Diagnostic d`une splénomégalie

Transcription

Diagnostic d`une splénomégalie
Diagnostic d'une splénomégalie
Les recommandations du CHUP concernant les connaissances minimales pour cette
question sont :
- Savoir reconnaître une splénomégalie à l’examen clinique.
- Énumérer les principales étiologies des splénomégalies.
- Connaître les conséquences cliniques et biologiques d'une splénomégalie.
- Prévention et prise en charge des problèmes infectieux chez les splénectomisés.
DEFINITION : Hypertrophie de la rate.
Les progrès de l'imagerie en coupes ont renouvelé l'intérêt de cette question
permettant la découverte de splénomégalie infracliniques. Le contexte clinique et
d'examen, le bilan biologique et radiologique orientent le diagnostic.
Savoir reconnaître une splénomégalie à l’examen clinique (module 10 item 163,
item 164)(module 11 item 332)
Toute rate palpable est pathologique sauf chez
l’enfant car la rate est normalement non palpable.
Quand la rate augmente de volume, elle
déborde du rebord inférieur costal gauche vers la
ligne médiane et la fosse iliaque droite. Le patient
est allongé en décubitus dorsal, la tête à
l’horizontal. Elle est palpée avec la main droite
posée à plat en oblique, le patient respirant
profondément. Le bord inférieur, recherché de la
fosse iliaque gauche en remontant vers le rebord costal, vient toucher la pulpe des
doigts. Une matité splénique en percutant le 9e espace intercostal en avant de la ligne
axillaire antérieure justifie une palpation plus approfondie.
Une rate volumineuse peut “ envahir ” tout l’abdomen et la fosse iliaque droite.
La rate augmentée de volume est facilement distinguée d’une hypertrophie du
rein gauche (contact lombaire).
PHYSIOPATHOLOGIE
La rate est un organe lymphoïde très vascularisé de 200g, riche en
macrophages fixes, et drainé dans le système veineux porte. Son rôle dans
l'hématopoïèse finit à la naissance et n'est effectif à titre compensateur chez l'adulte
que dans les hémolyses chroniques. 20% des polynucléaires neutrophiles et 30%
des plaquettes y sont stockés en permanence.
Ses principaux rôles sont:
- la synthèse rapide des anticorps, notamment les immunoglobulines M
- la phagocytose de particules étrangères et des hématies anormales. Par contre, les
hématies vieillissantes sont peu concernées.
- l'élimination de débris cellulaires contenant du fer (corps de Jolly, corps de Heinz),
qui sont alors retrouvés dans le sang après splénectomie
Plusieurs mécanismes sont impliqués dans le développement d'une splénomégalie:
- l'hyperplasie splénique résulte de l'augmentation de la cellularité et de la
vascularisation,
- l'augmentation de pression dans le système porte ou la veine splénique entraîne
une congestion splénique secondaire,
- la séquestration splénique d'hématies,
- la métaplasie myéloïde de la rate, primitive ou secondaire alors compensatrice
- la prolifération cellulaire bénigne ou maligne,
- la surcharge lors de certaines maladies métaboliques.
Les conséquences sont:
- l'hypersplénisme: cytopénies modérées par séquestration variable des 3 lignées
avec hyperdestruction, avec une moelle normale et corrigées par la splénectomie.
- l'hémodilution: l'inflation plasmatique est proportionnelle au volume de la rate. Elle
contribue à majorer l'anémie de l'hypersplénisme et à décompenser une éventuelle
insuffisance cardiaque.
- l'hypertension portale d'apport: elle peut s'accompagner de varices oesophagiennes
et cède avec la splénectomie.
Conséquences cliniques et biologiques d'une splénomégalie (module 10 item 163,
item 164)(module 11 item 332)
Une splénomégalie est définie par une augmentation de volume de la rate
cliniquement palpable. Le volume et la structure de la rate peuvent être précisés par
l'imagerie abdominale : échographie et scanner qui peut préciser certaines causes.
Cliniquement la splénomégalie peut se traduire par des signes fonctionnels :
gêne et pesanteur de l'hypocondre gauche, voire par une douleur brutale en cas
d’infarctus splénique.
Une splénomégalie peut expliquer à elle seule une cytopénie par séquestration
(neutropénie, thrombopénie). L’anémie, lorsqu’elle survient, est liée à
l’hémodilution.
CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
1) Typiques: La splénomégalie est le plus souvent une découverte d'examen
effectué en contexte évocateur où elle apporte un argument diagnostique
supplémentaire.
