Le choix de dormir : Distinction entre les interventions pour l
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Le choix de dormir : Distinction entre les interventions pour l
Le choix de dormir : Distinction entre les interventions pour l’insomnie – Regard sur les hypnotiques non benzodiazépiniques Louis T. van Zyl, M.B., Ch.B., M.Med, FRCPC Professeur de psychiatrie (émérite), Université Queen’s Cofondateur et premier président, Académie canadienne de médecine psychosomatique Consultant en médecine du sommeil, en médecine comportementale du sommeil et en psychiatrie médicale Sleep & Alertness Clinic et Youthdale Child & Adolescent Sleep Centre Toronto, ON Dora Zalai, M.D. Doctorante en psychologie clinique Université Ryerson Toronto, ON L ’insomnie se résume principalement par une insatisfaction à l’endroit de la quantité ou de la qualité du sommeil, associée à des difficultés d’endormissement ou de maintien du sommeil ou à des réveils précoces (pour la liste complète des critères diagnostiques proposés par le DSM-V, voir Tableau 1 à la page 59)1. Il faut savoir que l’insomnie revêt plusieurs visages : elle survient parfois isolément ou accompagne certaines comorbidités (p. ex. dépression majeure); elle peut également être situationnelle, persistante ou récurrente1. Pour l’instant, aucune donnée épidémiologique canadienne ne repose sur les nouveaux critères diagnostiques du DSM-V publiés en 2013; toutefois, des recherches antérieures montrent que l’insomnie est très prévalente au pays. En effet, les résultats d’un sondage téléphonique réalisé en 2007 ont montré que 13 % des adultes canadiens avaient présenté au moins un symptôme d’insomnie trois nuits ou plus par semaine pendant une durée d’au moins un mois, ces symptômes ayant été accompagnés de détresse ou de perturbations du fonctionnement diurne2. Des données antérieures, tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2002 (n ≈ 37 000), appuient cette estimation. La prévalence de l’insomnie chez les personnes de 15 ans ou plus de la base de données de l’ESCC se situait à 13,4 %3. Sheila Venkatarangam Jacob, M.D., FRCPC Pédo-pneumologue Membre de l’American Board of Sleep Medicine Associée au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine Montréal, QC Colin Shapiro, M.B., B.Ch., Ph.D., FRCPC Professeur de psychiatrie et d’ophtalmologie, Université de Toronto Directeur, Sleep & Alertness Clinic et Sleep Research Laboratory Toronto Western Hospital Directeur, Youthdale Child & Adolescent Sleep Clinic Toronto, ON L’insomnie exerce un vaste impact sur la qualité de vie des patients et pèse lourd sur notre système de soins de santé. Étant donné ce fardeau imposé par l’insomnie sur les personnes et sur la société, on ne saurait sous-estimer l’importance d’un traitement optimal. La présente synthèse fait le point sur l’impact de l’insomnie et donne un aperçu des options thérapeutiques fondées sur des preuves, tant non pharmacologiques que pharmacologiques pour son traitement. Il faut garder à l’esprit que pour de nombreux patients, l’insomnie est un problème chronique. Compte tenu de la nécessité d’un traitement à long terme chez ces patients, l’innocuité et la tolérabilité revêtent une importance particulière au moment de choisir un agent thérapeutique. Un rapport des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies publié en août 2013 rappelle que 5 % des femmes et 3 % des hommes de plus de 20 ans avaient utilisé des hypnotiques au cours du dernier mois; ces chiffres sont plus élevés chez les gens qui dorment peu (< 5 heures) et beaucoup (> 9 heures). À elles seules, ces statistiques rappellent l’importance pour les médecins de bien connaître les différentes options envisageables au moment de prescrire des hypnotiques. Les nouveaux agents non benzodiazépiniques, le zolpidem, le zaleplon et la zopiclone sont associés à un profil bénéfices:risques favorable et sont actuellement recommandés Clinicien plus • novembre/décembre 2013 49 Distinction entre les interventions pour l’insomnie en pharmacothérapie initiale pour l’insomnie. Dans cet article, on explorera les similitudes et les différences entre le zolpidem et la zopiclone aux plans de leur pharmacologie, de leur efficacité et de leur innocuité. Le troisième agent, le zaleplon, s’est révélé être une option efficace et sécuritaire comme hypnotique non benzodiazépinique34,35, mais comme il n’est pas largement accessible, nous n’en parlerons pas en détail ici. Impact de l’insomnie L’insomnie a été associée à plusieurs effets négatifs sur les patients, en