dossier d`expertise bertrand RUE FINAL

Transcription

dossier d`expertise bertrand RUE FINAL
MINISTÈRE DE LA JUSTICE
École Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse
Formation préparatoire à la prise de fonction
de Responsable d’Unité Éducative
8ème promotion
Année 2015 /2016
MAPPAS Bertrand
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Le rôle du Responsable d’Unité Éducative en Établissement Pénitentiaire pour Mineurs :
Pour la qualité de la prise en charge et contre « l’enfermement » des pratiques
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Dossier d’expertise
Mars 2016
Sous la guidance de Monsieur ZEZA-REDON Jean Jacques
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SOMMAIRE
Introduction............................................................................................................... 2
Première partie : État des lieux et diagnostic......................................................... 3
1 – Contextualisation..................................................................................... 3
1-1 : Présentation de la structuration de l'établissement............... 3
1-2 : Structuration du SEEPM......................................................... 3
1-3 : Présentation synthétique du régime « différencié »
retenu par le chef d'établissement.................................................... 3
2- Analyse du contexte en lien avec la problématique................................ 4
2-1 : Sur la question de la prise en charge des mineurs.................. 4
2-2 : Sur la question des réunions de service................................... 5
2-3 : Sur la question des prises d'initiatives..................................... 5
2-4 : Sur la question des prises de responsabilité............................ 5
Deuxième partie : Plan d'action et évaluation......................................................... 6
1- Plan d'action............................................................................................... 6
1-1 : La référence continue, un premier niveau de réponse.
La place du RUE dans l’équipe de direction................................... 6
1-2 : La place du RUE en direction des équipes.............................. 7
2- La phase d’évaluation................................................................................ 9
Conclusion.................................................................................................................. 10
1
Introduction
Le sujet de ce dossier porte sur la difficulté d’exercer les missions de la Protection
Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et d’en assurer la qualité dans le cadre spécifique d’un
Établissement Pénitentiaire pour Mineurs(EPM).
Dans cet EPM où je vais considérer que j'exerce ma mission de Responsable d’Unité
Éducative(RUE), le directeur de l’établissement pour l’Administration Pénitentiaire(AP) a
choisi de baser le fonctionnement de cette prison sur un régime dit « différencié ». Les
mineurs sont donc répartis sur des unités aux régimes plus ou moins stricts en fonction de
leurs profils et de leurs comportements. La PJJ n’a d’ailleurs qu’un rôle consultatif dans cette
répartition.
Dans ce contexte, trois RUE se partagent les sept unités de vie de l’EPM sous
l’autorité d’un Directeur de Service(DS) exerçant sa mission au sein de la structure. Je suis
RUE d’une unité de vie dite de régime « ordinaire » où les mineurs disposent de temps
collectifs réguliers, puis d’une seconde dite de régime « fermé » où les mineurs ne disposent
d’aucun temps collectif en dehors des activités et des enseignements.
Au bout de quelques mois d’exercice, je constate qu’il y a de gros écarts entre ces
deux équipes dans l’accompagnement éducatif proposé aux mineurs. En prenant en compte
les avis de tous et en les liant à l’histoire de cet établissement, il ressort que ce glissement est
en grande partie une conséquence du régime « différencié ». Pour illustrer, l’équipe éducative
du régime « fermé » me renvoie que le profil des mineurs ainsi que le fonctionnement de
l’unité ne sont pas compatibles avec le travail d’aménagement de peine ou de projet de sortie
dans le cadre d’un mandat de dépôt. A l'inverse, l'équipe du régime « ordinaire » réalise un
travail dense dans ces domaines. Or, si le cadre pénitentiaire et réglementaire diffère, la
mission de la PJJ doit rester identique :
Le problème que je rencontre donc en tant que RUE est de savoir comment agir
pour tenter d’homogénéiser les pratiques de ces deux équipes en référence aux missions
de la PJJ, et ce, quel que soit le cadre fixé par l’AP.
Pour répondre à ce problème, je choisis d’éviter le débat autour du choc des cultures
professionnelles, d’éviter le conflit d’opposition stérile avec l’AP qui ne peut, in fine, que
nuire à la qualité de la prise en charge des mineurs. Néanmoins, éviter de s’enliser dans des
postures d’opposition ne revient pas, pour autant, à renier le sens de nos missions et les
valeurs portées par notre institution. Si l’AP a la responsabilité de la sécurité des biens et des
personnes au sein de l’établissement, elle n’a pas celle de déterminer la manière dont nous
exerçons notre mission éducative en direction des mineurs. En effet, la mission sécuritaire de
l’AP doit s'articuler avec la mission éducative de la PJJ avec un jeu de vases communicants
qui me paraît souhaitable et indispensable. « L'AP garantit l'organisation globale de la
détention, en favorisant, la mise en œuvre des missions de la PJJ »1.
Pour parvenir à décloisonner, d’une certaine manière, le travail des équipes dont je
suis responsable, il faudra délimiter, dans ce cadre pénitentiaire, un socle commun en termes
de postures, pratiques et références professionnelles qui pourra faire lien et donner du sens à
l'action éducative.
Après une étape de diagnostic, nécessaire et incontournable, si mon objectif est de
proposer un plan d’action opérationnel et précis, je tenterai de montrer que le rôle du RUE
dans un Service Éducatif en Établissement Pénitentiaire pour Mineurs(SEEPM) fait appel à
des ressources managériales complètes et transposables à d’autres services de la PJJ.
Comprendre et connaître le cadre réglementaire du lieu d’exercice de la mission,
s’interroger sur la place et le rôle de chacun, développer des outils de travail pour améliorer la
qualité de la prise en charge, leur donner du sens pour que les équipes éducatives se les
approprient, sont autant de compétences que je devrai interroger pour répondre à ce problème.
1
Circulaire JUSK1340024C du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p40.
