Apocalypse Introduction et documents - séance 1

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Apocalypse Introduction et documents - séance 1
ANIMATION BIBLIQUE REGIONALE - Année 2008-2009
L’APOCALYPSE – SEANCE 1 : documents divers et introduction générale
SYMBOLES UTILISES
chiffres :
1 et 1er = exclusivité, primauté, excellence (correspond à la lettre grecque alpha, A)
2 = lié à la polarité, au couple
3 = passé, présent, futur, temps limité. Unité complète, totalité (spatiale : les 3 dimensions)
3 1/2 : moitié de 7 = imperfection, temps limité (car moitié du temps complet), période restreinte, temps de
persécution, idem pour 42 mois et 1260 jours (3 ans 1/2).
4 = universalité, cosmos, le monde créé (les 4 points cardinaux)
5 = rien de fort ou d’important
6 = imperfection (7 - 1), fausse grandeur, d’où 666 imperfection totale, le chiffre de la bête.
7 = plénitude, totalité, perfection, chiffre divin.
10 = quantité suffisante
12 = ancien Israël (tribus) et nouveau peuple (12 apôtres) ; même sens pour les multiples de 12 (24, 12 x
12000).
40 = temps d’attente, 1 génération
1000 = grande quantité, multitude. 1000 ans = période étendue, longue.
144 000 = 12 x 12 x 1000 = Israël que multiplie les païens convertis, que multiplie la multitude = la totalité des
croyants de tous les temps et des 2 alliances. ce n’est donc pas un chiffre restrictif.
couleurs :
blanc = pureté, victoire, dignité, monde divin, résurrection
cheveux blancs = éternité (et non vieillesse)
rouge = meurtre, violence, puissance sanguinaire, sang des martyrs
pourpre = débauche
écarlate = débauche, vie relachée, mauvais usage de l’argent
noir = impiété, malheur, détresse
vert, verdatre, blème = mort
personnages, objets... :
anges = caractérisés par leur fonction de messagers
agneau = le christ (en tant que victime de la Pâque)
bêtes = satan, ennemis des chrétiens
dragon, serpent = satan
grande prostituée ou Babylone = Rome
l’épouse ou la femme = l’Eglise
mer = symbolise le mal, abîme de la bête, lieu du chaos originel
corne = puissance et parfois autorité ou dignité royale
coupe = sort bon ou mauvais
longue robe = dignité sacerdotale
ceinture en or, diadème = pouvoir royal
trompette = symbole de guerre, de danger, ou de rassemblement pour le culte
ANIMATION BIBLIQUE REGIONALE - Année 2008-2009
L’APOCALYPSE
PLAN DU LIVRE
I – Ouverture
1,1-3 : titre et apostrophe
1,4-8 : adresse aux Eglises, annonce de la venue
II – Les 7 lettres
e
1,9-20 : 1 vision: Le ressuscité (avec 7 chandeliers et 7 étoiles)
2,1-3,22 : les 7 lettres aux 7 Eglises
e
4,1-11 : 2 vision : Dieu sur son trône, les 24 anciens, les 4 animaux
III – Les 7 sceaux
e
5,1-14 : 3 vision : le livre scellé et l’Agneau
6,1-17 : ouverture de 6 sceaux
er
e
e
e
e
1 sceau : le cheval blanc ; 2 sceau : le cheval rouge ; 3 sceau : le cheval noir ; 4 sceau : le cheval vert ; 5
e
sceau : la prière des martyrs ; 6 sceau : troubles cosmiques
7,1-17 : les anges épargnent les serviteurs de Dieu
7,1-8 : marquage des 144 000 Israélites
7,9-17 : les martyrs issus des nations
e
8, 1 : l’ouverture du 7 sceau … annonce les 7 trompettes
IV – Les 7 trompettes
e
8,2-6 : 4 vision : les 7 anges aux 7 trompettes ; l’ange à l’encensoir
8,7-9,19 : sonnerie de 6 trompettes
e
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e
e
e
8,7-12 : 1 , 2 , 3 , 4 trompettes : 1 phase de destruction
8,13 : annonce de 3 malheurs à venir :
e
