Les deux facettes du consommateur

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Les deux facettes du consommateur
Les deux facettes du consommateur
d’aujourd’hui et comment s’y adapter
Tout récemment, le premier “Space-
participants. En gros, le consommateur d’aujourd’hui a
Watcher Breakfast” réunissait les
développé deux comportements, soit il a pris conscience
clients de Space pour lequel ce genre
de son pouvoir d’agir et compte bien s’en servir dans une
d’événement est une exclusivité. Au
relation d’égal à égal avec les marques, soit il veut surfer sur
menu, une présentation des tendances
la vague, bien décidé à profiter de toutes les occasions, y
media/marketing d’aujourd’hui. Voici
compris celles qui peuvent éventuellement lui donner bonne
aujourd’hui un résumé du contenu
conscience. Deux manières de réagir, deux manières de
de cet événement, très apprécié des
communiquer potentiellement bien différentes.
En très bref
• La crise (ou les crises) ont créé pour les consommateurs d’aujourd’hui un contexte bien différent,
souvent anxiogène. Qui a notamment mis en cause le modèle de consommation et de croissance qui
avait cours jusque là.
• Deux manières de réagir face à cela du côté du consommateur : ceux qui veulent continuer autant
que possible à consommer d’une manière, en profitant des nouvelles opportunités créées par la
technologie, tandis que d’autres recherchent une consommation plus responsable.
• L’attente vis-à-vis des marques est contrastée : d’un côté, valorisation, fun et rewarding, de l’autre côté,
dialogue, cohérence et engagement.
• Il n’y a pas de meilleure recette : les guides doivent être d’une part la connaissance du consommateur
et de l’autre l’identité de la marque.
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Le contexte :
pas seulement la crise
Selon nous, trois éléments structurent la vie
• le règne de l’instantanéité, avec une nouvelle qui chasse l’autre :
actuelle des sociétés développées dans
c’est donc souvent - dans la perception en tous cas- le dernier
lesquelles nous vivons.
qui a parlé qui a raison
• un sentiment d’ubiquité : les distances n’ont plus d’importance et
1. le sentiment d’une certaine urgence
d’abord. Nous l’avons appelé le
on l’on en sait autant (ou on croit savoir) sur l’autre bout du monde
que sur ce qui se passe au coin de la rue ;
“syndrome 11:59” ou “minuit moins une”.
• la suprématie de l’image : l’information étant courte, rapide, et les
Il se manifeste de plusieurs manières.
technologies le permettant, ce qui se transmet avant tout, ce sont
Pour beacoup, le monde est perçu
des photos, des messages courts (Twitter, c’est 140 signes de
comme plus dangereux ou angoissant
textes, moins qu’un SMS…), bref surtout de l’émotion ;
qu’avant, accumulant les crises :
• enfin, ce flot ininterrompu crée un phénomène que nous appelons
financière, économique, climatique,
“infobesity”, une surcharge qui empêche toute synthèse et fait
politique aussi. Du coup, la société de
perdre un temps précieux. Se développent d’ailleurs des outils
consommation a perdu de son attrait.
comme un “information overload calculator” et l’on estime que
Pire même : le souci du climat et certaines
l’infobésité fait perdre des fortunes aux entreprises dont les
crises sanitaires (a-t-on jamais été aussi
employés, noyés de mails, essayent tant bien que mal de faire la
attentif au contenu de son assiette ?)
synthèse.
ont rendu la consommation dangereuse,
source de peur. Pour beaucoup aussi,
3. et bien sûr les conditions économiques, la crise dont tout le
la “fièvre acheteuse”, cette espère de
monde parle. Ici, il est facile de s’en rendre compte : augmentation
consommation jubilatoire, est devenue
du chômage, accroissement de l’endettement des états (la crise
culpabilisante, car source d’épuisement
grecque en est le dernier épisode), avec des corollaires comme les
des
planète,
programmes d’austérité et la hausse des taxes. Conséquences
d’accroissement de l’obésité ou encore
moins souvent commentées : une pression sur la classe moyenne
d’exploitation (pensez par exemple à la
et un retour tendantiel à la séparation entre économiquement
mise en question des équipementiers
favorisés et précaires. Certains spécialistes diagnostiquent aussi
sportifs pour la production dans les pays
la panne de “l’ascenseur social” : moins que jamais le fils d’ouvrier
en voie de développement).
ne peut espérer devenir dirigeant d’entreprise.
ressources
de
la
2. ensuite, il y a la place immense prise par le
Ces trois domaines s’interpénètrent évidemment : la transmission
digital dans notre vie : assez logiquement,
digitale fait enfler les rumeurs alarmantes à une vitesse affolante, les
nous parlerons ici de “digit-all”. Avec
slogans et images chocs de fermetures d’usine ou de crise créent
Internet, les réseaux sociaux, les GSM
des vagues d’émotion et suscitent peurs et émotions multiples.