2
PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX ET DIAGNOSTIC
1- Contextualisation
Dans ce travail, je vais tenter de dégager les points de fonctionnements qui me
paraissent essentiels à la compréhension du sujet et de ma problématique. Présenter de
manière exhaustive le cadre réglementaire ou le fonctionnement de l'établissement ne
cadrerait pas avec l'esprit de synthèse nécessaire à la réalisation de ce dossier.
1-1 : Présentation de la structuration de l’établissement
Ce schéma illustre une réalité importante concernant la question du rôle et de la place
de chaque administration. Le chef d'établissement pénitentiaire a pour objectif, entre autres,
de permettre à toutes ces institutions d’exercer leurs missions dans les meilleures conditions
possibles. A ce titre, certaines notes de service sur le plan réglementaire et sécuritaire émanant
du chef d'établissement s'appliquent à tous les personnels exerçant sur place. Pour autant, les
agents de la PJJ y assument leurs missions sous l'autorité de leur propre DS. « Un travail
d'articulation des différentes fonctions doit permettre de construire une pluridisciplinarité qui
respecte l'identité professionnelle et l’éthique de chacun »2. Cette distinction, si elle paraît
évidente, doit être présente dans l'esprit des personnels au quotidien pour favoriser des
postures professionnelles claires au regard des missions spécifiques de chacun.
L'organisation du travail articulée autour du binôme éducateur-surveillant doit
être comprise comme l'action conjointe de deux missions spécifiques et non comme la
fusion de deux corps.
1-2 : Structuration du SEEPM
Le DS est présent sur site, ce qui semble incontournable au regard des enjeux en
termes de délégations et de délimitation des missions de chacun. Trois RUE se partagent les
sept unités de vie constituées chacune de cinq éducateurs. Le service dispose également de
deux professeurs techniques, deux secrétaires administratives et d'une psychologue.
1-3 : Présentation synthétique du régime « différencié » retenu par le chef d'établissement
Les mineurs sont donc répartis sur des régimes plus ou moins stricts en fonction de
leur comportement et de leur profil. Le caractère plus ou moins strict d'un régime impacte
surtout la notion de temps collectif.
En résumé, plus le mineur pose des difficultés de comportement, plus il est isolé.
Une Commission Pluridisciplinaire d'Unité (CPU), a lieu tous les quinze jours (lieutenant
responsable de l'unité, RUE, éducateur, surveillant de service sur l'unité, professeur de l'EN et
infirmière de l'US).
Sont abordées, l'ambiance générale de l'unité, la situation individuelle des mineurs et surtout
la question des réaffectations éventuelles des détenus sur des régimes différents.
Année après année, ce temps d'échange primordial pour répondre à la mission
d'individualisation du parcours s'est transformé en une instance de régulation des
tensions au sein de l'EPM à travers des changements d'unités basés sur un regard
comportementaliste uniquement.
Les éducateurs, comme les surveillants sont affectés de manière durable sur une même
unité (au moins un an en fonction des possibles mutations).
2
Circulaire JUSK1340024C du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, p13.
3
Cette stabilité du point de vue des binômes peut développer des habitudes de
travail ayant un impact positif comme négatif sur les postures professionnelles et
surtout, la qualité de la prise en charge des mineurs.
2- Analyse du contexte en lien avec la problématique
Pour rappel, dans ce dossier, je choisis d'incarner la posture de RUE de deux unités de
vie, l'une de régime dit « ordinaire », l'autre dite de régime « fermé ».
Dans cette partie, je vais mesurer plus précisément les écarts de pratique existant entre
ces deux équipes, afin d'identifier leurs conséquences sur les suivis éducatifs avant d'y
apporter des réponses managériales, pédagogiques et institutionnelles.
2-1 : Sur la question de la prise en charge des mineurs
Dans le cadre du régime « fermé », très peu de rapports éducatifs sont rédigés puisque
les mineurs sont, la plupart du temps, de passage sur cette unité qui a vocation à être
dissuasive au plan comportemental. A l'inverse, sur le régime « ordinaire », le nombre élevé
de mineurs et leur stabilité sur ce régime entraîne une grosse activité de l'équipe en termes
d'écrits professionnels (rapports en vue d'audiences de Tribunal Pour Enfants, rapports en vue
d'audiences de Commission d'Application des Peines, demandes d'admissions, rapports de fin
de détention).
Lorsqu’un mineur change d'unité, il change également de référents. Les pertes
d'informations et de repères sont nombreuses tant pour les mineurs que pour les familles
et les partenaires. La question de la référence continue devient un enjeu central,
notamment dans l'articulation du travail avec les milieux ouverts.
Cette première difficulté n'est pas de la responsabilité des équipes et impacte fortement
leur implication dans le parcours de détention des mineurs. De plus, cette question interroge
l’organisation générale du service et implique donc le niveau hiérarchique du DS.
Nous verrons dans la deuxième partie que la stratégie managériale devra également
prendre en compte le profil plus dur des mineurs en régime « fermé » et donc éviter, en miroir
avec la classification de l'AP de ces mêmes mineurs, de cliver un peu plus ces deux équipes
avec d'un côté les « bons » éducateurs puis de l'autre les « mauvais ».
Lorsque l'accompagnement d'un mineur se base sur son comportement plus que sur sa
personnalité, la qualité de la prise en charge se dégrade sur tous les plans. Paul FUSTIER
explique à ce sujet qu'en réaction à des publics particulièrement violents : « Les tâches de
survie et d'autoconservation se développent aux dépens des tâches « primaires » de
l'institution (qui seraient d'aider socialement, de soigner ou d'éduquer) »3. Les Dossiers
Individuels de Prise en Charge(DIPC)4 sont peu investis, les synthèses et les écrits manquent
d'analyse et les activités ne jouent plus leur rôle de support à la relation éducative. La question
du projet de sortie ou de l'aménagement de peine devient impossible dans le discours éducatif
de l'unité « fermée » et cette idée s'installe au point que cela devienne la norme.