plus d’imposer un fardeau substantiel au système de soins de santé. L travail. Selon une étude canadienne (n = 953 adultes de la province de Québec), les individus qui font de l’insomnie ont été cinq fois plus susceptibles que les bons dormeurs de présenter une baisse de leur productivité et deux fois plus susceptibles de s’absenter du travail10. Cet effet sur la productivité représente une part substantielle de l’impact financier de l’insomnie. À cet égard, une analyse des données tirées du même groupe québécois a montré que le coût annuel total de l’insomnie dans la province s’élève à 6,6 milliards de dollars11. Environ les trois quarts (5 milliards) de cette somme étaient rattachés à la perte de productivité. En revanche, les coûts du traitement par médicaments d’ordonnance (118 millions de dollars) n’ont représenté qu’environ le quart d’un pour cent du coût total estimé de l’insomnie. Le prix des divers médicaments utilisés pour traiter l’insomnie varie considérablement d’un agent à l’autre et, dans certains cas, d’une province à l’autre. La zopiclone, par exemple, peut coûter de 0,22 $ (prix générique le plus bas) à 1,33 $ par comprimé (Imovane®). Le zolpidem (Sublinox®) coûte 1,32 $ par comprimé. Les benzodiazépines coûtent beaucoup moins cher, soit entre 0,04 $ et 0,29 $ par comprimé. Le coût relativement bas du médicament utilisé pour traiter l’insomnie comparativement au fardeau très substantiel associé à la perte de productivité confirme l’importance de traiter efficacement ce problème de santé. À l’heure actuelle, on dispose de deux modalités fondées sur des preuves pour le traitement de l’insomnie chronique : les agonistes des récepteurs des benzodiazépines et la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Ces approches sont décrites plus en détail ci-dessous. ’insomnie exerce un vaste impact sur la qualité de vie des patients et pèse lourd sur notre système de soins de santé. Étant donné ce fardeau imposé par l’insomnie sur les personnes et sur la société, on ne Thérapie cognitivosaurait sous-estimer comportementale pour l’insomnie l’importance d’un Le traitement recommandé d’emblée pour l’insomnie chronique . Pour le traitement de l’insomnie, la TCC est de est la TCC traitement optimal. courte durée (en général de quatre à six séances), axée sur un 14-15 À l’échelle du patient, l’insomnie engendre des problèmes cliniquement significatifs au plan de la cognition, de l’humeur, du fonctionnement social et professionnel (p. ex. réduction de la productivité, absentéisme fréquent)4,5. En outre, les gens qui souffrent d’insomnie sont plus susceptibles de présenter des comorbidités psychologiques et physiques qui peuvent exacerber l’insomnie, formant ainsi un cercle vicieux4,6-8. L’impact global de l’insomnie sur la qualité de vie liée à la santé (QVLS) est substantiel et se compare à l’impact de l’insuffisance cardiaque et de la dépression majeure sur la QVLS9. L’impact sociétal de l’insomnie est une autre raison clé d’appliquer un traitement optimal. Comme on le mentionnait plus haut, les patients insomniaques peuvent être moins productifs au 50 Clinicien plus • novembre/décembre 2013 objectif qui cible spécifiquement les facteurs en cause dans la perpétuation de l’insomnie chronique. Selon le modèle stressdiathèse, les processus qui perpétuent l’insomnie chronique sont différents de ceux qui la déclenchent16. En d’autres termes, l’insomnie chronique est un problème perpétué par des mécanismes cognitifs et adaptatifs spécifiques au sommeil et indépendants des stresseurs médicaux, sociaux ou personnels qui déclenchent ou accompagnent le problème d’insomnie. Ce sont habituellement des spécialistes de la médecine comportementale du sommeil qui prodiguent la TCC. Toutefois, un personnel infirmier supervisé et dûment formé peut aussi offrir un traitement standard efficace à des groupes; et un protocole de TCC de deux séances s’est révélé efficace en soins primaires17,18. La diffusion des connaissances devient un enjeu prioritaire, compte tenu du faible nombre de thérapeutes spécialisés et de la Distinction entre les interventions pour l’insomnie forte demande19. Au moyen d’un modèle des soins progressifs, les modalités d’auto-traitement (p. ex. sites Web) offrent aux patients une approche pour débuter20. La TCC est très efficace, que l’insomnie soit isolée ou qu’elle accompagne d’autres maladies physiques ou psychiatriques21-29. C’est une approche sécuritaire et efficace chez les adultes plus âgés30,31. La TCC est le seul traitement fondé sur des preuves pour l’insomnie