabilité (Solvabilité 1).
Puis elle a commencé à élaborer un référentiel unique visant à mieux évaluer et
intégrer le risque dans les contraintes imposées aux assureurs en vue d’assurer leur
solidité financière dans le cadre de Solvabilité 2. Ce référentiel a été adopté au mois
d’avril 2009 par le Parlement européen.
Compte tenu de l’ampleur des travaux à mener, le projet a ainsi été scindé en
deux phases.
La première phase de réflexion sur la forme globale du futur système européen
de solvabilité est close depuis le 9 avril 2003. Des principes généraux on été établis en
vue de guider les travaux pendant la phase 2. Parallèlement, cette phase préliminaire a
permis de fixer les méthodes de travail et d’élaboration des éléments du système.
La structure retenue est une structure à trois piliers :
-
Exigences quantitatives en termes de capitaux
-
Gestion interne des risques et surveillance prudentielle par les autorités de
contrôle
-
Information publique en vue d’améliorer la discipline de marché
214. - La directive Solvabilité II poursuit deux objectifs principaux. D’une part, elle
vise à renforcer l’exigence de fonds propres des entreprises d’assurance et de
réassurance (Paragraphe 1) pour leur permettre de faire face sereinement à des crises
majeures. Et d’autre part, elle vise à renforcer le cadre prudentiel autour et dans ces
entreprises (Paragraphe 2) afin de limiter au maximum les excès tant en terme
d’engagement auprès des assurés que de mauvais placement sur les places financières.
Paragraphe 1/ Le renforcement des exigences de fonds propres des
entreprises d’assurance et de réassurance
215. - En matière d’assurance, la probabilité de réalisation en un trait de temps de
tous les engagements contenus au bilan est minime puisque ces engagements sont
81
aléatoires, mais il n’en demeure pas moins que l’exigence d’une marge de solvabilité
permet de garantir l’existence de l’entreprise d’assurance dans le paysage économique.
216. - Les premières dispositions prudentielles européennes ont donc posé
l’impérative nécessité d’une marge de solvabilité. Celle-ci, en plus de contenir un seuil
minimal de départ, doit être approvisionnée chaque année d’un montant calculé
forfaitairement en fonction des cotisations reçues, c’est-à-dire en fonction d’un chiffre
d’affaire en assurance non-vie, et en fonction des engagements, c’est-à-dire en fonction
des dettes en assurance-vie.
217. - La révolution opérée par la directive Solvabilité II réside dans un calcul
d’exigence de solvabilité fondé sur les risques. Deux notions nouvelles voient le jour et
remplacent la marge forfaitaire de solvabilité : le Minimum de Capital Requis ou
MCR98 et le Capital de Solvabilité Requis ou SCR99. Ces deux exigences de capital
réglementaire ont des fonctions différentes, ce qui impacte leur méthode de calcul.
218. - Le MCR correspond au seuil de fonds propres éligibles, en deçà duquel
l’entreprise d’assurance ne peut fonctionner normalement100, c’est-à-dire en deçà duquel
il est trop dangereux de poursuivre l’activité d’assurance. Aussi, il est logique que la
directive prévoie un retrait d’agrément si les entreprises d’assurance tombent en dessous
de ce montant.
Ce MCR comprend un double niveau : un plancher minimal fixe égal à deux
millions deux cent mille euros pour la branche assurance non-vie, trois millions deux
cent mille euros pour la branche assurance-vie et pour les entreprises de réassurance, et
un niveau supplémentaire à calculer selon le profil de risque de l’entreprise concernée.
Le montant total du MCR, doit permettre de couvrir le maximum de pertes
attendues avec un niveau de confiance de 85% et sur une période d’une année. Dans
tous les cas, le minimum de capital requis ne peut descendre en dessous d’un plancher
égal à 25% et ne dépasse pas 45% du capital de solvabilité requis (SCR).
98
En anglais : Minimum Capital Requirement.
En anglais : Solvency Capital Requirement.
100
Article 129 directive 2009/138/CE.
99
82
219. - Le Capital de Solvabilité Requis constitue une seconde exigence de capital
réglementaire qui se surajoute au MCR et en dessous duquel les interventions
prudentielles seront renforcées. Ce capital cible correspond au niveau de fonds propre
permettant à l’entreprise d’assurance d’absorber des pertes imprévues significatives,
c’est-à-dire des pertes se situant au-delà des pertes moyennes prévues par les provisions
techniques, en limitant la probabilité de ruine de l’entreprise à 0,5% à l’horizon d’un an.
Ce capital cible doit être calibré d’une telle manière que si tous les risques se
réalisent, seulement 0,5% d’entre eux ne pourront être honorés. Il doit donc être égal à
99,5% du montant total des risques encourus et tous confondus. Sur ce point, la
directive précise que les risques qui doivent être couverts sont ceux quantifiables c’està-dire le risque de souscription, de marché, de crédit et le risque opérationnel.
Le calcul du SCR, à effectuer au moins une fois par an 101, peut se faire selon
deux modèles : un modèle standard dont les grands principes sont donnés par la
directive et un modèle interne élaboré par l’entreprise elle-même et approuvé par les
autorités de contrôle.
Ainsi, le dispositif mis en place par la directive Solvabilité II introduit un «
rapprochement entre capital réglementaire et capital économique »102 dans la mesure
où les exigences de capital réglementaires sont fonction des risques pris par l’entreprise.
Cependant, ces deux notions sont différentes. Le capital réglementaire est une
garantie de la solvabilité d’une entreprise, alors que le capital économique sert à piloter
et optimiser le rendement attendu pour une activité donnée qui comporte des risques.
CR et SCR ne pourront être couverts que par certains éléments de fonds propres
eux-mêmes plafonnés. Aussi, la directive classe en trois niveaux les fonds propres des
entreprises d’assurances, selon leur capacité d’absorption des pertes.
220. - Le classement en trois niveaux des fonds propres s’opère en fonction des
caractéristiques suivantes, outre le fait qu’ils doivent avoir une durée suffisante:
-
Niveau 1: il s’agit de la partie des fonds propres de base dont la caractéristique
est qu’ils sont disponibles de façon permanente pour absorber des pertes tant en
101
Article 102 de la directive 2009/138/CE.
J-D. Létoquart, Une nécessaire évolution de la législation de la solvabilité des institutions financières
?, JCPE, 2009.
102
83
cas de liquidation qu’en cas de poursuite d’activité. Ils sont admis pour
l’intégralité de leur montant et doivent constituer plus du 1/3 des fonds propres
admis en couverture du SCR et la moitié en couverture du MCR.
-
Niveau 2: il s’agit des fonds propres de base ou auxiliaires dont la
caractéristique est qu’ils sont capables d’absorber des pertes en cas de
liquidation de l’entreprise. Ils ne peuvent pas constituer plus de 2/3 des fonds
propres admis en couverture du SCR, et plus de la moitié en couverture du
MCR.
-
Niveau 3: il s’agit de fonds propres qui ne répondent pas aux caractéristiques
des deux premiers niveaux. Le montant éligible des éléments de niveau 3 doit
représenter moins du 1/3 du montant total des fonds propres.
