L`astronomie à l`école - Union des Professeurs de Physique et de

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UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
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L’astronomie à l’école
Test d’une séquence d’enseignement au cycle III
par Eddy MASCLET
Formateur à l’IUFM d’Alsace
[email protected]
et Jean-Louis CLOSSET
Professeur à l’Université agronomique de Gembloux
[email protected]
Membres du Laboratoire de Didactique
des Sciences Physiques de l’Université Paris VII
RÉSUMÉ
Cet article se propose de décrire succinctement une séquence d’enseignement traitant des mouvements de la Terre et de ses conséquences, menée par l’un des auteurs, dix
enseignants stagiaires et quatre enseignants titulaires dans vingt-cinq classes du CE2 au
CM2 dont vingt-et-une classes « expérimentales » et quatre classes « repères ». Ainsi, les
élèves ont été amenés dans les classes « expérimentales », en partant de leurs conceptions initiales, à faire évoluer celles-ci via l’interaction avec leurs pairs, l’enseignant et
la manipulation lors d’expérimentations ou de modélisations concrètes.
INTRODUCTION
Nous situerons notre travail sur l’enseignement de l’Astronomie au cycle III par
rapport au programme officiel (objectifs notionnels) et par rapport à certaines connaissances liées aux Sciences de l’Éducation et à la Didactique (fondements théoriques).
Nous aborderons la programmation de la séquence, le protocole expérimental ; nous
présenterons les séances et nous terminerons par les résultats des évaluations un an après
que les élèves aient suivi la séquence. Un développement plus important du sujet se
trouve dans notre thèse [1].
1. LA PROGRAMMATION DE LA SÉQUENCE
Cette séquence s’intègre dans les programmes officiels de 2002 [2] :
« L’objectif est en tout premier lieu d’observer méthodiquement les phénomènes les plus
quotidiens et d’engager les élèves dans une première démarche de construction d’un
modèle scientifique :
– La lumière et les ombres, les points cardinaux et les boussoles, le mouvement appaVol. 98 - Juillet / Août / Septembre 2004
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rent du Soleil, la durée du jour et son évolution au cours des saisons, la rotation de
la Terre sur elle-même et ses conséquences. […]
– Quelques phénomènes astronomiques : “ course du Soleil ; durées des jours et des nuits ;
évolution au cours des saisons ; lien avec les boussoles et les points cardinaux ; un
petit nombre de modèles simples concernant ces phénomènes ” ».
Nous nous sommes intéressés, surtout, à la question de l’inclinaison de l’axe de
rotation de la Terre, et non aux problèmes liés aux changements de référentiels traités
largement par MERLE [3]. À noter que nous entendons par expérimentation le fait « d’agir
sur le réel » c’est-à-dire manipuler les objets réels (exemple : boussoles) et par modélisation des « maquettes pour penser avec » [4] dans le cas où les objets réels sont inaccessibles (exemples : Terre, Soleil, etc.), le tout en suivant un protocole. Il est difficile
d’utiliser le terme modélisation comme théorie ou mathématisation du réel au cycle III
[4].
La progression choisie s’étale sur six séances. Les trois premières séances ont pour
but d’établir que la Terre est ronde, qu’elle est éclairée par le Soleil, qu’elle a deux
points importants (les pôles) et que chacun marche sur la Terre sans « tomber » dans
l’espace. Puis on cherche à expliquer l’alternance jour/nuit, la différence de durée des
journées et des nuits en fonction de la saison (comme conséquence de l’inclinaison de
l’axe de la rotation de la Terre par rapport à la normale au plan de son orbite), et enfin
le phénomène des saisons (lié aux implications thermiques).
2. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE - FONDEMENTS THÉORIQUES
Les recherches en didactique et en sciences de l’éducation ont montré lors de ces
trente dernières années qu’un enseignement purement « transmissif » (au sens cours magistral) pouvait montrer ses limites quand il s’agit de l’apprentissage de concepts complexes
(problème cité, entre autres, par MEIRIEU [7] ; DUPIN et JOSHUA [8] ; MERLE [3] ; CLOSSET
[9] et VIENNOT [10]).
