La Farce de Maître Pathelin - biblio

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La Farce de Maître Pathelin - biblio
La Farce
de
Maître Pathelin
Livret pédagogique
Établi par Fanny MARIN,
certifiée de Lettres modernes,
professeur en collège
HACHETTE
Éducation
Conception graphique
Couverture et intérieur : Médiamax
Mise en page
Médiamax
Illustration
Harvey Stevenson
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articles 425 et suivants du Code pénal.
© Hachette Livre, 2000.
43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15.
ISBN : 2.01.167958.3
S
O M M A I R E
RÉPONSES
Scène
Scène
Scène
Scène
Scène
Scène
Scène
AU X Q U E S T I O N S
1. .
2. .
3. .
5. .
7. .
8. .
10.
4
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Retour sur l’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
PROPOSITION
E X P L O I TAT I O N
PISTES
DE SÉQUENCE DIDACTIQUE
DU GROUPEMENT DE TEXTES
D E R E C H E R C H E S D O C U M E N TA I R E S
BIBLIOGRAPHIE
C O M P L É M E N TA I R E
3
33
36
39
40
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
Avertissement
Nous ne proposons pas systématiquement de réponses aux questions de la
rubrique « À vos plumes ! ». En effet, nous considérons que cette rubrique,
relevant avant tout d’un travail personnel, ne peut faire l’objet d’une correction type.
Les indications de pages accompagnant les numéros de scène renvoient aux
questionnaires du livre de l’élève.
S C È N E 1 (p. 12)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. Il s’agit d’apprendre à utiliser l’introduction d’un livre et les didascalies
d’un texte de théâtre. L’action se déroule au Moyen Âge, à la fin du XVe siècle,
au logis de Maître Pathelin. On peut ajouter : dans une ville importante
comme Paris ou Rouen, où se tient une foire. C’est précisément au moment
de celle-ci que l’action a lieu.
2. Pathelin ne peut pas exercer son métier d’avocat, car il n’a aucun client.
C’est pour cette raison qu’il est surnommé « l’avocat sans cause ». On peut
formuler l’hypothèse qu’il a mauvaise réputation parce qu’il a trompé trop de
monde (cf. « enjôler », l. 2).
3. C’est Guillemette qui révèle quelle est la situation financière du couple :
« Nous mourons tout simplement de faim. Nos vêtements sont tout râpés, et nous ne
savons pas comment nous procurer du tissu pour en faire d’autres » (l. 24-26).
Le ménage n’a pas l’argent suffisant pour manger à sa faim et s’habiller
correctement.
4. Pathelin est avocat, et c’est ainsi que les membres de cette profession sont
désignés : « maître en l’art de plaider » (l. 36-37) ; « Personne ne se connaît mieux
que moi au métier d’avocat » (l. 42-43).
Mais d’après Guillemette, Pathelin est ignorant, « sans instruction et sans le
moindre bon sens » (l. 39-40), et loin d’être maître avocat, il est « maître en l’art
de tromper » (l. 38). Il est expert « au métier de tromper » (l. 44).
Il faut attirer l’attention sur l’écho au titre que l’on trouve dès cette première
scène.
4
Scène 1
5. Pathelin décide de se rendre à la foire (l. 48-49) pour se procurer du tissu
afin de remplacer ses vêtements et ceux de sa femme (l. 52 à 55).
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE
6. Pathelin dupe les gens, en particulier avec des paroles trompeuses : cf.
« enjôler » (l. 2).
a) « Patelin, -ine » signifie : « qui dissimule ses intentions pour duper les gens ».
Une personne est pateline. On parle aussi de ton et de manières patelines. Les
synonymes sont flatteur, faux, doucereux, hypocrite et mielleux.
b) Homonyme : le substantif masculin « patelin » signifiant en langage familier « village ».
Exemple : « Mes grands-parents vivent dans un patelin perdu de Provence. »
7. L’objectif est d’apprendre des synonymes d’« enjôler ». Il est aussi d’attirer
l’attention sur des sens particuliers d’« attraper », employé plus souvent au sens
propre, et de « séduire », que les élèves connaissent surtout dans la langue
amoureuse.
Réponse : duper, attraper, séduire.
« Flatter » ne convient pas : certes, on emploie de belles paroles pour louer
quelqu’un, mais on ne le trompe pas nécessairement. La flatterie peut être
sincère. « Envoûter » ne convient pas du point de vue sémantique.
8. Le champ lexical est celui du droit. On accepte procès et justice.
On relève : « avocat » (l. 4) ; « tribunal » (l. 14) ; « plaider » (l. 37) ; « maître »
(l. 36).
◆ É TUDIER
LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE
9. Ce qui permet de dire que Pathelin est le personnage principal, c’est tout
d’abord le titre de la pièce. Ensuite, même s’il ne parle pas beaucoup plus que
Guillemette (cf. le volume des répliques respectives, dont on peut déduire une
forme d’égalité au sein du couple), Pathelin apparaît comme celui qui décide.
C’est lui qui enclenche l’action dramatique : il entreprend d’aller à la foire
pour y faire quelque chose de bien précis.
10. Par le passé, Pathelin avait des clients et exerçait effectivement son métier
d’avocat. Certes, c’est Pathelin qui le dit, mais Guillemette le confirme.
On peut préciser qu’il n’a pas fait d’études. Il est « sans instruction » (l. 39).
Voir aussi : « Et même si je n’ai jamais étudié » (l. 19).
5
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
11. Il s’agit de reprendre et synthétiser des éléments dégagés dans les
questions 2 et 3 :
Lignes 9 à 11 : « à présent, en tous lieux, tout le monde vous surnomme “l’avocat
sans cause” ».
Lignes 24 à 26 : « Nous mourons tout simplement de faim. Nos vêtements sont tout
râpés, et nous ne savons pas comment nous procurer du tissu pour nous en faire
d’autres. »
12. Éléments qui laissent deviner la suite de l’histoire :
Ligne 48 : « je veux aller à la foire ».
Ligne 53 : « […] si je marchande du drap […] ».
Lignes 70-71 : « on me les prêtera, à rendre au jour du Jugement dernier, et certainement pas avant ».
Ligne 72 : « Si c’est comme ça, quelqu’un sera dupé. »
Pathelin va se rendre à la foire pour acheter du tissu, mais sans argent. Il
s’apprête à tromper quelqu’un.
13. Les questions 10 à 12 permettent de dégager la fonction de toute scène
d’exposition. Elle informe sur le passé, et donne tous les éléments indispensables à la compréhension de la pièce. Elle expose le problème présent, qui sera
résolu ou non. Enfin, elle fournit des éléments qui laissent présager la suite de
l’action, sans toutefois tout révéler, afin que le suspens demeure. C’est donc
une scène cruciale dans l’économie d’une pièce de théâtre, d’autant qu’à
travers ces éléments sur le passé, le présent et le futur des personnages, ce qui
est en jeu, c’est l’attention des spectateurs. Il faut les intéresser dès le début.