Une autre réalité que l'équipe éducative de cette unité subit concerne le profilage des
surveillants affectés à ce régime. Progressivement, les surveillants ayant le plus de difficultés
dans la gestion collective sont orientés vers cette unité. Cette observation, bien qu'ayant une
part de subjectivité, doit être prise en compte, aussi bien dans l'analyse du contexte que dans
la réponse apportée.
Finalement, les mineurs les plus réfractaires à la relation sont en partie gérés par
les surveillants les plus réticents à cette même relation. Partant du principe que nous
n'avons aucune possibilité d'agir sur ce choix, non officiel de l'AP, quelle stratégie
développer pour replacer le mineur au centre de la prise en charge ?
3
4
« Le travail d’équipe en institution », p104, Paul FUSTIER, Dunod, Paris, 1999.
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale
4
2-2 : Sur la question des réunions de service
Les réunions de services hebdomadaires sont à l'image des écarts précédemment
évoqués, le temps consacré aux mineurs est très important sur le régime « ordinaire », alors
que celui consacré au fonctionnement prend le dessus en régime « fermé ».
La question de l'équilibre des charges de travail est centrale dans la dynamique d'équipe de
l'unité « ordinaire » et mon rôle sera de l'entretenir alors qu'en régime « fermé », il s'agira plus
de le rechercher et de le développer.
Comme dans d'autres structures de la PJJ, un groupe de mineurs
particulièrement difficiles met à l'épreuve la solidarité, et donc la notion d'esprit
d'équipe. L'impact n'a pas la même résonance selon les personnalités de chacun. Le
RUE ne peut réagir en miroir avec la souffrance s'il veut rassurer. Nous verrons
comment une réflexion sur le sens de nos missions et la définition d'un socle commun en
termes d'outils professionnels et d'accompagnement éducatif peuvent contribuer à
améliorer la qualité de la prise en charge et l'esprit d'équipe.
2-3 : Sur la question des prises d'initiatives
Les prises d'initiatives des professionnels en direction de l'unité, précisément, sont
évidemment plus fréquentes sur le régime « ordinaire ». Les demandes d'activités ponctuelles
de type groupes de parole, jeux de société, visionnage de film sont, de fait, quasiment
impossibles dans le cadre du régime « fermé ». Cette frustration se transforme chez certains
éducateurs en résignation. Prendre du plaisir dans son travail reste un enjeu primordial car
cela impacte au premier plan la qualité de la prise en charge des mineurs comme celle des
risques psychosociaux pour les adultes.
L'innovation et la prise d'initiative sont, d'après moi, des notions complexes à
développer car elles émanent d'un état d'esprit. Nous verrons que la résolution de ce
problème interroge tous les types de management ainsi que la notion de « temps » avec
des objectifs à court terme et d'autres à long terme.
2-4 : Sur la question des prises de responsabilité
Du fait d'une pratique assez riche et complète sur le régime dit « ordinaire », les prises
de responsabilité sont plus fréquentes. Les éducateurs développent une connaissance plus
variée sur le cadre d'intervention.
L'articulation avec le milieu ouvert, l'Unité Éducative d’Activité de Jour(UEAJ), la
mission locale et les structures de placement fait partie intégrante de leur travail au quotidien.
Les délégations pour représenter le service sur des temps de formation, par exemple, sont
souvent dirigées vers les agents exerçants sur ces unités. Le lien avec les partenaires
extérieurs étant plus fréquent, ils portent plus souvent la responsabilité de représenter le
service et donc, d'une certaine manière, la qualité du travail qui y est fait.
Cette dominante creuse un peu plus le fossé entre les deux équipes et ne
doit pas être sous-estimée dans la résolution du problème que je rencontre en tant que
RUE de ces deux unités. La valorisation et l'estime de soi sont des objectifs éducatifs
courants en direction des mineurs dont nous avons la charge, il peuvent également l'être
pour le cadre intermédiaire en direction des agents dont il a la responsabilité. Nous
verrons que les Compte-Rendus d'Entretien Professionnel (CREP) peuvent stimuler ce
travail.
Dans cette partie, la question du clivage dans le travail fourni par ces deux équipes
ressort fortement. L'impact du régime « différencié » est en grande partie responsable de cette
dérive. Entre frustration et résignation, l'équipe éducative du régime « fermé » se trouve
également « enfermée » dans des pratiques éducatives éloignées de notre cœur de métier « la
prise en charge des mineurs ». A l'inverse, en régime « ordinaire », les agents semblent
s'épanouir dans une pratique riche et variée, laquelle est souvent valorisée que ce soit dans les
5
CREP ou dans les délégations en termes de responsabilité.
Le rôle du RUE ne doit pas « s'enfermer » dans cet écart, au contraire, nous verrons en
suivant comment il peut se décaler pour rassurer les uns sans affaiblir les autres.
Pour une équipe il s'agira de construire et reconstruire une identité professionnelle en
direction des usagers, pour l'autre il s'agira d'entretenir une bonne dynamique ce qui, tout en
paraissant plus aisé, implique une vigilance à ne pas sous-estimer du point de vue managérial.
Outre le fait de répondre à la problématique, cette deuxième partie aura pour objectif
de déterminer un plan d'action opérationnel et donc de faire des propositions évaluables.
Cet exercice devra me permettre également de dégager l'identité du RUE que je
souhaite devenir tout en restant humble face aux imprévus et aux décalages entre la fiction et
la réalité.
