L`Apocalypse

Transcription

L`Apocalypse
À LA GLOIRE DU GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS
Deus meumque jus
Rite Écossais Ancien et Accepté
Ordo ab chao
Suprême Conseil de France
Liberté Égalité Fraternité
Souverain Chapitre C17 Le Parvis austral
LʼApocalypse
Très sage Athirsata et vous tous mes frères Chevaliers Rose Croix
L’instruction du 15e au 18e degré du Suprême Conseil de France nous dit dans son introduction:
Les grades capitulaires...forment progressivement la liaison entre les valeurs de l’Ancienne et de la
Nouvelle Loi.
Cela suppose de nouvelles références scripturaires, qui apparaissent au 17e degré. Pour passer à la
Nouvelle Loi, il fallait un texte du Nouveau Testament, puisque les fondateurs du Rite Écossais Ancien et Accepté on choisi de faire passer leur message en utilisant les mythes bibliques. C’est le texte
le plus déroutant du canon chrétien qui a été choisi, et ce n’est sans doute pas un hasard. Citer un
Évangile, où Jésus est nommément mis en scène aurait pu faire accuser les loges de blasphème,
Les épitres sont avant tout des textes doctrinaux d’où l’on peut difficilement tirer une légende. Le caractère particulier de l’Apocalypse, en revanche, la rend apte à une interprétation ésotérique et initiatique.
Nous découvrirons d’abord le texte, sa composition, sa structure. Nous nous intéresserons ensuite
au message dont il est porteur pour les chrétiens, ce qui nous donnera des pistes pour conclure par
sa signification pour un franc-maçon du Rite Écossais Ancien et Accepté, notamment au 17e degré.
Apocalypse vient du grec ἀποκάλυψις (apokalupsis) et veut dire «dévoilement» ou «révélation». Ce
genre littéraire juif apparaît en contexte de crise, après le retour d'exil, surtout au IIème siècle av. JC.
Il voit surgir l'espérance en la résurrection dans le sens d'un accomplissement des Écritures, surtout
du point de vue d'une articulation entre le dessein créateur de Dieu à l'origine et son jugement à la fin
des temps. Il prolifère au tournant de l'ère chrétienne. Mais très peu de textes ont été retenus. On
retrouve ce genre littéraire dans l’Ancien Testament, surtout chez Daniel et Ézéchiel, et des passages d’Isaîe.
D’après la définition de John Collins, citée par Bauckham, «apocalypse» est un genre littéraire de révélation avec un cadre narratif, dans lequel une révélation est médiatisée par un être d'un autre
monde vers un destinataire humain; elle dévoile une réalité transcendante qui est à la fois temporelle, dans la mesure où elle envisage le salut eschatologique, et spatiale, dans mesure où elle implique un autre monde surnaturel.
Les apocalypses sont en général signée dʼun nom illustre et ancien. Par exemple Hénoch, Noé, Baruch, Esdras; chez les chrétiens Pierre, Jacques et dʼautres. Pour le texte retenu dans le canon chrétien, beaucoup dʼéxégètes sont persuadés que lʼauteur nʼétait pas lʼévangéliste. La langue employée
dans lʼApocalypse «de Jean» est très différente de celle de lʼévangile et des épîtres.
Ce texte, a des rapports étroits avec ses prédécesseurs, et même avec lʼensemble de lʼAncien Testament. Beaucoup des symboles qui y apparaissent sont repris de textes antérieurs, et sʼil nous paraît obscur, cela vient en grande partie de notre inculture concernant la Bible juive.