◆ É TUDIER
LE GENRE
14. Les personnages appartiennent à la petite bourgeoisie des villes.
15. Ce sont des phrases exclamatives, que la grammaire classe dans le type
déclaratif. Il y a trois types de phrases : déclaratif, interrogatif, impératif.
Lignes : 1, 6, 24, 26, 28, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 44, 51, 70, 71, 72,
77, 78, 81, 82.
Le ton est enjoué, enlevé. C’est la première scène, et le spectateur se trouve
immédiatement plongé dans une certaine ambiance, précisément celle de la
farce. Le ton augure ici de la suite de la pièce.
16. D’après cette première scène, le sujet de la pièce est la représentation
d’une tromperie. C’est un sujet typiquement farcesque.
6
Scène 2
◆À
VOS PLUMES
!
➧ Objectifs didactiques des exercices 17 et 18
Dans les deux cas, il faut rédiger une description.
Dans l’exercice 17, c’est un portrait, avec pour consigne que le physique et
les vêtements soient en harmonie avec le statut d’avocat et la personnalité de
Pathelin telle qu’elle apparaît dans la première scène : il est malhonnête, mais
n’inspire pas la réprobation, bien au contraire. Il est aussi rusé et fin.
Il faut tenir compte de ce que dit Guillemette de leurs vêtements usés. Il est
utile de suggérer aux élèves de s’inspirer de l’iconographie de leur livre.
Dans l’exercice 18, la description concerne le décor : un intérieur bourgeois,
une seule pièce centrale. La consigne sur les acteurs connus est destinée à faciliter la visualisation des personnages et la représentation possible de la scène. Elle
rend plus aisée l’entrée dans l’exercice auquel elle confère un caractère ludique.
La description permet l’étude des notions de nomination et de qualification,
et des différentes fonctions de l’adjectif qualificatif. On peut privilégier l’emploi d’un procédé de description particulier telle l’énumération. On peut
aussi faire dessiner le décor, et introduire la notion de « quatrième mur ».
Pour les jeux de scène, établir une feuille de mise en scène :
– Sur la moitié gauche de la feuille, recopier le texte en désignant par P et G
les personnages.
– Sur la moitié droite, en face des répliques, écrire les remarques sur le ton,
les gestes et les mimiques des acteurs.
S C È N E 2 (p. 25)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. À la scène 2, Pathelin passe à l’action.Après avoir parlé et exposé ses intentions dans la scène précédente, il agit.
2. Il veut acheter du tissu, mais sans payer.
3. Lignes 117 à 135 : Pathelin et Guillaume marchandent le prix du drap.
4. Pathelin insiste pour porter lui-même le drap, car si le tissu reste entre les
mains du drapier, celui-ci ne voudra le céder qu’après avoir touché son argent
chez Pathelin.
5. À la fin de la scène, Pathelin repart chez lui avec le tissu non payé. Guillaume
doit aller chercher son argent chez l’avocat, qui l’a invité à boire et à manger.
7
RÉPONSES
◆ É TUDIER
AUX
QUESTIONS
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
6. « Drap-ier » ; « drap-erie » ; radical drap et suffixes -ier et -erie.
Le suffixe -ier est un suffixe nominal s’ajoutant à une base nominale. Il
désigne l’agent d’une action. Le suffixe -erie est lui aussi un suffixe nominal.
Ajouté à une base nominale (drap), il désigne le lieu de fabrication ou de
vente. Après une base verbale (drap- de draper), il désigne l’action ou le
résultat de l’action.
« Drapier » désigne la personne qui fabrique et/ou vend du drap. « Draperie »
désigne la fabrication et/ou le commerce de drap.
Autres séries : lait, laitier, laiterie ; fromage, fromag(i)er, fromagerie ; tapis, tapissier,
tapisserie ; cordon (de l’ancien français cordoan, cuir de Cordoue), cordonnier,
cordonnerie (métier ; boutique du cordonnier).
7. « Avisé » qualifie quelqu’un « qui agit intelligemment après avoir mûrement réfléchi ». Les termes à cocher sont réfléchi et prudent. D’autres synonymes seraient averti ou fin.
8. Le mode du verbe est l’impératif. Il exprime l’ordre mais aussi la défense, avec
l’impératif négatif. Les autres verbes à l’impératif sont : « ne discutons plus » ;
« allons » ; « mesurez » ; « tenez ».
À l’exception de « tenez », l’emploi répété de l’impératif traduit la tension
entre les deux personnages : ils sont en train de marchander.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
9. Pour ne pas faire crédit à Pathelin, Guillaume prétexte qu’aller chercher
l’argent chez l’avocat l’oblige à un long détour (l. 162-163). Il allègue
ensuite qu’il est déconseillé de faire crédit à la première vente de la journée
(l. 170-171).
10. Pour convaincre le drapier de lui faire crédit, Pathelin lui promet de le
payer en écus d’or, et non en menue monnaie (l. 173-174).
Il l’invite aussi à boire et à manger de l’oie chez lui, le prenant ainsi par son
faible (l. 166 à 168 et 174-175).
11. Le drapier avance qu’il est plus convenable que ce soit lui qui porte le
drap (l. 182).
C’est évidemment un faux argument, un prétexte manifeste, qui cache la
véritable raison, la peur de ne pas être payé.
8
Scène 2
12. La raison opposée par Pathelin n’est pas formulée explicitement. Elle est
néanmoins très claire (l. 184-185) : le drap est lourd, et le drapier risque de
se fatiguer. Les élèves doivent formuler l’argument (le poids du drap) et ne
pas se contenter de reprendre les lignes.
◆ É TUDIER
UN THÈME
: LA
PAROLE TROMPEUSE
13. L’aspect du texte révèle la nette supériorité de Pathelin sur Guillaume.
Pathelin noie ce dernier sous un flot de paroles.
14. Pour gagner la confiance du drapier, Pathelin lui demande des nouvelles
de sa santé (l. 6-7 et 10) et de ses affaires (l. 16-17). Il se présente comme un
ami proche de son père. Il loue ce dernier de façon exagérée, et lui compare
Guillaume, ce qui est une manière indirecte de le louer (l. 20 à 26, 31,
39 à 67). Surtout, Pathelin signale qu’il a de l’argent (l. 84 à 86). Enfin, il parle
en « honnête homme » en payant le denier à Dieu (l. 114-115).
15. En laissant au drapier le dernier mot, Pathelin passe pour un sot, peu
habile en affaires. Ainsi, le drapier se méfiera moins lorsque Pathelin lui
demandera de lui céder le drap à crédit.
16. S’il avait de quoi payer tout de suite, Pathelin n’aurait pas de bonne raison d’inviter le drapier à venir boire un verre. Il serait fâché contre lui-même,
car ne pouvant obliger le drapier à venir, celui-ci ne se rendrait pas chez lui.