Le plus souvent, l'examen clinique patient en
décubitus dorsal ou décubitus latéral droit retrouve
facilement la splénomégalie: masse de l'hypochondre
gauche s'abaissant à l'inspiration ce qui permet
d'accrocher le pôle inférieur.
2) Atypiques: par un examen complémentaire
La numération formule peut montrer des cytopénies compatibles avec le
diagnostic d'hypersplénisme.
Sinon, il s'agit d'une découverte d'imagerie.
3) Rares: la rate symptomatique
Ce peut être des symptômes qui attirent l'attention sur l'hypochondre gauche:
- pesanteur voire troubles digestifs
- infarctus et hématomes spléniques, douloureux et secondairement fébriles, avec
possibilité de surinfection ou de rupture en 2 temps.
DIAGNOSTIC POSITIF
1) Clinique et interrogatoire
L'examen fait facilement le diagnostic de splénomégalie tout en éliminant les
autres masses de l'hypochondre gauche: angle colique, queue du pancréas et gros
rein.
On recherche systématiquement des adénopathies périphériques, une
hépatomégalie, de même que des signes cutanéo-muqueux et infectieux qui peuvent
donner rapidement le diagnostic.
L'interrogatoire doit préciser:
- l'âge, l'origine ethnique et les différents lieux de séjour,
- l'existence d'un éthylisme,
- l'existence de signes infectieux suggère une étiologie bactérienne, virale ou
parasitaire, mais ne doit pas éliminer les autres causes.
2) Examens biologiques
* La numération formule oriente fortement le diagnostic, pouvant montrer une
polyglobulie, une hyperleucocytose avec ou sans myélémie, une hyperlymphocytose,
une blastose, une éosinophilie, des anomalies morphologiques... Une augmentation
des réticulocytes évoque une anémie hémolytique chronique.
* En dehors de la possibilité d'un syndrome inflammatoire biologique (CRP élevée),
l'électrophorèse des protéines peut révéler un bloc béta-gamma, une
hypogammaglobulinémie, un pic monoclonal...
3) Imagerie
a) Echographie abdominale:
Elle permet de préciser les caractères
homogène ou non du parenchyme, l'aspect liquidien ou
solide d'une masse intra-splénique, la rupture
capsulaire. La découverte d'une hypertension portale ou d'adénopathie oriente
grandement le diagnostic.
b) Scanner
La structure de la rate est mieux visualisée par l'apport de l'injection permettant une
approche diagnostic, mais dans les rates peu augmentées elle est moins précise
pour l'appréciation de la taille.
4) Investigations complémentaires diagnostic
En fonction des résultats de cette investigation, on peut demander:
- un test de Coombs ou une électrophorèse de l'hémoglobine en cas d'hémolyse,
- un myélogramme voire une biopsie médullaire,
- une biopsie ganglionnaire,
- une ponction biopsie hépatique (PBH),
- des sérologies diverses...
En l'absence d'orientation diagnostic et après avoir éliminé une maladie de
surcharge comme la maladie de Gaucher, on doit s'orienter vers une splénectomie
diagnostique. Celle-ci est privilégiée quand l'état du patient nécessite un certitude
diagnostic rapide: patient jeune, altération de l'état général, CRP augmentée, rate
inhomogène... L'intervention comprend un inventaire complet de la cavité
abdominale et une biopsie hépatique de principe.
L'étude histologique classique est éventuellement complétée si besoin par une
étude immunohistologique et cytogénétique. La recherche de mycobactérie est
systématique.
Principales étiologies des splénomégalies (module 10 item 163, item 164)(module 11
item 332)
1) Maladies infectieuses
a) Infections bactériennes septicémiques
Splénomégalie modérée, fièvre et frissons, porte d'entrée ± localisations
viscérales. Diagnostic par hémocultures et sérologies. Germes pyogènes, brucellose
ou typhoïde, endocardite infectieuse, mycose systémique de l'immuno-déprimé ou du
toxicomane.
b) Tuberculose des organes hématopoïétiques
Syndrome infectieux sévère et cachexie, hépato-splénomégalie, pancytopénie
avec ou sans miliaire. Myélogramme et ponction biopsie hépatique, pour essai
d'isolement du bacille tuberculeux.
c) Infections virales: fréquence de la cytolyse hépatique
* Mononucléose infectieuse : Angine et adénopathie cervicales postérieures,
splénomégalie dans la moitié des cas, syndrome mononucléosique. Sérologie du
virus Epstein-Barr.
