Les inrockuptibles - Association des Cinémas du Centre

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Les inrockuptibles - Association des Cinémas du Centre
Les regrets
28/08/09
12:41
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LE NEWS CULTUREL
LES REGRETS de Cédric Kahn
avec Yvan Attal,Valeria Bruni Tedeschi, Philippe Katerine
Retour de flamme passionnel
entre deux anciens amants.
Mais tout paraît truqué
et désinvesti.
M
athieu (Yvan Attal), la quarantaine,
est un architecte parisien. Un jour,
il retourne dans la petite ville où il
a passé son enfance pour s’occuper
de sa mère, qui vient d’être hospitalisée. Dans la rue, il croise le regard d’une
femme de son âge, Maya (Valeria Bruni Tedeschi). Quinze ans plus tôt, Mathieu et
Maya ont vécu une histoire d’amour destructrice, interrompue par le départ subit,
sans un mot d’explication, de Mathieu. Mais
la flamme n’est pas tout à fait éteinte et n’attendait qu’un souffle pour rejaillir…
Au bout de cinq minutes de film, on se dit :
“Mais c’est La Femme d’à côté !” – qui semble travailler nos cinéastes quadragénaires
français puisqu’il avait déjà inspiré, sur un
versant plus urbanistique (les deux maisons
qui se font face), Les Sentiments à Noémie
Lvovsky. Tout y est : la rencontre de hasard
avec l’amour de jeunesse, le retour de
flamme qui vous dépasse, le regain passionnel… Mais le film de Cedric Kahn ne marche
pas du tout sur les traces de Truffaut, adoptant un ton aussi particulier que déroutant.
Rien d’ardent ici, par exemple : tout est
froid, petit et antiérotique à souhait. Quand
parfois Yvan Attal et Valeria Bruni Tedeschi
ne peuvent plus contenir leur désir et baisent “sauvagement”, c’est toujours et pépèrement en levrette. Leurs cheveux sont gras,
Valeria roule en R5, et l’image du film ressemble à une serpillière usagée.
Quand Yvan Attal décide exceptionnellement
de jouer les grands seigneurs et de leur payer
une chambre avec baignoire dans un Relais
et Châteaux, le parquet grince, les abats-jours
sont jaunis. Bientôt, tout nus dans leur bain,
les deux tourtereaux se biturent à… la Guinness en canette. Tout le film est dans le choix
de ce breuvage tue-glamour, dans cette vision
de l’adultère forcément mesquine, sans imagination et radine. La passion de ces amantslà est aussi torride qu’une conférence d’actionnaires chez Picard.
La faute à trop de distance, de cynisme,
d’esprit critique et d’analyse. Trop de psy-
chologie aussi, puisque l’histoire de ces
amants-là se résume pour Kahn à un cas névrotique : à la rencontre entre une hystérique et un phobique, une chieuse et un lâche.
Cedric Kahn, dont nous avions apprécié le
premier film, Bar des rails, puis L’Ennui, Roberto Succo, voire Feux rouges et dont le film
précédent, L’Avion (en 2005), était une catastrophe, possède un regard peut-être trop clinique et synthétique pour ce genre de sujet,
qui réclame de l’abandon, de l’intérêt pour le
Jean-Baptiste Morain
singulier. Dommage.
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Les Inrockuptibles numéro 718 / 1er septembre 2009