la france toujours une terre fertile pour l`antisemitisme ni l` égalité ni
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la france toujours une terre fertile pour l`antisemitisme ni l` égalité ni
Le 13 février 2006, Ilan Halimi, un jeune Français juif de 23 ans mourut peu après avoir été retrouvé près de Paris, à demi nu, poignardé et portant des marques de brûlures de cigarettes et d’acide. Illan Halimi fut kidnappé et torturé parce qu’il était Juif. Un antisémitisme virulent est toujours prévalant en France, alimenté par des mouvements extrémistes de droite et la propagande islamiste. LA FRANCE TOUJOURS UNE TERRE FERTILE POUR L’ANTISEMITISME NI L’ ÉGALITÉ NI LA FRATERNITÉ? Le 13 février 2006, Ilan Halimi mourut peu après avoir été retrouvé à demi nu, poignardé et portant des marques de brûlures de cigarettes et d’acide. Ilan Halimi était un jeune Juif français de 23 ans et son meurtre brutal est un sombre rappel qu’un fort antiséminisme est toujours rampant en France. Ilan Halimi avait été kidnappé puis torturé pendant trois semaines par un gang de malfaiteurs, qui avait fait une demande de rançon avant de le tuer. La police française procéda plus tard à des arrestations et confirma la nature antisémite de ce crime : le gang avait ciblé Ilan Halimi parce qu’il était Juif et parce qu’à leur avis « tous les Juifs sont riches ». Ils le torturèrent et le tuèrent en fin de compte parce qu’il était Juif. Les coupables présumés furent identifiés comme appartenant à un gang de la banlieue de Bagneux, formé par des jeunes nés en France de parents immigrants d’Afrique subsaharienne, des Caraïbes, d’Afrique du Nord, d’Iran et du Portugal – ainsi que d’autres d’origine française. La police déclara que l’un au moins des suspects avait en sa possession de la littérature islamiste extrémiste, mais que la plupart des membres du gang n’étaient pas musulmans. Les mouvements politiques extrémistes de droite ainsi que la propagande islamiste sont l’une des sources de l’antisémitisme en France. Les groupements néo-nazis et de skinheads recrutent leurs nouveaux adhérents par le biais de musique antisémite, de sites Internet et d’organisations politiques actives parmi les jeunes et les chômeurs. Ces groupes racistes sont en général anti-Noirs, anti-Musulmans et anti-immigrants et font cause commune d’antisémitisme avec les militants islamistes vivant en France. L’affaire Halimi rappela de façon dramatique que l’antisémitisme reste présent dans de vastes segments de la population en France. La police française a identifié les auteurs du crime, un groupe diversifié ethniquement et religieusement. Mais tous proviennent de quartiers défavorisés, cette grande sous-classe des HLM de banlieues des grandes villes françaises, où se concentrent les citoyens d’origine immigrée. 2 - NI L’ ÉGALITÉ NI LA FRATERNITÉ? L’affaire Halimi s’inscrit aussi dans le schéma global des crimes violents dont sont victimes les Juifs en France. Pendant les semaines qui suivirent la découverte du corps d’Ilan Halimi, d’autres agressions antisémites eurent lieu dans des banlieues parisiennes. Trois agressions se produirent en l’espace de vingt-quatre heures à Sarcelles. Le 3 mars, deux hommes lancèrent des insultes antisémites et frappèrent Eliahou Brami, le fils du rabbin de la synagogue d’une ville voisine. Il a eu le nez cassé. Dans un second incident, un jeune homme juif, Yacob Boccara, fut attaqué et frappé par cinq hommes. Le 4 mars, un homme juif qui portait la kippa et souhaitant rester anonyme, a été pris à partie, insulté et frappé, et souffre d’une luxation de l’épaule (quatre suspects ont été appréhendés). Human Rights First observe et rend compte des crimes de haine antisémites en Europe depuis 2002. Nous avons rapporté la montée de l’antisémitisme en France et en Europe après 2001, lorsque les agressions antisémites provenaient en partie des événements au Moyen-Orient. Dans notre premier rapport, Fire and Broken Glass, nous nous sommes montrés très critiques à l’encontre de la « politique d’indifférence » du gouvernement français. A cette époque, les attaques violentes, notamment les incendies de synagogues et les dégradations d’écoles, de magasins et de domiciles étaient en forte hausse. Après son refus initial d’aborder ce problème, le gouvernement français prit une série de mesures importantes, dont les plus importantes furent l’adoption d’une loi sans précédent sur les crimes de haine, l’amélioration des moyens officiels de surveillance et de déclaration de ces crimes, l’instauration d’actions concertées de police, avec notamment de nouveaux programmes éducatifs, et un profil public plus élevé des crimes de haine antisémites grâce aux déclarations et actions des dirigeants politiques français.1 Toutes ces actions ont fait une différence. Malgré le niveau toujours élevé des violences antisémites, des progrès ont été accomplis. En janvier 2006, les organisations nongouvernementales françaises qui observent l’antisémitisme ont applaudi aux mesures prises par le gouvernement pour lutter contre les crimes de haine. Ces organisations ont indiqué que le nombre de délits antisémites a baissé de moitié entre 2005 (504 cas) et 2004 (974 cas). Les statistiques émanant du Service de Protection de la Communauté Juive confirmèrent les statistiques officielles du Ministère de l’Intérieur. Les statistiques du Ministère de l’Intérieur signalent aussi l’augmentation du nombre de poursuites conclues pour les délits de haine antisémites et racistes, qui passe de 303 en 2004 à 435 en 2005. Cependant, le problème persiste et empire à certains égards. L’une des tendances extrêmement troublantes que nous avons observée au cours de ces dernières années est que les attaques contre des monuments et biens, qui constituaient la majorité des incidents antisémites, semblent se transformer en agressions violentes contre des personnes de confession juive, ou supposées être juives. Ainsi, en 2006, nous observons une montée des crimes de haine violents ciblant des individus – des personnes comme Ilan Halimi. 