plus ou moins sophistiqués, la moindre
information se répand à une vitesse
jusqu’ici inimaginable. Avec plusieurs
conséquences :
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Côté consommateur,
deux familles
Dans ce contexte, nous diagnostiquons deux
choses leur confère : c’est le trend “sanctionomy”. D’autres préfèrent
types de comportements du consommateur.
tirer parti de la situation, en surfant sur les vagues nouvelles : ce trend,
Il y a d’une part ceux qui intègrent la situation
nous l’avons baptisé “hope-portunist”.
en prenant le pouvoir que le nouvel ordre des
“Sanctionomy”,
consumers take the power
Chez les nouveaux consommateurs-
retour massif au carnet d’épargne pour placer ses économies, culte
activistes,
du contrôle, matérialisé par exemple dans l’achat local -“on sait ce
plusieurs
comportements
ou revendications s’affichent parfois
qu’on mange”- en circuit court.
simultanément
• le culte du “zéro risque” : il s’incarne
Côté marketing, le zéro risque s’incarne dans le retour à des valeurs
de plusieurs manières. Promotion de
traditionnelles, à des produits “du bon vieux temps”, mais aussi de
l’allaitement maternel comme source
façon plus surprenante, dans le succès de certains produits ou services
naturelle d’immunité, rejet de la bourse et
technologiques comme la WII (pratiquée en famille, à la maison).
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• le courant “slow down” : face à la
food”, “lâcher prise” ou encore activités physiques - comme
vitesse croissante de l’information, de
le yoga - centrées sur la lenteur. Evidemment, la vogue des
l’obsolescence des produits, certains
produits artisanaux, produits plus lentement qu’en industriel,
prônent résolument le contre-pied, “slow
s’intègre directement dans cette mouvance.
• chez le consommateur conscient de son
stimulé par les états - objectifs de kyoto obligent). Moins
pouvoir émerge aussi un comportement
directement écologique émergent l’intérêt pour le coopératif
“maturialiste”. La consommation se veut
gratuit (Wikipedia), les cycles de produits plus longs (“7 ans de
plus éthique, plus responsable, avec
garantie pour une voiture”) et la vague du recyclage, y compris
l’essor de l’écologie et l’intérêt pour
des cadeaux dont on ne veut pas, revendus sur eBay…
les énergies renouvelables (d’ailleurs
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Attention toutefois : “sanctionomy” com-
non respectueuses des conventions sociales ou de l’éthique.
porte aussi du rejet et une prise de position
Les consommateurs du courant “sanctionomy” peuvent aussi être
nette contre le “tout au financier”, les firmes
activistes virulents.
“Hope-portunists”,
consumers surf the wave
L’autre versant du consommateur actuel,
Ce trend s’incarne dans plusieurs comportements.
c’est l’adaptation pragmatique à la nouvelle
• La “snack culture”, passage rapide d’un produit ou d’un intérêt
donne. La volonté est ici de continuer à
à l’autre. C’est le succès des collections “Web for dummies”,
consommer, en utilisant toutes les possibi-
des produits à faible durée de vie, ou encore de programmes
lités nouvelles.
comme “Pop Idol” qui “font” une star en peu de temps.
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• Mais “l’hope-portunist” s’incarne aussi
s’adresse maintenant les enfants à partir de 4 ans les invitant à
dans l’enfant tyrannique, qui veut tou-
concevoir leur propre logo Google - ou “doodle” - sur le thème
jours plus, mieux et plus neuf. Ainsi, la
“I love football” Enfant tyrannique, ce ne sont pas seulement les
possession de GSM tend à descendre
moins de 12 ans ou 15 ans, mais aussi les adultes….
toujours en plus en âge, et Google
• Le culte de l’égo est une autre facette :
il n’y a qu’à évoquer ici le succès
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des réseaux sociaux qui permettent à chacun de projeter sa
personnalité virtuellement aux yeux du monde entier.
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Enfin, la consommation décomplexée s’in-
hybride en est l’exemple le plus évident), le luxe à petit prix, les
carne dans une exigence multiforme : le
offres qui permettent l’usage mais évitent l’usure (un téléphone
plaisir de consommer et le socialement/
mobile remplacé chaque année, dans le cadre d’un contrat ad hoc,
écologiquement responsable (le SUV
par exemple). C’est la culture du “bon plan” et du “smart shopping”.