Les expériences illustrant un cours magistral, ou les travaux pratiques d’où l’élève
est sensé déduire une loi, ont été critiqués par Samuel JOSHUA [8] sous le terme « d’inductivisme ». Dans cette démarche, l’élève est placé d’emblée dans la position d’expert
en sciences dans la mesure où il doit déduire une loi scientifique à partir d’une manipulation dont il n’est pas l’auteur et qui répond souvent à des questions qu’il ne se pose
pas. De plus, il est difficile, dans ce cadre, pour l’élève, d’observer ce que l’enseignant
voudrait qu’il observe. Les nombreux travaux (entre autres : [9] et [10]) sur les conceptions initiales (conceptions avant enseignement) montrent que celles-ci sont souvent
erronées et qu’on ne peut les ignorer sans s’exposer à les voir réapparaître à moyen ou
long terme. Il est donc apparu nécessaire de les prendre en compte dans une démarche
d’enseignement qui chercherait à les faire évoluer vers une conception plus « correcte ».
Cependant, une fois que l’on constate que les conceptions initiales ne peuvent être négligées, la démarche susceptible de les intégrer n’est pas immédiate. C’est pourquoi, nous
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nous proposons de chercher celle-ci dans ce que nous enseignent les Sciences de l’Éducation, notamment Jean PIAGET [11] et Lev VYGOTSKI [6]. Jean PIAGET a établi que l’interaction concrète de l’enfant avec son environnement est un moteur fondamental du
développement cognitif de celui-ci. Il incite à des manipulations élaborées et effectuées
par l’enfant. D’autres, comme Lev VYGOTSKI, ont montré que l’interaction sociale avec
des pairs ou un adulte (et non la seule transmission) via le langage (sous toutes ses
formes) est aussi un facteur décisif dans ce développement cognitif (facteur minimisé
par Jean PIAGET). Il distingue ce que l’enfant peut accomplir seul (« développement
actuel de l’enfant ») de ce qu’il peut faire avec l’aide d’un adulte ou de pairs (« capacité potentielle de développement »). Entre ces deux niveaux, se constitue la « zone
proximale de développement », l’espace où le développement est en devenir [6]. Si l’on
intègre ces deux approches, l’objectif de l’enseignant est de veiller à ce que l’élève soit
placé dans un milieu où il pourra soumettre ses conceptions initiales d’une part à
l’épreuve des critiques de ses pairs ou de l’adulte, d’autre part à l’épreuve de manipulations concrètes. Il s’agit dès lors de susciter des interactions avec l’environnement et
autrui afin que l’enfant se remette en cause, même s’il n’est pas toujours évident qu’il
le fasse (voir par exemple DUPIN et JOSHUA [8] ; MERLE [3] ; CLOSSET [9]).
On en déduit une démarche générale pour chaque séance dans les classes expérimentales :
♦ Formulation du problème
– Émergence et prise de conscience des conceptions (individuellement).
– Discussion de ces conceptions (collectivement).
– Hypothèses de travail retenues à partir de ces conceptions (collectivement).
– Apports d’informations si besoin (seulement dans la séance traitant des saisons).
♦ Résolution du problème
– Recherche : (manipulations ciblées) expérimentation, modélisation, documentation,
observation (en groupe restreint ou individuellement).
– Compte-rendu des résultats de la phase de recherche (individuellement).
– Débat (de preuve) autour de la validation des hypothèses (collectivement).
♦ Structuration
– Institutionnalisation (collectivement à partir des discussions qui précèdent).
Et plus tard : Évaluation individuelle, retour éventuel si difficulté.
3. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL
Les vingt-et-une classes « expérimentales » (onze menées par l’un des auteurs, dix
par des stagiaires) ont suivi une séquence dont la démarche est exposée ci-après. Deux
classes de CM1 « repères I » ont suivi un enseignement sur les mêmes contenus, mais
avec une prédominance « transmissive » sans recueil de conceptions initiales, sans interactions entre élèves et sans les faire manipuler concrètement, en répondant aux questions
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via la lecture de documents. Enfin deux autres classes de CM1 « repères II » ont suivi
un enseignement avec exploitation de documents également, sans manipulations concrètes,
où on faisait exprimer aux élèves, puis confronter, leurs conceptions initiales.
