Pour le social, la hausse des recettes est justifiée
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Pour le social, la hausse des recettes est justifiée
OCT 10 Mensuel Surface approx. (cm²) : 1044 15 RUE ALBERT 75214 PARIS CEDEX 13 - 01 53 36 35 00 Page 1/3 DOSSIER Pour le social, la hausse des recettes est justifiée Face au déficit de tous les régimes sociaux et aux incertitudes sur le niveau à venir de la croissance, des efforts permanents sont à engager. Une interview de M. Babusiaux, qui préside la Te chambre de la Cour des comptes1 ainsi que l'institut des données de santé. US.- Quel est le niveau de déficit des comptes sociaux, de la Sécurité sociale et comment l'appréciez-i'ous ? • Christian Babusiaux.- Rappelons d'abord que les comptes de l'État sont étroitement imbriqués avec ceux de la Sécurité sociale, puisqu'il lui rembourse les exonérations de cotisations sociales ; et avec ceux des collectivités territoriales, auxquelles il verse des dotations représentant une part importante de leurs ressources. Ce sont les finances publiques dans leur ensemble dont il faut voir la situation, c'est aussi cette situation d'ensemble que suivent les marchés. Or, c'est l'ensemble des finances publiques qui accusent un déficit très important. Les comptes de l'État sont dans le rouge, mais aussi ceux de tous les régimes de protection sociale et ceux des collectivités territoriales. Selon les prévisions, le déficit global des finances publiques s'élèvera en 2010 à plus de 7,5 % du PIB, soit 150 milliards d'€, et dans le même temps, la dette de SANTE2 4070385200506/GNK/AHR/3 l'État dépasse 83 % du PIB - nous avons montré que notre pays rentrait dans une zone où la croissance de la dette tend à devenir incontrôlable, où elle s'autoalimente, par un effet boule de neige, analyse largement partagée. Notre pays est donc dans une situation sans précédent, dont il faut prendre la mesure. Sait-on par exemple qu'en 2010 près de la moitié des dépenses de l'État (48 %) ne sont pas financées par des recettes! Seconde remarque : on parle depuis des années du déficit de la Sécurité sociale, de l'assurance maladie. Les Français y sont habitués. Mais ce qui est exceptionnel, c'est à la fois le niveau actuel des déficits et qu'ils sont généralisés ' il y a déficit des retraites, de l'assurance maladie, de la branche famille, de la branche accidents du travail. Toutes les branches de la Sécurité sociale sont en déficit. Lassurance chômage (['Unedic), le Fonds de solidarité vieillesse, qui compense l'absence de cotisations retraite, notamment quand les salariés sont en chômage et les régimes complémentaires de retraite le sont aussi. • CB.- Oui, mais aujourd'hui, l'ensemble des régimes sociaux est touché. On évoque souvent le déficit du régime général de la Sécurité sociale, celui des salariés; mais celui des agriculteurs (la Mutualité sociale agricole), celui des indépendants sont aussi en difficulté et la situation de l'ensemble des régimes se détériore plus vite que celle du régime général. Le déficit du régime général s'est aggravé de 13 milliards d'€ entre 2008 et 2010, et celui de l'ensemble dcs régimes de base (incluant la MSA et le régime des indépendants) de 18 milliards, passant à plus de 29 milliards si on inclut le PSY. Il est vrai que longtemps, la branche famille était à l'équilibre mais depuis 2009, ce n'est plus le cas. De même, pendant un temps, alors que le régime général était en déficit, les caisses de retraites complémentaires (Agirc et Arcco) et l'Unedic étaient en excédent, à telle enseigne que le gouvernement envisageait de réduire les cotisations Unedic et de majorer celles qui vont à la Cnav. Mais ce projet est désormais exclu, car la hausse du chô- US. Cependant, traditionnellement, certaines branches, comme la Cnaf, sont en meilleure san té financière que d'autres.,. la r Chambre étudie la situation des finances publiques dans leur ensemble (État, Sécurité sociale, collectivités. .) et certifie les comptes dè l'État. Eléments de recherche : IDS ou Institut des Données de Santé ou GIP IDS ou Groupement d'Intérêt Public Institut des Données de Santé : organisme de diffusion/contrôle d'informations pour gestion du risque maladie, toutes citations OCT 10 Mensuel Surface approx. (cm²) : 1044 15 RUE ALBERT 75214 PARIS CEDEX 13 - 01 53 36 35 00 Page 2/3 mage a détérioré