SPLENOSE PERITONEALE : à propos d`un cas révélé par une

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SPLENOSE PERITONEALE : à propos d`un cas révélé par une
SPLENOSE PERITONEALE :
À PROPOS D’UN CAS RÉVÉLÉ PAR
UNE MASSE SOUS-HÉPATIQUE
Y. HAROUNA*, A.SEIBOU, H.ABARCHI, J.RAKOTOMALALA, M.GAZI, L.BAZIRA
RESUME
Peu de cas ont été publiés à ce jour à propos de la splénose. A l’heure de Ia cœlio-chirurgie et des traitements
conservateurs des traumatismes de la rate on observera
une augmentation certaine de l’incidence de cette affection. Nous rapportons un cas de splénose péritonéale
diagnostiquée sous forme d’une masse sous hépatique
chez une patiente ayant bénéficié d’une splénectomie
pour traumatisme 10 ans auparavant A partir de cette
observation le problème de la spIénose est discuté à la
lumière de la littérature
Mots-clés : rate, traumatisme, cœlio-chirurgie, splénose.
SUMMARY
There are a few published cases in the literature about
splenosis. Now with laparoscopic surgery the frequency
will grow. We rep o rt a case of splenosis mimick i n g
under liver mass.
Key -wo rds : splen, tra u m at i c, lap a roscopic surge ry,
splenosis.
INTRODUCTION
La rupture de la capsule splénique lors des traumatismes
de la rate libère des fragments de tissus pouvant se greffer
n’importe où dans la cavité abdominale. Etat pathologique
rarement rapporté dans la littérature, la splénose aurait des
conséquences aussi bien bénéfiques que néfastes selon le
motif initial de la splénectomie. A l’heure des méthodes
conservatrices et de la cœlio-ch i ru rgie dans la prise en
charge des traumatismes de l’abdomen nous rapportons un
cas de splénose péritonéale secondaire à une rupture traumatique de la rate avec splénectomie remontant à l’enfance
OBSERVATION
Mme HA, 41 ans, 82 kg est admise aux urgences le
Hôpital National de Niamey - République du Niger
Service de chirurgie viscérale et générale
Médecine d'Afrique Noire : 2000, 47 (6)
12 avril 1998 pour douleur de l’hypochondre droit évoluant de 3 jours. Dans les antécédents, on note une hypertension artérielle, un ulcère gastro-duodénal traité médicalement et guéri et surtout un grave accident de la voie
publique il y a dix ans avec de multiples fractures des
membres inférieurs et rupture de la rate ayant occasionné
une splénectomie totale.
A l’interrogatoire elle se plaint en plus de sa douleur de
nausées sans vomissements et sans autres signes fonctionnels associés.
L’état général est bien conservé; la tension artérielle est à
180/90mmHg et la température à 38°2. L’examen physique
note une légère défense de l’hypochondre droit et surtout
de la région épigastrique. Aucune masse abdominale n’est
palpable.
Les résultats de la radiographie standard et de la fibroscopie œso-gastroduodénale sont normaux. La numération
fo rmule sanguine met en évidence une leucocytose à
12000 et l’amylasémie est normale. L’échographie abdominale met en évidence une masse de 8 x 12 x 12 cm semiliquidienne, multi-cloisonnée en contact avec le bord inférieur du lobe ga u che du fo i e, en avant du pancréas et
s’étendant dans le petit épiploon sans limites nettes avec la
petite courbur e. Cette masse refoule la vésicule biliaire et
possède une paroi bien visible.
Vu les antécédents, le diagnostic de faux kyste du pancréas
a été évoqué et l’intervention a été conduite par médiane
sus-ombilicale : découverte d’une masse située dans le
petit épiploon limitée à droite par le foie et à gauche par la
petite courbure de l’estomac. Il s’agit d’une masse violacée
de consistance molle nécrosée en certains endroits et très
friable Une exérèse en monobloc de toute la masse est pratiquée ; l’examen macroscopique montre une volumineuse
masse violacée avec plusieurs logettes re n fe rmant des
caillots sanguins. L’examen histologique révèle que la
masse est constituée de tissu splénique et permet de
conclure à une splénose
SPLENOSE PERITONEALE…
COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
Auto-transplantation de tissu splénique suite à une splénectomie pour rupture de la rate, la splénose est souvent diagnostiquée fortuitement à l’autopsie ou lors d’une laparotomie La fréquence augmentera certainement dans les
années qui viennent par le développement de la cœlioch i ru rgie (diagnostique ou thérapeutique) couplée aux
possibilités actuelles de splénectomie partielle et aux
méthodes conservatrices. Les possibilités d’auto-transplantation de tissu splénique avaient été démontrées depuis
1883 par GRIFFINI et TIZZANI (1, 2) chez le chien de
laboratoire. ALBRECHT en 1896, SCHILLING en 1907
décrivent les premiers cas d’auto-transplantation de tissu
splénique et VON KUTTNER en 1910 établit le premier
un rapport direct entre la splénose et les antécédents de
traumatisme de la rate (2, 3, 4, 5). Le terme de splénose fut
proposé pour la première fois en 1939 par BUCHBINDER
et LIPKOFF (1, 2, 3, 6) aux USA. Depuis, quelques cas
avaient été rap p o rtés dans la littérat u re et des études
avaient été menées afin de comprendre le mécanisme de
survenue, les moyens diagnostiques et les conséquences
p hy s i o p at h o l ogiques de la splénose. En 1981 déjà
DURAND et coll. cités par MBAKOP (5) notaient 117 cas
dans la littérature. En fait la fréquence de la splénose n’est
pas aussi faible qu’on l’imagine, elle varie entre 58 %(7),
64 % (8) et même les 2/3 des patients splénectomisés pour
FRANK et coll. (9).