Guillaume voit là une flatterie de plus et un signe d’amitié. La phrase a une
autre résonance pour le spectateur, qui sait que Pathelin n’a pas de quoi payer
et qu’il ment. Le comique naît du décalage entre ce que savent Guillaume et
le spectateur, lequel est complice de Pathelin.
◆ É TUDIER LE GENRE : UN PERSONNAGE T YPIQUE
DE LA FARCE , LE MARCHAND
17. Chaque fois le drapier se plaint de sa situation, ainsi aux lignes 14-15
et 18-19. Lignes 125 à 127 et 131 à 133 : il se plaint de l’augmentation du
prix de la laine, conséquence du grand froid qui a décimé le bétail. Enfin, il
n’hésite pas à affirmer que les marchands sont pauvres (l. 198-199).
Ainsi, les marchands sont dissimulateurs. Ils ne révèlent pas l’état réel de leurs
affaires et s’en plaignent malgré leur prospérité.
18. Guillaume se plaint et fait preuve d’une grande hypocrisie. Il faut
relever la réaction de Pathelin et son « ouais » fort dubitatif.
9
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
19. Guillaume ne sortira ses écus ni le jour, ni la nuit. Ils resteront cachés.
Ce riche marchand dissimule son argent et ne le dépense pas. C’est un avare.
On peut rappeler la fameuse cassette de L’Avare de Molière.
20. À la fin de la scène, on apprend que le drapier a trompé Pathelin sur le
prix du tissu. Le spectateur, qui aurait pu éprouver de la compassion pour
Guillaume, dupé par Pathelin, n’a plus aucune réticence face à l’escroquerie
de l’avocat. Il ne ressent plus aucune pitié pour le marchand. La tromperie
devient légitime parce que le trompé est lui-même un trompeur malhonnête.
En outre, les traits de caractère soulignés dans les questions précédentes
(dissimulation, hypocrisie et avarice) lui ôtent toute sympathie.
◆À
VOS PLUMES
!
21. Les traits de caractère dégagés dans les questions de la rubrique « Un personnage typique de la farce : le marchand » facilitent l’élaboration du portrait.
On peut ajouter le goût de Guillaume pour le vin – il signale qu’il ne « fait
guère autre chose que boire » – et la bonne chère – il est séduit par l’idée d’aller
manger de l’oie chez Pathelin (cf. « Cet homme me rend fou »).
◆ L IRE L’ IMAGE
23. Rapprochements entre la gravure et la photographie des pages 19 et
28 : la disposition du décor est semblable. Dans les deux cas, les personnages
se font face, mais dans un face-à-face qui tient compte du regard d’un tiers,
lecteur ou spectateur. Les décors sont dénudés, réduits au nécessaire.
Différences : l’expression des visages est très différente d’un document à
l’autre. Sur la gravure, corps et visages sont figés, tandis que sur la photographie les expressions sont outrées. Les costumes des acteurs sont aussi
différents. Ils ne portent pas de robes ni de chaperons en 1977. Aucun signe
vestimentaire et aucun accessoire ne révèlent la profession de Pathelin. Quant
à Guillaume, il est vêtu d’une sorte de robe ou de blouse de travail.
S C È N E 3 (p. 34)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU
?
1. Pathelin informe Guillemette qu’il a réussi à se procurer du tissu pour un
seul denier.
10
Scène 3
2. Lignes 45 à 82 : Pathelin raconte à Guillemette ce qui s’est passé entre lui
et le drapier.
3. Réponse b).
4. C’est un rapport de similitude. Guillemette se livre à une comparaison.
Elle pose une identité entre Pathelin et Renard, le drapier et le corbeau, le
drap et le fromage. Le moyen employé pour tromper est identique : ce sont
des paroles flatteuses.
La Fontaine formule ainsi la moralité de la fable : « Tout flatteur vit aux dépens
de celui qui l’écoute. »
5. Pour ne pas payer le drapier, Pathelin fera semblant d’être gravement
malade depuis longtemps.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
6. Synonymes possibles : ruse, subterfuge, astuce, artifice, feinte.
7. Il fallait cocher : ■
✗ chance.
Une « aubaine » est un « profit inattendu, inespéré ». Il y a deux éléments à
retenir : l’idée de gain et l’idée de hasard.
En raison du contexte, les élèves peuvent choisir malheur, ou même étoffe.
8. Lignes 70 à 78, les temps employés sont :
– le passé composé (« avez rappelé ») : il établit le lien entre le passé (le
souvenir) et le présent, le moment où le souvenir est raconté ;
– l’imparfait (« était, tenait ») : c’est un imparfait descriptif, de durée, qui met
en place l’arrière-plan sur lequel va venir s’inscrire l’action ;
– le passé simple (« survint, se demanda, plaça, dit, ouvrit ») : le premier marque
une rupture, les suivants des actions brèves qui se succèdent ;
– le présent (« as, est, tombe, saisit, emporte ») : as et est sont des présents du
discours direct. Les trois autres présents sont des présents de narration. Ils
décrivent une action passée. Par rapport au passé simple, ils confèrent une
plus grande vivacité au récit et traduisent la rapidité des actions du renard.
Les temps du récit employés ici sont l’imparfait, le passé simple et le présent
de narration.
9. Le drapier est « saigné à blanc », c’est-à-dire très affaibli, comme après une
saignée, parce que Pathelin l’a volé. Il l’a privé de son drap et de son argent,
ses ressources vitales.
11
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
« Comme un sac de plâtre » est complément circonstanciel de comparaison de
« blanc ». Exactement il s’agit d’une subordonnée circonstancielle de comparaison avec ellipse du verbe, sans oublier que l’appellation circonstancielle est
problématique pour ces subordonnées.
Pathelin ajoute cette précision imagée pour montrer à quel point le drapier
est blanc, et donc volé. C’est une hyperbole, ou exagération.
Signalons aussi que le jeu de mots remotive l’expression. Celle-ci est
employée au sens propre de manière sous-entendue dans la comparaison, ce
qui lui redonne son pouvoir évocateur.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
10. La narration de l’entrevue n’est pas nécessaire à l’action. Elle est redondante pour le spectateur, et si elle informe Guillemette, elle aurait pu être plus
rapide.
11. Ces phrases se différencient par l’emploi des guillemets et par les verbes
introducteurs en incise, « m’écriai-je » et « ajoutai-je ». Il faut relever l’inversion des sujets.
Pathelin répète à Guillemette ce qu’il a dit au drapier. Il lui rapporte directement les propos qu’il a tenus.
Il s’adresse à Guillemette dans le présent, et au drapier dans le passé.
12. Autres passages au discours direct : l. 54 à 56, 58 à 61, 73, 74-75, 87 à 92.
13. Transformées au discours indirect, les phrases deviennent : Je m’écriai que
ses parents étaient très bons, et ajoutai qu’il appartenait à la famille la plus estimable
des environs.