À noter que la durée des séances dans toutes ces classes était équivalente (la
lecture et la synthèse de documents sont longues en école primaire).
4. DESCRIPTION DES SÉANCES
À chaque séance, en nous appuyant sur une démarche proche de celle préconisée
par « la main à la pâte » (http://www.inrp.fr/lamap) et en suivant les instructions
officielles et ce qui a été écrit précédemment, l’élève écrit sur son « cahier d’expérience » ce qui suit :
Titre de la leçon
1) Rappel de la séance précédente
Nom de l’élève
(vérification des acquis)
2) Question du jour (dessin et phrases)
Ce que je pense
(conceptions initiales)
Ce que je pense après la discussion 3) Question du jour
4) Compte-rendu d’observation, d’expérimentation,
Ce que j’ai vu
de documentation, de modélisation (maquette)
Ce que je retiens
5) Réponses trouvées par la classe (structuration)
Ainsi, les traces écrites sont censées suivre l’évolution de la pensée de l’élève dans
un double objectif de retenir ce qu’on a fait et de favoriser l’utilisation des compétences
langagières. Les sciences deviennent un moteur du désir de communication de l’enfant.
À noter que les enfants tentent d’élaborer eux-mêmes les modes de résolution du problème
en répondant à la question : « comment pourrait-on faire pour le savoir ? ».
4.1. Séances 1 et 2 : Forme de la Terre et du Soleil - Boussoles
La forme de la Terre et du Soleil est connue des élèves. On aborde ensuite le rôle et le
fonctionnement des boussoles afin de situer les pôles Nord et Sud (magnétiques, voisins des
pôles géographiques) et préparer le positionnement de l’axe de rotation de la Terre.
Conceptions initiales : Pourquoi l’aiguille de la boussole est attirée par le Nord ?
Classes
CE2
CM1
CM2
Effectif
96
276
62
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Rien
56 %
72 %
68 %
Vent
9%
5%
2%
Piles
14 %
3%
0%
Froid
13 %
10 %
10 %
Aimant
8%
10 %
20 %
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Les pourcentages de la troisième colonne montrent que les élèves ont peu d’idées
premières sur le fonctionnement des boussoles. Cependant, certains élèves parlent du
« froid » ou du « vent » (au pôle Nord, il fait froid), c’est pourquoi, lors des phases de
manipulations des boussoles, ils pensent à utiliser de la glace près de la boussole dont ils
constatent l’inefficacité comparée aux aimants.
4.2. Séance 3 : Gravitation
Les enfants se demandent souvent pourquoi les gens du Sud ne tombent pas dans
l’espace. Il est donc nécessaire d’aborder ce point pour éviter les blocages à l’avenir lorsqu’on abordera l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre.
Conceptions initiales : Dessinez un bonhomme en France et en Australie.
Classes
CE2
CM1
CM2
1
2
3
28 %
26 %
20 %
39 %
40 %
14 %
33 %
34 %
66 %
Effectif
96
276
62
Après la discussion (très riche) entre les enfants, ils testent leurs idées en promenant un bonhomme sur un globe terrestre et ils constatent que les pieds ne vont pas
soudain se retrouver dans « le ciel » et donc le dessin 3 est la réponse « la plus correcte ».
4.3. Séance 4 : Alternance journée/nuit
Une fois que l’élève a compris que la Terre est ronde, qu’elle est éclairée par le
Soleil, qu’elle a deux points importants (les pôles) et que chacun marche sur la Terre sans
« tomber » dans l’espace, nous pouvons travailler sur l’alternance jour/nuit.
Conceptions initiales : Pourquoi il y a des jours et des nuits ?