Le diagnostic de la splénose est souvent fortuit : à l’occasion d’une laparotomie ou d’une autopsie ; il s’agit de
nodules en nombre et taille variable, de couleur rouge violacée souvent sessile. Ce diagnostic sera de plus en plus
fréquent grâce à la cœlioscopie. De nombreux cas relèvent
de l’analyse histologique de la pièce opératoire qui établit
le diagnostic final.
La clinique est en général muette, cependant on peut noter
des douleurs pelviennes, abdominales, des signes d’occlusion intestinale, un syndrome de masse gastrique, rénale ou
thoracique (1, 2, 3, 4, 6, 10). Pour qu’il y ait un retour de la
fonction splénique après splénectomie il faudra un volume
restant d’au moins 20 à 30 cm3 de tissu splénique greffé
(3, 8, 9).Actuellement de nombreux procédés peuve n t
aider le diagnostic évitant une chirurgie souvent inutile : la
scintigraphie au 99 mTc ou à l’Indium 111 représente
l’examen diagnostique fondamental (3, 8, 9, 10).
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Dans leur étude HAYRIYE et coll. (7) parlent d’une forte
sensibilité de cet examen dans la détection de tissu
splénique résiduel chez les splénectomisés. Mais il faut
retenir que même la scintigraphie ne permet pas d’exclure
une rate accessoire (11).
D’autres examens peuvent également aider le diagnostic :
la présence de sidéro cytes ou l’absence de corps de
Howell-Jolly chez un patient splénectomisé ; la biopsie à
l’aiguille pour examen histologique (examen pouva n t
entraîner des complications). Les examens de pointe tels
que l’échotomographie, le scanner et l’IRM n’ont pas fait
de preuves formelles pour le moment.
La splénose se localise très souvent au niveau péritonéal
( gr ê l e, épiploon, péritoine pariétal, colon, mésentère,
coupole diap h rag m atique) (6). Quelques localisat i o n s
extra-péritonéales notamment thoraciques ont été décrites
(3, 10). Aussi les diagnostics différentiels sont nombreux
et variés que ce soit en gynécologie ou en chirurgie générale abdominale. La principale cause de confusion reste la
rate accessoire : elle se différencie de la splénose par son
aspect macroscopique (souvent unique et pédiculée ayant
donc un hile vasculaire) et sa structure histologique rappelant une rate normale (11).
La conduite devant une splénose ne fait toujours pas
l’unanimité : devant une splénose de découverte fortuite si
l ’ i m mu n o l ogiste juge qu’elle protège le splénectomisé
contre les infections bactériennes graves, pour l’hématologue elle peut être cause de récidive de certaines affections
ayant nécessité la splénectomie (maladie de We rl h o f,
anémie hémolytique congénitale, maladie de Hodgkin)(5,
10, 11). Toutefois, il semble admis qu’en cas de splénose
responsable de manifestations cliniques toutes les lésions
doivent être enlevées (2, 5, 11).
CONCLUSION
Avec l’avènement de la cœlioch i ru rgie la fréquence de
découverte fortuite de splénose sera sans doute croissante.
Le chirurgien se doit d’avoir à l’esprit cette éventualité et
de la respecter si elle est muette et consécutive à une splénectomie pour traumatisme ; l’enlever si elle est responsable de manifestations cliniques ou si elle survient après
splénectomie pour raison hématologique.
Médecine d'Afrique Noire : 2000, 47 (6)
Y. HAROUNA, A.SEIBOU, H.ABARCHI,
J.RAKOTOMALALA, M.GAZI, L.BAZIRA
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