Il faut faire remarquer la perte qu’implique le passage du discours direct au
discours indirect du point de vue de l’expressivité : interjection, appellation
affectueuse et exclamation disparaissent.
◆ É TUDIER
LE GENRE : LES CARACTÈRES
14. Les passages où Guillemette critique Pathelin sont : lignes 23 à 27, 95
à 97, 100 à 102.
Les passages où Guillemette est d’accord avec Pathelin sont : lignes 70 à 82,
94-95, 108-109.
15. La Mère Ubu critique le Père Ubu, mais elle est de tout cœur avec lui.
Elle l’approuve. Pathelin et Guillemette, tout comme le Père et la Mère Ubu,
12
Scène 5
forment un couple bien assorti. Dans la grande scène de décervelage (III, 2),
face à l’extermination à laquelle se livre Ubu, les interventions de la Mère
Ubu se bornent à quelques exclamations : « De grâce, modère-toi, Père Ubu »,
« Quelle basse férocité ! », « Tu es trop féroce, Père Ubu ». C’est là une critique
hypocrite et purement formelle.
◆ É TUDIER
UN PROCÉDÉ : LE THÉÂTRE DANS LE THÉÂTRE
16. Termes et expressions appartenant au champ lexical du théâtre : « Lui
jouer un air de ma façon » (l. 92) ; « je jouerai très bien mon rôle » (l. 94-95) ;
« tenir notre rôle » (l. 110).
17. Lignes 86 à 93, Pathelin devient metteur en scène. Il organise le dialogue
entre les différents acteurs, et prévoit même les répliques du drapier. Il donne
aussi des consignes sur la gestuelle.
18. Pathelin est acteur par rapport aux spectateurs et metteur en scène par
rapport à Guillemette.
◆À
VOS PLUMES
!
Les deux exercices d’écriture exigent de changer de point de vue, tout en
respectant la cohérence avec le texte étudié.
Le premier exercice vise au réinvestissement des acquis sur les discours direct
et indirect. On peut s’intéresser plus précisément au moment du marchandage du prix du drap. L’intitulé de la question le suggère afin d’éviter
l’impression de débordement liée à la longueur de la scène.
S C È N E 5 (p. 57)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
1. La scène se déroule dans la rue, lorsque le drapier est seul ; devant chez
Pathelin ; et à l’intérieur de la maison de l’avocat, dans la chambre, ou pièce
commune.
2. On peut décomposer la scène de manière simple, et faire apparaître un
premier moment des lignes 1 à 100, lorsque Guillemette et le drapier discutent seuls. Un titre possible : « Guillemette seule affrontant le drapier/face au
drapier ». À partir de la ligne 101, s’amorce un second temps dans le déroulement de la scène avec l’intervention de Pathelin. Ce second moment inclut
13
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
un bref intermède marqué par le départ puis le retour du drapier.Titres possibles : « Pathelin en scène » ou « La mystification du drapier par Pathelin ».
3. Devant l’état de Pathelin, Guillaume est pris de doute et va vérifier chez
lui si les six aunes de drap n’y sont pas (l. 188).
4. Guillaume a constaté que les six aunes de drap n’étaient pas dans sa boutique : elles sont donc nécessairement chez Pathelin.
5. D’abord, Pathelin fait semblant de prendre Guillaume pour un médecin.
Ensuite, il feint de délirer.
6. Pour Guillaume, c’est une histoire incompréhensible. Il en conclut que
c’est le diable qui, sous l’apparence de Pathelin, lui a pris son drap. Il abandonne l’idée de récupérer son tissu comme son argent.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
7. Termes appartenant au champ lexical de l’amusement : « plaisanteries »
(l. 29), « s’amuser » (l. 30), « balivernes, âneries » (l. 34), « sornettes, amuser »
(l. 35), « rire, sottises » (l. 39), « balivernes » (l. 40).
À l’exception de la dernière occurrence de « balivernes », tous les termes
appartenant au champ lexical de l’amusement sont employés par Guillemette
pour désigner les demandes réitérées du drapier de se faire payer. Elle feint
de croire que Guillaume s’amuse et que, loin d’émettre une demande
sérieuse, il plaisante. Elle refuse de prendre en considération ses revendications et veut leur donner le statut insignifiant d’enfantillages.
8. Ce qui rapproche les vessies des lanternes est leur forme. Les vessies ont
une forme de réservoir, notamment la vessie desséchée d’un animal peut être
utilisée comme sac. On parle aussi de la vessie d’un ballon.
L’expression « prendre des vessies pour des lanternes » signifie « croire des choses
absurdes ». « Prendre pour » a le sens de « confondre ».
9. Dans le monologue de Guillaume, on remarque l’abondance des points
d’exclamation, d’interrogation et de suspension. Ils traduisent les doutes
extrêmes de Guillaume. Ses incertitudes sont telles que son discours est
proche de celui d’un fou.
Phrases non verbales : « Par le saint sacrement, adieu ! […] Non ! […] Et pourtant si ! […] Sainte Vierge Marie !… […] Morbleu, non ! […] Mais non ! »
Leur grand nombre témoigne d’un discours non construit, s’expliquant par
l’incertitude de Guillaume.
14
Scène 5
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
10. Guillemette voussoie Pathelin sans exception, même quand elle lui fait
des reproches, comme dans la scène 1 par exemple. C’est une marque de
déférence de la femme par rapport au mari. C’est aussi le signe de l’appartenance à un certain milieu social, ici la petite bourgeoisie de robe.
Lorsque Guillemette s’adresse au drapier, elle le voussoie systématiquement.
C’est aussi une marque de déférence. De plus, Guillaume, à la différence de
Pathelin, est un étranger pour Guillemette.
11. Le plus souvent Pathelin voussoie Guillemette. C’est en quelque sorte
l’usage normal entre les deux époux, et ce sont les emplois de tu qu’il
faut interroger. Même si l’interprétation des variations n’est pas aussi fiable
pour un texte du Moyen Âge que pour un texte ultérieur, on peut
néanmoins dégager une logique dans l’emploi de tu et de vous par Pathelin,
logique qui rejoint les valeurs que l’on accorde aujourd’hui à ces pronoms,
et auxquelles il faut sensibiliser les élèves. Le voussoiement place Guillemette
sur un plan d’égalité, tandis que le tutoiement la désigne comme inférieure
à son mari.
Ligne 102 : Pathelin voussoie Guillemette. Il lui donne des ordres, et son ton
est autoritaire.
Lignes 107 à 109 : Pathelin donne à nouveau des ordres de manière très autoritaire, mais Guillemette est en plus désignée comme une « maudite femme ».
Ce dénigrement explique le passage du vous au tu. Le tutoiement traduit
la colère du mari devant la négligence de sa femme, laquelle n’est plus digne
de lui.
Ligne 110 : « emmenez-les » ne s’adresse pas à Guillemette seule ; il faut être
plusieurs pour emmener des « gens tout noirs ».