Effectif
Terre tourne sur elle-même
Terre tourne
Soleil tourne autour de la Terre
La lune fait la nuit et le Soleil le jour
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CE2
96
6%
24 %
21 %
6%
CM1
276
30 %
30 %
16 %
8%
CM2
62
47 %
34 %
13 %
0%
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Le Soleil éclaire puis La Lune cache le Soleil
Le jour c’est pour l’école et la nuit, c’est fait pour dormir (égocentré)
Rien
CE2
1%
38 %
4%
CM1
3%
7%
6%
CM2
3%
3%
0%
Le nombre important de conceptions alternatives suscite un débat très vif au sein de
la classe. On remarque la part importante, mais décroissante avec l’âge, d’enfants
« égocentrés » (au sens piagétien) qui ramènent les phénomènes astronomiques à leur
vécu immédiat. Cette conception correspond à un stade de développement cognitif identifiable par d’autres tests piagétiens sur la capacité de l’enfant à se décentrer.
Le mode de résolution évoqué par les
enfants est la manipulation de boules
(Terre, Lune) et de lampes de poche ou
ampoules (Soleil) (modélisation) afin de
préciser les points de vue et de voir ceux
qui peuvent être retenus sur la simple base de l’information : l’alternance jour/nuit. À
noter que le rôle éventuel de la Lune est souvent écarté, car nombre d’enfants savent qu’il
n’y a pas une éclipse tous les jours.
Structuration
« Voici quelques possibilités pour expliquer l’alternance journée/nuit :
La Terre tourne autour du Soleil fixe sans tourner sur elle-même ;
La Terre tourne sur elle-même sans tourner autour du Soleil fixe ;
Le Soleil tourne autour de la Terre fixe ;
La Terre tourne sur elle-même et le Soleil tourne autour de la Terre ;
La Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil ».
4.4. Séance 5 : Variation de durée des journées et des nuits
Pour choisir entre ces différentes explications possibles, il est nécessaire d’introduire d’autres informations, notamment la différence de durée des journées et des nuits
en fonction de la saison. Ainsi, il est nécessaire d’avoir deux mouvements pour expliquer
à la fois l’alternance jour/nuit et la variation annuelle de la durée des journées ; reste, dès
lors, les explications et comme acceptables. Une fois l’explication éliminée par
argument d’autorité (si elle apparaît, ce qui est extrêmement rare) (1), on peut expliquer
cette variation via une modélisation (ampoule, boule de polystyrène traversée par un axe)
établissant l’inclinaison de l’axe de rotation terrestre.
(1)
L’argument d’autorité peut être utilisé si la connaissance nouvelle transmise, et non construite, après une bonne
préparation du terrain (recueil et confrontation des conceptions initiales), est réinvestie ultérieurement (cf. paragraphe 3., [5] et [6]).
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Conceptions initiales : Pourquoi la journée dure plus longtemps en été ?
Effectif
Axe incliné
La Terre est plus près du Soleil
La Terre tourne moins vite en été
Rien
CE2
96
0%
4%
12 %
84 %
CM1
276
4%
8%
11 %
77 %
CM2
62
7%
7%
9%
77 %
On remarque tout de suite le nombre
très important d’élèves qui ne s’expriment
pas sur ce sujet. Cette question est très
complexe pour ces enfants et la confrontation avec ceux qui se sont exprimés
permet de leur donner des idées. La phase
de manipulation (assez longue), s’appuyant sur la question : « Trouvez un moyen pour
que la croix reste plus longtemps dans la partie éclairée quand la boule tourne », les aide
à visualiser le problème et la réponse que l’on peut lui apporter.
Structuration
« L’axe de rotation de la Terre est penché (non-perpendiculaire à la ligne SoleilTerre), c’est pourquoi la durée des journées et des nuits varie au cours de l’année ».
4.5. Séance 6 : Les saisons
Enfin, l’explication du phénomène des saisons découle alors des implications thermiques de cette inclinaison de l’axe en fonction de l’époque de l’année par rapport au
Soleil.
Conceptions initiales : Expliquez pourquoi il fait plus chaud en été.