Lʼapocalypse de Jean possède malgré tout des traits qui la distinguent des textes analogue. Comme
le dit Richard Bauckham;
Lʼœuvre de Jean est très inhabituelle quant à l'extension prolifique de son imagerie. Il est vrai que les
visions symboliques sont typiques de ce genre, mais dans les autres apocalypses d'autres formes de
révélation sont souvent aussi importantes, voire plus importantes. On y trouve souvent de longues
conversations entre le voyant et le révélateur céleste (Dieu ou son ange), dans lesquelles l'information est transmise d'une manière très différente des symboles visuels qui dominent l'Apocalypse. Généralement, les visions symbolique des apocalypses doivent être interprétées par un ange qui en explique la la signification au voyant. De telles interprétations sont rares dans l'Apocalypse, où les
symboles visuels sont décrits de manière à transmettre leur propre sens.(..)En outre, les visions
symboliques typiques des apocalypses sont relativement courtes et indépendantes... LʼApocalypse,
en revanche, est vraiment une vision unique (de 1, 10 à 22, 6). Les images sont communes à l'ensemble. De temps en temps la scène se déplace et de nouvelles images sont introduites, mais une
fois introduites elles peuvent revenir tout au long du livre. La vision de Jean crée ainsi un univers
symbolique unique dans lequel les lecteurs peuvent vivre durant le temps de la lecture (ou de
l'écoute) du livre.
Autre point particulier de ce texte, Il est également prophétique. outre la révélation par des visions, il
contient des oracles. Les premiers sont adressés aux sept églises dʼAsie mineures destinataires,
ainsi pour lʼÉglise dʼÉphèse:
«Qui a des oreilles, quʼil écoute ce que le souffle dit aux communautés; au vainqueur je donnerai à
manger de l'arbre de la vie, celui qui est dans le paradis de Dieu.»
On trouve quelques autres oracles au long du texte, comme celui-ci, à propos de la puissance de la
Bête:
«Si quelqu'un a des oreilles, qu'il écoute:
Si quelquʼun est promis à la captivité,
qu'il aille en captivité.
Si quelqu'un doit être tué par l'épée,
qu'il soit tué par l'épée.
C'est ici la résistance et la fidélité des saints.»
On peut dʼailleurs penser que les anciens, au contraire des exégètes modernes, ne faisaient pas la
différence entre apocalypse et prophétie.
Autre particularité, qui achève de mettre lʼApocalypse à part dans tout le corpus biblique, cʼest une
lettre, ce que les anciens appelaient épître. Cʼest un texte dʼune personne à destination dʼun groupe
déterminé, en un lieu et un temps précis. La date de lʼApocalypse fait consensus: à la fin du premier
siècle, pendant ou juste après les persécutions de Domitien. Elle est adressée à sept Églises dʼAsie
mineure nommément désignées, et que lʼauteur, manifestement, connaît. Cette circulaire commence
par sept messages adressés chacun à une des Églises, évoquant ses problèmes particuliers. Cependant chaque message est une introduction au reste du livre. Compte tenu du rôle du nombre sept
dans lʼensemble du texte, on peut penser quʼà travers ces sept Églises lʼauteur a voulu sʼadresser à
lʼensemble des chrétiens de son époque et des temps à venir.
Une autre particularité importante de lʼApocalypse par rapport aux autres textes chrétiens est sa
structure. Dans un exposé selon notre manière habituelle, on part dʼune introduction, puis on expose
une suite dʼarguments qui conduisent logiquement à a conclusion, qui est souvent le point principal
du texte. Cʼest la méthode discursive adoptée dans les Évangiles. LʼApocalypse adopte, elle, une
structure dite dʼinclusion sémitique ou en chandelier: pour exprimer le cœur de la pensée, on le dispose comme un joyau dans son écrin. Pour y parvenir, l'écrivain joue avec subtilité sur des correspondances entre le début et la fin d'un livre. C'est pourquoi on appelle ce type d'écriture « construction en chandelier»; la première branche est organiquement liée à la dernière, la deuxième à l'avantdernière, la troisième à la cinquième; quant à la quatrième, elle est isolée et occupe donc une place
privilégiée. Outre un prologue et un épilogue, on peut diviser le texte de lʼApocalypse en cinq partie,
chacune dominée par un septénaire: les sept lettres aux Églises, les sept sceaux qui ferment un livre,
les sept trompettes, les sept coupes et les sept visions, qui dʼailleurs sont huit, ce qui nʼest ni un ha-
sard ni une erreur. Cʼest dans le chapitre des trompettes que nous chercherons le coeur du message.