chronique qui produit des effets durables32; on peut la proposer en association avec des médicaments ou l’utiliser pour sevrer les patients de leurs hypnotiques33,34. En résumé, la TCC cible les facteurs de perpétuation de l’insomnie chronique et c’est le traitement à privilégier pour l’insomnie chronique en raison de son innocuité et de son efficacité, à court comme à long terme. L’accès à ce traitement est primordial. Traitement pharmacologique de l’insomnie Même s’il existe de nombreuses options pharmacothérapeutiques différentes pour le traitement de l’insomnie, on préférera les hypnotiques non benzodiazépiniques (ou agents « Z », pour zolpidem, zopiclone et zalepon), dont les avantages par rapport aux anciennes benzodiazépines ont été démontrés35. On se penche plus loin sur ces « agents Z ». Plusieurs autres médicaments ont été utilisés pour traiter l’insomnie, même si dans leur cas, il ne s’agit pas d’une indication officielle. Trazodone. Antidépresseur léger, la trazodone s’est révélée capable d’augmenter la durée totale du sommeil chez les patients qui souffrent de dépression majeure36. On ne dispose d’aucune preuve solide quant à l’efficacité de cet agent dans le traitement de l’insomnie chez les patients qui ne souffrent pas de dépression majeure comorbide. L’observation des modes de prescription, toutefois, donne à penser que cet agent a souvent été prescrit à cette fin36. En plus de l’absence de données d’efficacité, on note aussi des risques potentiels associés aux effets indésirables de la trazodone, notamment, priapisme, hypotension orthostatique et induction d’arythmies cardiaques; ces effets secondaires peuvent survenir avec des doses faibles ou avec les doses recommandées de trazodone36. Compte tenu de sa longue demi-vie, la trazodone donne lieu à un degré élevé d’effets résiduels le lendemain (p. ex. somnolence), même si les doses sont faibles36. Il existe des traitements éprouvés et efficaces pour le traitement de l’insomnie; aucun argument convaincant n’appuie l’utilisation de la trazodone pour cette indication. Antipsychotiques atypiques. Comme ce fut le cas avec la trazodone, les effets bienfaisants sur les paramètres du sommeil observés avec les antipsychotiques atypiques chez les patients souffrant de troubles psychiatriques (p. ex. schizophrénie, trouble bipolaire) ont mené à leur utilisation (p. ex. quétiapine) pour l’indication officieuse de l’insomnie37. Une revue des utilisations officieuses des antipsychotiques publiée en 2012 a révélé des données non concluantes en ce qui a trait à leur administration dans les cas d’insomnie38. On dispose toutefois de certaines données (analyses prospectives, études rétrospectives et rapports de cas) sur la quétiapine à faible dose. Ces données donnent à penser qu’elle exercerait un effet bénéfique sur les paramètres du sommeil. Mais même à faible dose, la quétiapine est associée à des risques d’effets secondaires dont l’hépatotoxicité fatale, le syn- L e coût relativement bas du médicament utilisé pour traiter l’insomnie comparativement au fardeau très substantiel associé à la perte de productivité confirme l’importance de traiter efficacement ce problème de santé. À l’heure actuelle, on dispose de deux modalités fondées sur des preuves pour le traitement de l’insomnie chronique : les agonistes des récepteurs des benzodiazépines et la thérapie cognitivocomportementale (TCC). drome des jambes sans repos, l’acathisie et le gain pondéral37. Les auteurs émettent également une mise en garde, en ce sens que le traitement par quétiapine, même s’il est administré à doses faibles, peut également entraîner une atteinte résiduelle le lendemain (p. ex. somnolence)37. Clinicien plus • novembre/décembre 2013 51 Distinction entre les interventions pour l’insomnie Tableau 3 Distribution et effet fonctionnel des sous-unités alpha du récepteur GABA-A46 Sous-unité Distribution régionale Rôle potentiel Alpha-1 Toutes les régions du cerveau Sédatif, anticonvulsivant, mémoire Alpha-2 Cortex cérébral, hippocampe, amygdale, noyaux gris centraux, hypothalamus, septum, prosencéphale basal Commutateur veille/sommeil, activité ÉÉG, anxiolytique Alpha-3 Cortex cérébral, noyau thalamique réticulaire Sommeil, anxiolytique, antidépresseur Alpha-5 Cortex cérébral, hippocampe Apprentissage et mémoire La sous-unité alpha-1 est la sous-unité de récepteur GABA-A la plus commune et elle est largement distribuée dans tout le cerveau. Doxépine. Cet agent est un antihistaminique qui bloque les récepteurs H1; il est indiqué au Canada « pour le traitement