DEUXIÈME PARTIE : PLAN D'ACTION ET ÉVALUATION
1- Plan d'action
1-1 : La référence continue, un premier niveau de réponse. La place du RUE dans l’équipe
de direction
Pour rappel, lorsqu'un mineur change d'unité, il change d'éducateur référent. Cette
difficulté fait débat depuis de nombreuses années et divise l'équipe éducative entre une forme
de résistance au changement et la question de la qualité de la prise en charge.
De la place de RUE dans laquelle je me projette, je suis convaincu qu'il faut organiser
le travail autour de l'idée d'une référence continue, d'abord pour améliorer la qualité du suivi
des mineurs, éviter de réactiver le sentiment de rupture qu'ils ne connaissent que trop, limiter
les pertes d'informations, améliorer l'articulation du travail avec les milieux ouverts puis pour
renforcer l’identité de service, ce qui constituera un premier niveau de réponse à ma
problématique.
Comme le précise le règlement d'emploi pour les RUE :« Le DS garantit, le RUE
organise »5 Étant donné les objectifs visés, le travail à venir doit s'articuler avec le DS en
équipe de direction pour avoir une chance de porter ses fruits. Le point de départ se situe dans
les préconisations nationales ou régionales :
« Afin de garantir la continuité éducative en cas de changement d’affectation, chaque mineur
se voit désigner un éducateur référent dès son arrivée en détention. L’éducateur référent du
mineur a pour mission… d’assurer la continuité lorsque le mineur change d’affectation. »6
Un audit organisé par la Direction Inter-Régionale (DIR) fera la même préconisation
dans son compte-rendu. Pour le DS, la réactualisation du projet de service est l’occasion d’y
intégrer les nouvelles orientations souhaitées aux différents échelons hiérarchiques.
La notion de « référence continue » au sein du service est essentielle pour la cohérence
du parcours des mineurs et l’articulation avec les services de milieu ouvert et autres
partenaires extérieurs. Sur le fond, cette idée fait rapidement consensus pour l’équipe de
direction, par contre, sa mise en œuvre semble plus complexe dans l’organisation du service.
Dans ce contexte, je vais imaginer que le directeur souhaite présenter cette nouvelle
modalité de prise en charge en Réunion Institutionnelle (RI) mensuelle dans trois mois.
La période relativement courte dont nous disposons nécessite un calibrage précis du
plan opérationnel que nous choisissons tant dans la temporalité que dans son contenu.
Nous allons voir que le travail à venir fait appel à tous les styles de management, suivant une
chronologie réfléchie, l’équipe de direction devant faire corps autour d’un même objectif.
Tout d’abord, nous avons choisi, en équipe de direction, de présenter la question de la
référence continue comme une évolution nécessaire et obligatoire. Cette annonce est faite
par le DS en présence des trois RUE impérativement. Le management est clairement directif
dans la présentation du travail à venir et précise que la réflexion commune à mener portera sur
la mise en œuvre de la référence continue et non sur sa faisabilité.
5
6
Règlement d'emploi pour les RUE en date du 21 décembre 2015.
Circulaire JUSK1340024C du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs, 4.2.3.
6
L’aspect plus persuasif porte sur la question du sens et de la qualité de la prise en
charge. L’identité de service, les clivages existants entre les différentes unités, le manque de
clarté pour les partenaires extérieurs qui rend l'articulation avec les services de milieu ouvert
parfois difficile, le déséquilibre dans la répartition des charges de travail, le manque de
solidarité parfois évoqué par les agents eux-mêmes, sont autant d’arguments qui peuvent
renforcer la détermination de l’équipe de cadre à aller au bout de ce travail.
Le ton directif et persuasif que nous employons n’est pas incompatible avec l’idée de
bienveillance. Il a vocation, d’après moi, à clarifier et rassurer. L’équipe doit également
entendre que les objectifs visés sont, certes, destinés à améliorer la qualité de la prise en
charge et se mettre en conformité avec les orientations, mais ils ont aussi vocation à améliorer
la notion de solidarité au sein du service et la communication des équipes entre elles et avec
les partenaires.
Une troisième phase de présentation sera plus participative, avec l’idée d’associer les
équipes au travail de mise en œuvre. Chaque RUE consacrera une heure du temps de réunion
hebdomadaire à ce travail sur une période de trois semaines afin de recueillir les avis de tous
sur ce sujet. La remontée d’information au DS se fera sous la forme d’une grille très simple
autour des avantages et inconvénients liés à la mise en place de la référence continue (cf.
annexe 1).
A l'issue de ces trois semaines, deux réunions de cadres seront fixées, dans le délai des
deux mois restants, pour exploiter les différentes remontées et déterminer les nouvelles
modalités d'action du service qui seront présentées lors de la RI prévue à cet effet.
L’implication du RUE dans cette troisième phase est très forte.
Il devient le traducteur des injonctions d’en haut vers le terrain et inversement, pour
cela il doit maîtriser plusieurs langages. L’animation de ces temps de travail passe par des
reformulations souvent stratégiques de la part du cadre qui doivent faire consensus pour
l’équipe éducative. Une finalité de ce travail consiste à rendre l’équipe partie prenante du
changement.
Dans la phase d’élaboration, en équipe de direction, nous devrons prendre en
considération la réflexion menée par les professionnels, la faire apparaître clairement pour
renforcer la crédibilité de l’action menée et l’adhésion des équipes.
La restitution de ce travail et la présentation de la nouvelle organisation retenue
constituent la dernière phase. Si l’aspect reste directif dans la présentation du DS, les RUE
adoptent une posture managériale plus délégative, responsabilisante où l’autonomie des
équipes devient plus grande. Ces quatre phases sont parfaitement illustrées par le schéma de
Rensis LIKERT (cf. annexe 2).
En effet, dans cette situation, nous pouvons repérer une progression des différents styles de
management devant s’adapter aux objectifs visés et au temps dont nous disposons.