e
9,1-19 : 5 trompette : les sauterelles ; 6 trompette : les chevaux
9,20-21 : conclusion : non-repentir des survivants
e
e
10,1-11 : 5 vision : l’ange au petit livre annonce la fin (7 trompette)
11,1-14 : sursis de 3 ans ½ ; les deux témoins dans la ville sainte
e
11,15-13,18 : la 7 trompette inaugure le combat final :
11,15-19 : annonce de la venue du règne de Dieu, théophanie
12,1-18 : la femme, l’enfant et le dragon
13,1-10 : la bête qui monte de la mer
13,11-18 : la bête qui monte de la terre
14,1-10 : 3 visions de victoire :
14,1-5 : l’Agneau et les 144 000 rachetés
14,6-13 : 3 anges annoncent jugement et chute de Babylone
14,14-20 : les anges font la moisson et la vendange
V – Les 7 coupes
e
15,1-16,1 : 6 vision : les 7 anges aux 7 plaies reçoivent 7 coupes
e
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e
e
16,1-16 : 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 6 coupes : 6 plaies frappent les hommes impies
e
16,17-18,24 : la 7 coupe annonce la chute de Babylone :
17,1-7 : vision de la grande prostituée
17,8-18 : clés pour identifier la prostituée
18,1-24 : lamentations sur Babylone
e
19,1-10 : 7 vision en conclusion : louange au ciel et noces de l’Agneau
VI – Les 7 visions
e
19,11-16 : 1 vision : l’homme sur le cheval blanc
e
19,17-18 : 2 vision : l’ange appelle à la curée
e
19,19-21 : 3 vision : la bête et les siens exterminés
e
20,1-3 : 4 vision : le diable lié pour 1000 ans
e
e
20,4-10 : 5 vision : 1 résurrection (des saints) pour 1000 ans ; retour du diable
e
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e
20,11-15 : 6 vision : 2 résurrection (générale) et jugement ; 2 mort.
e
21,1-22,5 : 7 vision : ciel et terre nouveaux
21,1-8 : annonce de la venue de la nouvelle Jérusalem
21,9-27 : description de la nouvelle Jérusalem
22,1-5 : l’arbre de vie et le règne des saints
VII – Finale
22,6-17 : exhortations à Jean et aux Eglises
22,18-19 : imprécations de protection du livre
22,20-21 : interpellation et salutation finale
1) Ouverture du livre (1,1-8) et première vision (1,9-20)
1- Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt, et qu'il a fait
connaître en envoyant son messager à son serviteur Jean. 2- Celui-ci a témoigné de la parole de Dieu et du témoignage de
Jésus-Christ : tout ce qu'il a vu.
3- Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et qui gardent ce qui est écrit en elle ! Car le
moment est proche.
4- Jean aux sept Églises qui sont en Asie : Grâce et paix à vous, de la part de celui qui est1, qui était et qui vient, et de la
part des sept esprits qui (sont) devant son trône, 5- et de la part de Jésus-Christ, le témoin digne de foi, le premier-né
d'entre les morts et le chef des rois de la terre.
A celui qui nous aime, qui nous a déliés de nos péchés par son sang, 6- et qui a fait de nous une royauté, des prêtres pour
Dieu son Père2, à lui la gloire et la force aux siècles des siècles, amen !
7- Voici : il vient avec les nuées3. Tout oeil le verra, même ceux qui le transpercèrent4 ; et toutes les tribus de la terre se
frapperont la poitrine à son sujet. Oui, amen.
8- Moi, je suis l'Alpha et l'Oméga, dit le Seigneur, Dieu, celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant.
9- Moi Jean, qui suis votre frère et qui prends part à l’épreuve, à la royauté et à la persévérance en Jésus, j'étais dans l'île
appelée Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus.
