Le 28 mars 2006 Son Excellence Monsieur Dominique de Villepin

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Le 28 mars 2006 Son Excellence Monsieur Dominique de Villepin
Le 28 mars 2006
Son Excellence Monsieur Dominique de Villepin
Premier Ministre
République Française
Monsieur le Premier Ministre:
Je vous écris au sujet de la menace d’antisémitisme qui continue de peser sur
la France, ravivée par l’horrible kidnapping et le meurtre d’Ilan Halimi le mois
dernier, pour le simple fait qu’il était Juif. Ce meurtre rappelle combien
l’antisémitisme reste présent dans de vastes segments de la population
française.
Il a été fait état de plusieurs autres agressions antisémites dans des banlieues
parisiennes, dans les semaines qui ont suivi la mort d’Ilan Halimi. Trois
agressions contre des hommes de confession juive ont eu lieu en l’espace de
vingt-quatre heures à Sarcelles. Les dégradations et vandalismes de
monuments et d’immeubles qui constituaient la majorité des incidents
antisémites jusque là sont maintenant rattrapés par les agressions violentes
contre des personnes.
Ces agressions surviennent dans le contexte du vaste débat national sur les
discriminations et les injustices, dont l’urgence s’est trouvée renforcée lors de
la crise affectant les banlieues de nombreuses villes françaises en fin d’année
dernière. Les meurtriers d’Ilan Halimi sont issus de ces quartiers difficiles de
banlieue à l’origine des protestations violentes contre les discriminations.
L’antisémitisme, encouragé par les organisations islamistes et d’extrêmedroite, trouve un terrain fertile lorsque la discrimination échappe à la
surveillance et aux contrôles.
Human Rights First a fait état dans ses rapports antérieurs des mesures
importantes prises par le gouvernement français pour combattre
l’antisémitisme et les violences motivées par la haine et les préjugés. Nous
avons notamment fait l’éloge des nouvelles lois votées contre les crimes de
haine, de l’amélioration des mécanismes de surveillance et de déclaration des
crimes de haine, des actions concertées de police, des programmes éducatifs
innovants et des déclarations fortes faites par les membres du gouvernement
pour promouvoir ces mesures. Mais il reste évidemment encore du chemin à
parcourir.
Je joins à cette lettre une brève communication sur le meurtre d’Ilan Halimi et sur le problème
plus vaste des discriminations engendrées par le racisme et les préjugés de classe en France.
Je voudrais aussi saisir cette occasion pour vous faire parvenir la version française de notre
rapport publié en août 2005 sur les crimes de haine, Peurs de tous les jours : Une étude des
crimes de haine violents en Amérique du Nord et en Europe. Ce rapport comporte un chapitre
consacré à la France et récapitule les mesures importantes prises pour lutter contre les
discriminations tout en rappelant quels obstacles restent à surmonter pour rendre ces actions
plus efficaces.
Enfin, Human Rights First voudrait vous prier de considérer les trois recommandations
suivantes :
Premièrement, votre gouvernement devrait envoyer un message clair et cohérent de
condamnation de toutes les formes de haine et de discrimination, sans réserve aucune, et
réaffirmer son engagement à lutter contre les violences racistes et antisémites. Il devrait initier
un dialogue fondé sur le respect avec toutes les communautés qui cherchent à s’abriter des
violences discriminatoires et recherchent l’égalité des chances.
Deuxièmement, les autorités françaises devraient prendre les mesures visant à créer les outils
essentiels – actuellement inexistants - de lutte contre les discriminations. Les lois devraient
être modifiées pour permettre la surveillance et l’évaluation de la discrimination en France
affectant des groupes distincts de population, en s’inspirant des normes européennes et
internationales de protection des données et du respect de la vie privée pour éviter l’utilisation
frauduleuse de ces données.
Troisièmement, la France devrait s’exprimer sur la scène internationale pour promouvoir des
actions concertées contre l’antisémitisme et le racisme, au travers des institutions européennes
et de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). La France peut
jouer un rôle crucial en appuyant la tenue d’une conférence ministérielle de l’OSCE sur le
racisme et l’antisémitisme en 2007, ainsi que les réunions préparatoires d’experts, régionales
ou thématiques.
Je vous remercie de votre attention et vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre,
l’assurance de ma très haute considération.
Maureen Byrnes
Directeur Exécutif
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