221. - Beaucoup de professionnels soulèvent, comme le président de la FFSA,
Monsieur Bernard SPITZ, que « l’hyperprudence de cette directive entraine également
un hypercoût »103. Lorsque les entreprises devront se soumettre aux nouvelles
dispositions réglementaires, il est certain qu’elles verront leur exigence de fonds propres
à la hausse et elles devront dès lors trouver les moyens de se recapitaliser.
En effet, alors que sous l’ancienne réglementation les risques pesaient sur les
résultats, avec la directive Solvabilité II la variable d’ajustement est le capital
réglementaire, c’est-à-dire les fonds propres. Cette nouvelle perspective a un coût
beaucoup plus important.
Cependant, cette critique est à relativiser car compte tenu de la complexité des
quantitatives requises dans le pilier 1, la directive pose un principe de proportionnalité
dans leur mise en œuvre. Cette disposition accentue la volonté de disposer d’une
solvabilité au plus proche de la réalité économique à laquelle l’entreprise d’assurance
doit faire face. Ainsi, une petite entreprise qui a un profil de risque mineur ne se verra
pas soumettre à des exigences quantitatives qu’elle ne pourrait pas assumer, et qui
d’ailleurs lui coûterait trop cher en fonds propres.
103
Au cours d’un colloque organisé en octobre 2009 à l’Ecole Nationale d’Administration.
84
222. - Le deuxième objectif fixé par la directive Solvabilité II est le renforcement
tant interne, qu’externe du cadre prudentiel des entreprises d’assurance et de
réassurance européennes.
Paragraphe 2/ Le renforcement du cadre prudentiel prévu par le directive
Solvabilité II
223. - Suite à la crise financière de 2007, une réflexion sur la supervision des
entreprises du secteur financier a été menée en Europe et en France. Le secteur des
assurances n’a pas été épargné par ce vaste mouvement de remise en question et le
dispositif Solvabilité II, tel que voté par le Parlement européen et le Conseil, participe à
cette réflexion globale.
224. - Tout d’abord, la directive Solvabilité II comporte un volet relatif au contrôle
prudentiel, c’est-à-dire à la surveillance financière des entreprises d’assurance.
Concrètement, les autorités de régulation se voient dotées de pouvoirs accrus et
diversifiés, mais sont également soumises à des règles de transparence et de
coordination plus importante.
225. - Comme sous l’empire du dispositif Solvabilité I, il appartient au régulateur
du pays d’origine de contrôler les entreprises d’assurance qu’il a agréé ainsi que les
succursales de ces dernières. Ce contrôle porte sur la solvabilité, les provisions
techniques, les actifs et les fonds propres de ces entreprises. Les autorités de contrôle
disposent du pouvoir de prendre des mesures préventives et correctives en vue de
garantir le respect par les entreprises d’assurance des obligations qui sont à leur charge.
226. - Ajoutant à cette vision traditionnelle du contrôle prudentiel, la directive
Solvabilité II innove en mettant en place une relation individualisée entre le régulateur
et le régulé. En effet, la directive confie aux régulateurs le soin de valider les modèles
internes permettant de calculer l’exigence de solvabilité. Elle leur donne également la
mission de veiller à ce que le système de gouvernance mis en place par l’entreprise soit
satisfaisant.
85
227. - Certainement pour anticiper cette refonte de la supervision financière
européenne, la France a revu son architecture institutionnelle. L’Autorité de contrôle
prudentiel (ACP) instituée le 21 janvier 2010104, est issue de la fusion de la Commission
bancaire, de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), du comité
des entreprises d’assurance et du comité des établissements de crédit et des entreprises
d’investissement.
Cette nouvelle autorité forme avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) les
deux piliers du modèle de supervision financière105, l’AMF ayant en charge la
supervision des marchés alors que l’ACP se chargerait des acteurs.
Elle a la charge de la surveillance prudentielle des établissements de crédit, des
entreprises d’investissement (autres que les sociétés de gestion de portefeuille dont
l’AMF conserve la surveillance), des entreprises de marché, des entreprises d’assurance
et de réassurance. L’idée très claire derrière cette réforme est la prévisibilité des risques
systémiques grâce à une supervision macro-prudentielle. Il est également certain que la
France a voulu préparer la voie vers la supervision européenne en concentrant toutes les
autorités du secteur financier au sein d’une seule et même entité.
228. - Concernant,
ensuite,
l’amélioration
du
contrôle
prudentiel
interne,
l’innovation majeure de la directive Solvabilité II dans ce domaine d’exiger de la part
des entreprises d’assurance et de réassurance européennes la mise en place d’un système
de gouvernance efficace, garantissant une gestion saine et prudente de leur activité106.
Un tel système doit comporter une structure organisationnelle et doit obéir à des
règles de transparence et à une séparation claire des fonctions de gestion et de contrôle.
Il comporte nécessairement un mécanisme efficace de gestion des risques, un contrôle
interne, un contrôle d’audit et de fonction actuarielle. Le management du risque est une
fois encore au cœur des préoccupations, mais il ne fait pas ici l’objet d’une évaluation
quantitative en termes de solvabilité mais d’une évaluation qualitative.
229. - Dans le cadre de la gestion des risques, il est prévu de mettre en place un
mécanisme d’évaluation interne du profil de risque de l’entreprise, appelé « Own Risk
104
Par l’ordonnance n°2010-76.
Ou modèle bicéphale, littéralement modèle à « deux sommets».
106
Section 2, article 41 et suivants de la directive 2009/138/CE.
105
86
and Solvency Assessment » (ORSA). Les risques concernés ici sont ceux non
quantifiables, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas couverts par le pilier 1 et donc qui ne
rentrent pas dans le calcul de solvabilité. Ce système de gestion des risques permet de
mesurer la capacité de l’entreprise d’assurance à gérer une situation de crise. Il complète
les exigences quantitatives du pilier 1 et doit être partie intégrante des décisions
stratégiques de l’entreprise.
230. - Quant au contrôle interne, il s’agit de mesures destinées à contrôler la qualité
de l’information comptable et financière, la réalisation des objectifs fixés par les
instances dirigeantes, l’évaluation des risques et la conformité des opérations aux
normes qui leur sont applicables.
Afin de contrôler l’adéquation du système de gouvernance et du contrôle interne
mis en place par l’entreprise, celle-ci doit également se soumettre à un audit interne107.
231. - Enfin, le pilier 3 de la directive Solvabilité II instaure, pour toutes les
entreprises d’assurance et de réassurance en Europe, cotées ou non, établissant des
comptes consolidés ou seulement des comptes sociaux, l’obligation de communiquer
des informations financières au public.
En vertu des articles 51 et suivants de la directive108, les entreprises d’assurance
et de réassurance doivent publier annuellement un rapport sur la solvabilité et sur leur
situation financière. Ce rapport contient « une description de l’activité et des résultats
de l’entreprise, une description du système de gouvernance, et une appréciation de son
adéquation au profil de risque, une description pour chaque catégorie de risques, de
l’exposition au risque, des concentrations de risque, de l’atténuation du risque, une
description de la façon dont le capital est géré, une analyse de tout changement
important survenu par rapport à la période précédemment analysée, une explication de
toute différence significative dans les états financiers ».