et le E n résumé, la TCC cible les facteurs de perpétuation de l’insomnie chronique et c’est le traitement à privilégier pour l’insomnie chronique en raison de son innocuité et de son efficacité, à court comme à long terme. L’accès à ce traitement est primordial. soulagement des symptômes de l’insomnie caractérisés par des réveils nocturnes fréquents et/ou le réveil précoce »39. La doxépine n’est pas indiquée pour le traitement de l’insomnie caractérisée par des difficultés d’endormissement. Les preuves abondent quant à l’efficacité de la doxépine, notamment depuis la conduite de plusieurs essais à répartition aléatoire et contrôlés qui ont démontré une réduction du temps de 52 Clinicien plus • novembre/décembre 2013 veille après l’endormissement, une augmentation de la durée totale du sommeil et une amélioration de l’efficience du sommeil40. Il vaut mieux par contre s’abstenir de prendre cet agent dans les trois heures d’un repas puisque les aliments nuisent à son absorption. La demi-vie relativement longue de la molécule (15 heures) signifie aussi que l’effet sédatif risque de perdurer le lendemain. Les essais cliniques portant sur une dose de 6 mg de doxépine ont fait état d’anomalies modestes du fonctionnement psychomoteur dans l’heure qui suit le réveil; elles ont été évaluées au moyen d’un test de substitution chiffres-symboles (ou DSST, pour digit-symbol substitution test), d’un test de copie de symboles (ou SCT, pour symbol copying test) et d’une échelle analogique visuelle [ÉAV] d’évaluation de la somnolence41-43. Benzodiazépines. Comme nous l’avons mentionné plus haut, ces agents plus anciens (p. ex. témazépam) ne sont plus privilégiés comme traitements de première intention administrés d’emblée pour l’insomnie17. Comparativement aux hypnotiques non benzodiazépiniques plus récents, les benzodiazépines donnent de moins bons résultats à plusieurs points de vue : pharmacocinétique, pharmacodynamie, efficacité, innocuité, tolérabilité, épuisement de l’effet (tolérance), sevrage et risques de mésusage35. Parmi les problèmes d’innocuité qui ont été signalés avec les benzodiazépines, mentionnons leurs effets sur l’architecture du sommeil et sur la respiration17. L’administration des benzodiazépines pour l’insomnie a en outre été associée à des cas de dissociation induite par les médicaments selon certains rapports de cas44. Hypnotiques non benzodiazépiniques : Similitudes et différences. Les « agents Z » actuellement sur le marché canadien sont le zolpidem et la zopiclone. Au Canada, c’est la zopiclone qui est l’agent le plus prescrit, tandis qu’ailleurs dans le monde, dans de nombreux pays et notamment aux États-Unis, c’est le zolpidem, Distinction entre les interventions pour l’insomnie 10 000 Alpha-1 Alpha-2 Alpha-3 Alpha-5 9 800 1 000 800 600 Ki (nM) Affinité décroissante sous le nom d’Ambien®, qui jouit de la plus grande popularité. Le zolpidem est disponible au Canada depuis son approbation en 2011. Le zolpidem et la zopiclone sont généralement préférés aux benzodiazépines pour le traitement de l’insomnie35,45, mais ils n’en sont pas pour autant identiques. Il existe plusieurs différences entre le zolpidem et la zopiclone au plan pharmacologique (p. ex., pharmacocinétique, profil de liaison aux récepteurs), et des distinctions cliniques ont été notées lors d’études de comparaison directe (sommaire des différences au Tableau 2 à la page 6046-53). De plus, un pourcentage plus élevé de patients traités par zopiclone (39,9 %) se sont plaints de son goût amer, comparativement à 5,8 % des patients traités par zolpidem48. 400 200 50 40 30 M ême s’il existe de nombreuses options pharmacothérapeutiques différentes pour le traitement de l’insomnie, on préférera les hypnotiques non benzodiazépiniques (ou agents « Z », pour zolpidem, zopiclone et zalepon), dont les avantages par rapport aux anciennes benzodiazépines ont été démontrés Les preuves récentes indiquent que les hypnotiques qui modulent les récepteurs l’acide gamma-aminobutyrique de type A (GABA-A) sont dotés d’affinités de liaison, de puissance et d’efficacité différentes selon les différents sous-types de récepteurs, ce qui peut entraîner des effets pharmacodynamiques distincts au plan spécifiquement fonctionnel (Tableau 3)46. En ce qui a trait à leur mode d’action, le zolpidem et la zopiclone agissent en exerçant un effet modulateur sur les récepteurs GABAA46,49. Les effets sédatifs de ces molécules semblent fortement médiés par leur activité au niveau de la sous-unité alpha-1 du récepteur GABA-A, mais ne semblent