Au Viêt-nam, la proportion de garçons augmente
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Au Viêt-nam, la proportion de garçons augmente
Fiche n°313 - Mars 2009 ©IRD/Sylvie Fanchette Au Viêt-nam, la proportion de garçons augmente ©IRD/Nolwen Henaff Depuis 5 ans, au Viêt-nam, la proportion de garçons à la naissance ne cesse de croître du fait d’avortements sélectifs. C’est ce que viennent de prouver un chercheur de l’IRD et ses partenaires1. Ils ont analysé les données des enquêtes démographiques annuelles réalisée auprès de 450 000 Vietnamiennes depuis 2000, ainsi que celles de deux études en 2007 et 2008 portant sur 1,1 million de naissances. Ils ont montré qu’au Viêt-nam, depuis 2004, le sex ratio à la naissance augmente graduellement. En 2005, on comptait 108 naissances de garçons pour 100 naissances de filles. Ce chiffre a atteint 112 en 2006, niveau significativement plus élevé que la norme biologique de 105. Cela traduit une manipulation active de la répartition des genres à la naissance, c’est-à-dire des avortements sélectifs en défaveur des filles. La préférence marquée pour les garçons et la sélection prénatale du sexe de l’enfant sont des phénomènes bien connus depuis une vingtaine d’années en Asie. Mais c’est la première fois qu’ils sont mis en évidence au Viêt-nam. Bien que récente dans le pays, cette tendance n’en est pas moins rapide. Au Viêt-nam, les garçons naissent de plus en plus nombreux par rapport aux filles du fait des avortements sélectifs. Les garçons naissent de plus en plus nombreux par rapport aux filles en Asie. Depuis les années 1980, de nombreux pays asiatiques et, plus récemment, la Géorgie, l’Arménie ou encore l’Azerbaïdjan, affichent un sex ratio à la naissance en augmentation. Ce phénomène n’avait jusque là pas été établi pour le Viêt-nam, où il n’est apparu que récemment. La préférence pour les fils traduit une discrimination active contre les filles. En outre, elle entraîne un déséquilibre des genres dans la population vietnamienne. Le déficit futur de femmes pourrait donc avoir de graves conséquences sociales dans les années à venir. Christophe Z. Guilmoto, directeur de recherche à l’IRD (UMR CEPED - IRD, INED, Université Paris Descartes) et deux chercheurs vietnamiens ont voulu retracer l’évolution du sex ratio à la naissance au Viêt-nam au cours des 5 dernières années et étudier les possibles effets d’une sélection prénatale du sexe de l’enfant sur la masculinisation de la population. Tout d’abord, ils ont analysé les données des études démographiques annuelles menées depuis 2000 par le GSO1 vietnamien auprès de 450 000 femmes de 15 à 49 ans. Pour chaque année, de 2000 à 2007, ils ont relevé le sexe des nouveau-nés des 12 derniers mois et estimé ainsi le sex ratio à la naissance de l’année précédente. À partir des déclarations des femmes sur leurs cinq naissances précédentes, les chercheurs ont noté l’année de naissance et le sexe de l’enfant et reconstruit ainsi l’histo-rique des naissances. Ensuite, les chercheurs ont eu recours à une enquête spéciale du Ministère de la Santé vietnamien réalisée en 2007 et 2008 dans les centres de soins du pays. C’est presque 1,1 million de naissances en 2006 qui ont été passées au crible, soit environ les trois quarts des nouveau-nés du pays. En combinant ces données à une technique géostatistique, les chercheurs ont pu identifier et localiser les provinces au sex ratio à la naissance élevé. Leur analyse a révélé une zone de forte masculinité dans le delta du Fleuve Rouge, entre les villes d’Hanoi et de Hai Phong, noyau historique du pays. Il s’agit d’une région agricole densément peuplée et profondément marquée par les récentes transformations économiques au Viêt-nam. Institut de recherche pour le développement - 44, boulevard de Dunkerque, CS 90009 F-13572 Marseille Cedex 02 - France - www.ird.fr Retrouvez les photos de l'IRD concernant cette fiche, libres de droit pour la presse, sur www.ird.fr/indigo Fiche n°313 - Mars 2009 Pour en savoir plus Les résultats de l’étude démographique que les chercheurs ont effectuée sur la