107
L'audit interne est une activité indépendante mais menée par l’entreprise elle-même qui se dote d’une
structure adéquate pour la réaliser. L’audit interne permet de garantir à l’entreprise une maîtrise de ses
opérations, tout en l’aidant à atteindre ses objectifs en évaluant, par une approche systématique et
méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle, et de gouvernance d'entreprise, et en
faisant des propositions pour renforcer leur efficacité : Définition approuvée le 21 mars 2000 par le
Conseil d'Administration de l'Institut français des Auditeurs et Contrôleurs Internes.
108
Article 51 et suivants de la directive 2009/138/CE.
87
232. - Etant donnée l’importance et l’étendue des informations à fournir, la
conciliation entre confidentialité et communication financière est un enjeu majeur.
Aussi, la directive prévoit différentes dispositions autorisant dans certaines
circonstances, la possibilité pour les entreprises d’assurance et de réassurance de
déroger à leurs obligations. Ainsi les entreprises peuvent être autorisées par les autorités
de contrôle à ne pas publier une information lorsque celle-ci conférerait aux concurrents
un avantage indu important, ou bien lorsque l’information en question doit être tenue
secrète en raison d’obligations à l’égard des personnes avec qui elles entretiennent des
relations. Il est précisé que cette dérogation ne peut en aucun cas concerner les
informations à fournir quant à la composition du capital109.
233. - Les exigences de communication financière posées par la directive
Solvabilité II sont lourdes dans la mesure où toutes les entreprises d’assurance et de
réassurance sont concernées et parce que les informations à donner au public sont
quantitativement plus importantes. La qualité et la modernisation du système
d’information sont donc les pièces maîtresses du dispositif que les entreprises vont
devoir mettre en place, si ce n’est pas déjà fait.
234. - Si la directive européenne Solvabilité II traite avec efficacité des mécanismes
prudentiels et laisse malheureusement de coté tous les mécanismes de mise en situation
déjà utilisés dans d’autres secteurs, comme par exemple celui de la banque.
De plus, à vouloir trop responsabiliser le monde de l’assurance européenne, elle
en oublie que les principaux acteurs permettant de limiter les risques plus en amont sont
les assurés eux mêmes. Aussi, aurait-elle du prévoir des mécanismes de
responsabilisation des assurés. Ce n’était certainement pas l’objet de cette directive,
c’est pourquoi, cette étude se chargera de proposer quelques mesures additionnelles à
celles proposées par la directive Solvabilité II.
109
Article 53 de la directive 2009/138/CE.
88
Section 2/
L’intérêt de mesures additionnelles à la directive
Solvabilité II
235. - Les nouvelles mesures fixées par la directive Solvabilité 2 pourraient être
complétées par deux autres mesures tout à fait pertinentes. La première de ces mesures
additionnelles devrait être la mise en place généralisée et européenne de stress tests
(Paragraphe 1), et ce de façon régulière, pour évaluer les seuils de résistances des
entreprises d’assurance et de réassurance européenne face aux nouveaux risques.
De plus, la directive Solvabilité II a pour but, de responsabiliser les acteurs du
secteur assurantiel en les mettant face à leurs engagements. Suivant cette même logique
de responsabilisation, la mise en place d’un mécanisme de bonus/malus (Paragraphe 2)
permettrait, également, de responsabiliser les assurés et de les inciter à prendre des
mesures de prévention individuelles.
Paragraphe 1/La mise en place nécessaire de « stress tests » européens
236. - Pour étudier la portée des risques catastrophiques qui proviennent
généralement de la concentration des activités et des hommes sur un territoire restreint,
comme les tempêtes ou les inondations, l’Union Européenne pourrait développer son
rôle de producteur, canaliseur et diffuseur d’informations.
237. - L’enjeu est ici d’identifier les espaces ou les activités qui sont
particulièrement concernés par des risques graves et exceptionnels et d’évaluer les
montants en jeu, même approximativement.
Cela pourrait se révéler particulièrement utile lors de la mise en place de projets
à grande échelle, comme le renforcement d’un pôle de compétitivité, par exemple
l’extension vers Crolles du pôle de Grenoble, dans le secteur de l’informatique et des
nouvelles technologies. Il serait très profitable d’estimer les conséquences
événement catastrophique donné
110
sur une telle concentration d’activités, en termes de
dégâts et de montants assurables.
110
d’un
Inondation, explosion industrielle, attaque terroriste.
89
C’est l’objet des « stress tests » de mesurer comment réagit un système donné en
cas de réalisation d’un événement exceptionnel. Certaines compagnies d’assurances font
déjà quelques « stress tests », en ce qui concerne leur activité propre, et conservent bien
entendu ces informations pour leur usage interne.
238. - En effet, la publication éventuelle de « stress tests » est problématique
puisqu’elle présente des informations qui risquent d’alarmer les actionnaires ou les
commentateurs s’il n’apparaît pas clairement qu’il ne s’agit que d’un scénario
exceptionnel peu probable, ceci sans oublier son impact en termes de sécurité nationale.
239. - L’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM, ex
CCAMIP) impose plusieurs séries de « stress tests » aux assureurs. Depuis le 1er janvier
2001 des simulations de stress test sur la gestion actif/passif doivent être réalisées
chaque trimestre et adressées à l’autorité de contrôle. Depuis 2004, des « stress tests »
sont également demandés sur les schémas de réassurance. Cette deuxième série de
« stress tests » concerne la capacité de résistance des sociétés d’assurance à des chocs
sur leur plan de réassurance. Ces derniers ont pour premier objectif de sensibiliser les
entreprises à ce type de scénarios, dans une perspective de meilleure gestion interne des
risques. Ils servent aussi à mettre en place les outils permettant l’analyse du système de
réassurance.
240. - Cependant, ces informations ne sont pas suffisamment utilisées pour évaluer
l’impact macroéconomique d’une catastrophe donnée sur l’ensemble du secteur. Un des
seuls exemples à ce jour concerne la mise en place de « stress test », le 24 mai 2011,
soit un mois après l’accident nucléaire de Fukushima, pour vérifier la résistance des
centrales nucléaires de l'Union européenne à des catastrophes naturelles et à des
événements d'origine humaine.
Pourtant, dans le domaine bancaire, les « stress tests » constituent un élément
important de l’approche macro-prudentielle. La Banque de France, la Commission
bancaire et la Commission de contrôle des assurances (nouvellement Autorité de
Contrôle Prudentiel) ont mené en 2004, en liaison avec le FMI, un examen de la
stabilité du système bancaire français et de sa capacité de résistance à l’apparition d’un
90
certain nombre de catastrophes économiques. C’est sur la base de scénarios communs
qu’ont été agrégées les simulations effectuées par les banques.
241. - L’Union Européenne pourrait donc réaliser ou encourager la réalisation de
stress tests sur les risques catastrophiques et systémiques afin d’estimer les dommages
potentiels de grandes catastrophes touchant de nombreux acteurs111.
242. - De tels exercices auraient cinq fonctions :
-
Aider les assureurs à se préparer à des événements catastrophiques mieux
identifiés en adaptant leurs primes.
