Pour le social, la hausse des recettes est justifiée

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Pour le social, la hausse des recettes est justifiée
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DOSSIER
Pour le social, la hausse
des recettes est justifiée
Face au déficit de tous les régimes sociaux et
aux incertitudes sur le niveau à venir de la
croissance, des efforts permanents sont à
engager. Une interview de M. Babusiaux, qui
préside la Te chambre de la Cour des comptes1
ainsi que l'institut des données de santé.
US.- Quel est le niveau de déficit des
comptes sociaux, de la Sécurité sociale
et comment l'appréciez-i'ous ?
• Christian Babusiaux.- Rappelons
d'abord que les comptes de l'État sont
étroitement imbriqués avec ceux de la
Sécurité sociale, puisqu'il lui rembourse
les exonérations de cotisations sociales ;
et avec ceux des collectivités territoriales, auxquelles il verse des dotations
représentant une part importante de
leurs ressources. Ce sont les finances
publiques dans leur ensemble dont il
faut voir la situation, c'est aussi cette
situation d'ensemble que suivent les
marchés.
Or, c'est l'ensemble des finances
publiques qui accusent un déficit très
important. Les comptes de l'État sont
dans le rouge, mais aussi ceux de tous
les régimes de protection sociale et
ceux des collectivités territoriales.
Selon les prévisions, le déficit global des
finances publiques s'élèvera en 2010 à
plus de 7,5 % du PIB, soit 150 milliards
d'€, et dans le même temps, la dette de
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l'État dépasse 83 % du PIB - nous avons
montré que notre pays rentrait dans une
zone où la croissance de la dette tend
à devenir incontrôlable, où elle s'autoalimente, par un effet boule de neige,
analyse largement partagée. Notre pays
est donc dans une situation sans précédent, dont il faut prendre la mesure.
Sait-on par exemple qu'en 2010 près de
la moitié des dépenses de l'État (48 %)
ne sont pas financées par des recettes!
Seconde remarque : on parle depuis des
années du déficit de la Sécurité sociale,
de l'assurance maladie. Les Français y
sont habitués. Mais ce qui est exceptionnel, c'est à la fois le niveau actuel
des déficits et qu'ils sont généralisés ' il
y a déficit des retraites, de l'assurance
maladie, de la branche famille, de la
branche accidents du travail. Toutes les
branches de la Sécurité sociale sont en
déficit. Lassurance chômage (['Unedic),
le Fonds de solidarité vieillesse, qui compense l'absence de cotisations retraite,
notamment quand les salariés sont en
chômage et les régimes complémentaires de retraite le sont aussi.
• CB.- Oui, mais aujourd'hui, l'ensemble des régimes sociaux est touché.
On évoque souvent le déficit du régime
général de la Sécurité sociale, celui des
salariés; mais celui des agriculteurs
(la Mutualité sociale agricole), celui
des indépendants sont aussi en difficulté et la situation de l'ensemble des
régimes se détériore plus vite que celle
du régime général. Le déficit du régime
général s'est aggravé de 13 milliards
d'€ entre 2008 et 2010, et celui de l'ensemble dcs régimes de base (incluant la
MSA et le régime des indépendants) de
18 milliards, passant à plus de 29 milliards si on inclut le PSY.
Il est vrai que longtemps, la branche
famille était à l'équilibre mais depuis
2009, ce n'est plus le cas. De même,
pendant un temps, alors que le régime
général était en déficit, les caisses de
retraites complémentaires (Agirc et
Arcco) et l'Unedic étaient en excédent,
à telle enseigne que le gouvernement
envisageait de réduire les cotisations
Unedic et de majorer celles qui vont à
la Cnav. Mais ce projet est désormais
exclu, car la hausse du chô-
US. Cependant, traditionnellement,
certaines branches, comme la Cnaf,
sont en meilleure san té financière que
d'autres.,.
la r Chambre étudie la situation des
finances publiques dans leur ensemble
(État, Sécurité sociale, collectivités. .) et
certifie les comptes dè l'État.