Dans cette partie, je me suis attaché à la démarche managériale construite en équipe de
direction. Les questions de fond ne peuvent être abordées que de manière globale afin de
privilégier mon positionnement de RUE dans ce type de travail. Plusieurs responsables m’ont
renvoyé que le sentiment de solitude prédomine lors d’une prise de fonction de cadre, et bien
qu’il faille rester humble face à cette difficulté, la situation décrite montre qu’une équipe de
direction peut être ressource pour un RUE comme l’équipe éducative doit l’être pour un
éducateur.La référence continue est un élément central de la réponse à ma problématique et
ses déclinaisons sont nombreuses sur les deux unités dont je suis responsable dans cette
projection.
1-2 : La place du RUE en direction des équipes
Dans la résolution de ma problématique, la réflexion sur la référence continue permet
d’amorcer une évolution des pratiques au sein de l’unité dite de régime « fermé », en évitant
le risque de la stigmatiser comme le mauvais objet.
Le plan d’action opérationnel en direction des équipes consiste donc à définir un socle
commun, une sorte de guide des recommandations de bonnes pratiques suivant le découpage
7
choisi dans ma première partie.
•
Sur la question de la prise en charge des mineurs
Pour des raisons très pragmatiques au quotidien, mais aussi pour décloisonner les
pratiques, un co-référent est nommé sur l’unité d’affectation du mineur afin d’épauler le
référent continu et pallier ses éventuelles absences. Cela implique une rigueur sur la tenue du
DIPC qui est centrale pour évaluer la qualité du suivi.
Outre les informations administratives et judiciaires, les comptes rendus d’entretien et
les objectifs fixés avec le mineur, y sont également intégrés. Cette pratique déjà bien installée
dans le régime « ordinaire » s’étend donc à toutes les unités dans un souci de transparence.Sur
ce point, la posture du RUE devra s’adapter aux différents profils des personnels. Un
management plus directif s’impose avec les moins autonomes. Encore une fois, cette rigueur
profite au suivi des mineurs mais peut se révéler protectrice lorsqu’un agent est mis en cause
dans son travail soit par un partenaire soit par une famille. L’utilisation de cet outil de travail
sera abordée lors des CREP et constitue un premier niveau d’évaluation. Des bilans d’étapes
seront programmés avec chaque éducateur au cours de l’année. Ils s’appuieront sur le DIPC
et l’élaboration du projet de sortie.
Concernant les mineurs incarcérés dans le cadre d’un mandat de dépôt, le DIPC
intégrera de manière claire les objectifs de travail communs et la répartition retenue avec le
service de milieu ouvert.
Toujours dans l’idée de résoudre ma problématique de départ, la notion de coréférence permet aux agents du régime « fermé » de partager leur travail avec d’autres unités
et donc de faire évoluer leur pratique. De plus et c’est essentiel, les éducateurs du régime
fermé pourront suivre des mineurs sur des phases d’évolution constructives et donner du sens
aux notions « d’objectifs » et de « projet de sortie ».
En tant que RUE, je devrai faire des choix et prioriser des objectifs pour rendre le plan
d’action opérationnel. Ici, la rigueur demandée sur la tenue des DIPC a pour objectif de
répondre à l’amélioration des écrits professionnels, des échanges durant les synthèses avec les
partenaires extérieurs, ainsi qu’à renforcer la cohérence du parcours de détention en vue de la
préparation à la sortie. L’autre intérêt de ce choix est qu’il reste évaluable et qu’il facilite le
travail à venir sur les CREP.
•
Sur la question des réunions de service
Concernant l’unité de régime « ordinaire », il est nécessaire d’entretenir la bonne
dynamique. Le management approprié se situe plus du côté du délégatif. L’équipe n’est pas
particulièrement impactée par ce changement d’organisation si ce n’est dans l’idée d’ouvrir sa
pratique à de nouveaux collègues. Le management d’une équipe qui fonctionne plutôt bien
n’en n'est pas moins stratégique. Il faut entretenir la notion de rigueur et développer celle de
l’autonomie.
Concernant l’équipe du régime « fermé », tous les styles de management seront
nécessaires. Le directif s’impose dans la rigueur demandée, l’utilisation de nouveaux outils et
la définition du socle commun. Cette posture doit s’accompagner d’un discours rassurant et
bienveillant. Dans cet exemple, le RUE soutient l’équipe dans un travail sur l’identité
professionnelle, au contraire de vouloir créer de l’identique. Marcel Jaeger dit à ce propos,
« La plus belle preuve d'humanité, c'est le changement, et non la reproduction, fût-ce parfois
au prise d'une conscience malheureuse »7 L’équipe doit conserver une autonomie dans le
domaine de l’analyse des situations et des propositions éducatives. Je dirais même qu’elle doit
être intensifiée. Ici le style « directif » doit s’assortir d’un mode persuasif, participatif et
délégatif, sans quoi la notion de dynamique, d’encouragement et de progression ne sera pas
possible. L’implication du cadre dans ce cas est renforcée. Une équipe en perte de repères, en
perte de confiance ne peut pas se relever sans que l’aspect directif soit accompagné d’une
7
« Diriger un établissement ou service en action sociale et médico-sociale », Marcel JAEGER, Dunod, Paris,
2013, p390
8
présence rassurante, bienveillante et exemplaire sur l’engagement.
Des absences trop répétées du RUE dans une telle période ne sont, d’après moi, pas
permises. Cette dimension fait partie intégrante de la réflexion à mener dans ce plan
opérationnel.