-
Inciter à la prévention, si les risques mis en évidence sont trop élevés. Cela
suppose qu’un maximum de ces « stress tests » soient faits à l’avance, au moment de la
définition d’un projet urbanistique ou d’aménagement du territoire.
-
Annoncer les risques pour mieux s’y préparer. Tout en évitant de créer des
inquiétudes ou même des paniques dans l’opinion publique, informer sur la possibilité
d’une catastrophe et la considérer comme probable contribue à surmonter la répugnance
naturelle à envisager les catastrophes, attitude qui constitue un obstacle majeur à la
prévention.
-
Donner à l’État une estimation de ses engagements hors bilan en cas de
catastrophe naturelle.
-
Compléter les politiques d’aménagement du territoire.
243. - Bien
évidemment,
l’idée
de
calculer
des
pertes
potentielles
est
essentiellement destinée à éclairer le décideur public. Il doit en tenir compte dans ses
choix, ses politiques, sa sensibilisation des acteurs économiques. Il ne s’agit donc
absolument pas de faire de cet exercice la base d’un système de provisionnement des
sociétés d’assurance, auquel cas le projet se retournerait contre son but en affaiblissant
indûment les compagnies.
111
Qu’il s’agisse d’entreprises de même type, soumises aux mêmes tensions, ou d’acteurs multiples
présents sur un même site sinistré.
91
244. - La mise en place d’un mécanisme de responsabilisation des assurés serait,
également, une bonne piste à suivre.
Paragraphe 2/ Le recours au mécanisme de bonus-malus
245. - Dans un contexte de hausse de la demande de protection, le risque d’inflation
de l’assurance de confort et de résorption de l’assurance permettant l’initiative
économique ou sociale s’amplifie. Le phénomène de déresponsabilisation des individus
est au cœur de ce processus. Responsabiliser les assurés serait une solution
supplémentaire.
En effet, la solidarité ne peut durablement fonctionner sans responsabilité
individuelle. Dans le cas contraire, l’aléa moral se développe, comme dans tout système
d’assurance. Dans un contexte de déresponsabilisation, certains, parce qu’ils paient leur
prime d’assurance, considèrent qu’ils sont dédouanés de tout effort de prévention et
qu’ils peuvent « consommer » de la protection sans limite.
246. - Face à l’aléa moral, les systèmes de bonus/malus et de franchise constituent
des outils très adaptés. Au-delà de sa justification théorique, la logique du bonus/malus
est profondément démocratique et respectueuse de la liberté et de la responsabilité de
chacun, dans la mesure où elle rend comptable de ses actes. C’est bien pourquoi
l’assurance joue un double rôle essentiel :
-
d’un côté, elle permet de prendre des risques en les mutualisant ; cette fonction
doit être étendue et défendue ;
-
de l’autre, elle éduque, en faisant évoluer le risque lui-même. Une part
importante des risques n’est pas, en effet, le fait du hasard mais de l’impréparation, de
l’insouciance voire de la tentative de profiter du système.
247. - L’assurance doit donc avoir un rôle éducateur, pédagogique même, en
complément bien sûr d’autres institutions qui interviennent dans d’autres registres
92
(écoles, lois et règlements). C’est bien pourquoi il faut mettre en avant cette philosophie
du bonus/malus, cette pédagogie de la liberté et de la responsabilité.
248. - Il revient à l’État de montrer l’exemple, quand il intervient directement dans
les mécanismes d’assurance, en particulier dans son rôle d’assureur et réassureur en
dernier ressort, rôle qui pose également un problème d’aléa moral.
249. - Des mesures de ce type ont déjà été prises, dans le domaine de l’assurancemaladie par exemple : une partie des taxes sur le tabac et l’alcool est reversée à la
Sécurité sociale ; la récente décision de ne pas rembourser un euro par consultation
médicale est un exemple de franchise.
Cependant, il reste des domaines où l’incitation à la responsabilité et à la
prévention ne s’est pas diffusée. Le cas du régime Cat. Nat. est souvent évoqué. Il
permet certes de couvrir les dommages des catastrophes naturelles de façon
satisfaisante, mais il n’incite pas assez à des comportements de prévention. Se sachant
assurés, certains individus ou collectivités ne prennent pas les mesures nécessaires pour
limiter les dégâts.
Face à ce problème, la mise en place des plans de protection des risques (PPR)
vise à sensibiliser les acteurs aux risques qu’ils courent et à préconiser des mesures qui
portent sur l’urbanisation, la construction et la gestion des zones menacées. Confronté à
leur faible efficacité, l’État a décidé en 2000 un renforcement du lien entre
l’indemnisation et la prévention. Le dispositif, entré en vigueur en 2002, prévoit
notamment une modulation de la franchise de base dans les communes sur lesquelles un
PPR n’aura pas été prescrit. Cependant, dans les faits, cela n’est pas suffisant.
250. - Il convient donc de trouver d’autres méthodes d’incitation, en s’inspirant des
outils développés dans d’autres domaines ou à l’étranger. Aux États-Unis par exemple,
pour inciter à la prévention concernant les catastrophes naturelles et en particulier les
séismes, des mécanismes ont été mis en place, tant au niveau fédéral qu’au niveau des
États ou au niveau local : il s’agit par exemple d’allégement de taxes sur la propriété
lorsque les propriétaires d’une construction font des rénovations antisismiques.
93
251. - La mise en œuvre d’un tel mécanisme suppose cependant un certain nombre
de précautions :
-
la solidarité nationale doit être préservée et il ne faut pas basculer dans un
régime où chacun ne s’assure que pour les risques qui le concerne directement, ce qui
mettrait en péril la mutualisation ;
-
la mise en place de bonus/malus est délicate, car il est injuste de faire payer
expost un individu pour une décision qu’il a prise avant l’instauration du système ;
-
dans le détail, les outils disponibles sont variés : pour éviter l’installation en
zone inondable, on pourrait augmenter le taux de prime des personnes n’ayant pas fait
d’efforts de prévention, ou faire porter la charge sur les collectivités territoriales
responsables de l’installation ;
-
il suppose de connaître les risques et leur répartition ;
-
les incitations financières ne sont pas suffisantes pour faire changer les
comportements. Les réponses assurantielles ne constituent donc qu’un aspect de la
solution.
252. - Après avoir fait l’analyse des futurs mécanismes de prévention et de
responsabilisation proposés par la directive Solvabilité II et exposé quelques mesures
additionnelles, il semble intéressant de voir ce qu’il serait possible de faire en matière
de renforcement des fonds propres des sociétés d’assurance, matière où il existe déjà de
nombreuses solutions comme cela a été souligné plus haut.
Chapitre 2/ L’étude prospective des mécanismes de renforcement des fonds
propres des sociétés d’assurance
253. - Ce dernier chapitre à pour but de mettre en lumière deux nécessités
importantes dans un avenir plus ou moins proche. La première de ces nécessités
concerne la mise en place d’un partenariat public/privé à l’échelle européenne (Section
1). L’étude des nouveaux risques met, en effet, en relief la nécessité d’entreprendre une
94
collaboration, au minimum européenne, concernant la couverture efficace d’événements
extrêmes.