Effectif
Axe incliné
La Terre est plus près du Soleil
Le Soleil brille plus fort
Sinon, on ne pourrait pas vivre
Rien
CE2
96
9%
16 %
10 %
11 %
54 %
CM1
276
17 %
20 %
8%
3%
52 %
CM2
62
19 %
29 %
4%
1%
47 %
Les élèves ont plus d’idées sur ce sujet, même si ce n’est que la moitié qui s’exprime. On remarque que l’idée de distance variable est souvent évoquée (alors que pour
l’hémisphère nord, la Terre est plus près du Soleil en janvier : à 147 millions de kiloVol. 98 - Juillet / Août / Septembre 2004
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mètres comparés aux 152 millions de kilomètres en juillet, information que l’on donne
aux élèves).
On divise alors la classe en trois groupes qui tournent sur trois ateliers :
♦ Atelier thermomètre
Les enfants repèrent la température
selon l’inclinaison, ils vérifient que face
au spot (Soleil) la température est plus
importante.
♦ Atelier photopile
Les enfants constatent qu’en fonction
de l’inclinaison de la photopile, le
moteur tourne plus ou moins vite.
♦ Atelier lampe de poche
Les enfants doivent relier l’intensité
lumineuse de la tâche à l’inclinaison de
la feuille.
Ensuite, la mise en commun permet de faire le lien entre le modèle et la réalité.
Structuration
« L’axe de rotation de la Terre est « penché vers le Soleil » en été et vers l’extérieur
en hiver. C’est pourquoi, les rayons frappent le sol “ tout droit ” en été, il fait chaud, et
ils “ rasent ” le sol en hiver, il fait froid ». Un schéma précise cette formulation.
Si les enfants, pour les cinq premières séances, parviennent à élaborer les modes de
résolution, ils éprouvent des difficultés à imaginer plusieurs expériences ou modélisations
pour ce qui concerne cette dernière séance (excepté l’atelier lampe de poche). Donc, l’enseignant est, ici, une fois que le terrain est bien préparé par l’émergence des conceptions
initiales et la confrontation avec les autres, dans l’obligation de transmettre et non de
construire des expériences ou modélisations, qui seront efficaces sur l’apprentissage sur
le long terme, si on se situe bien dans la « zone proximale de développement » déjà citée.
Cette démarche se distingue d’une approche purement transmissive dans la mesure où les
élèves ont imaginé une expérience ou modélisation sur les trois et dans la mesure où l’enseignant tient compte de leurs conceptions initiales.
De fait, seules les évaluations nous renseigneront sur l’efficience de cette démarche.
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5. RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS
Afin de visualiser l’évolution, on pose les mêmes questions que lors des recueils de
conceptions initiales, un an après, de manière spontanée, sans révision et sans la présence
de l’enseignant qui a mené la séquence :
Questions
1) Forme
2) Boussole
3) Gravitation
4) Jour/nuit
5) Durée
6) Saisons
CM1
repère I
(45 élèves)
100 %
65 %
75 %
80 %
15 %
15 %
CM1
repère II
(58 élèves)
100 %
65 %
77 %
82 %
38 %
50 %
CE2
expérimental
(96 élèves)
100 %
74 %
82 %
66 %
44 %
58 %
CM1
expérimental
(276 élèves)
100 %
81 %
87 %
91 %
75 %
72 %
CM2
expérimental
(62 élèves)
100 %
100 %
100 %
100 %
96 %
88 %
Les pourcentages de réussite un an après.
Dans les classes expérimentales (encadrées dans le tableau), on constate le fort
impact de la séquence, surtout à partir du cours moyen. Il semble que pour les CE2, cette
séquence soit trop complexe pour les questions 5) et 6).
Ainsi, du point de vue d’une validation interne, la séquence apparaît déjà très efficace, en dehors de toute comparaison externe.