En pratique,
pour les marques et médias
Le consommateur du courant “sanctionomy”
qui a pris conscience de son pouvoir repèrera très vite les
appréciera, du côté des marques, les signes
divergences entre discours ou entre discours et pratique, et il le
tangibles d’engagement humanitaire, les
fera savoir) et chercher le dialogue. L’association des marques
discours authentiques et le partenariat, voire
avec des organisations caritatives ou humanitaires fait partie des
la co-création (élaboration de nouveaux
leviers les plus pratiques pour communiquer efficacement avec les
produits ou variantes en collaboration
consommateurs de ce type.
directe entre marque et consommateur).
Ici, la communication doit être centrée sur le concept. Pas question
Pour l’implémentation en média, mieux vaut
de laisser s’élaborer séparément plan média et création. Une idée
privilégier la cohérence (le consommateur
centrale - le concept - doit guider le processus.
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Deux exemples de communication
Leclerc annonçant le delisting de produits (avec une grande
“sanctionomy”
cohérence par rapport à leur communication et notamment le site
• dans le genre agressif : les publicités
www.quiestlemoinscher.com, opéré par l’enseigne) :
• plus proche de nous, la campagne
qui demandait aux consommateurs leurs avis sur ce que doit
DBAT, orchestrée par la Deutsche Bank,
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être une banque à leurs yeux :
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Du côté du trend “Hope-portunist”,
par le divertissement, la surprise et les dispositifs “ambiants”. Deux
l’objectif des marques pour séduire ce
exemples d’actions réussies :
type de consommateur consiste à travailler
l’émotion. D’autres moyens tournent autour
• la saga “Kevin Polof” réalisée par Space pour Lacoste (candidat
de la récompense pour le consommateur :
au titre de “Best media strategy 2009” : un récit monté de toutes
soit flatter son égo ou le valoriser.
pièces qui a joué sur l’intérêt de la cible pour les “belles histoires”
En média, toucher “l’hope-portunist” passe
(celle d’une quête amoureuse) et la perspicacité du public ;
• à Paris, Ikea meuble l’intégralité d’une
pour le consommateur qui aime se faire gâter, comme un enfant
station de métro : surprise et valorisation
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tyrannique :
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Conclusion,
en forme de questions
Reste… la mise en pratique ! En finale du
• Etes-vous cohérent dans votre communication ?
SpaceWatcher Breakfast, nous avons posé
• Votre marque peut-elle incarner autre chose que le produit qu’elle
cette série (non exhaustive) de questions
désigne aujourd’hui ?
aux marketers présents :
• Quelle est la valeur ajoutée que vous voulez offrir ?
• Dites-vous toujours toute la vérité sur
• Est-ce que le consommateur a la possibilité de participer à un
votre produit ?
• Qu’y a-t-il de “vert” dans votre marque ?
aspect du process de la marque ?
• Avez-vous déjà fait autre chose que des médias “classiques” ?
• Avez-vous déjà établi un dialogue avec
votre consommateur-cible ?
• Quels engagements tenez-vous vis-à-vis
du consommateur ?
Il y a évidemment de la part de Space une volonté de vous aider à y
répondre… ainsi qu’à développer des situations de communication
adaptées par rapport à ces réponses !
Références
Si le cœur vous en dit, quelques idées de lecture, parmi les nombreuses sources de ces réflexions sur le consommateur.
Jeremy Rifkin, The empathic civilization .The Race to Global Consciousness in a World in Crisis, 2010
Philippe Moati, Vers un autre monde économique, Modernités Forum Economie, 2009
“La mécroissance” in Regards sur la crise. Réflexions pour comprendre la crise... et en sortir, ouvrage collectif dirigé
par Antoine Mercier avec Bernard Stiegler, Alain Badiou, Miguel Benasayag, Rémi Brague, Dany-Robert Dufour,
Alain Finkielkraut, Élisabeth de Fontenay…, Paris, Éditions Hermann, 2010
G. Erner, Sociologie des tendances, 2008
Gérard Mermet, Francoscopies, octobre 2009
Faith Popcorn, Brainreserve Trends Forcecast, 2008
Zygmunt Bauman, La vie liquide, 2006
Gilles Lipovetsky, Le bonheur paradoxal, 2006
Patrice Van Eersel, Un immense désir de tout ralentir, la révolution lente, http://www.nouvellescles.com/article.
php3?id_article=1352
http://www.e-marketing.fr/Fondamentaux/Le-comportement-des-consommateurs-7/Tendances-de-consommation-55.htm
Henri Kaufman, Internet a tout changé, marketing, styles de vie e-commerce, 2010
TNS SOFRES, Carnets de tendances, 2009
Camille Peugny, http://www.alternatives-economiques.fr/blogs/peugny
Jacques Attali, http://editionsfayard.typepad.com/_attali_la_crise/attali_crise_et_apres06.html
Herman Konings, Latte Macchiato, 2009
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