254. - Une seconde nécessité est a soulevé à ce stade. La question concerne plus
particulièrement le marché européen et a trait au développement d’un marché des Cat
Bonds (Section 2). Les marchés financiers offrent des moyens efficaces pour couvrir
des risques à grande échelle. Ce marché s’est développé aux États-Unis, mais reste
limité en Europe pour toute une série de raisons. L’idée serait dès lors de proposer des
solutions à son développement.
Section 1/ La nécessité d’un partenariat public/privé européen
255. - La mutualisation des risques à l’échelle européenne par la création d’une
caisse de réassurance européenne (Paragraphe 2) serait une solution durable quant aux
problèmes de liquidités et de solvabilités rencontrés par les entreprises d’assurance et de
réassurance européenne lors de survenances d’événements extrêmes. De plus, la
création d’un système de retour sur expérience européen (Paragraphe 1) permettrait aux
assureurs de pouvoir mieux anticiper leurs coûts quant à la réalisation d’un risque à
grande échelle.
Paragraphe 1/ La création d’un système de retour sur expérience
européen
256. - Concernant les nouveaux risques, le problème n’est pas de prévoir
l’imprévisible, mais de s’entraîner à lui faire face. Il est évidemment impossible de
prévoir les grandes crises des dix prochaines années, a fortiori si elles sont d’un genre
nouveau. Le tsunami du 26 décembre 2004 a montré que même un phénomène connu
peut avoir des conséquences imprévues112.
112
Il a touché en quelques heures quatorze pays en Asie et jusqu’en Afrique, sur plusieurs milliers de
kilomètres de côte.
95
Cependant, l’État113, doit être prêt à réagir face à des crises nouvelles et non
anticipées. Face à des risques peu prévisibles, vigilance et anticipation sont nécessaires.
257. - Si l’on ne peut prévoir l’avenir, une façon de se préparer à des crises
nouvelles consiste à tirer toutes les leçons des crises originales qui ont eu lieu dans le
passé, par l’exercice du « retour d’expérience ».
Cela consiste à faire un examen rétrospectif et critique de la façon dont a été
traitée la crise, afin de mettre en place, le cas échéant, des dispositifs permettant une
plus grande réactivité et une meilleure coordination. L’accent doit en particulier être mis
sur le fait que la réaction d’urgence est une chaîne de décision et d’actions et que la
moindre défaillance de l’un des maillons peut faire échouer le dispositif de réaction.
La pratique du retour d’expérience reste cependant très peu utilisée, même s’il
existe des initiatives ponctuelles, pour tirer les leçons d’une crise passée et pour essayer
d’envisager des scénarios improbables, comme, par exemple, le cas de la « vache folle »
en Grande Bretagne ou, encore, suite à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001.
Malgré leur utilité, les retours d’expérience ne sont pas assez exploités et
devraient être systématisés. En outre, il serait intéressant de se détacher de crises ayant
eu lieu pour se projeter dans des situations nouvelles.
258. - La mise en place d’une structure de « retour d’expérience » permettrait aux
pouvoirs publics de savoir comment ils auraient réagi si une crise, réellement survenue
dans un autre pays, avait eu lieu sur leur territoire national. Par exemple, selon quels
mécanismes et quelles procédures la France aurait-elle réagi si les avions des attentats
du 11 septembre 2001 avaient touché deux tours de La Défense ? Quels acteurs auraient
été en charge de la gestion de crise ? Qui aurait coordonné les décisions ?
La structure de « retour d’expérience » pourrait prendre la forme suivante :
-
une institution référante, en charge des commandes de retour d’expérience ;
-
des organismes spécialisés, en charge de l’audit des dispositifs existants.
259. - Étant donné le caractère toujours plus global des risques, peut-être cette
structure devrait-elle être mise en place directement au niveau européen, voire au niveau
113
Ou les États en cas de crise internationale.
96
international ? Il a fallu attendre la catastrophe du 26 décembre 2004 pour que l’ONU
essaie de mettre en place un système d’alerte au tsunami dans l’océan Indien.
Il est indispensable que l’Europe se dote d’un système commun d’anticipation des
catastrophes, ainsi que de procédure de réaction rapide en cas de crise.
260. - Cette structure présenterait plusieurs avantages pour le secteur de
l’assurance :
-
Elle permettrait d’avoir une plus large vision sur des événements extrêmes se
déroulant sur un territoire donné ;
-
Elle permettrait d’anticiper plus facilement les effets de recorrélation des
comportements observés après un événement majeur de type crise financière ou risques
extrêmes ;
-
Le tout offrirait la possibilité aux assureurs de déterminer le montant des primes
d’assurance en différenciant plus en amont les bons et les mauvais risques.
261. - Seuls les pouvoirs publics peuvent réaliser des « retours d’expériences » à
l’échelle d’un pays ou d’une région du monde. Les assureurs seuls ne le pourraient pas.
Ce partage d’informations du secteur public au secteur privé constitue bien une forme
de partenariat public/privé.
262. - En poussant toujours plus loin ce partenariat public/privé, l’idée de la
création d’une caisse européenne de réassurance à l’image de la caisse centrale de
réassurance en France semble être une solution tout à fait opportune concernant le
traitement des risques à grande échelle.
Paragraphe 1/ La création d’une institution européenne de réassurance
263. - Pourquoi ne pas aller plus loin de cette coopération européenne et dans cette
logique ou les institutions publiques européennes seraient au service des acteurs privés
européens, tout cela dans le but d’offrir une offre assurantielle de qualité au sein du
97
marché européen et des perspectives d’expansion aux entreprises européennes
d’assurance ?
264. - La coopération internationale en matière de mutualisation du risque est, en
effet, devenue cruciale, du fait de la globalisation des marchés et des risques.
Il ne s’agit pas d’énumérer à nouveau les nombreux avantages procurés par la
technique de la réassurance mais seulement d’analyser l’hypothèse d’un partenariat
public/privé dans ce domaine à l’échelle européenne.
265. - L’idée serait ici, à l’image de ce qui ce fait en France avec la Caisse Centrale
de Réassurance (CCR), de créer un système réassurance publique européenne. Cette
réassurance couvrirait à la fois les risques extrêmes114 et les risques financiers115,
risques posant le plus de problème en termes d’assurabilité. A cet effet, une
harmonisation européenne devra être réalisée quant à la définition de chacun des risques
couverts.
Dans ce cadre, une Caisse Européenne de Réassurance (CER) serait donc créer
et chaque entreprise européenne d’assurance agréée serait automatiquement réassurer
auprès d’elle.
266. - Son financement se baserait sur un principe de solidarité européenne et se
ferait de deux manières :
D’une part, chaque citoyen et entreprise européen devrait payer un taux de
surcharge identique et obligatoire au titre de l’assurance contre « les risques
catastrophiques ». Cette surcharge serait fixée chaque année par un organe européenne
regroupant l’ensemble des ministères de l’Intérieur, et de l’Economie et des Finances de
chaque état membre. Elle représenterait un pourcentage de la prime d’assurance
habitation et véhicule à moteur payée par chaque assuré européen. Cette dernière serait
collecter par l’ensemble des assureurs européens et reverser à la CER.
114
115
Catastrophes naturelles et hyper-terrorisme.
Crises financières.