10- Je fus (ravi) en esprit au jour du Seigneur, et j'entendis derrière moi une grande voix, comme une trompette, 11- disant
: Ce que tu vois, écris-le dans un livre, et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à
Sardes, à Philadelphie et à Laodicée.
12- Je me retournai pour voir la voix qui parlait avec moi. Et m’étant retourné, je vis sept chandeliers d'or, 13- et au
milieu des chandeliers, (quelqu'un) semblable à un fils d'homme. Il était vêtu d'une longue robe et portait une ceinture d'or
sur la poitrine5. 14- Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige6. Ses yeux étaient
comme une flamme de feu ; 15- ses pieds étaient semblables à du bronze, comme dans une fournaise en fusion ; et sa voix
était comme le son de grandes eaux7. 16- Il avait dans sa main droite sept étoiles, de sa bouche sortait une épée acérée à
deux tranchants, et son visage était comme le soleil qui brille dans sa force.
17- Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort. Il posa sur moi sa main droite en disant : N’aie pas peur. 18- Moi
je suis le premier et le dernier, le vivant. J'étais mort, et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clés de la
mort et de l’Hadès. 19- Écris donc (les choses) que tu as vues, celles qui sont et celles qui doivent arriver après elles. 20Quant au mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma main droite, et aux sept chandeliers d'or : les sept étoiles sont les
messagers des sept églises, et les sept chandeliers sont les sept églises.
1
Ex 3,14-15
cf. 1 Pi 2,9
3
cf. Dn 7,13-14
4
Za 12,10
5
cf. Dn 10,5
6
cf. Dn 7,9
7
cf. Dn 10,6
2
séance 1 - Introduction au genre littéraire apocalyptique et à l’Apocalypse de Jean
Questions préliminaires aux participants :
que signifie pour vous le mot “apocalypse” ? qu’est-ce qu’une apocalypse en littérature ?
comment la caractériseriez-vous au niveau de la forme (type de figures, personnages, événements, style, etc.) ?
connaissez vous d’autres apocalypses dans l’AT et le NT, ou apocryphes ?
I- Contexte historique d’apparition
En 539, Cyrus II le Perse prend Babylone. C’est pour les Juifs le début d’une ère de tolérance qui va permettre
au judaïsme de se reconstruire. En 333, Alexandre III le grand conquiert la Syrie ; en 331 il a totalement
renversé les Perses. En 323 il meurt et ses généraux se partagent l’empire. La Syrie-Palestine est sous la
domination des Ptolémée d’Egypte, puis à partir de 198, sous celle des Séleucides. Il y a hellénisation de la
région mais sans violence ou contrainte religieuse. L’attitude change avec l’arrivée de Antiochos IV en 175 qui
pratiqua l’hellénisation forcée et pille le Temple, ce qui provoquera la révolte de Matthatias et Judas Maccabée
(-167). Mais avant que la famille parvienne à renverser le pouvoir grec (-164) et à rétablir une certaine
indépendance (qui durera un siècle, jusqu’à la conquête romaine), la Judée connaît une période très difficile,
socialement et religieusement.
C’est dans ce cadre que va naître la littérature apocalyptique, comme littérature clandestine et codée dans son
langage, destinée à la résistance morale du peuple.
Un groupe du nom de Hassidim (les pieux), fidèles à la Loi juive jusqu’à la mort, s’organise, au milieu du IIe s.
Mais le souci spirituel des Hassidim firent qu’ils se dissocièrent des Asmonéens quand ceux-ci parvinrent au
pouvoir. Selon Dn 11,34, les pieux se retirèrent au désert pour attendre l’intervention de Dieu, et leur objectif
était d’instruire (servir de modèles de piété) leurs compatriotes et non de servir le régime asmonéen.
C’est à ce moment que sont écrites les visions de Daniel, qui ajoutées aux traditions sur la vie de ce prophète,
formeront le livre de Daniel. On en date la rédaction finale autour de 164, peu avant la victoire des Maccabée.