pas agir seulement sur le sommeil lui-même46,49. De tous les modulateurs des récepteurs 20 10 0 Zolpidem Zopiclone Lorazépam Figure 1. Affinité du zolpidem, de la zopiclone et du lorazépam à l’endroit des sous-unités GABA-A46, 49 GABA-A non benzodiazépiniques, le zolpidem a la plus forte affinité à l’endroit de la sous-unité alpha-1, même si les autres agents Z s’y fixent avec une affinité qui n’est que légèrement moindre (Figure 1)46,49. L’activité des récepteurs GABA-A renfermant les sous-unités alpha-2 et alpha-3 améliorerait le sommeil physiologique et pourrait aussi exercer des effets bienfaisants sur l’humeur. Le zolpidem active les récepteurs alpha-2 et alpha-3, mais à des concentrations bien plus élevées que les agents qui activent la sous-unité alpha-1. L’affinité de la zopiclone à l’endroit des sous-unités alpha-2 et -3 est nettement moindre que son affinité à l’endroit de la sous-unité alpha-1. Une activité au niveau de la sous-unité alpha-5 du récepteur GABA-A est associée à un impact négatif sur l’apprentissage et la mémoire. La zopiclone se lie au récepteur alpha-5 avec une affinité relativement forte46,49. Au plan clinique, cela signifie que l’agent hypnotique optimal agirait au niveau des sous-unités alpha-1, -2 et -3, mais exercerait une activité minime voire nulle sur la sous-unité alpha-546,49. La Figure 1 montre les affinités de la zopiclone et du zolpidem à l’endroit des récepteurs (une benzodiazépine classique, le lorazépam, étant incluse à titre de référence). L’affinité du zolpidem à l’endroit de la sous-unité alpha-5 est exceptionnellement faible (négligeable, en fait) et son action au niveau de cette sous-unité est également minime. La zopiclone montre une affinité de liaison relativement élevée à l’endroit de la sous-unité alpha-1 par rapport à la sous-unité alpha-3. Le lorazépam, comme d’autres agonistes des benzodiazépines classiques, a une forte affinité pour les sousunités alpha-1, alpha-2, alpha-3 et alpha-5. Clinicien plus • novembre/décembre 2013 53 Distinction entre les interventions pour l’insomnie Tableau 4 Les somnifères et leurs effets Nom Demi-vie Dose (maximum/24 heures) Interactions médicamenteuses Meilleure indication Zopiclone (Imovane) 3,5 à 6,5 heures 5 mg, 7,5 mg (15 mg) Carbamazépine, phénytoïne, érythromycine, rifampicine, kétoconazole, imipramine Insomnie Zaleplon 1 à 2 heures 10 mg Cimétidine, rifampicine, thiorizadine Insomnie du milieu de la nuit Témazépam (Restoril) 8 à 10 heures 15 et 30 mg (60 mg) Dépresseurs du SNC Insomnie, myorelaxant Lorazépam (Ativan) 9 à 16 heures 0,5, 1 et 2 mg (4 mg) Divalproex, phénytoïne, théophylline, coadministration de benzodiazépam IM et d’olanzapine IM Insomnie, trouble anxieux, trouble convulsivant Clonazépam (Rivotril) 18 à 50 heures 0,5 mg et 2 mg (8 mg) Mélatonine Inconnue 2 mg, 3 mg, 5 mg (6 mg) Dépresseurs du SNC, opiacés, Insomnie, syndrome des antihistaminiques, disulfiram, phénobarbital, jambes sans repos, épilepsie, phénytoïne, carbamazépine, théophylline, trouble anxieux, parasomnie rifampicine Tryptophane (Tryptan) 4 à 8 heures 750 mg (6 000 mg) Zolpidem (Sublinox, Ambien, Ambien CR) 2 à 3 heures 5 mg, 6,25 mg, 10 mg et 12,5 mg à libération prolongée (20 mg)* Chropromazine, fluconazole, imipramine, rifampicine, carbamazépine, phénytoïne Insomnie initiale** Inconnue Troubles du rythme circadien Vitamine B6, citalopram Insomnie, sensibilité à la température Les « agents Z » (les trois premiers de cette liste) sont plus spécifiques et offrent à plusieurs un sommeil de meilleure qualité. Ils risquent moins de supprimer le sommeil paradoxal, qui joue un rôle important dans la formation de la mémoire. Ils sont plus faciles à cesser et risquent moins de devoir être augmentés et de causer une dépendance. 54 Clinicien plus • novembre/décembre 2013 Distinction entre les interventions pour l’insomnie Avantages • Action brève et sédation diurne minime • Utile pour l’insomnie initiale (endormissement) et du milieu de la nuit (maintien du sommeil) • Médicament de choix si un hypnotique est indiqué chez la personne âgée • Maintenant disponible au Canada • Seule contre-indication : hypersensibilité au médicament • Effet minime voire nul sur le sommeil rapide • Cause moins de tolérance (épuisement de l’effet) que les benzodiazépines • Début d’action rapide • Aucune accumulation • Aucun symptôme de sevrage • Utilisée pour l’insomnie initiale et le maintien du sommeil • Peut être utilisée pour une prise en charge à long terme • Effet minime voire nul sur le sommeil rapide Inconvénients • Céphalées