Un dernier point à remarquer sur la composition de e texte, cʼest lʼimportance des nombres et de leur
symbolique. On y trouve très souvent les nombres sept et douze ou des dérivés. Ces deux nombres,sʼobtiennent en combinant 3 et 4 par addition et multiplication. On peut les considérer comme
respectivement les nombres du ciel et de la terre, de lʼesprit et de la matière, du créateur et de la
création. 7 et 12, union du 3 et du 4 sont donc les nombres de la totalité, de lʼabsolu. Pour un chrétien ou un juif ils peuvent représenter lʼAlliance , rencontre intime du Créateur et de sa création. Cependant le nombre 7 nʼest pas toujours un attribut divin, et même au contraire, puisque le Dragon,
image du Diviseur, et la Bête quʼil suscite ont sept têtes. Sans doute faut-il y voir la prétention de Satan à être lʼégal de Dieu.
Ces deux nombres peuvent être élevés au carré, donnant 49 et 144 pour exprimer lʼintensité parfaite
de ʻAlliance. La multiplication par 1000 lui donne un caractère universel. Pour exprimer la rupture de
lʼAlliance, on utilise la moitié de ces nombre 7 et 12. Ainsi le nombre de la Bête, créature diabolique,
est 666. Le cas de 3½ est plus ambigu. Il est utilisé pour désigner des durées: soit trois ans et demi,
soit quarante deux mois, soit mille deux cent soixante jours ou encore un «temps, des temps et la
moitié dʼun temps». Ces périodes sont toujours des périodes de lutte, de souffrance, mais il me semble que le 3½ sous toutes ses formes est employé pour exprimer leur finitude, le caractère transitoire
des situations qui ont cette durée.
Une analyse attentive montre combien la composition du texte a été précise et rigoureuse. Le nombre dʼoccurences de certains mots, de certaines appellations, en renforce et précise le sens. Ainsi
lʼexpression «le Seigneur Dieu le tout puissant» apparaît sept fois dans tout le texte. En deux autres
occurences, où lʼauteur a besoin de cette expression, il la tronque en «Dieu le tout puissant» pour
maintenir le septénaire. Le nom humain Jésus apparaît 14 fois dans le texte, dont sept fois dans des
expressions «le témoignage de Jésus» ou «les témoins de Jésus» Le mot «Christ» est employé sept
fois, et le mot «Agneau», en référence au Christ, 28 fois, soit 7x4, dont sept expressions qui associent Dieu et lʼAgneau. Nous avons vu que sept est le nombre de la plénitude, et quatre celui de la
terre. Quand Jean désigne toutes les nations de la terre (et il le fait sept fois), cʼest toujours par une
expression à quatre termes comme «les peuples, les nations les langues et les rois». Les 28 occurences de lʼAgneau indiquent lʼétendue universelle de sa victoire. On pourrait continuer...
Pour arriver au message chrétien de ce texte, je vais analyser rapidement le troisième septénaire,
celui des trompettes, qui nous rappellent Jéricho. Il est introduit par lʼencensement dʼun autel. Ce
sont les prières des saints qui parviennent à Dieu. Évoquées plus tôt dans le livre, elles demandent
lʼintervention de Dieu dans lʼhistoire. Elles seront bientôt exaucées. Les quatre premières trompettes
semblent déclencher des fléaux. Il sʼagit plutôt du choc subit par la création du fait de lʼirruption du
Créateur, signe avant-coureur dʼune libération. Les cinquièmes et sixièmes trompettes montrent les
efforts du démon pour sʼopposer à cette venue; La septième trompette déclenche une vision beaucoup plus longue où est évoquée lʼincarnation de Jésus, le combat acharné du démon contre lui et
ses témoins, et sa victoire finale. Cʼest donc lʼannonce de cette victoire finale qui constitue le coeur
du message de Jean.
Un dernier mot sur les visions qui sont huit au lieu de sept. Les sept premières décrivent les ultimes
combats et la déchéance définitive de Satan, la disparition de la mort; la huitième vision décrit la Jérusalem céleste, qui pourrait être le résultat de la continuation de la création, le huitième jour...