1 Human Rights First a documenté ces modifications dans deux rapports ultérieurs, L’antisémitisme en Europe : un défi à l’indifférence officielle (2004) et Peurs de tous les jours: Une étude des crimes de haine violents en Amérique du Nord et en Europe (2005). 3 - NI L’ ÉGALITÉ NI LA FRATERNITÉ? Et en dépit des progrès realisés par le gouvernement français dans la surveillance des crimes de haine antisémites, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) a souligné récemment que le niveau actuel des violences est près de dix fois supérieur à celui de la fin des années 90. L’antisémitisme—Un élément du schéma plus vaste des discriminations en France L’antisémitisme en France s’inscrit dans le schéma plus vaste des discriminations provoquées par le racisme et les préjugés de classe. Les tensions sont particulièrement élevées dans et autour des quartiers HLM difficiles, à la périphérie des grandes villes françaises, où se concentrent les minorités ethniques et religieuses, et une forte concentration de population musulmane. L’intensité de ces tensions est apparue au grand jour à la fin 2005, lorsque des jeunes déclenchèrent des émeutes dans toute la France, pour protester contre divers griefs. La mort par électrocution le 27 octobre de Bouna Traore (15 ans) et Zyed Benna (17 ans) qui s’étaient cachés pour échapper à la police fut à l’origine des protestations. Les meurtiers d’Ilan Halimi étaient originaires eux aussi de ces quartiers difficiles de banlieue, théâtre des protestions violentes contre les dicriminations qui agitèrent la France pendant plusieurs semaines en fin 2005. Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, alimenta les tensions avant l’éclatement des émeutes lors d’une visite le 25 octobre dans la banlieue parisienne d’Argenteuil pour promouvoir ses initiatives contre la criminalité. Il fut la cible de jets de pierre et de bouteilles de la part d’une foule hostile de manifestants. Monsieur Sarkozy qualifia les résidents violents des quartiers de « racaille » et de « gangrène » et déclara que les banlieues devaient être « nettoyées au Karcher ». (Le président Jacques Chirac réagit aux outrages déclenchés par ces propos en appelant au « respect » dans l’usage de la langue). Alors que les manifestations gagnaient du terrain au cours des deux semaines suivantes, les propos de Nicolas Sarkozy provoquèrent un vaste ressentiment et ajoutèrent de l’huile sur le feu. Il est ironique de constater que le principe d’égalité en France a longtemps été invoqué pour interdire la génération de statistiques gouvernementales et d’enquêtes qui permettraient de mettre en évidence les pratiques discriminatoires fondées sur la religion, l’ethnie ou l’origine nationale. La politique française repose traditionnellement sur la notion qu’effectuer une distinction entre les citoyens français pour l’une ou l’autre de ces raisons serait par elle-même discriminatoire. Cela ne veut pas dire que des distinctions ne sont pas faites en pratique par la police et les fonctionnaires en général, comme nous l’avons souligné dans notre revue des rapports de police sur les crimes de haine dans Peurs de tous les jours. L’un des griefs principaux des protestations en 2005 étaient les actions de police menées sur la base du profilage ethnique. Bien que les immigrants dans les vastes quartiers HLM de banlieues soient confrontés tous les jours à la discrimination, l’interdiction de produire des statistiques ventilées sur les discriminations prive ces personnes du moyen principal qui leur permettrait de confirmer et de contester ces pratiques, comme dans d’autres pays. Ainsi, même dans l’observation des crimes de haine, les citoyens français d’origine africaine subsaharienne, pour ne citer que ce groupe là, sont statistiquement invisibles : les rapports annuels sur les crimes de haine publiés par le Ministère de l’Intérieur ne fournissent 4 - NI L’ ÉGALITÉ NI LA FRATERNITÉ? aucune donnée sur ce groupe de population. Les niveaux élevés des crimes de haine contre les citoyens originaires d’Afrique du Nord, sont quant à eux, enregistrés sous la catégorie d’attaques contre les « immigrants ». Les statistiques qui permettraient de confirmer les discriminations prévalant dans le système de justice pénale, l’accès au logement, l’éducation ou l’emploi ne sont pas disponibles pour la raison que tous les citoyens français sont égaux devant la loi. Les jeunes dont les parents ou grands-parents sont originaires des anciennes colonies d’Afrique du Nord affirment qu’ils sont systématiquement rejetés par des employeurs potentiels et font souvent l’objet