Lignes 113-114 : le tutoiement de dénigrement se poursuit.
Ligne 220 : il s’agit d’un ordre donné dans l’urgence à Guillemette, qui
commet la faute de rire et met ainsi en péril le succès de la ruse. Cela explique
le tutoiement.
Lorsque Pathelin explicite son ordre (l. 235), plus calme, il revient au
voussoiement.
Ligne 246 : voussoiement.
Ligne 305 : Pathelin délire. Il ne faut donc pas attribuer de valeur particulière
au voussoiement, mais dans cette occurrence il est directement lié à la
désignation de Guillemette par le syntagme « belle demoiselle ».
15
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
Lignes 442 et 449 : Guillemette a bien interprété son rôle. Elle est sur un plan
d’égalité avec Pathelin.
◆ É TUDIER
LE GENRE
: LE
COMIQUE DE LA FARCE
12. Le spectateur rit de la contradiction entre les demandes répétées de
Guillemette de parler à voix basse et ses propres cris. C’est un comique de
situation. On peut aiguiller les élèves en attirant leur attention sur les
didascalies.
13. Ligne 138 : « rendre » signifie « vomir » ; ligne 141 : « restituer ».
La répétition consiste ici dans la reprise du mot dans un autre sens que celui
qui lui a été donné. C’est un jeu de mots qui a un effet comique. On est dans
le comique verbal.
14. Nombre de termes employés par Pathelin pour parler de sa santé sont
d’un registre de langue familier, même s’il emploie « anus » et « urine ». C’est
une autre forme de comique verbal.
15. Face à Pathelin qui se meurt, et le prend pour son médecin, le drapier a
une expression ahurie, médusée. Elle provoque le rire. Il s’agit de comique
gestuel, avec les mimiques et autres grimaces qui seront reprises par Molière.
16. Pour provoquer le rire, la farce recourt au comique de situation, au
comique verbal avec les jeux de mots et le langage familier, voire vulgaire,
enfin au comique de geste.
◆ É TUDIER
LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE
17. La scène 5 est de loin la plus longue de la pièce. Cela s’explique notamment par la place qu’y tiennent les délires en patois de Pathelin.
18. La scène 5 se situe exactement au milieu de la pièce.
19. La scène 5 est l’une des plus importantes par sa longueur et sa place centrale dans la structure de la farce. Elle donne à voir la réalisation du stratagème
imaginé par Pathelin à la scène précédente. Toutes les formes du comique y
sont représentées (cf. rubrique « Étudier le genre : le comique de la farce »). Le
jeu des acteurs s’y déploie de la manière la plus manifeste. C’est la scène attendue des spectateurs, notamment pour les prouesses des acteurs, sachant que la
farce est essentiellement un théâtre d’acteurs. En outre, cette scène pourrait
être la dernière de la pièce, si l’action n’était pas relancée avec l’affaire des
brebis qui, avant de s’imbriquer avec celle du drap, fait figure d’ajout.
16
Scène 5
◆À
VOS PLUMES
!
21. L’exercice suppose l’écriture d’un récit fait du point de vue de Guillaume
stupéfait, et son insertion dans un dialogue alimenté par les réactions, les
questions et les réponses de l’ami du drapier.
Rappel des étapes de la scène : arrivée au logis de Pathelin et discussion avec
Guillemette ; réveil de Pathelin qui le prend pour son médecin ; retour de
Guillaume chez lui et constat de l’absence des six aunes de drap ; deuxième
visite chez Pathelin, avec le délire en plusieurs langages incompréhensibles de
celui-ci.
◆ M ISE
EN SCÈNE
22. Cet exercice demande de savoir distinguer l’essentiel de l’accessoire, du
point de vue de la construction du sens, mais aussi des procédés formels.
Certains peuvent paraître inutiles, mais ils contribuent à l’effet comique
recherché et à la réussite de la scène.
On peut alléger la discussion du début entre Guillemette et le drapier, en gardant bien entendu les demandes de silence de Guillemette qui contrastent de
manière comique avec ses cris. Il est souhaitable de supprimer certains passages en patois. Les réactions ahuries du drapier doivent être conservées.
Enfin, on peut supprimer l’intermède du départ et du retour du drapier.
23. Le genre de la farce suppose un décor des plus élémentaires. Au Moyen
Âge, la pièce était jouée sur le parvis d’une église, sur de simples tréteaux, et
l’on faisait appel à l’imagination des spectateurs.
Pour cette scène, le décor doit montrer la maison de Pathelin. Les acteurs
jouent devant, mais l’intérieur doit être visible, avec le lit de Pathelin. Celuici est couché, en robe de chambre, avec éventuellement des coussins dans le
dos. Le texte mentionne aussi une carafe. On peut imaginer que le décor
consiste en une rue. Le logis de Pathelin est symbolisé par un paravent. Les
acteurs écartent celui-ci quand le lieu de l’action change et qu’ils sont censés
être à l’intérieur de la maison. Il est également nécessaire d’apercevoir la
boutique du drapier, que peut représenter un étalage, ou une pile de tissu. La
distance entre la demeure de l’avocat et la boutique de Guillaume se trouve
nécessairement réduite pour entrer dans le champ de vision des spectateurs.
25. Substituer le jargon des élèves à celui de Pathelin, outre le caractère
ludique de l’exercice, évite le problème de la mémorisation du texte. Seules
sont à retenir les brèves répliques du drapier et de Guillemette.
17
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
Il est souhaitable de travailler à partir de la réduction de cette partie opérée
dans la question 22.
Remarque : pour tous les exercices de mise en scène, il est bon que dans
chaque groupe un metteur en scène soit nommé, et que les élèves spectateurs
émettent des jugements argumentés sur les représentations auxquelles ils
assistent.
◆ L IRE L’ IMAGE
26. Les éléments permettant de situer la photographie de la page 43 à la
scène 5 sont la présence du lit, l’accoutrement de Pathelin, en robe de
chambre, bonnet de nuit et pieds nus, et sa position. Son attitude exprime la
souffrance, il feint d’être malade ou en proie au délire.
27. Pathelin a le visage crispé, il serre les poings, et est assis à côté de son lit
comme si la douleur l’en avait sorti.
28. La mise en scène accorde toute sa place au jeu des acteurs et à l’expressivité corporelle. Ici, mais aussi dans les photographies de la même représentation, les mimiques sont outrées. Une attention particulière est portée à la
gestuelle. Pathelin est dressé sur son lit, alors que sur l’autre photographie il
était assis à côté. Les deux autres personnages apparaissent en contrebas, et
Guillaume est en flexion sous Pathelin. On remarque également la diagonale
tracée par les bras des comédiens. Il est intéressant de relever que les chaussures et les vêtements choisis laissent aux acteurs une entière liberté de mouvement. L’ensemble suggère un rythme alerte, vif, en accord avec le texte et
l’esprit de la farce.