Le livre de Daniel va avoir une très forte influence sur la théologie juive ; on en trouve des rémisniscences
importantes dans le NT, et son influence - tant au niveau du style que du contenu - sur l’Ap est indéniable.
La vision des Hassidim est foncièrement pessimiste, les circonstances de l’exil à Babylone se reproduisent, le
Temple est toujours souillé. Mais l’histoire n’est pas égale pour tous, elle a son secret : elle est mort pour les
uns (les héllénisant, les païens persécuteurs), et vie pour les autres (les pieux).
II- Les différentes apocalypses juives et chrétiennes
passages apocalyptiques de l’AT :
Esaïe ch. 24 à 27 (“grande ap d’Es”) et ch. 34-35 (“petite ap d’Es”)
Ezéchiel 38-39 (dont combat contre Gog et Magog, qu’on retrouve dans Ap)
Zacharie ch. 9 à 14 (Ve-IVe s.)
Daniel ch.7 à 12
les apocalypses des évangiles : Marc 13 // Matthieu 24-25, Luc 21
Paul : 1 Th 4,13-5,11 ; 2 Th 2,1-12 ; ép de Jude ; passages de 2 Pierre
les apocalypses apocryphes :
juives : IIe et Ier s. acn : Livre des Jubilés (ou Ap de Moïse ou Ap d’Adam), 1 Hénoch (éthiopien), Psaumes de
Salomon, Testaments des 12 patriarches (Dan, Siméon, Juda, Lévi).
Ier et IIe s. pcn : 4 Esdras, Apocalypse d’Abraham, 2 Baruch (syriaque), 3 Baruch (grecque), Assomption (ou
Testament) de Moïse, Livre des secrets d’Hénoch (2 Hénoch, slave), Oracles sibyllins, Testament d’Abraham,
Vie d’Adam et Eve (ou Ap de Moïse)
Apocalypse d’Elie, Livre des Antiquités bibliques, Testament de Job,
Qumran : Règlement de la guerre, Ecrit de Damas, Hymnes, Commentaire d’Habacuc, Commentaire de
Nahum, Légende hébraïque de Melkisédeq, Règle de la communauté.
chrétiennes : Ascension d’Esaïe, Oracles sibyllins (livres 6, 7, 8), Ap apocryphe de Jean, Questions de
Barthélémy, Pasteur d’Hermas, Ep. des apôtres,
dont nag-hammadi : Ap d’Adam, 2 Ap de Jacques, Ap de Paul, Ap de Pierre.
Au total, la production d’apocalyses va du IIe s. acn à la fin du IIe s. pcn, soit environ 350 ans.
III- Contenu formel
- qu’entend-on par « apocalypse » ? : étymologie : apocryphe (caché) et apocalypse (dévoilé, révélé)
Définition de J.J. Collins, 1986 : “Apocalypse” est un genre de littérature de révélation qui, dans un cadre
narratif, présente une révélation transmise par un être céleste à un destinataire humain et qui dévoile une réalité
transcendante à la fois d’ordre temporel, dans la mesure où elle concerne le salut eschatologique, et d’ordre
spatial, pour autant qu’elle implique un autre monde, le monde surnaturel. [Une telle révélation] a pour but
d’interpréter les circonstances présentes et terrestres à la lumière du monde surnaturel et de l’avenir et
d’influencer à la fois la compréhension et le comportement des destinataires par le moyen de l’autorité divine.
- les caractéristiques de cette littérature :
pseudonymie (donc ignorance de l’auteur réel) : utilisation du nom d’un ancêtre célèbre. Aide à recevoir le texte
(patronage autorisé à une époque où il n’y a plus de prophètes), et brouille les pistes en cas de persécution. Ce
personnage ancien est supposé avoir une révélation, qui est gardée secrète jusqu’à sa réalisation : au temps du
lecteur ;
ésotérisme et langage codé : la révélation est réservée à des initiés qui savent décoder les images, les figures et
les chiffres du texte. Les non-initiés n’y comprennent rien, et notamment les tyrans que le texte dénonce ; mais
aussi caractéristique propre à ce style : un langage pas compréhensible immédiatement pique la curiosité ; les
métaphores et images permettent d’exprimer des réalités surnaturelles difficilement dicibles.