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mage a détérioré les comptes de
lunedic Par ailleurs, avec la crise, les
comptes de I Agirc et de l'Arcco se sont
dégrades et elles ont dû agir sur la valeur
du point en 2009
Autre point cle le débat se focalise
actuellement sur I assurance vieillesse,
du fait de la reforme des retraites Maîs la
situation des retraites ne doit pas occulter que le déficit de I assurance maladie
est superieur Ne pas porter remede a
cet etat de choses, et vite, serait faire
courir un risque tres fort a cet element
majeur de notre protection sociale Plus
on attend, moins de simples ajustements
suffiront A cet égard, ramener, comme
e est prévu aujourd hui, la hausse de
londam, qui était jusqu'ici de 3 %, a
2,9 % puis 2,8 %, nest pas en ligne avec
les enjeux un ralentissement de 0,1 ou
0,2 % représente 150 ou 300 millions
sur une douzaine de milliards de déficit
annuel de I assurance maladie
US.- Van. la citee economique n est
elle pas a I origine de cène kyrielle de
déficit1: '
• CB.- Bien sur en partie car tandis
que les recettes se réduisent, du fait de
la hausse du chômage et de la baisse
des rentrées fiscales, les depenses de
prestations augmentent fortement par
exemple pour le RMI RSA et les allô
cations chômage Maîs seulement en
partie La Cour des comptes a chiffre
cette part a de I ordre du tiers du déficit
public global de 2009
US.- \e peut-on eitpem comme le
disent cei faim économiste:» quarei
le retout de la croissance, une [lart de
ces déficits se i ésorbera ?
• CB.- C'est un debat essentiel, pour
déterminer le niveau « soutenable » de la
depense publique Le déficit structurel
se calcule par rapport a une tendance
de la croissance les économistes
aujourd hui sont tres incertains sur le
taux « normal » de croissance du PIB
Ils ont tendance a penser que I econo
mie française nest plus sur une pente
de croissance de 2 ou 2,5 %, nous la
situons plutôt aux alentours de I 8 %
Par ailleurs, le scénario de croissance en
V, avec une recession tres profonde et
un rebond fort et rapide semble s écarter Pour prendre une image, nous avons
descendu une marche d escalier, nous
n allons pas la remonter rapidement
entre autres car la France est en phase
d'adaptation structurelle - nous avons
perdu des parts de marche mondial de
maniere importante - et nous ne retrouverons le taux antérieur de croissance
que tres progressivement en suivant un
plan incline Le gouvernement espère
une hausse du PIB de 2 % en 2011, les
économistes parlent plutôt de 1,5 %
Dans ce contexte ou nul ne sait quel
est le niveau de croissance potentiel dc
l'économie, ni dans quel délai nous rat
traperons une croissance < normale »,
la prudence commande d'engager des
efforts structurels permanents Car
pendant ce temps le compteur a dettes
tourne la France a aborde la crise en
situation défavorable avec une dette
de plus de 60 % du PIB et chaque mois
qui passe accroît notre endettement
Nous ne pouvons mener la même poli
tique budgétaire que lorsque la dette
publique tournait autour de 20 ou 30 %
et que notre pays avait des marges de
manœuvre
Autre argument en faveur d efforts
rapides et permanents, nous ne pou
vons miser sur un scénario selon lequel
cette crise serait la derniere Le passe a
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montré que les ralentissements conjoncturels étaient fréquents. Il faut donc
récupérer un taux d'endettement plus
convenable, avant que la prochaine
période de freinage ne survienne. À
défaut, la marge de manœuvre d'un
futur gouvernement serait nulle quand
surviendra la difficulté...
US.- En matière tie recettes, quelle
analyse fait la Cour sur les niches
fiscales et sociales ?
• CB.- D'abord, si rationaliser les
dépenses s'impose, on ne peut continuer à baisser les recettes de l'État et
de la Sécurité sociale. Ensuite, c'est
dans la sphère sociale qu'une hausse
des recettes est la plus justifiée, compte
tenu de la nature des besoins. Enfin le
redressement des recettes doit s'opérer
d'abord via une réduction des niches
fiscales et sociales. . Lensemble des
niches fiscales, c'est 70 milliards d' par
an, auxquels il faut ajouter 80 milliards
que l'État a exclu de la liste des niches.