S C È N E 7 (p. 70)
◆ Q UE S ’ EST - IL
PASSÉ ENTRE - TEMPS ?
1. Le nouveau personnage apparu à la scène 6 est Thibaud l’Agnelet, le
berger du drapier Guillaume.
2. À la fin de la scène 6, le délit du berger demeure assez imprécis, mais le
spectateur devine aisément qu’il s’agit de brebis volées. Il est question de vol
(l. 4), puis de bêtes assommées (l. 23) ou volées (l. 32).
3. Le berger est assigné à comparaître devant le juge (l. 17) l’après-midi
même (l. 19). On peut ajouter que le drapier risque de se montrer intraitable
18
Scène 7
(l. 41-42), mais aussi de confondre les deux histoires, comme il commence
déjà à le faire (l. 25, 31). C’est une scène de procès qui s’annonce.
4. L’entrée en scène de Thibaud relance l’action, car à la fin de la scène 5
l’affaire du drap pouvait être considérée comme classée. Elle va être reprise
avec la confrontation de Pathelin et du drapier face au juge. En outre, une
seconde intrigue s’est nouée, et devra être résolue. Si elle apparaît au départ
détachée et sans rapport avec la première intrigue, puisque aucun indice ne
l’a annoncée, elle se lie à l’affaire du drap à la scène 7. L’unité de la pièce est
ainsi préservée. Par ailleurs, ce n’est plus seulement le niais et malhonnête
Guillaume qui est trompé, ce qui n’est pas une réelle surprise, mais le grand
trompeur, le rusé Pathelin. Il va être pris à son propre piège, et le spectateur
s’y attendait beaucoup moins.
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU ?
5. Thibaud se rend chez Pathelin car il a besoin d’un avocat pour le défendre
à son procès. Il est en effet coupable, et de plus n’y connaît rien en matière
de droit (l. 15). Mais, sans doute, être innocent et s’y connaître en droit
n’aurait rien arrangé à la situation de Thibaud. Le milieu juridique est si
corrompu qu’il faut être avocat, et donc rusé et pervers, pour s’en sortir.
6. Thibaud ne peut absolument rien nier. Il a été pris sur le fait, et nombre
de personnes peuvent témoigner contre lui.
7. Thibaud se fera passer pour idiot en ne répondant que par « Bée » aux
questions qui lui seront posées.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
8. Comme le montre ce qui précède et suit immédiatement cette phrase,
Pathelin se réfère à son paiement. Même s’il ne gagne que peu d’argent en
défendant le berger, il en tirera au moins quelque profit. Pathelin recourt à
une expression imagée.
9. Les verbes à l’imparfait de l’indicatif sont : « faisais » (l. 28), « mouraient »
(l. 29), « disait-il » (l. 30), « répondais-je » (l. 31), « c’était » (l. 32), « connaissais,
mangeais » (l. 33). « Prenions » (l. 41) est un subjonctif présent.
Il s’agit d’événements qui se répètent dans le passé. C’est un imparfait de
répétition, ou itératif.
19
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
10. « tes torts fussent-ils deux fois plus grands » → même si tes torts étaient deux
fois plus grands.
Dans les deux cas, ce sont des subordonnées circonstancielles de concession.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
11. Lignes 19 à 39 :Thibaud raconte des événements passés. Il emploie des
temps du passé : l’imparfait à valeur itérative, et le passé composé qui
établit le lien entre les événements passés et leur conséquence présente.
Narrateur et personnage de son histoire, Thibaud emploie la première personne. L’emploi du présent de l’indicatif s’explique par l’insertion de la narration dans un dialogue. Lignes 37-38 : c’est un présent de vérité générale.
12. Lignes 28-29 : Thibaud donne uniquement la substance de ses propos
passés. C’est du discours narrativisé. Cette notion est difficile à faire entendre
aux élèves. Ici, il suffit qu’ils relèvent le choix qu’a fait Thibaud du discours
direct sur le discours indirect. Ce choix peut s’interpréter comme le signe
d’une maîtrise moins grande de la langue par le berger, mais il faut surtout
être sensible à l’effet produit : la narration est plus vivante (l. 30-31).
13. Il faut faire remarquer que les deux personnages ne se connaissent pas.
On attendrait donc un voussoiement réciproque. Or, si Thibaud recourt au
vous de politesse pour s’adresser à l’avocat, ce dernier tutoie le berger, parce
que celui-ci lui est socialement inférieur.
◆ É TUDIER
UN THÈME : LA SATIRE DE LA JUSTICE
14. Thibaud promet de payer généreusement Pathelin s’il le défend.
15. Thibaud réitère sa promesse quatre fois : lignes 40, 47-48, 99-100,
110-111. Il y a une forte insistance sur la question du paiement des honoraires
de l’avocat.
16. Il est question de son paiement, et exclusivement.
17. Même si la cause d’une personne est juste, cette dernière n’est pas assurée de gagner son procès car l’avocat de la partie adverse peut montrer que
la cause n’est pas défendable. Thibaud donne cet élément comme certain, il
n’en doute pas. C’est une assertion au futur de l’indicatif. La seule condition
est que Pathelin le veuille bien.
Or, pour que Pathelin le veuille, c’est uniquement une question d’argent,
comme le révèle l’insistance du berger sur sa capacité à payer généreusement
20
Scène 7
l’avocat. D’ailleurs, Thibaud le répète dans la phrase qui précède immédiatement celle-ci.
On fait donc ce que l’on veut de la loi, à condition de pouvoir payer. La
justesse des causes est relative aux capacités financières des plaignants.
18. Il faut reprendre et synthétiser les éléments dégagés dans les questions
précédentes. Les avocats sont intéressés, et uniquement motivés par l’argent.
La justice est corrompue : a raison qui peut payer. Les petites gens, et les
bergers, entre autres, sont donc défavorisés face aux riches.
◆ É TUDIER
LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE
19. Les deux affaires sont liées par le recours de Thibaud à l’avocat Pathelin
pour défendre sa cause face au drapier. Les deux adversaires dans l’affaire du
drap vont ainsi se retrouver pour un second face-à-face.
La deuxième affaire relève directement du genre de la farce. Celle-ci affectionne particulièrement le procédé du redoublement, source de comique.
C’est une deuxième ruse qui est mise en spectacle, et une seconde mystification du drapier. S’ajoute celle, moins attendue, de Pathelin. Mais la réussite de
La Farce de Maître Pathelin tient essentiellement au lien tissé entre les deux
intrigues, là où les autres farces se contentent souvent d’une simple répétition.
20. Aux lignes 74 à 86, Pathelin élabore un nouveau stratagème.
21. Ce passage est à rapprocher des lignes 85 à 93 de la scène 3, lorsque
Pathelin donne des directives à Guillemette sur l’attitude à tenir pendant la
visite du drapier.