chez jusqu’à 10 % • Prudence particulière chez les personnes âgées • Céphalées chez jusqu’à 20 % • Goût désagréable chez jusqu’à un tiers des patients • Rêves anormaux • Blessures accidentelles chez les personnes âgées en raison de chutes • Action très brève • Utile pour l’insomnie initiale ou pour l’insomnie du milieu de nuit • Ne perturbe ni le sommeil rapide ni le sommeil lent (sommeil profond) • Somnolence négligeable le lendemain • Moins susceptible d’induire la tolérance ou l’insomnie de rebond • La céphalée est l’effet secondaire le plus courant • Non recommandé en présence d’insuffisance hépatique grave • Prudence chez les personnes âgées • Réveil après une période trop courte de sommeil • Benzodiazépine privilégiée chez les personnes âgées lorsqu’un hypnotique est requis compte tenu de l’absence de métabolites actifs • Moins d’altération du fonctionnement psychomoteur • Insomnie de rebond minime • Absence d’accumulation • Utile pour l’insomnie du milieu de la nuit et terminale • Confusion et léthargie • Effet de « lendemain de veille » • Tolérance (épuisement de l’effet) et dépendance • Durée d’action plus longue • Potentialisation des effets avec l’alcool et les dépresseurs du système nerveux • Requiert un sevrage très graduel • Prudence chez les personnes âgées – risque de chute • Absorption rapide • Action brève • L’absence de métabolisme hépatique confère un avantage chez les insuffisants hépatiques • Les indications cliniques sont incertaines pour ce qui est de son utilisation dans l’insomnie • Absorption variable • Risque élevé de dépendance • Potentialisation des effets avec l’alcool et les dépresseurs du système nerveux • Prudence chez les personnes âgées – risque de chute • Utilisé pour l’insomnie initiale et du milieu de la nuit • Aussi utile pour d’autres troubles du sommeil dont le syndrome des jambes sans repos, les parasomnies (somnambulisme ou terreur nocturne) • Potentialisation des effets avec l’alcool et les dépresseurs du système nerveux • Durée d’action plus longue et effets négatifs diurnes • Prudence chez les personnes âgées – risque de chute • Hormone naturelle • Surtout efficace pour les troubles du rythme circadien et le syndrome de retard de phase du sommeil • Effets secondaires minimes • Sa disponibilité au Canada comme médicament en vente libre non soumis à la réglementation pharmaceutique soulève des doutes sur la qualité • Peut provoquer des crampes abdominales et une sédation diurne • Le déficit doit être confirmé avant l’utilisation • Inquiétudes quant à l’impact sur la reproduction à la suite des études chez l’animal • Efficace pour l’insomnie • Effets secondaires minimes • Peut aussi être bénéfique pour la dépression • Peut causer l’anorexie, les nausées et la céphalée • Doit être utilisé avec prudence avec des antidépresseurs qui influent sur les taux de sérotonine. Dans de rares cas, peut provoquer un syndrome sérotoninergique gravissime. *Zolpidem est offert au Canada en comprimés sublinguaux à dissolution orale de 5 mg et 10 mg. **Zolpidem est indiqué pour les patients qui éprouvent des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes fréquents et/ou des réveils très précoces. NOTER : Le zaleplon était autrefois offert au Canada sous le nom Starnoc; on peut toujours se le procurer sur ordonnance au Canada, mais seulement auprès de certaines pharmacies spécialisées dans les préparations magistrales. Clinicien plus • novembre/décembre 2013 55 Distinction entre les interventions pour l’insomnie Pentobarbital Méthaqualone Diazépam Flunitrazépam Lorazépam 4-hydroxybutanoate (GHB) Témazépam Zaleplon Eszopiclone Triazolam Zopiclone Flurazépam Zolpidem Estazolam Oxazépam Diphénhydramine Quazépam Trazodone Probabilité de mésusage Toxicité 0 20 40 Figure 2. Toxicité relative et risque de mésusage des agents hypnotiques53 56 Clinicien plus • novembre/décembre 2013 Résultat 60 80 100 Distinction entre les interventions pour l’insomnie Une autre différence potentielle entre les agents hypnotiques sur la base des profils de liaison au récepteur GABA-A est le risque de dépendance. Selon des études, la tolérance (phénomène d’épuisement de l’effet) peut être médiée par l’activité au niveau de la sous-unité alpha-5, ce qui explique en partie pourquoi la tolérance s’installe souvent chez les patients traités au moyen de benzodiazépines47. L’affinité à l’endroit de cette sous-unité est nettement plus faible avec la zopiclone qu’avec les benzodiazépines et, comme nous l’avons mentionné, négligeable avec le zolpidem. Les propriétés pharmacocinétiques