Là-encore j’ai privilégié la posture du RUE plus que le contenu éducatif des échanges
avec l’équipe. Dans le cas que je présente, il pourrait être utile de délimiter un temps de
réunion moins important sur le fonctionnement au profit de la situation individuelle des
mineurs. Pourtant, je ferai plutôt le choix d’attendre quelques mois avant d’imposer ce cadre
afin de mieux évaluer l’évolution du travail de l’équipe. Il est probable, en effet, que les
premiers objectifs donnent aux mineurs une place plus importante que les difficultés de
fonctionnement avec l’AP très prégnantes dans ce régime dit « fermé ». Si tel était le cas, ce
serait le fruit du travail de l’équipe et non le résultat de la capacité du RUE à « imposer ». Ici,
peut-être que l’idée à retenir est qu’en tant que RUE, il faudra parfois être capable de s’effacer
au profit de la dynamique de groupe.
•
Sur la question des prises d’initiatives et de responsabilité
Ces deux questions me paraissent essentielles et pourtant difficiles à travailler. La prise
d’initiative dépend beaucoup de la motivation et de l’état d’esprit d’un agent. Néanmoins, je
pense que le RUE peut activer, réactiver, impulser et encourager les équipes en s’appuyant sur
les compétences et les appétences de chacun. Je suis bien conscient que cette idée n’a rien de
révolutionnaire, pourtant je présume qu’elle va être centrale et demander beaucoup d’énergie.
Dans ma situation, l’unité de régime « fermé » est en perte de vitesse sur ce plan. Un
management directif me parait possible du côté de l’individualisation du parcours du mineur.
En effet, le référent continu doit privilégier la participation à l’encadrement d’activités socioculturelles et sportives où sont positionnés les mineurs qu’il a en charge. Cela permettra
d’affiner les observations, d’étayer les DIPC et de désamorcer les postures de résistance des
professionnels vis-à-vis de la participation aux activités. Sur la capacité à innover et à
proposer de nouvelles activités, le management sera plus persuasif et participatif. Le RUE doit
être capable de valoriser des compétences et d’ouvrir des perspectives. L’innovation nécessite
une certaine confiance en soi. La PJJ est dotée de personnels aux parcours riches et variés, les
idées et projets d’activités ne manquent pas, pourtant nombreux sont ceux qui ne se réalisent
pas par crainte de l’échec ou peur de l’inconnu. Sur ce plan, le RUE doit absolument rassurer
et épauler l’équipe. Ce travail est dense mais représente un enjeu majeur dans la relation de
confiance entre le cadre et l’équipe.
J’ai choisi de placer la question de la prise de responsabilité chronologiquement après
celle de la prise d’initiative. Je pense, en effet, que cette vision dynamique, créative et
engagée du travail éducatif que je souhaite développer constitue un préalable incontournable
pour la prise de responsabilité. Il me semble possible d’aborder cette réalité avec l’équipe à la
fois pour motiver les professionnels mais aussi dans un souci de clarté en vue des CREP et
des choix de délégations à venir. Jean-Marie Miramon écrit à propos de la délégation, qu'elle
permet de « reconnaître l'Autre au sein d'une équipe, le valoriser en lui attribuant un rôle de
relais » ou encore qu'elle permet de « partager, et donc, négocier, la vision du dispositif, les
modalités et les enjeux des actions à entreprendre »8
Là-encore la posture du RUE change en fonction des objectifs visés. Mon propos porte
plus sur la démarche que sur la description d’exemples précis.
2- La phase d’évaluation
Je choisis de distinguer l’évaluation portant sur la question de la référence continue et
celle portant sur l’évolution des pratiques au sein des deux équipes dont j’ai la responsabilité.
L’évaluation du travail articulé autour de la référence continue se fera à l’échelle du
service et sera donc pilotée par le DS. Elle se fera sous la forme d’un bilan et sera présentée
lors d’une Réunion Institutionnelle (RI) mensuelle.
8
« Manager le changement dans l’action sociale », Jean-Marie MIRAMON, ENSP, Rennes, 1996, p67.
9
Les équipes seront une nouvelle fois associées à ce travail en accordant une heure de
temps de réunion hebdomadaire sur une période de trois semaines. L'objectif ne sera pas de
remettre en question cette nouvelle organisation de travail mais d'y apporter d'éventuelles
modifications pouvant renforcer l'efficacité de la référence continue. Afin de faciliter ce
travail et d'optimiser le temps d'échange dont nous disposons avec les équipes, nous
proposons une grille d'évaluation (cf. annexe 3) commune aux trois RUE, validée par le DS.
L'équipe de direction fera un compte rendu de ce bilan et des propositions d'évolution
en prenant en compte le travail des équipes. Étant donné le caractère central et majeur de cette
nouvelle disposition, ce bilan sera présenté à échéance d'une année. Ce délai permet de mettre
à distance les postures de résistance qui s'expriment le plus souvent dans l'immédiateté. Le ton
et la posture managériale pour cette restitution se veulent moins directifs et plus délégatifs. La
stratégie peut être de repérer les améliorations sur la qualité de la prise en charge des mineurs
afin de valoriser le travail des équipes, renforcer l'identité de service et installer durablement
cette nouvelle dynamique. La présence du directeur territorial, voire inter-régional peut revêtir
un intérêt particulier à cette occasion, bien que cela soit du ressort du DS.
Concernant l'évaluation portant sur l'évolution des pratiques au sein des deux équipes
dont je suis responsable, je vais également utiliser une grille me permettant d'évaluer la
réponse à ma problématique (cf. annexe 4). Cette grille ne sera pas travaillée avec l'équipe
mais pourra être présentée aux professionnels. Elle a pour objectifs d'évaluer la répartition des
charges de travail, l'implication de chaque professionnel dans la qualité de la prise en charge,
la capacité à répondre aux nouvelles exigences fixées et à en rendre compte. Les prises
d'initiatives et de responsabilité y seront intégrées afin d'encourager, valoriser et motiver plus
que de contrôler. Un autre objectif essentiel de cette grille est de clarifier et rendre le plus
équitable possible le travail articulé autour des CREP.