98
D’autre part, chaque état membre devrait verser annuellement à la CER un
somme forfaitaire fixée chaque année par ce même organe européen composé des
mêmes membres plus de représentants du secteur de l’assurance de chaque état
membres.
267. - L’ensemble des sommes réunies constitueraient le budget annuel de la Caisse
Européenne de Réassurance et pourraient se cumuler d’une année à l’autre. En cas de
manque de liquidité lors d’un exercice, l’ensemble des états membres de l’Union
européenne s’engageraient à verser les fonds manquants et ce de manière égale. Ainsi,
et comme en France pour la CCR, la caisse demeurerait à jamais solvable.
268. - Les avantages procurés par cette réassurance publique européenne seraient
importants :
-
L’ensemble des sommes recueillies représenteraient pour la Caisse Centrale
Européenne de Réassurance un budget tout à fait considérable qui lui permettrait de
couvrir l’ensemble des nouveaux risques étudiés dans ce mémoire et ce, à l’échelle de
l’Union européenne ;
-
Les questions de solvabilité et de liquidité des assureurs en cas de crise majeure
seraient réglées par la garantie illimitée offerte par la caisse ;
-
Le partage des risques extrêmes se ferait à l’échelle européenne, ce qui allégerait
considérablement la charge des états en cas de crise majeure (exemple de la CCR et de
la garantie illimitée offerte par l’état qui peut s’avérer extrêmement coûteuse)
269. - Le seul véritable inconvénient résulterait de l’abaissement que pourrait
entraîner cette mesure sur les bénéfices des réassureurs privés présents sur le marché
européen. Cependant, le champ d’application de cette mesure étant limité116 et le terrain
de prédilection des grandes catastrophes naturelles n’étant pas celui de l’Union
Européenne, les répercutions sur les opérateurs privés ne pourraient être que minimes.
116
Au seul territoire de l’Union Européenne et aux seuls nouveaux risques.
99
270. - A coté de ce chantier pour le moins utopique, un autre beaucoup plus concret
semble être nécessaire : celui du développement des dérivés climatiques en Europe.
Section 2/ Le développement nécessaire du marché des Cat Bonds en
Europe
271. - Les obligations catastrophes concernent essentiellement les catastrophes
climatiques, car elles portent sur des événements indépendants de l’activité humaine, ce
qui limite l’aléa moral ex-ante et fait reposer la couverture sur des phénomènes
statistiquement plus réguliers. En outre, les indices météorologiques offrent des
indicateurs non subjectifs et simples de la survenance d’un événement extrême. Il est
ainsi très peu probable qu’apparaissent des obligations catastrophes pour le risque
terroriste par exemple.
272. - De nombreux obstacles, en Europe, empêchent le bon développement de ces
dérivés climatiques, mais aucun d’entre eux n’est insurmontable (Paragraphe 1). Si, cela
a marché aux États-Unis, cela marchera en Europe. D’ailleurs 2011 pourrait être l’année
du renouveau (Paragraphe 2).
Paragraphe 1/ Les obstacles et les moyens permettant un développement
des Cat Bonds en Europe
273. - La titrisation semble une solution intéressante pour les assureurs puisque les
capacités des marchés financiers sont cent fois plus importantes que celles des
réassureurs.
274. - Elle présente aussi des avantages pour les investisseurs qui disposent ainsi de
titres a priori complètement décorrélés des marchés financiers usuels. Néanmoins, la
titrisation a du mal s’imposer.
100
275. - Pourtant, il ne semble pas y avoir de problème de demande. Toutes les
émissions ont à ce jour trouvé preneur, même si les premiers acheteurs étaient euxmêmes en général des assureurs ou des réassureurs.
Les banques sont intéressées par de tels produits pour proposer à leurs grands
investisseurs des paniers de dérivés de crédit. Cependant, le marché reste limité aux
investisseurs institutionnels et les particuliers n’y ont pas accès.
En revanche, on constate une réticence du côté de l’offre. Les obstacles sont les
suivants :
-
le coût du montage d’une émission de cat-bonds est relativement élevé, en
partie à cause de contraintes législatives et réglementaires (intermédiaires
obligatoires…), et excède souvent le coût de la réassurance
o Aux États-Unis, le changement de cadre fiscal et réglementaire apparaît
comme nécessaire au développement du marché des cat-bonds
o L’imposition des revenus de l’entité juridique qui émet les cat-bonds
limite les revenus pour l’investisseur, ce qui explique que de nombreux
véhicules spécifiques (SPV) soient situés dans des « paradis fiscaux ».
En outre, les régulateurs américains ne considèrent pas les cat-bonds
comme un vrai transfert de risque, puisque leur usage ne diminue pas les
exigences de provision pour les assureurs ;
– le marché est encore peu mature : aucune grosse émission de cat-bond n’a
connu de survenance de catastrophe ; aucun n’a été entièrement mis en défaut, et peu
d’entre eux ont connu une réduction du montant de leurs intérêts et de leur principal. On
en est encore à la phase de test du produit. Les grands acteurs ont opéré quelques
émissions pour tester le mécanisme et être prêts du point de vue technique si le marché
s’ouvre ;
– il est très difficile de déterminer le prix d’un cat-bond. La survenance des
catastrophes naturelles pose des problèmes de modélisation statistique parce qu’ils
obéissent à des dynamiques particulières mais aussi parce que les historiques de
survenance des catastrophes sont très courts (données annuelles pour modéliser des
101
phénomènes centenaires, alors qu’en finance, les chercheurs disposent de données
minute par minute) ;
– le choix de l’indice sur lequel fonder la survenance ou non de la catastrophe
est très délicat. Pour trouver des éléments déclencheurs sur lesquels l’homme ne peut
pas intervenir et qui soient mesurables, on se tourne de plus en plus vers les indices
météorologiques (indice sur l’échelle de Richter, pluviométrie, vitesse du vent en
rafale...) afin d’éviter des indices reposant sur les pertes de la cédante. Or ces indices
météorologiques ne sont pas complètement corrélés aux dommages ;
– la recherche sur la dynamique des catastrophes naturelles est ralentie en France
par le coût des données climatiques, qui sont facturées par Météo France. En
conséquence, la recherche est freinée sur ce sujet et orientée vers les pays où
l’information est gratuite (Canada, Royaume-Uni, Pays-Bas…).
276. - Dans ce contexte, en France, l’État pourrait favoriser l’offre de « Catbonds » en instaurant la confiance sur un marché encore peu mature. Pour cela, il
pourrait émettre directement ou par l’intermédiaire de la CCR des « Cat-bonds », afin
de couvrir le régime Cat. Nat.
Cela présenterait un double avantage. D’une part, pallier les insuffisances de
réserves de la CCR en cas de catastrophe majeure, en s’insérant dans la réforme visant à
pérenniser le régime Cat. Nat. D’autre part, donner un signal fort de confiance sur ce
type de marché, pour lequel les obligations catastrophes d’État deviendraient une
référence.
Bien entendu, la mise en œuvre d’une telle mesure suppose que l’État ne puisse
en aucun cas avoir un impact sur le fait déclencheur, qui doit rester objectif117.
De plus, il pourrait favoriser la recherche par la mise à disposition du public de
bases d’information gratuites. Les études et commandes publiques nécessaires à la mise
en place de « Cat-bonds » d’État constitueraient aussi une incitation à la recherche dans
le domaine.