22. L’information essentielle ignorée de Pathelin est l’identité du maître de
Thibaud, qui n’est autre que le drapier Guillaume.
23. L’effet produit par le décalage entre les informations détenues par les uns
et les autres est un effet de suspens et d’attente inquiète de la part du spectateur, d’autant que Pathelin et le drapier vont se retrouver face à un juge. Il
y a un risque certain pour Pathelin. Mais le spectateur n’éprouve pas de réelle
crainte pour lui. Il a confiance en sa ruse pour se sortir des mauvais pas.
24. Les deux éléments qui aiguisent l’intérêt sont le face-à-face entre le drapier et Pathelin au tribunal, et la scène comique avec les « bée » de Thibaud.
25. Pour persuader Pathelin de le défendre, Thibaud lui promet de le payer
en écus, et non en monnaie (l. 47-48).
21
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
C’est avec cet argument que Pathelin a convaincu le drapier de lui céder le
tissu à crédit. Le réemploi du même argument laisse présager que Pathelin
sera lui aussi trompé, comme Guillaume l’a été.
26. Pathelin ne paie jamais lorsqu’il doit de l’argent, ou, comme avec le drapier, il donne le denier à Dieu. Son prix est donc nul.
L’insistance sur le fait que Thibaud paiera Pathelin à son prix laisse deviner
qu’il ne le paiera pas. Pathelin sera pris à son propre piège !
◆À
VOS PLUMES
!
27. Lignes 78 à 86 : Aussi, voici ce que tu devras faire : dès qu’on t’appellera pour
comparaître devant le juge, tu ne répondras rien d’autre que « bée », quoi que l’on te
dise. Et même si par hasard on t’injurie en disant que tu es une espèce d’ordure, que
l’on te maudit, que l’on te traite de canaille, et que l’on te demande si tu te moques
de la Justice, réponds par « Bée ». Je dirai/m’exclamerai que tu es un simple d’esprit
qui croit parler à ses bêtes. Mais même s’ils devaient exploser […].
28. ➧ Objectifs de l’exercice
Construire un argumentaire pour la défense de l’une et l’autre parties, et écrire une
scène de théâtre en respectant les codes imposés par le genre.
Choisir un autre avocat que Pathelin pour défendre Thibaud permet d’éviter
le problème de la reconnaissance entre Pathelin et le drapier. En effet, celleci superpose à l’affaire des brebis celle du drap, et complique trop l’exercice.
Précision sur les interventions du juge : il organisera la séance en déterminant les tours de parole, s’il le faut il rappellera à l’ordre les adversaires, et
rendra le verdict final.
◆ L IRE L ‘ IMAGE
29. Les personnages portent des habits du Moyen Âge et, à l’arrière-plan,
apparaissent une fenêtre et des arcades typiques de l’architecture médiévale.
La représentation du plafond révèle que l’action se déroule dans un intérieur
de maison, sans doute celle de Pathelin.
L’avocat Pathelin porte une robe et un chaperon, comme l’exige sa condition. Il tient à la main un papier, la profession d’avocat étant liée à l’écrit.
Le berger n’a pas de chaperon.Vêtu d’un vêtement de travail qui vient recouvrir un pantalon, il est muni d’un bâton.
22
Scène 8
S C È N E 8 (p. 87)
◆ AVEZ - VOUS
BIEN LU
?
1. Ce n’est qu’à partir de la ligne 125, exactement à la moitié de la
scène, que Pathelin propose au juge de défendre Thibaud, puis le défend
officiellement.
2. Pathelin accuse à trois reprises le drapier de ne pas payer Thibaud pour la
garde de ses moutons : lignes 29-30, 113-114, 201-202.
3. Le texte souligné se rapporte à l’affaire des moutons, le texte ombré à celle
du drap.
LE DRAPIER – Certes, monsieur, mais l’affaire me concerne. Toutefois, j’en
donne ma parole, je n’en soufflerai plus un mot aujourd’hui. Une autre fois,
il en ira différemment. Il me faut avaler la pilule sans sourciller… J’expliquais
donc, dans ma requête, comment j’avais vendu six aunes… je veux dire, mes
brebis… Je vous en prie, monsieur, veuillez me pardonner. Cet illustre
avocat… Mon berger, quand son travail le retenait aux champs… Il me dit
que j’aurais six écus d’or quand je viendrais… Je veux dire que, il y a trois
ans, mon berger s’est engagé à garder loyalement mes brebis, sans me causer
de dommage ni me jouer de vilains tours, puis… À présent, il nie catégoriquement m’avoir acheté du drap, et me devoir de l’argent ! À Pathelin. Ah !
Maître Pierre, en vérité… L’escroc que voici volait la laine de mes bêtes, et
bien qu’elles fussent en pleine santé, il les faisait mourir. Il les tuait en les frappant à grands coups de bâton sur le crâne… Une fois le drap sous son bras,
il s’est mis en route sans tarder, et m’a dit de venir chercher les six écus d’or
chez lui.
On constate l’imbrication des deux histoires, ainsi que les nombreux « je vous
en prie », « je veux dire », et points de suspension, qui traduisent le désarroi de
Guillaume.
4. Thibaud peut retourner chez lui. Il est acquitté et n’aura pas à se représenter devant la justice. Son procès est définitivement réglé.
5. Le juge ne prend aucune décision concernant l’affaire du drap. Il croit le
drapier fou, et n’accorde par conséquent aucune considération à ce qu’il dit
à ce sujet. L’affaire n’est donc pas réglée. Pour le juge, elle n’existe pas.
23
RÉPONSES
◆ É TUDIER
AUX
QUESTIONS
LE VOCABULAIRE
6. Il fallait cocher : ■
✗ sottises.
Le drapier aurait pu entretenir la cour de « discours » et d’« histoires », mais ces
termes sont des signifiés neutres, alors qu’« inepties » est péjoratif.
7. « Sourciller » signifie « manifester son trouble, son mécontentement ».
Le mot de la même famille est « sourcil ».
Le rapport entre « sourcil » et « manifester son trouble » est le mouvement
effectué pour manifester ce trouble. Le sens premier de « sourciller » est
« remuer les sourcils ». Ce sens n’est plus employé aujourd’hui. C’est la locution froncer les sourcils qui remplace le verbe dans cette acception. Si le verbe
est uniquement employé aujourd’hui au sens figuré, la locution s’emploie,
elle, exclusivement au sens propre. Chaque terme a un emploi spécifique.
Enfin, il faut souligner que « sourciller » s’emploie essentiellement avec une
négation : sans sourciller, ne pas sourciller.
8. Ligne 63 : le juge emploie l’expression « Revenons à nos moutons » au sens
propre. Aujourd’hui, l’expression n’est plus employée que de manière figurée.
◆ É TUDIER
LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE
9. La scène 8 figure parmi les plus longues de la pièce. Les scènes 2 et 8 sont
de longueur semblable. La scène 5 est de loin la plus longue, à cause du délire
en patois de Pathelin.