les comptes de lunedic Par ailleurs, avec la crise, les comptes de I Agirc et de l'Arcco se sont dégrades et elles ont dû agir sur la valeur du point en 2009 Autre point cle le débat se focalise actuellement sur I assurance vieillesse, du fait de la reforme des retraites Maîs la situation des retraites ne doit pas occulter que le déficit de I assurance maladie est superieur Ne pas porter remede a cet etat de choses, et vite, serait faire courir un risque tres fort a cet element majeur de notre protection sociale Plus on attend, moins de simples ajustements suffiront A cet égard, ramener, comme e est prévu aujourd hui, la hausse de londam, qui était jusqu'ici de 3 %, a 2,9 % puis 2,8 %, nest pas en ligne avec les enjeux un ralentissement de 0,1 ou 0,2 % représente 150 ou 300 millions sur une douzaine de milliards de déficit annuel de I assurance maladie US.- Van. la citee economique n est elle pas a I origine de cène kyrielle de déficit1: ' • CB.- Bien sur en partie car tandis que les recettes se réduisent, du fait de la hausse du chômage et de la baisse des rentrées fiscales, les depenses de prestations augmentent fortement par exemple pour le RMI RSA et les allô cations chômage Maîs seulement en partie La Cour des comptes a chiffre cette part a de I ordre du tiers du déficit public global de 2009 US.- \e peut-on eitpem comme le disent cei faim économiste:» quarei le retout de la croissance, une [lart de ces déficits se i ésorbera ? • CB.- C'est un debat essentiel, pour déterminer le niveau « soutenable » de la depense publique Le déficit structurel se calcule par rapport a une tendance de la croissance les économistes aujourd hui sont tres incertains sur le taux « normal » de croissance du PIB Ils ont tendance a penser que I econo mie française nest plus sur une pente de croissance de 2 ou 2,5 %, nous la situons plutôt aux alentours de I 8 % Par ailleurs, le scénario de croissance en V, avec une recession tres profonde et un rebond fort et rapide semble s écarter Pour prendre une image, nous avons descendu une marche d escalier, nous n allons pas la remonter rapidement entre autres car la France est en phase d'adaptation structurelle - nous avons perdu des parts de marche mondial de maniere importante - et nous ne retrouverons le taux antérieur de croissance que tres progressivement en suivant un plan incline Le gouvernement espère une hausse du PIB de 2 % en 2011, les économistes parlent plutôt de 1,5 % Dans ce contexte ou nul ne sait quel est le niveau de croissance potentiel dc l'économie, ni dans quel délai nous rat traperons une croissance < normale », la prudence commande d'engager des efforts structurels permanents Car pendant ce temps le compteur a dettes tourne la France a aborde la crise en situation défavorable avec une dette de plus de 60 % du PIB et chaque mois qui passe accroît notre endettement Nous ne pouvons mener la même poli tique budgétaire que lorsque la dette publique tournait autour de 20 ou 30 % et que notre pays avait des marges de manœuvre Autre argument en faveur d efforts rapides et permanents, nous ne pou vons miser sur un scénario selon lequel cette crise serait la derniere Le passe a WS fooCHf A Ml» SANTE2 4070385200506/GNK/AHR/3 Eléments de recherche : IDS ou Institut des Données de Santé ou GIP IDS ou Groupement d'Intérêt Public Institut des Données de Santé : organisme de diffusion/contrôle d'informations pour gestion du risque maladie, toutes citations OCT 10 Mensuel Surface approx. (cm²) : 1044 15 RUE ALBERT 75214 PARIS CEDEX 13 - 01 53 36 35 00 Page 3/3 montré que les ralentissements conjoncturels étaient fréquents. Il faut donc récupérer un taux d'endettement plus convenable, avant que la prochaine période de freinage ne survienne. À défaut, la marge de manœuvre d'un futur gouvernement serait nulle quand surviendra la difficulté... US.- En matière tie recettes, quelle analyse fait la Cour sur les niches fiscales et sociales ? • CB.