de contrôles de police simplement parce qu’ils sont différent des autres citoyens français, mais il n’existe pas de mécanisme de contrôle permettant de documenter ces faits. Souvent traités d’ « immigrants », ces citoyens français originaires d’Afrique du Nord ou d’Afrique sub-saharienne protestent qu’ils ne disposent ni de l’égalité des chances ni du respect octroyé par l’état à leurs compatriotes. L’impression donnée à ces jeunes d’être des citoyens de seconde classe et l’interdiction de répertorier officiellement les comportements discriminatoires crée un terrain fertile pour l’antisémitisme, cultivé par les organisations islamistes et de droite. Recommandations Les autorités françaises ont réaffirmé leur engagement à lutter contre l’antisémitisme en alliant une action politique de haut-niveau et de nouveaux programmes éducatifs aux efforts entrepris pour garantir la sécurité de la communauté juive. Le soutien public apporté à la lutte contre l’antisémitisme semble aussi prendre de l’ampleur, avec de nouveaux niveaux de coopération entre les organisations antiracistes non-gouvernementales et les organisations juives. La manifestation du 26 février pour protester contre le meurtre d’Ilan Halimi, organisée par le Conseil représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) et la LICRA (Ligue internationale contre le racisme), rassembla plus de 100 000 personnes dans les rues de Paris. Des manifestations similaires eurent lieu à Bordeaux, Lille, Grenoble, Marseille, Nice, Orleans, Strasbourg, Toulouse ainsi que dans d’autres villes françaises. Parmi les initiatives prises par le gouvernement pour élargir la lutte contre les discriminations, suite aux émeutes ayant secoué la France fin 2005, citons l’adoption d’une nouvelle loi sur l’égalité des chances et de nouveaux projets en matière d’éducation. Mais il reste encore beaucoup à faire pour combattre toutes les formes de discriminations. Premièrement, les autorités françaises devraient envoyer un message clair et cohérent de condamnation de toutes les formes de haine et de discrimination, sans réserve aucune, et réaffirmer leur engagement à lutter contre les violences racistes et antisémites. Elles devraient initier un dialogue fondé sur le respect avec toutes les communautés qui cherchent à s’abriter des violences discriminatoires et recherchent l’égalité des chances. Les leaders nationaux devraient promouvoir un rassemblement des diverses communautés pour lutter contre la violence raciste et la discrimination, dialogue catalysé par le meurtre d’Ilan Halimi. 5 - NI L’ ÉGALITÉ NI LA FRATERNITÉ? Deuxièmement, les autorités françaises devraient prendre des mesures pour créer les outils essentiels – actuellement inexistants - de lutte contre les discriminations. Les lois devraient être modifiées pour permettre la surveillance et l’évaluation de la discrimination en France affectant des groupes distincts de population, en s’inspirant des normes européennes et internationales de protection des données et du respect de la vie privée pour éviter l’utilisation frauduleuse de ces données. Le 18 novembre 2005, le ministre délégué à la Promotion de l’Egalité des chances, Azouz Begag, s’est démarqué de la tradition française en demandant au gouvernement de revenir sur l’interdiction de collecter des données ethnico-religieuses, comme un moyen de combattre les discriminations. Indiquant que la discrimination au travail étaient l’une des principales sources de grief exprimées lors des protestations, Monsieur Begag déclara qu’il était important « de voir les vraies couleurs de la France ». Pour avancer dans ce sens, la France devrait abandonner son interdiction contre-productive de collecter des données ethnico-culturelles ou religieuses. Troisièmement, la France devrait s’exprimer sur la scène internationale pour promouvoir des actions concertées contre l’antisémitisme et le racisme, au travers des institutions européennes et de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). La France peut jouer un rôle crucial en appuyant la tenue d’une conférence ministérielle de l’OSCE sur le racisme et l’antisémitisme en 2007, ainsi que les réunions préparatoires d’experts, régionales ou thématiques. De telles réunions peuvent fournir de réelles opportunités pour la France de partager les leçons apprises dans la lutte contre l’antisémitisme et de reconnaîtres les défis posés par les soulèvements d’octobre et de novembre 2005, tout en apportant une nouvelle énergie aux réponses faiblissantes de l’Europe aux problèmes posés par l’antisémitisme et les violences racistes. Il est donc de toute importance d’apporter son soutien à une réunion préparatoire d’experts qui aurait pour but de revoir l’application des initiatives existantes de l’OSCE visant à combattre l’antisémitisme et la violence raciste. L’OSCE a convoqué une première conference internationale sur l’antisémitisme à Vienne en 2003, suivies par des conférences en 2004 et 2005 à Bruxelles, Berlin et Cordoue. La France a déjà apporté une contribution importante en organisant une conférence de l’OSCE sur le racisme et l’antisémitisme sur Internet à Paris en 2004. L’OSCE n’a prévu aucune conférence de haut-niveau sur le racisme et l’antisémitisme en 2006. L’OSCE considère une proposition émise par la Roumanie d’organiser une conférence en 2007.