sont également des enjeux importants lorsqu’il est question d’hypnotiques. L’absorption rapide (intervalle court avant la concentration maximum [Tmax]) et une demi-vie relativement brève (t1/2) sont des caractéristiques particulièrement souhaitables46, la première étant propice à un début d’action rapide et la seconde permettant une élimination rapide du système avant que le patient ne s’éveille, ce qui réduit les risques d’effets résiduels le lendemain. Il faut toutefois se méfier d’une demi-vie trop courte qui pourrait être propice à un réveil au milieu de la nuit, à un réveil précoce, ou encore, à une exacerbation de l’anxiété le lendemain, comme on l’a rapporté avec le triazolam54. Aucune de ces distinctions n’a d’importance s’il n’y a pas de différences cliniques avérées entre les agents. Heureusement, dans ce domaine thérapeutique, on dispose de preuves tirées de comparaisons directes. Un essai à double insu d’une durée de 14 jours a comparé le zolpidem administré à raison de 10 mg/jour, à la zopiclone administrée à raison de 7,5 mg/jour, chez 489 patients souffrant d’insomnie primaire chronique48. Le paramètre principal était l’amélioration globale du trouble du sommeil : 67,9 % des patients traités par zolpidem ont jugé que leur sommeil s’était au moins « modérément amélioré », comparativement à 61,6 % des patients traités par la zopiclone (différence entre les groupes non statistiquement significative). De même, les paramètres secondaires ont révélé que le zolpidem était supérieur à la zopiclone au plan de la latence du sommeil. De plus, les réactions indésirables au médicament ont été plus fréquentes chez les patients traités par la zopiclone. Des différences ont aussi été observées entre les agents hypnotiques en ce qui a trait à la sécurité au volant. Une méta-analyse des essais à répartition aléatoire et contrôlés a révélé que les patients qui prenaient des benzodiazépines ou de la zopiclone à 7,5 mg au coucher présentaient une altération significative de leur conduite (10 heures après la prise du médicament), contrairement aux patients qui avaient reçu 10 mg de zolpidem ou 10 à 20 mg de zaleplon50. Dans une étude rétrospective sur plus de 3 000 patients hospitalisés ou résidents de CHSLD, les chercheurs ont noté des différences entre les agents hypnotiques en ce qui a trait au risque de chute51. Plus précisément, ils ont découvert que la zopiclone était significativement associée à un accroissement du risque de chute chez les patients hospitalisés; le zolpidem s’est accompagné d’un risque moindre de chute comparativement à la zopiclone. Fait à noter, on a aussi observé des différences entre les benzodiazépines : le brotizolam et l’estazolam ont été significativement associés à un risque accru de chute, contrairement au triazolam, au flunitrazépam et au nitrazépam51. On présente au Tableau 4 une liste des somnifères et de leurs effets. L’une des caractéristiques clés qui distinguent les « agents Z » de bon nombre des benzodiazépines plus anciennes est le risque moindre de mésusage35,45,52. En effet, la recherche a aussi montré qu’il pourrait y avoir des différences entre le zolpidem et la zopiclone en ce qui a trait à ce risque43. Une analyse statistique par L es propriétés pharmacocinétiques sont également des enjeux importants lorsqu’il est question d’hypnotiques. L’absorption rapide et une demi-vie relativement brève sont des caractéristiques particulièrement souhaitables. Griffiths et coll. a évalué la toxicité et le risque de mésusage de 19 agents hypnotiques différents (Figure 2)53. Ils ont découvert des différences substantielles entre les molécules disponibles; selon eux, le zolpidem a été associé à un risque moindre de mésusage, comparativement à la zopiclone qui, pour sa part, a été associée à un risque moindre par rapport au zaleplon. Finalement, il faut aussi noter qu’il pourrait y avoir des différences cliniques entre les diverses préparations d’une même molécule. Au Canada, le zolpidem est administré par voie orale en comprimés à désintégration sublinguale. Cette préparation a été comparée à la préparation en comprimés oraux qui a servi dans la plupart des essais cliniques sur cet agent55. Dans une étude ayant porté sur 70 patients insomniaques, le zolpidem sublingual a été associé à une latence du sommeil significativement plus courte, au maintien du sommeil et au sommeil de stade 1, comparativement au zolpidem oral. Sur une durée approximative de Clinicien plus • novembre/décembre 2013 57 Distinction entre les interventions pour l’insomnie sept