La comparaison avec les classes repères au niveau CM1 (cf. grisés foncés du tableau),
montre l’influence de la prise en compte des conceptions initiales (classes repères II par
rapport aux repères I), puis des manipulations (classes expérimentales par rapport aux repères
II). Sans recueil de conceptions, ni interactions, ni manipulations, les concepts complexes
abordés dans les questions 5) et 6) ne sont pas intégrés. Avec recueils de conceptions et interactions, les résultats sont meilleurs, mais très inférieurs à ceux des classes expérimentales.
Toutefois, le nombre de variables étant important, on ne peut conclure strictement
à une efficacité plus grande de la séquence expérimentale par rapport aux autres.
6. BILAN
Il semblerait donc qu’une séquence basée sur la prise en compte des conceptions
initiales, en les confrontant entre elles et à des manipulations ciblées, soit très efficace
pour l’acquisition par les élèves de notions sur les mouvements de la Terre et ses conséquences. Le matériel utilisé est tout à fait abordable pour des enseignants du premier
degré, sans avoir besoin de planétarium gonflable ou autre équipement coûteux.
Les limites de ce travail sont le nombre restreint de classes repères, n’autorisant pas
une comparaison stricte, et des évaluations qui ne donnent pas de renseignements sur la
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capacité des enfants à réinvestir les connaissances acquises dans des domaines légèrement différents de ceux abordés.
Nous n’avons pu, ici, développer les autres aspects de cette recherche sur le développement cognitif, la typologie de l’argumentation écrite [12], etc. C’est pourquoi, nous
vous invitons à consulter le texte de la thèse [1] au Laboratoire de Didactique des Sciences
Physiques de Paris VII ou, pour plus de précision sur la séquence, le site de la main à la
pâte : http://www.inrp.fr/lamap/activites/ciel_terre/module/astronomie2/accueil.htm
BIBLIOGRAPHIE
[1] MASCLET E. L’explication du phénomène des saisons chez les élèves de cycle III,
test d’une séquence d’enseignement et ingénierie didactique. Thèse de Doctorat,
Laboratoire de Didactique des sciences physiques, Université Paris VII, 2003.
[2] Programmes de l’école primaire, Ministère de l’Éducation nationale, CNDP, 2002.
[3] MERLE H. Apprentissage des mouvements de la Terre à l’école élémentaire, d’une
vision géocentrique à une vision héliocentrique. Doctorat, Montpellier II, 1999.
[4] MARTINAND J.-L. et équipe INRP/LIREST. Enseignement et apprentissage de la
modélisation en sciences. Didactique des Disciplines, INRP, 1992.
[5] MÉHEUT M., LARCHER C. et CHOMAT A. Modèle particulaire et activités de modélisation en classe de quatrième. INRP, 1988.
[6] VYGOTSKI L. Pensée et langage. Trad. de F. SÈVE, édition de 1997, La Dispute, 1934.
[7] MEIRIEU P. Apprendre, oui, mais comment ? ESF éditeur, collection pédagogies, 1987.
[8] DUPIN J.-J. et JOSHUA S. Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques. PUF, Collection Premier Cycle, 2e édition corrigée, 1999.
[9] CLOSSET J.-L. D’où proviennent certaines erreurs rencontrées chez les élèves et les
étudiants en électrocinétique ? Peut-on y remédier ? Bull. Un. Phys., octobre 1983,
vol. 78, n° 657, p. 81-102.
[10] VIENNOT L. Intuition et formalisme en dynamique élémentaire. Bull. Un. Phys.,
octobre 1976, vol. 71, n° 587, p. 49-84.
[11] PIAGET J. Psychologie et pédagogie. Folio Essais, Denoël, 1969.
[12] WEISSER M., MASCLET E. et RÉMIGY M.-J. Construction de la compréhension par l’argumentation orale en sciences. Expérience menée au cycle III, ASTER, n° 37, 2003.
Eddy MASCLET, professeur agrégé,
est formateur en Sciences Physiques
et Technologie à l’IUFM d’Alscace.
L’astronomie à l’école
Jean-Louis CLOSSET est professeur des universités en Sciences
Physiques à l’Université Agronomique de Gembloux (Belgique).
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