La forme individualisée de cette grille ne doit pas nuire à la dynamique de groupe
souhaitée, aussi, je fais le choix d'y intégrer l’implication du professionnel dans le travail
d'équipe. Par ailleurs, elle ne doit pas être présentée sur un mode trop directif, mais plutôt, sur
un ton rassurant et bienveillant décrivant une volonté d'équité et de valorisation du travail afin
de faire émerger les compétences et renforcer la dynamique globale. L'idée d'un point
intermédiaire à six mois me paraît souhaitable afin de permettre des réajustements avant le
CREP annuel. Cela peut permettre de limiter l'effet de surprise souvent mal vécu par les
professionnels pouvant conduire à des recours qui, quel que soit l'issue, seront néfastes aux
objectifs visés précédemment.
Cette phase d'évaluation, souhaitable dans la construction de ce dossier d'expertise, me
semble incontournable sur le terrain. Pourtant, les outils développés pour formaliser un bilan
constructif font appel à une véritable connaissance du métier. Ici, le RUE a l'occasion de
valoriser, impulser une dynamique et en installer de nouvelles. Ces évaluations sont
également essentielles dans l'articulation du travail avec les différents échelons hiérarchiques,
pour ajuster sans cesse au besoin d’efficience de l’accompagnement des usagers et faire entrer
le service dans une démarche d’amélioration continue de la qualité de la prise en charge.
Améliorer la lisibilité de l'action éducative d'un service, c'est aussi permettre au DS
d'inscrire plus facilement le travail des équipes dans le projet territorial. Cet enjeu stratégique
au plan institutionnel permet de mieux mobiliser les ressources d'un territoire ou d'une interrégion. Cet objectif fait partie intégrante de la résolution de ma problématique. Il renforce la
notion de transversalité et réduit l'idée d' « enfermement » autour des pratiques
professionnelles.
CONCLUSION
Pour tenter d'homogénéiser les pratiques de ces deux unités au regard des missions de
la PJJ, j'ai choisi de mettre en évidence la notion d'équipe de direction comme un préalable
incontournable dans la résolution de ce problème. L’efficacité d'un plan opérationnel repose
également sur la capacité des cadres à prioriser des axes de travail suivant une chronologie
cohérente.
10
Dans ce sujet, il serait tout à fait inopérant d'amorcer le changement en se focalisant
sur l’équipe du régime « fermé ».
En faisant de la référence continue une priorité pour l'équipe de direction, les trois
RUE montrent leur volonté d'harmoniser les pratiques et de les inscrire dans une réelle
identité de service.
Dans la deuxième phase de ce plan opérationnel, je me suis plus centré sur la
démarche managériale du RUE en direction des équipes. Bien qu'encore nécessaire, « le bon
sens éducatif » ne suffit pas, le RUE fait appel à différents styles de management en fonction
des objectifs visés et du temps dont il dispose. Je suis parti de l'idée qu'il serait compliqué de
faire évoluer les pratiques de l'équipe de régime « fermé » en les comparant avec celles du
régime « ordinaire ». Un objectif important reste de renforcer l'identité et non générer de
l'identique. Je fais l'hypothèse que l'équipe du régime « fermé » va trouver sa place à travers
la référence continue, mettre à distance les tensions avec l'AP et replacer le mineur au cœur
des préoccupations. Après le ton directif incontournable pour poser les bases de cette nouvelle
dynamique, le RUE doit être persuasif, participatif et délégatif pour l'entretenir et la
développer. L'évaluation du travail collectif et individuel devient un véritable outil de
valorisation. En rendant l'action éducative du service et de l'unité plus lisible, l'idée de
transversalité prend tout son sens, avec en fond un enjeu particulièrement important en EPM,
à savoir le lien « dedans-dehors », la continuité du parcours du mineur et l'articulation avec
les services de milieu ouvert. L'aide à la décision des magistrats s’enrichit forcément de cette
complémentarité.
Finalement, le RUE en EPM doit lutter contre « l'enfermement » des pratiques
éducatives en milieu carcéral pour leur donner du sens à l'extérieur.
Ma détermination à traiter ce sujet ne se limite pas au cadre spécifique d'un EPM. La
question du clivage existant entre certains professionnels au sein d'un service se retrouve
régulièrement. Aussi bien dans les services de milieu ouvert que dans les établissements
d'hébergement où, par exemple, cette difficulté heurte de plein fouet la qualité de la prise en
charge des mineurs. La résolution de ce problème implique, d'après-moi, un management
prudent, progressif et immanquablement réfléchi. La notion de prudence n'exclue pas la
capacité du RUE à faire des choix, à affirmer des positions, fixer un cadre tout en renforçant
le contradictoire sur des sujets le permettant. Ce travail d'équilibriste s'appuie nécessairement
sur l'expérience, la connaissance du métier d'éducateur, mais aussi sur la capacité à traduire
les orientations préconisées, leur donner du sens, et les rendre opérationnelles. Par exemple,
prenons un élément central de la note d'orientation du 30 septembre 2014, « le milieu ouvert
garant de la cohérence de l'intervention éducative et de la continuité des parcours des
jeunes »9. Sur le fond, cette idée fait largement consensus dans l'esprit des professionnels,
pourtant, les difficultés à investir le Projet Conjoint de Prise en Charge (PCPC) 10 sont encore
nombreuses dans certains services. Le rôle du RUE, face à ces résistances au changement est
complexe. Il suppose un savoir-être et un savoir-faire à la fois solide, ferme pour rassurer
mais aussi évolutif, adaptable et créatif pour renforcer les notions incontournables de
bienveillance et de confiance.