heures, la durée totale du sommeil a été comparable entre le zolpidem sublingual et le zolpidem oral55. Conclusions L’insomnie exerce un impact négatif substantiel sur les patients et sur le système de soins de santé. Des traitements efficaces existent et ils doivent être proposés à tous les patients qui répondent aux critères diagnostiques. La zopiclone et le zolpidem s’appuient sur des résultats d’essais cliniques convaincants. Il s’agit d’agents efficaces et sécuritaires pour le traitement de l’insomnie. Comme le montre cette synthèse, il y aurait tout lieu de croire qu’entre ces deux agents, le zolpidem serait le choix à privilégier dans certaines situations. Cela s’applique particulièrement, comme c’est souvent le cas, aux patients qui trouvent la zopiclone trop sédative. En ce qui a trait à la sélection d’un traitement hypnotique, selon le consensus actuel, les « agents Z » procurent le meilleur équilibre entre efficacité et innocuité. Compte tenu que de nombreux patients auront besoin d’un traitement continu ou récurrent au moyen d’agents hypnotiques, cet équilibre est d’une importance cruciale. La préparation de cet article a bénéficié du soutien d’une subvention à la formation de Meda Valeant Pharma Canada. Les auteurs ont conservé une totale indépendance éditoriale lors de la rédaction de l’article et leur propos n’engage qu’eux. Le commanditaire n’a exercé aucune influence sur le contenu ou le matériel publié. Références : 1. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). 2013. 2. Morin CM, LeBlanc M, Bélanger L, et coll. Prevalence of insomnia and its treatment in Canada. Can J Psychiatry 2011; 56(9):540-8. 3. Tjepkema M. Insomnia. Health Rep 2005; 17(1):9-25. 4. 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Le trouble du sommeil provoque une détresse cliniquement significative ou nuit au bon fonctionnement social ou professionnel, aux études, au comportement ou à d’autres importantes fonctions. C. Le trouble du sommeil est présent au moins trois nuits par semaine. D. Le trouble du sommeil est présent pendant au moins trois mois. E. Le trouble du sommeil survient malgré des circonstances propices au sommeil. F. L’insomnie n’est pas davantage expliquée par un autre trouble du cycle veille-sommeil et sa survenue ne coïncide pas exclusivement avec cet autre trouble, le cas échéant (p. ex. narcolepsie, trouble du sommeil lié à la respiration, trouble du rythme circadien veillesommeil, parasomnie). G. L’insomnie n’est pas attribuable aux effets physiologiques d’une substance (p. ex. drogue ou médicament). H. La concomitance de troubles mentaux ou de problèmes de santé physiques n’explique pas de manière satisfaisante les symptômes d’insomnie. (Adaptation libre) 31. 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Clinicien plus • novembre/décembre 2013 59 Distinction entre les interventions pour l’insomnie Tableau 2 Sommaire des caractéristiques du zolpidem et de la zopiclone46-53 Variable Profil de liaison au récepteur GABA-A Amélioration de la latence du sommeil Effets résiduels le lendemain Amélioration du maintien du sommeil Zolpidem Zopiclone Affinité la plus forte à l’égard de la sous-unité alpha-1 Forte affinité à l’endroit de la sous-unité Active les sous-unités alpha-2 et alpha-3 aux alpha-1 concentrations plus élevées Se lie à la sous-unité alpha-5 avec une affinité relativement élevée Affinité négligeable à l’endroit de la sous-unité alpha-5 85,8 % ont connu une amélioration d’un degré ou plus 77,5 % ont connu une amélioration d’un degré ou plus Aucune atteinte significative de la capacité de conduire le lendemain matin après une administration au coucher Atteinte significative de la capacité de conduire le lendemain matin après une administration au coucher 2,9 % des patients sous zolpidem on fait une chute 20 % des patients sous zopiclone ont fait une chute Amélioration significative Amélioration significative Survenues chez 31,3 % des patients Survenues chez 45,2 % des patients 5,8 % des patients se sont plaints du goût amer 39,9 % (69/173) des patients se sont plaints du goût amer Réactions indésirables 6,6 % des patients l’ont cessé en raison des réactions indésirables Risque de mésusage Probabilité relative de mésusage : 33 sur une échelle de 0 à 100 Probabilité relative de mésusage : 42 sur une échelle de 0 à 100 Taux d’insomnie de rebond 4,5 % ont signalé une aggravation de la latence du sommeil après l’arrêt du traitement 15,4 % ont signalé une aggravation de la latence du sommeil 52. 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