visions et voyages dans le temps et l’espace participent à l’ésotérisme.
le temps : réflexion sur le présent et annonce du futur ; succession d’ères (éons) ; opposition du monde présent
mauvais et du monde de Dieu futur ;
pessimisme sur ce monde et ce temps, livrés au mal et ennemis de Dieu, voués à la destruction ;
déterminisme : tout le déroulement de l’histoire est fixé par Dieu ; il n’y a pas de liberté. A la différence du
prophétisme qui vise à la conversion et à la restauration du dialogue avec Dieu, l’apocalyptique ne fait que
révéler le plan inéluctable de Dieu. Il y a cependant annonce du salut et de la libération des élus de Dieu.
IV- Fin de l’apocalypse
Causes du rejet rabbinique : visions et révélations n’ont aucun rapport avec la Torah et la tradition orale ; la
Torah est destinée à tous tandis que les révélations apocalyptiques sont ésotériques et initiatiques ; le
christianisme a récupéré les prophéties apocalyptiques les disant accomplies. Le rabbinisme a cependant fait
sien des idées d’origine apocalyptique comme la résurrection (qui n’est pas dans la Torah selon les Sadducéens,
mais dans Dn et d’autres).
Le judaïsme du IIe s. se concentre sur l’enseignement de la torah et lit les prophètes, mais rejette les révélations
farfelues dont on ignore la source.
Les apocalypses juives ont été transmises par les chrétiens - tel quel ou glosées (4 Esd, Test. 12 patr.) - et en ont
eux-mêmes produites. Elles servent la christologie chrétienne ; on y retrouve le langage symbolique,
l’imaginaire fantastique, l’angélologie, la résurrection, le jugement, le retour du messie et son royaume, le
monde à venir. Vers 200, la production chrétienne s’arrête. On entre plutôt dans la phase de production
théologique réfléchie, l’imaginaire devenant un trait caractéristique de la gnose. Puis l’Eglise constantinienne
n’a plus besoin de prophéties pour encourager le moral des croyants ; le règne de 1000 ans est commencé !
Ce langage peut il être encore pertinent pour nous pour exprimer la foi ou l’espérance ?
Le livre de l’Apocalypse
I- L’auteur
Le texte désigne l’auteur (ou tout du moins l’inspirateur : cf. 1,1-2 : l’écrivain n’est pas forcément Jean) : un
certain Ioannès, Jean. C’est le seul livre du NT à se dire de Jean (ni l’Ev. ni les Epitres ne sont signées).
Ce sont Justin le martyr (vers 160, Dial Try 81) puis Irénée de Lyon (vers 180) qui ont tout attribué à Jean fils
de Zébédée. C’est la tradition de l’église latine.
Par contre en Orient, Gaïus, Eusèbe de Césarée citant Papias (début IIe s.), évêque d’Hiérapolis (en Phrygie,
proche région des 7 lettres) et Denys évêque d’Alexandrie (+ 264) estiment qu’il s’agit d’un Jean l’ancien, dont
le tombeau est à Ephèse, bien distinct de l’apôtre fils de Zébédée, du disciple bien-aimé de Jn, et aussi de Jean“Marc”. Car le style et la langue sont trop différents (fautes de syntaxe grecque, nombreux sémitismes), et Jean
signe le livre tandis que l’évangéliste non.
Jean est manifestement connu de ses destinataires, mais il n’est mentionné nulle part ailleurs : son autorité ne
dépasse pas le cadre des 7 églises d’Asie. C’est à elles qu’il adresse ce livre qui se présente comme une
circulaire (voir ouverture et finale).
On note cependant une proximité importante de thèmes avec Jn (par ex. le Christ désigné comme Agneau8) qui
a permis de conclure à une école johannique commune.