* Hépatite virale, infections à cytomégalovirus, rubéole
* Infection VIH
d) Infections parasitaires
* Paludisme : La splénomégalie est modérée dans les premiers accès palustres,
volumineuse dans le paludisme chronique.
* Leishmaniose viscérale : Triade classique pâleur/fièvre désarticulée/splénomégalie
et parfois adénopathie
* Bilharziose : Précocement et selon l'espèce, l'éosinophilie est un argument
diagnostique majeur. Plus tard, il s'agit de l'hypertension portale présinusoïdale de
Shistosoma mansoni et Shistosoma japonicum.
* Trypanosomiase: tableau spléno-ganglionnaire fébrile et manifestations
neurologiques
* Kyste hydatique splénique et splénomégalie de la toxoplasmose rares
2) Maladies hématologiques
a) Anémie hémolytiques: rate inconstante dont l'ablation n'a pas toujours d'effet
bénéfique
* Congénitales
- maladie de Minkowski-Chauffard: microsphérocytose, diminution de la résistance
osmotique. Traitement : splénectomie
- déficit en G6PD: hémolyse intravasculaire déclenchée par la prise
médicamenteuse et l'ingestion de fèves
- déficit en pyruvate kinase
- thalassémie (alpha ou ß): Diagnostic sur l'électrophorèse de l'hémoglobine
- drépanocytose homozygote
* Acquises
- anémies hémolytiques auto-immunes essentiellement: test de Coombs positif,
doit faire rechercher un syndrome lymphoprolifératif sous-jacent
b) Syndrome lymphoprolifératifs:
* leucémie lymphoïde chronique : polyadénopathie, hyperlymphocytose sanguine.
* Maladie de Waldenström : pic monoclonal d'immunoglobuline M, infiltration
lymphoplasmocytaire médullaire.
* Leucémie à tricholeucocytes : pancytopénie.
* lymphomes malins non hodgkiniens et maladie de Hodgkin. Parfois lymphome
splénique isolé.
c) Syndromes myéloprolifératifs
* LMC : hyperleucocytose avec myélémie et basophilie.
* Polyglobulie de Vaquez
* splénomégalie myéloïde : Hyperleucocytose modérée avec érythromyélémie,
anomalie morphologique des hématies.
* Thrombocytémie essentielle : plaquettes souvent >1 000G/l.
* Leucémie myélomonocytaire chronique : monocytose, dysmyélopoïèse.
d) Leucémie aiguë : hyperleucocytose. Le myélogramme est l'examen du diagnostic.
3) hypertension portale
Toute hypertension portale peut s'accompagner d'une splénomégalie. Les
arguments d'hypertension portale sont présence de varices oesophagiennes ou
cardiotubérositaires.
4) splénomégalie inflammatoires
- Syndrome de Felty : Polyarthrite rhumatoide, splénomégalie, neutropénie et
infections fréquentes.
- lupus erythémateux disséminé
- Maladie périodique: accès fébriles avec douleurs articulaires et/ou abdominales.
- Sarcoïdose
5) splénomégalie de surcharge
- Surcharge lipidique
* Maladie de Gaucher
* Maladie de Nieman-Pick
* Maladie des histiocytes bleus: exceptionnelle
- Autres surcharges : Amylose, Hémochromatose
6) Tumeurs primitives de la rate bénignes ou malignes
Les indications de la splénectomie
- A visée diagnostic
- A visée thérapeutique : Minkowski-Chauffart, maladie de Gaucher, après échec des
autres traitements (anémies hémolytiques, lymphome)
- Dans l'hypersplénisme, rarement.
Conséquences de la splénectomie :
- conséquences immédiates: hyperleucocytose et hyperplaquettose
- conséquences à distance : présence de corps de Jolly et de Heinz
normalement<1% dont l'absence fait suspecter une rate accessoire
Prévention et prise en charge du problème infectieux des splénectomisés (module
11 item 332)
La splénectomie expose à des infections sévères et parfois foudroyantes
(septicémies), liées en particulier à pneumocoque, méningocoque et haemophilus
influenzae.
La prophylaxie : vaccination antipneumococcique (ne couvre pas tous les sérotypes)
avant la splénectomie si possible, et anti-haemophilus influenzae chez l’enfant ou le
patient immunodéprimé. Chimioprophylaxie par pénicilline orale discutée,
éducation du patient en cas de fièvre (information sur une carte).
Traitement de la fièvre du patient splénectomisé : céphalosporine de 3e génération à
dose adaptée (risque de pneumocoque à sensibilité diminuée à la pénicilline).
Adaptation de l’antibiotique dès le germe identifié.