117
Relevé météorologique de la précipitation, etc.
102
277. - L’année 2011 semble opérée un revirement dans le traitement des « Cat
Bonds » en Europe. Aussi sera-t-elle l’année de leur essor ?
Paragraphe 2/ 2011 : l’année des Cat Bonds ?
278. - D'après les estimations de Munich Re, après 5 milliards en 2010, ce sont 5,5
voire 6 milliards d'obligations catastrophes qui devraient être émises cette année,
portant à 13 milliards de dollars la valeur de ces obligations en circulation en 2011.
Ce regain d'intérêt pour cette solution de transfert de risques s'observe depuis
début 2009, après la parenthèse Lehman en 2008. C'est un fait, les Cat bonds ont bien
surmonté la crise. Ces investissements, peu corrélés aux marchés financiers, n'ont cessé
de démontrer une très bonne résistance et de présenter un bon rapport performanceliquidité.
À cette constance, les Cat Bonds ajoutent un autre atout, la transparence. «
Avant la crise, les investisseurs en cat' bonds disposaient de peu de transparence en
matière de sécurité du placement des fonds collatéraux [actifs déposés en garantie].
Même si ces derniers étaient classés
« AAA », rien n'empêchait les placements
toxiques, comme l'a démontré Lehmann. Aujourd'hui, cette question est résolue. La
qualité a été améliorée de façon considérable par une veille mensuelle.
279. - Par ailleurs, la diversification des placements est garantie grâce à des
instruments
qualitatifs
comme
les
money
market
funds118,
les
obligations
supranationales119 ou des organisations nationales comme la banque publique allemande
KfW.
Le facteur de déclenchement lui-même a gagné en transparence, avec la création
de l'indice Périls, en Europe, en 2010. Auparavant, pour les risques tempêtes, les
assureurs ne pouvaient pas s'appuyer sur des données indépendantes.
Autant d'éléments qui incitent le marché à se montrer très réceptif. De plus en
plus de nouveaux investisseurs, comme les fonds de pension, s'intéressent aux Cat
Bonds.
118
119
Fonds du marché monétaire.
Banque européenne de reconstruction et de développement.
103
280. - Leur motivation première est l'optimisation de leur portefeuille, afin d'en
réduire la volatilité globale. Le rendement est important, mais, à terme, l'effet de
diversification est aussi une plus-value, qui a fait ses preuves pendant la crise. Les « Cat
Bonds » supportent en effet la comparaison avec les autres produits financiers : les
investisseurs peuvent espérer une rémunération de 7 à 8 %.
Enfin, Solvabilité II contribue également au succès des Cat Bonds, en
demandant aux assureurs davantage de capacités, tout en réduisant l'exposition au risque
de crédit.
104
CONCLUSION
281. - Répondre à la question de savoir comment le secteur de l’assurance pourra
faire face à l’apparition et à la multiplication de nouveaux risques à grande échelle, à
nécessité de faire deux analyses approfondies.
La première s’est axée autour de l’identification de ces nouveaux risques, de
leurs principaux caractères et à la mise en lumière des principales difficultés qu’ils
posaient au secteur de l’assurance.
La seconde fut scindée en deux parties. La première eu pour objet d’analyser les
mécanismes actuels offerts aux assureurs et réassureurs pour faire face à ces nouveaux
risques. La seconde fut plus prospective et s’est limitée à l’analyse des mesures futures
et à la présentation de nouvelles propositions.
282. - Il est apparu clair, à l’issue de cette étude, que le secteur de l’assurance était
en mesure de faire face à ces nouveaux risques. Les moyens proposés, à la fois par le
secteur privé, qu’ils soient traditionnels ou alternatifs, et par le secteur public, semblent,
effectivement, offrir un panel satisfaisant de solutions permettant de répondre aux
problèmes de solvabilité et de liquidité engendrés par la survenance d’un de ces
nouveaux risques.
La directive européenne Solvabilité 2, qui entrera en vigueur au début de l’année
2013, semble donner, également, de bonnes réponses à ces problèmes.
283. - A ce stade, un constat positif doit être fait. L’assurance française est
performante. Par la coopération entre les acteurs privés et publics, elle a montré sa
réactivité et sa résilience lors des difficultés qu’elle a dû affronter ces dernières années.
Il n’y a jamais eu de grand sinistre en France, ni de faillite, qui ait réellement porté
atteinte au secteur.
284. - Cependant, la vulnérabilité des espaces économiques et urbanisés en cas de
catastrophe et l’émergence de risques nouveaux invitent à perfectionner encore le
système.
105
285. - Au terme de cette étude d’exploration du système assurantiel, une remarque
peut être faite. Concevoir des scénarios catastrophes n’est pas affoler pour le plaisir,
c’est chercher à explorer des cas rares pour tenter d’en réduire encore la probabilité et le
coût, et pour s’y préparer. Aussi, les assureurs, comme les pouvoirs publics devraient-ils
systématiser le recours aux « stress tests » et aux retours d’expérience.
286. - De nombreuses pistes restent encore à explorer ou à approfondir : dans le
domaine du développement durable par exemple, avec notamment la responsabilité
sociale et environnementale des entreprises, dans le domaine des nouveaux enjeux
financiers ou encore aux frontières entre assurance privée et assurance sociale.
106
BIBLIOGRAPHIE
SOMMAIRE
I/ DICTIONNAIRES ET ENCYCLOPÉDIES JURIDIQUES
II/ OUVRAGES GÉNÉRAUX
III/ OUVRAGES SPÉCIALISÉS, THÈSES ET MONOGRAPHIES
IV/ ARTICLES ET NOTES
V/ OUVRAGES COLLECTIFS, RAPPORTS ET NUMÉROS SPÉCIAUX
VI/ AUTRES SOURCES
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Assurance et expansion des risques systémiques, Editions de l’OCDE, 2003.
Assurance et risques environnementaux, Editions de l’OCDE, 2004.
Compagnie suisse de réassurance, Les marchés des capitaux, source d’innovation pour
le secteur de l’assurance, Sigma, n°3, 2001.
Crise financière : Analyses et Propositions Risques, Les cahiers de l’assurance et Revue
d’économie financière, Numéro spécial, Juin 2008.
Regards sur la crise financière, Revue d’économie financière, Mars 2010.
Le risque systémique : Repenser la finance, Revue d’économie financière, Décembre
2010.
114
Le risque systémique : Repenser la supervision, Revue d’économie financière, Mars
2011.
VI/ AUTRES SOURCES :
Assurance-environnement.com
Argusdelassurance.com
Catnat.net
FFSA.fr
Juristes-environnement.com
Observateur OCDE.org
115
INDEX ALPHABÉTIQUE
Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphe
A–
D–
Aléa moral : 128.
Directive (Solvabilité II) : 213 et s.
Anti-sélection : 128
Assurance :
G–
Contrat : 32
GAREAT (le) : 160 et s.
Définition : 28, 35
Grands nombres (loi des) : 39
Fondements : 3
H–
Mécanisme : 29 et s.