II- Datation
Irénée (2e moitié IIe s. ; Contre les hérésies V,30) : “il n’y a pas très longtemps que (l’Ap) a été vue, mais cela
s’est passé presque au temps de notre génération, vers la fin du règne de Domitien”.
En raison des martyrs mentionnés en 6,9-11, la rédaction de l’Ap est généralement située sous le règne de
Domitien (81-96) car on pense qu’il y eut aussi des persécutions des chrétiens sous ce tyran. Mais nous ne
disposons d’aucune preuve certaine en faveur de cette hypothèse. Les allusions au culte impérial (13,8.15)
auquel se refusaient les chrétiens conviennent cependant bien au style de pouvoir exercé par Domitien. C’est
probablement à son époque qu’est apparue la légende de Néron ressuscité dont on trouve l’écho en 13,3 ; 17,8.
Il semble que sous Domitien, les chrétiens étaient opprimés dans le cadre d’une persécution autorisée par l’Etat.
Ce n’était sans doute pas des persécutions à mort, mais plutôt des pressions sociales. Les chrétiens se
marginalisaient en ne participant pas aux événements publics qui impliquaient presque toujours un hommage
aux dieux et à l’empereur. De même pour les métiers corporatifs qui avaient leurs divinités protectrices. Ce
refus entraînaient des difficultés économiques pour les chrétiens.
Domitien était célèbre pour avoir encouragé le culte impérial plus que ses prédécesseurs et pour avoir fait
accepter la divinisation de l’empereur de son vivant : entre autres il faisait débuter les lettres circulaires
officielles par la formule “notre seigneur et notre dieu ordonne”. En Asie mineure, son culte prend des
proportions fantastiques. A Ephèse (capitale de la province d’Asie) un temple est dédié à Domitien.
Le culte à l’empereur est une manifestation politique, qui déroge à l’habituelle tolérance romaine pour les cultes
exotiques. Ne pas participer au culte à l’empereur amène à être considéré comme ennemi de l’Etat. Très
certainement les chrétiens qui refusaient d’honorer César comme “seigneur et dieu” étaient dénoncés et allaient
en prison ; dans le pire des cas pouvaient être mis à mort. L’exil était souvent pratiqué et ce qui semble être
arrivé à Jean. C’est à Patmos, petite île au large de la côte turque, qu’il a ses visions et qu’il les couche par écrit.
(notons que 1,9 ne parle pas explicitement d’exil : pourquoi pas une mission, un appel, un travail ?)
III- L’apocalypse de Jean par rapport aux apocalypses juives, notamment Daniel
Face à l’hellénisation du IIe s., le risque était double : 1) la capitulation : cédant aux pressions ou aux
persécutions, les croyants abandonnent leur foi et adoptent la religion des oppresseurs (ou la pratique en même
temps que le christianisme).
2) la fascination : le pouvoir en place triomphant exerce une fascination : attirance pour une culture ou des idées
nouvelles ; mépris pour sa foi d’origine, jugée obsolète par le pouvoir (vivre à la grecque) ; désir de profiter des
avantages sociaux, économiques, politiques, liés à l’adhésion à l’ordre nouveau.
Le risque est le même face à l’idéologie romaine de la fin du Ier s.
1) pour ne pas perdre son travail ou sa place sociale, le chrétien accepte d’adorer les dieux et l’empereur ;
2) en un siècle, Rome a conquis tout le monde civilisé et imposé ses valeurs partout. Aucune organisation
politique ne lui échappe. Grande est la tentation de s’intégrer à ce système, d’aspirer à la citoyenneté romaine, à
la bonne insertion dans l’organisation parfaite de la société, de jouir de tous les avantages de la pax romana sans
se poser de questions.
3) Mais à la différence de l’époque de Dn où le sursaut nationaliste est né de violentes persécutions, la pax
8
Agneau : Jn 1,29.36 ; Ac 8,32 citant Es 53,7 ; 1P 1,19 ; Ap : 27 fois.
romana garantit la tranquilité à tout ceux qui acceptent ses principes.