Cette masse augmente depuis 2004 de
8,4 % par an en moyenne. Certaines
niches doivent être remises en cause;
la Cour a ainsi montre les excès dans
l'utilisation de certaines niches au titre
de rOutre-Mer, Mais la technique du
« rabot » s'impose, car évaluer toutes les
niches selon leur efficience prendra du
temps et il y a urgence.
Il faut ajouter les niches sociales, telles
les exonérations de cotisations sociales,
générales ou ciblées, comme celles sur
les bas salaires, qui ont à court terme
un effet positif sur l'emploi, mais à long
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terme encouragent la spécialisation de
notre économie vers les emplois à bas
salaire. Tous ces dispositifs contribuent
à limiter l'assiette fiscale et sociale. En
France les taux des prélèvements obligatoires sont en apparence élevés, mais
leur assiette s'est souvent restreinte.
US.- AF1"' Elbaiim, pmfesseitre
an Cnam, constate que dans les
programmes envoyés à Bruxelles, les
prévisions de croissance sont toujours
surestimées, et celles (le dépenses sousét'cilnées. Comment parvenir à des
prévisions plm réalistes 'f
B CB.- Celles-ci sont par nature difficiles,
même pour les instituts de conjoncture.
Mais nous avions montre dès 2008
que, dans les programmes envoyés à
Bruxelles, les prévisions n'avaient pas été
respectées et que le taux de croissance
escompté était toujours surévalué. Des
pays comme les Pays-Bas ont bâti pendant plusieurs années leur budget sur
l'hypothèse d'une croissance nulle, en
prévoyant que les recettes supplémentaires tirées de la croissance résorberaient
la dette publique.
La Cour a noté que le déficit de l'assurance maladie était en gros égal à la
somme des dépassements des Ondam
successifs depuis la création de ['Ondam
en 1996. Si celui-ci avait été constamment respecté, il n'y aurait pas de
déficits de l'assurance maladie; d'où
l'importance de resserrer le dispositif de
pilotage, y compris en cours d'année...
D'une façon générale, les outils de suivi
et de pilotage demeurent à améliorer.
Certes, il y a eu des progrès, comme
le comité d'alerte sur l'assurance maladie, qui contraint à faire le point et à
envisager des mesures, mais ce système
d'alerte ne concerne que les soins de
ville, et, dans la pratique, faute d'outils
adéquats, pas les hôpitaux, qui représentent environ la moitié des dépenses
de soins.
Les hôpitaux font certes des budgets
prévisionnels, mais ceux-ci ne traduisent que très imparfaitement ce qui
sera réalisé. De plus, les remontées d'information sont très lentes : elles sont
annuelles et les résultats définitifs ne
sont connus qu'après la fin de l'exercice. On ne dispose pas de tableau de
bord, d'éléments financiers ou d'activité, qui seraient connus de manière
infra-annuelle. Pour les soins de ville, la
situation est suivie beaucoup plus finement : les patients envoient leur feuille
de soin (la plupart l'ont fait au bout d'un
mois) ; avec les cartes Vitale, la connaissance est même quasi instantanée.
Au-delà, se pose la question de la
connaissance structurelle de la dépense
sociale ; par exemple, il n'y a pas de
« chaînage » entre les données d'hospitalisation et celles de soins de ville, qui
permettrait de suivre et comprendre le
parcours des personnes soignées à l'hôpital, puis en ville; il n'y a pas de hase
de données sur ('Apa. À défaut de telles
données, on manque d'informations
clés, pour bâtir ou améliorer les politiques sociales. Ainsi, dans le contexte
des réformes à mener, il importe de
connaître le reste à charge des patients.
Quel est-il, pour une personne âgée
dépendante, qui paye son auxiliaire de
vie avec l'aide de l'Apa et par ailleurs
reçoit des soins ? De même, pour une
personne remboursée par son régime
obligatoire et par une complémentaire ?
On le sait mal. C'est pour favoriser la
mise en place de systèmes dinformation
répondant à ces questions que nous travaillons à l'Institut des données de santé
avec tous les partenaires de la santé et
de la protection sociale..
Propos recueillis par Romain Guerry et
Bernard Boudet
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