Hyper-terrorisme : 75, 118, 122,
B–
129, 134
Bonus-malus (mécanisme de) : 245 et s
I–
C–
Indemnisation : 33
Catastrophes naturelles : 71, 116, 121
Information (asymétrie) : 42, 128
Notion : 72
M–
Régime (Cat. Nat) : 200
Catastrophes (swaps) : 174
MCR (minimum de capital requis) :
Cat.Bond : 176, 271
218
CCR (la) : 204
Coassurance : 54
P–
Crise :
Prêt à la grosse aventure : 4
Bancaire : 89
Boursière : 90
R–
De change : 88
Réassurance : 59, 150 et s.
Des subprimes : 93
Facultative : 60
Financière : 84, 117, 123, 130
Obligatoire : 61
Proportionnelle : 63
Non proportionnelle : 64
116
Risque :
A grande échelle : 18
Assurabilité : 37
Economie : 7, 11, 132
Extrêmes : 67, 133
Notions : 6, 10
Nouveaux : 16
Recorrélation (phénomène de) : 108, 109
S–
SCR (Capital de solvabilité requis) : 219
Stress test : 236 et s.
117
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION .......................................................................................................... 7
Partie 1/ Identification de la nature et des difficultés découlant des nouveaux
risques pour les assureurs ............................................................................................ 15
Titre 1/ La nature des nouveaux risques ................................................................ 15
Chapitre 1/ Les outils contractuels de transfert de risque ....................................... 15
Section 1/ L’assurance : le mécanisme de référence ........................................... 15
Paragraphe 1/ Le mécanisme de l’assurance ................................................... 16
Paragraphe 2/ Les limites à l’assurabilité d’un risque ..................................... 17
A/ La non applicabilité d’une loi des grands nombres ................................. 19
B/ Les asymétries d’information .................................................................. 20
C/ Les événements à faible probabilité mais aux conséquences
catastrophiques ............................................................................................. 22
Section 2/ Les autres mécanismes assurantiels.................................................... 23
Paragraphe 1/ La coassurance .......................................................................... 23
Paragraphe 2/ La réassurance........................................................................... 25
Chapitre 2/ L’identification des nouveaux risques .................................................. 28
Section 1/ Les risques extrêmes .......................................................................... 28
Paragraphe 1/ Les catastrophes naturelles ou « Acts of God » ........................ 29
Paragraphe 2/ L’hyper-terrorisme ou « Acts of Evil » .................................... 31
Section 2/ Les risques financiers ......................................................................... 33
Paragraphe 1/ L’identification des différents types de crises financières ........ 34
Paragraphe 2/ L’exemple récent de la crise des « subprimes » ....................... 37
118
Titre 2 / Caractères et difficultés résultants de ces nouveaux risques ................. 39
Chapitre 1/ De nouveaux caractères pour de nouveaux risques .............................. 39
Section 1/ Des risques systémiques ..................................................................... 39
Paragraphe 1/ L’existence d’interdépendances multiples ............................... 40
Paragraphe 2/ L’apparition d’un phénomène de « recorrélation » des
comportements ................................................................................................. 42
Section 2/ Des risques « à grande échelle » ........................................................ 44
Paragraphe 1/ Des risques « de destruction massive » ................................... 44
Paragraphe 2/ Des risques aux coûts exorbitants ............................................ 46
Chapitre 2/ Les difficultés résultant de ces nouveaux risques pour le secteur de
l’assurance ............................................................................................................... 48
Section 1/ Des risques difficilement probabilisables ........................................... 49
Paragraphe 1/ L’existence d’une asymétrie informationnelle importante ...... 49
Paragraphe 2/ Des récurrences difficilement probabilisables ......................... 51
Section 2/ Des risques difficilement évaluables .................................................. 53
Paragraphe 1/ Un niveau de perte difficilement anticipable ............................ 53
Paragraphe 2/ La menace d’une fragilisation financière des assureurs ........... 54
Partie 2 / Identification des solutions pouvant répondre aux difficultés posées par
les nouveaux risques ..................................................................................................... 57
Titre 1/ Analyse des solutions existantes ................................................................. 57
Chapitre 1/ Les mécanismes de renforcement des fonds propres ........................... 57
Section 1/ Le recours aux mécanismes assurantiels traditionnels ...................... 57
Paragraphe 1/ La réassurance : un mécanisme adapté aux nouveaux risques . 58
Paragraphe 2/ La co-réassurance : le GAREAT, l’exemple français de
couverture des risques terroristes ..................................................................... 61
Section 2/ Le recours aux marchés financiers ..................................................... 64
Paragraphe 1/ Les mécanismes alternatifs de transfert de risques offerts par les
marchés financiers aux assureurs et réassureurs .............................................. 66
119
A/ Les swaps catastrophes............................................................................ 66
B/ Les obligations indexées sur la survenance de catastrophes ................... 67
Paragraphe 2/ Les avantages procurés par les mécanismes alternatifs de
transfert de risque ............................................................................................. 69
Chapitre 2/ Le recours au partenariat public/privé .................................................. 71
Section 1/ Les risques à grande échelle et le partenariat des secteurs public et
privé ..................................................................................................................... 72
Paragraphe 1/ La légitimité de l’intervention publique ................................... 72
Paragraphe 2/ La mise en balance des avantages et des inconvénients d’un tel
partenariat public/privé .................................................................................... 73
Section 2/ L’exemple du partenariat public/privé en France .............................. 76
Paragraphe 1/ Le régime français de l’assurance des catastrophes naturelles . 76
Paragraphe 2/ L’évaluation du régime Cat. Nat. ............................................. 78
Titre 2/ Analyse des mesures à venir et nouvelles propositions ............................ 80
Chapitre 1/ L’étude prospective des mécanismes de responsabilisation et de
prévention des risques extrêmes : mesures à venir et nouvelles propositions ........ 80
Section 1/ 2013 : L’entrée en vigueur de la directive Solvabilité II .................... 80
Paragraphe 1/ Le renforcement des exigences de fonds propres des entreprises
d’assurance et de réassurance .......................................................................... 81
Paragraphe 2/ Le renforcement du cadre prudentiel prévu par le directive
Solvabilité II .................................................................................................... 85
Section 2/ L’intérêt de mesures additionnelles à la directive Solvabilité II ....... 89
Paragraphe 1/La mise en place nécessaire de « stress tests » européens ........ 89
Paragraphe 2/ Le recours au mécanisme de bonus-malus .............................. 92
Chapitre 2/ L’étude prospective des mécanismes de renforcement des fonds propres
des sociétés d’assurance .......................................................................................... 94
Section 1/ La nécessité d’un partenariat public/privé européen .......................... 95
Paragraphe 1/ La création d’un système de retour sur expérience européen ... 95
Paragraphe 1/ La création d’une institution européenne de réassurance ......... 97
Section 2/ Le développement nécessaire du marché des Cat Bonds en Europe 100
120
Paragraphe 1/ Les obstacles et les moyens permettant un développement des
Cat Bonds en Europe ..................................................................................... 100
Paragraphe 2/ 2011 : l’année des Cat Bonds ?............................................... 103
CONCLUSION ........................................................................................................... 104
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 107
INDEX ALPHABÉTIQUE ........................................................................................ 116
121