Ap va plus loin que Dn : là où il n’y a pas de crise, Jean en crée une ; il dénonce cette paix fallacieuse, ce “tout
est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles”, il voit le mal et le pouvoir du diable là où tout est en
paix ; il dynamite la paix romaine de l’intérieur.
IV- Réception de l’Apocalypse
Nous n’avons aucun texte-écho en provenance des 7 églises. Apparemment le livre a circulé dans le monde
chrétien et y a posé problème.
Denys d’Alexandrie (+ 264) : “Certains de nos devanciers ont rejeté et repoussé absolument ce livre ; ils l’ont
critiqué chapitre par chapitre, déclarant qu’il est inintelligible et incohérent, et que son titre est mensonger. Ils
disent qu’il n’est pas de Jean, qu’il n’est pas non plus une révélation, puisqu’elle est complètement voilée sous
le rideau épais de l’erreur. [...] Pour moi je n’oserais pas rejeter ce livre que beaucoup de frères tiennent avec
faveur [...] Si je ne le comprends pas, je soupçonne du moins qu’il y a dans les mots un sens plus profond.”
Eusèbe : “son autorité est encore maintenant objet de débat auprès du plus grand nombre” (HE III,25,2)
A partir du Ve s. les églises décident que le livre est inspiré ; et que l’évangile, les 3 lettres et l’Ap sont du
même Jean : le texte rentre dans le canon ! Les églises d’Orient ne l’ont accepté qu’au VIIe s.
V- Les 3 types de lecture de l’Apocalypse (P. Prigent, Flash sur l’apocalypse, p.9-12)
- l’interprétation spiritualiste : l’Ap n’annonce pas l’avenir ni des événements historiquement datables, mais se
borne à dégager le sens de l’histoire et notamment de l’Eglise chrétienne, le destin des croyants, leurs épreuves
dans le monde, leurs combats contre les forces hostiles. C’est donc valable pour les chrétiens de tous les temps
et tous les lieux ; ils sont destinés à la victoire finale avec le Christ.
- l’interprétation chronologique : l’Ap annonce l’histoire du monde. Le lecteur doit donc trouver les clés pour
reconnaître les personnages et les événements prophétisés. C’est l’interprétation qui a été la plus souvent
utilisée, et qui vient encore à l’esprit. La fin du monde y est toujours très proche.
- l’interprétation historique : se sert des connaissances littéraires, historiques et politiques. Replace le texte
dans son contexte de production : on cherchera ce que l’auteur du Ier s. voulait dire à ses contemporains, et à
quels événements politiques de son temps il faisait allusion.
A partir de là, on pourra déterminer comment ce message nous rejoint et nous déplace dans notre propre vie
sociale et religieuse. On échappe aux projections fantaisistes et on fait du texte un vrai message pour la foi.
séance 1 : Ouverture du livre (1,1-8) et première vision (1,9-20)
qu’apprend-on dans le ch.1 sur les circonstances de la révélation contenue dans le livre de l’Ap : qui la reçoit ? sous
quelle forme ? dans quel but ?
projets du livre : ce qui doit arriver, bientot, à venir. cf. 22,7 : le christ vient. cadre : l’Ap annonce la venue du christ... et
rien d’autre ? c’est une lecture de l’histoire du monde à travers le christ qui vient.
noter la relation entre vision et écriture
comparer le titre du v.1 et la mention du v.3 (prophétie) : quel rapport ?
délimiter les 3 parties du ch. : prologue ou introduction ; adresse à des églises ; une vision
Relever les différents titres donnés à Jésus et à Dieu. titres en commun ?
1er et dernier : cf. Es 44,6 ; 48,12
Relever les éléments symboliques qui apparaissent dans la vision (13-16). chercher les références à l’AT.
qu’est-ce que ce chapitre annonce comme révélation à venir dans la suite du livre ?
noter ce qui est dit des destinataires, quelle est leur place ?

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