- D'abord, si rationaliser les dépenses s'impose, on ne peut continuer à baisser les recettes de l'État et de la Sécurité sociale. Ensuite, c'est dans la sphère sociale qu'une hausse des recettes est la plus justifiée, compte tenu de la nature des besoins. Enfin le redressement des recettes doit s'opérer d'abord via une réduction des niches fiscales et sociales. . Lensemble des niches fiscales, c'est 70 milliards d' par an, auxquels il faut ajouter 80 milliards que l'État a exclu de la liste des niches. Cette masse augmente depuis 2004 de 8,4 % par an en moyenne. Certaines niches doivent être remises en cause; la Cour a ainsi montre les excès dans l'utilisation de certaines niches au titre de rOutre-Mer, Mais la technique du « rabot » s'impose, car évaluer toutes les niches selon leur efficience prendra du temps et il y a urgence. Il faut ajouter les niches sociales, telles les exonérations de cotisations sociales, générales ou ciblées, comme celles sur les bas salaires, qui ont à court terme un effet positif sur l'emploi, mais à long SANTE2 4070385200506/GNK/AHR/3 terme encouragent la spécialisation de notre économie vers les emplois à bas salaire. Tous ces dispositifs contribuent à limiter l'assiette fiscale et sociale. En France les taux des prélèvements obligatoires sont en apparence élevés, mais leur assiette s'est souvent restreinte. US.- AF1"' Elbaiim, pmfesseitre an Cnam, constate que dans les programmes envoyés à Bruxelles, les prévisions de croissance sont toujours surestimées, et celles (le dépenses sousét'cilnées. Comment parvenir à des prévisions plm réalistes 'f B CB.- Celles-ci sont par nature difficiles, même pour les instituts de conjoncture. Mais nous avions montre dès 2008 que, dans les programmes envoyés à Bruxelles, les prévisions n'avaient pas été respectées et que le taux de croissance escompté était toujours surévalué. Des pays comme les Pays-Bas ont bâti pendant plusieurs années leur budget sur l'hypothèse d'une croissance nulle, en prévoyant que les recettes supplémentaires tirées de la croissance résorberaient la dette publique. La Cour a noté que le déficit de l'assurance maladie était en gros égal à la somme des dépassements des Ondam successifs depuis la création de ['Ondam en 1996. Si celui-ci avait été constamment respecté, il n'y aurait pas de déficits de l'assurance maladie; d'où l'importance de resserrer le dispositif de pilotage, y compris en cours d'année... D'une façon générale, les outils de suivi et de pilotage demeurent à améliorer. Certes, il y a eu des progrès, comme le comité d'alerte sur l'assurance maladie, qui contraint à faire le point et à envisager des mesures, mais ce système d'alerte ne concerne que les soins de ville, et, dans la pratique, faute d'outils adéquats, pas les hôpitaux, qui représentent environ la moitié des dépenses de soins. Les hôpitaux font certes des budgets prévisionnels, mais ceux-ci ne traduisent que très imparfaitement ce qui sera réalisé. De plus, les remontées d'information sont très lentes : elles sont annuelles et les résultats définitifs ne sont connus qu'après la fin de l'exercice. On ne dispose pas de tableau de bord, d'éléments financiers ou d'activité, qui seraient connus de manière infra-annuelle. Pour les soins de ville, la situation est suivie beaucoup plus finement : les patients envoient leur feuille de soin (la plupart l'ont fait au bout d'un mois) ; avec les cartes Vitale, la connaissance est même quasi instantanée. Au-delà, se pose la question de la connaissance structurelle de la dépense sociale ; par exemple, il n'y a pas de « chaînage » entre les données d'hospitalisation et celles de soins de ville, qui permettrait de suivre et comprendre le parcours des personnes soignées à l'hôpital, puis en ville; il n'y a pas de hase de données sur ('Apa. À défaut de telles données, on manque d'informations clés, pour bâtir ou améliorer les politiques sociales. Ainsi, dans le contexte des réformes à mener, il importe de connaître le reste à charge des patients. Quel est-il, pour une personne âgée dépendante, qui paye son auxiliaire de vie avec l'aide de l'Apa et par ailleurs reçoit des soins ? De même, pour une personne remboursée par son régime obligatoire et par une complémentaire ? On le sait mal. C'est pour favoriser la mise en place de systèmes dinformation répondant à ces questions que nous travaillons à l'Institut des données de santé avec tous les partenaires de la santé et de la protection sociale.. Propos recueillis par Romain Guerry et Bernard Boudet Eléments de recherche : IDS ou Institut des Données de Santé ou GIP IDS ou Groupement d'Intérêt Public Institut des Données de Santé : organisme de diffusion/contrôle d'informations pour gestion du risque maladie, toutes citations