Finalement, que ce soit en passant d'agent de justice à éducateur, d'éducateur à Chef de
Service Éducatif(CSE), ou de CSE à cette formation de RUE, ma progression au sein de
l'institution a toujours été source d'enrichissement, y compris dans la difficulté. Il serait, à
mon sens, prétentieux de penser qu'un parcours professionnel, aussi riche soit-il, puisse suffire
à être parfaitement préparé à un changement de cet ordre-là. Pour autant, cette vision
progressiste et dynamique d'une carrière professionnelle me pousse à envisager cette prise de
responsabilité avec enthousiasme et engagement tout en restant humble face à la difficulté.
9
Note d’orientation de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, JUSF1423190N, 30 septembre 2014, p3.
Note relative à l’action éducative en milieu ouvert au sein des services de la PJJ, JUSF1526137N, 22 octobre
2015, p 18.
10
11
LISTE DES SIGLES
PJJ
Protection Judiciaire de la Jeunesse
EPM
Établissement Pénitentiaire pour Mineurs
RUE
Responsable d’Unité Éducative
AP
Administration Pénitentiaire
DS
Directeur de Service
SEEPM
Service Éducatif en Établissement Pénitentiaire pour Mineurs
US :
Unité de Soin
EN :
Éducation Nationale
CPU
Commission Pluridisciplinaire d'Unité
TPE
Tribunal Pour Enfants
CAP
Commission d'Application des Peines
DIPC
Dossiers Individuels de Prise en Charge
UEAJ
Unité Éducative d’Activité de Jour
CREP
Compte-Rendus d'Entretien Professionnel
DIR
Direction Inter-Régionale
DT
Direction Territorial
RI
Réunion Institutionnelle
PCPC
Projet Conjoint de Prise en Charge
CSE
Chef de Service Éducatif
12
BIBLIOGRAPHIE
Circulaire JUSK1340024C du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs.
« Le travail d’équipe en institution », p104, Paul FUSTIER, Dunod, Paris, 1999.
« Diriger un établissement ou service en action sociale et médico-sociale », Marcel JAEGER,
Dunod, Paris, 2013.
« Manager le changement dans l’action sociale », Jean-Marie MIRAMON, ENSP, Rennes,
1996.
Règlement d'emploi pour les RUE en date du 21 décembre 2015.
Note d’orientation de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, JUSF1423190N, 30 septembre
2014.
Note relative à l’action éducative en milieu ouvert au sein des services de la PJJ,
JUSF1526137N, 22 octobre 2015.
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.
13
ANNEXES
14
ANNEXE 3 : ÉVALUATION DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÉFÉRENCE CONTINUE
Réponses
Propositions d'amélioration
□ très satisfaisant
Prise en charge des □ satisfaisant
mineurs
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
□ très satisfaisant
Organisation du service □ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Organisation
plannings
□ très satisfaisant
des □ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Réunions
hebdomadaires
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
CPU
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
□ très satisfaisant
Travail avec les familles □ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Articulation avec
milieux
ouverts
partenaires
□ très satisfaisant
les □ satisfaisant
et □ peu satisfaisant
□ insuffisant
□ très satisfaisant
Activités à encadrer et à □ satisfaisant
développer
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
16
ANNEXE 4 : GRILLE D’ÉVALUATION INDIVIDUELLE
LES COMPÉTENCES EN DIRECTION DES LES COMPÉTENCES EN DIRECTION DE LES
COMPÉTENCES
MINEURS
L’ÉQUIPE
DIRECTION DU SERVICE
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
DIPC
Observations
Écrits professionnels
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
Participation
à
la □ insuffisant
dynamique d'équipe
Observations
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Prises
d'initiatives
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
EN
Observations
Observations
Compétences à l'oral
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Observations
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
Capacité
à
être
ressource pour l'équipe □ insuffisant
Observations
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Prises
de
Observations
responsabilités
Synthèses
et □ très satisfaisant
articulation avec les □ satisfaisant
milieux
ouverts
/ □ peu satisfaisant
partenaires
□ insuffisant
Observations
Travail
familles
avec
les □ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Observations
Organisation
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
Valorisation du travail □ insuffisant
d'équipe
Observations
Observations
Activités
médiation :
Participation
animation
et
de □ très satisfaisant
□ satisfaisant
co□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Observations
Activités
de □ très satisfaisant
médiation :
□ satisfaisant
création et innovation
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
Capacité à gérer des
□ peu satisfaisant
situations d'urgence ou
□ insuffisant
particulièrement
difficiles
□ très satisfaisant
□ satisfaisant
□ peu satisfaisant
□ insuffisant
Innovations
à
l'échelle
des
politiques
Observations
institutionnelles
Observations
Observations
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Dresser un véritable bilan du travail éducatif en EPM est une mission bien complexe à
ce jour. Peu à peu, chaque établissement adopte son propre fonctionnement. Dans cet
environnement assez flou, le régime dit « différencié » s'est néanmoins imposé à l'échelle
nationale. Ce régime a été préconisé dans le but d'améliorer l'individualisation du parcours,
alors qu'en réalité l'AP en a fait un outil de régulation des tensions basé sur un regard
strictement comportementaliste. En résumé, plus le mineur est difficile, plus il est enfermé et
isolé. Cette option, dissuasive pour les mineurs et protectrice pour les personnels, amène des
écarts de pratiques inquiétants dans l'accompagnement éducatif proposé d'une équipe à l'autre.
Ce clivage nuit à la qualité de la prise en charge, à l'identité de service et à l'articulation du
travail avec les milieux ouverts. Pour répondre à cette difficulté, le rôle du RUE se partage
entre le travail en équipe de direction et celui dirigé vers les unités dont il a la responsabilité.
La résolution de ce problème interroge tous les styles de management, dans une chronologie
réfléchie et construite. La finalité de ce travail permet de mettre à distance les contraintes liées
au cadre carcéral au profit d'une pratique tournée vers le mineur et la continuité de son
parcours.
Mots clés : clivage – rupture – isolement/enferment - référence continue – cohérence ouverture
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