base des données annuelles du CONTACT : GSO1 ont été confirmés par ceux de l’enChristophe Z. GUILMOTO quête spéciale menée dans les établisseDirecteur de recherche à l’IRD ments de santé publique, réalisée sur un échantillon beaucoup plus large. Jusqu’en UMR CEPED 2004, aucune tendance nette ne se dessi(IRD, INED, université ne et le sex ratio à la naissance oscille de Paris Descartes) manière aléatoire entre 104 et 109. Ces chiffres ne sont pas significatifs par rapport Adresse : à la norme de 105. En revanche, après 2004, Le sex ratio du pays a augmenté 221 Boulevard Davout très rapidement, à raison de 1 point de F-75020 Paris sex ratio à la naissance par an. En 2005, il affichait une valeur de 108 et il atteignait Tél.: 33 (0)1 78 94 98 75 112 en 2006. Le Viêt-nam se [email protected] che ainsi de son grand voisin septentrional, la Chine avec laquelle il partage une histoire commune et de nomRÉFÉRENCES : breuses similitudes culturelles. Le sex ratio des naissances y est aujourd’hui Christophe Z. Guilmoto, Xuyên Hoàng, Toan Ngo Van d’environ 120 garçons pour 100 filles. De telles valeurs signifient que de plus Recent Increase in Sex en plus de futurs parents vietnamiens Ratio at Birth in Viet Nam, choisissent d’interrompre la grossesse http://www.plosone.org/article/info:doi/10.1371/journal. lorsqu’ils attendent une fille. Un sex ratio élevé peut être lié à des facteurs vapone.0004624, 2009 riés. Une analyse complémentaire a permis aux chercheurs de les identifier. Le choix des futurs parents est fortement MOTS CLÉS : influencé par le système patriarcal et la Viêt-nam, préférence culturelle pour les fils, hérités du confucianisme, ainsi que par la démographie, baisse de la fécondité accompagnée de vastes campagnes de planning familial pour limiter les naissances. Leur niveau d’éducation et statut social, leur province d’origine et leur âge sont déterminants. S’ils sont jeunes, éduqués, issus d’un milieu privilégié, le sex ratio à la naissance sera élevé. Mais cette hausse, relativement tardive par rapport à celles observées en Chine ou en Inde, tient sans doute à la diffusion récente d’équipements modernes d’échographie pour dépister le sexe des fœtus. Combinée à une politique historiquement très tolérante face à l’avortement, cette dernière a permis aux couples vietnamiens d’avoir moins de filles. Bien qu’il soit difficile de dater avec précision le début de l’augmentation du sex ratio à la naissance au Viêt-nam, ces travaux caractérisent l’ampleur déjà atteinte par ce phénomène. Ils permettent de comprendre le processus de masculinisation de la population vietnamienne et d’identifier les caractéristiques des couples ayant recours à l’avortement sélectif pour augmenter leur chance de voir naître un garçon. Ils peuvent également permettre de prévenir et de gérer l’extension de cette tendance aux régions adjacentes et de mettre en garde les futurs parents concernés contre les graves conséquences que peut avoir un déséquilibre des sexes sur la société. Rédaction RELATIONS AVEC LES MÉDIAS : ©IRD/Marc Bournof Vincent Coronini +33 (0)4 91 99 94 87 [email protected] INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD : Daina Rechner +33 (0)4 91 99 94 81 [email protected] www.ird.fr/indigo Le sex ratio à la naissance au Viêt-nam a augmenté ces 5 dernières années. DIC – Gaëlle Courcoux 1. Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec les chercheurs de l’Office général des statistiques (General statistics office – GSO) vietnamien et de l’université de Médecine de Hanoi au Viêt-nam, avec l’appui initial du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA). 2. Le sex ratio est le nombre de garçons sur 100 filles. Le standard biologique à la naissance est de 105 garçons sur 100 filles, la plus forte mortalité infantile des garçons rétablissant l’équilibre entre les sexes au cours des premières années après la naissance. Gaëlle Courcoux, coordinatrice Délégation à l’information et à la communication Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90 - fax : +33 (0)4 91 99 92 28 - [email protected]