Ainsi, loin dʼêtre le livre cauchemardesque que beaucoup perçoivent, lʼApocalypse est un message
dʼespoir. Les fléaux décrits sont beaucoup plus une description du monde actuel (et cette description
vaut pour tous les temps) quʼune punition divine. Ces fléaux, dont la source est lʼimpiété des hommes, seront vaincus dans un combat qui a commencé à la naissance de Jésus, et qui ne finira
quʼavec le temps de lʼhumanité. Ce texte traite, comme aucun autre dans l’Ancien et le Nouveau Testament, de la logique symbolique et spirituelle qui unit la création à l’origine et le jugement dernier à
la fin des temps, l’alpha et l’oméga. Il articule une logique de l’existence humaine et chrétienne, individuelle et collective, qui permet de traverser l’histoire en la ramenant à son auteur principal et ultime
: Dieu,
Quel enseignement un franc-maçon du Rite Écossais Ancien et Accepté peut-il tirer d’un tel texte?
Nous pouvons d’abord suivre les pistes proposées par le rituel du 17e degré, et tout d’abord son tableau de loge. Le personnage représenté évoque la vision introductive de l’Apocalypse, c’est en fait
le Christ glorieux, qui donne sa mission à l’auteur: rendre compte de sa vision. Le Chevalier d’Orient
et d’Occident a donc mission de témoigner de l’enseignement qu’il reçoit. cette mission est celle de
tout maçon, mais elle est encore plus impérative à ce degré.
Lors de l’initiation, le premier Grand Gardien nous dit:
«L'Apocalypse n'est pas un ouvrage historique ou apologétique, mais un texte ésotérique qui nous fait
revivre l'ouverture des sept sceaux du Livre relatant, au rythme de sonneries de trompettes, des éléments de l'histoire du monde. Puis, intervient le récit des luttes que se livrent les forces bénéfiques et
maléfiques qui surgissent sur notre planète et entraînent la chute et la ruine des civilisations jusqu'à ce
que s'instaure le temps de l'Intemporel et de l'Éternel.»
Le monde n’est pas encore sorti du chaos, et de rudes combats attendent ceux qui veulent la
victoire de l’Esprit sur la matière. Mais ces combats ne sont pas sans espoirs, ils conduiront
l’humanité sur le chemin de l’ordre, conformément à notre devise.
Puis le Très Puissant ajoute:
«Grands Élus, Parfaits et Sublimes Maçons, Jean de Patmos nous enseigne que ceux qui sont initiés,
qui sont nés une deuxième fois, ceux qui sont « nés d'esprit », ne doivent plus chercher à relever le
Temple terrestre, une nouvelle fois détruit par la main de l'homme, mais doivent chercher à faire descendre sur terre cette Jérusalem nouvelle, ce Temple spirituel déjà décrit par le prophète Ezéchiel»
Ce Temple spirituel, en fait la Jérusalem céleste, que nous devons édifier en nous, il est décrit à la fin de l’Apocalypse:
«La ville est quadrangulaire, sa longueur égalant sa largeur. Il mesura la ville avec le roseau sur
douze mille stades; sa longueur, sa largeur et la hauteur étaient égales. (..) La ville n'a nul besoin
que le soleil et la lune brillent sur elle; la gloire de Dieu l'illumine, et sa lampe, c'est l'agneau. «
Quel plus bel objectif que de recréer en nous une image où se condensent, en une seule réalité, la
Pierre cubique et le Delta rayonnant?
J’ai dit, Très Sage Athirsata
Jacques Héritier, 23 mars 6009
:
Bibliographie
La Bible (édition Bayard)
Richard BAUCKHAM $
$
$
$
La théologie de lʼApocalypse$
$
Cerf
Jean-Pierre CHARLIER$ $
$
$
Comprendre lʼApocalypse$
$
Cerf
Pierre PRIGENT$
$
$
LʼApocalypse$ $
$
Cerf
$
$
$
$