10. Les deux scènes dont on peut rapprocher celle-ci sont les scènes 2 et 5.
Ce sont les scènes attendues du spectateur. Elles mettent en spectacle les stratagèmes de Pathelin : la séduction du drapier, sa mystification, sa déroute
finale au tribunal. Ce sont des scènes d’action entre lesquelles s’intercalent
celles de préparation et de mise au point des ruses. Le jeu des acteurs y a donc
une importance cruciale. Enfin, les scènes 5 et 8 sont des scènes de théâtre
dans le théâtre, dans la mesure où Pathelin a organisé le jeu des différents
intervenants juste avant.
◆ É TUDIER
UN THÈME : LA SATIRE DE LA JUSTICE
11. D’emblée le juge apparaît pressé d’en finir et de lever la séance. Il a manifestement mieux à faire ailleurs : lignes 7-8, 12-13.
12. Il fallait cocher : ■
✗ Thibaud est pauvre et ne pourra payer Pathelin
(l. 129-130). Comme les avocats, le juge est intéressé.
24
Scène 8
13. Pathelin mène le jeu tout au long de la scène. C’est lui, et non le juge,
qui préside la séance. Ligne 38 : il demande au juge de faire continuer
Guillaume, et le juge s’exécute immédiatement. Ligne 44 : le juge demande
à Pathelin la signification de ce que raconte Guillaume ; il s’en remet à lui
pour interpréter le discours du drapier. Lignes 70-71 : Pathelin suggère
d’interroger le berger, et à nouveau le juge le fait immédiatement. Le juge
prend sans cesse à témoin Pathelin (l. 110 à 112). C’est aussi Pathelin qui se
propose, et se désigne, comme l’avocat de Thibaud (l. 127-128). À partir de
ce moment, il dirige plus directement encore la séance. Systématiquement, il
va dicter au juge ce qu’il doit faire, et celui-ci va s’y plier. Pathelin n’hésite
pas à employer des impératifs lorsqu’il s’adresse au juge. Son ton est autoritaire. Il lui ordonne de renvoyer Thibaud sans ajournement (l. 154, 157 à
159). Il ordonne de faire taire Guillaume (l. 187, 198, 222). Autre ordre, celui
d’écouter attentivement le discours du drapier (l. 228).
14. Le signe de la victoire totale de Pathelin est l’invitation du juge à dîner,
(l. 244-245). Non seulement Pathelin a obtenu ce qu’il voulait pour le
berger et échappe lui-même à la poursuite du drapier, mais il est aussi
l’objet de la considération du juge, considération certes peu gratifiante dans
la mesure où celui-ci fait plutôt piètre figure. C’est un idiot, peu sympathique, qui s’est fait berner par Pathelin.
Il est bon de préciser que lorsque le juge dit à Guillaume « C’est une véritable farce
que vous nous jouez tous les deux » (l. 232), il se réfère à Guillaume et Thibaud.
15. Pathelin apparaît tout au long de la pièce comme un terrible trompeur.
Il n’a aucun scrupule. Il est intéressé par l’argent. La scène 7 a montré que la
justesse d’une cause était proportionnelle aux moyens financiers de celui qui
la défendait. Dans la scène 8, les juges apparaissent pressés de se débarrasser
des affaires. Ils sont peu sympathiques, n’écoutent pas les plaignants et font
figure d’idiots bernés par les plus malins.
◆ É TUDIER
LE DISCOURS
16. Pathelin cherche à blesser l’orgueil du juge et à provoquer sa colère
contre le pauvre Guillaume.
17. a) Pathelin vient de dire que Guillaume se moque du juge, et l’a accusé
peu avant de ne pas payer Thibaud. Ainsi, il ne pense évidemment pas ce qu’il
dit, et veut faire entendre le contraire.
25
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
b) La figure de style employée est l’antiphrase.
c) Le ton de la réplique est ironique.
Question supplémentaire
Relevez dans le texte une autre phrase de ce type.
Autre formulation : Que veut dire le juge lorsqu’il dit à Guillaume : « Il y a
de quoi être fier de plaider contre un fou ! » (l. 215-216) ?
Comment appelle-t-on cette figure de style ?
Quel sentiment traduit-elle ?
Réponse : Le juge veut exactement faire entendre le contraire de ce qu’il dit.
La figure de style employée est l’antiphrase.
Elle traduit l’ironie.
18. À la scène précédente, la question du paiement des honoraires de
Pathelin est revenue comme un leitmotiv. La réflexion de Pathelin est donc
d’une hypocrisie extrême.
◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE
19. Le texte en moyen français offre une disposition différente de celle de la traduction. Il ne va pas « jusqu’au bout de la ligne ». Cette représentation graphique
est la transcription, ou matérialisation, d’un phénomène rythmique. Le vers est
une unité rythmique, et après chacune on va systématiquement à la ligne.
Les textes habituellement présentés sous cette forme sont les poèmes en vers
et le théâtre versifié.
20. Chaque ligne compte huit syllabes et constitue un vers octosyllabe.
21. Les sonorités finales sont reprises d’une ligne à l’autre. Elles sont identiques deux à deux et forment des rimes plates AABB, de qualité variable.
◆À
VOS PLUMES !
25. Les deux points de vue doivent être également défendus. Les élèves ne
doivent pas exclusivement avancer des arguments appuyant leur propre choix
mais tenir compte du choix opposé.
◆ L IRE L’ IMAGE
26. Sur les deux documents, l’action se déroule au tribunal, représenté par
un objet symbolique, le siège du juge. Sur la photographie, les maisons
dessinées en trompe l’œil à l’arrière-plan indiquent que le tribunal se tient
dans la rue.
26
Scène 10
Placé au centre, le juge est assis dans un fauteuil surélevé. Personnage central,
c’est vers lui que convergent regards et discours. Sur la gravure, sa coiffe est
plus élaborée que celle des autres personnages.
Sur la gravure, le berger apparaît au premier plan, à droite, tête nue, avec son
bâton, sa cotte et son pantalon. Sur la photographie, il est à gauche, sommairement vêtu, et l’air profondément hébété.
Pathelin est placé à ses côtés, faisant face au drapier, campé de l’autre côté du
juge. Sur la gravure, la position des mains de Guillaume indique que c’est lui
qui parle, tandis que sur la photographie c’est Pathelin, comme le révèlent la
position de ses bras ainsi que les regards du juge et du drapier tournés vers lui.
Pathelin et le drapier portent une robe. Quel que soit le document, ce dernier
est toujours placé de l’autre côté du juge, face à Thibaud et à son avocat.
27. La photographie compte trois plans. À l’arrière-plan, dans l’embrasure de
la porte, derrière le juge et de chaque côté de lui, on aperçoit deux clercs.
Au deuxième plan, au centre de la scène, se tient le juge. Au premier plan, de
chaque côté du juge, se trouvent le drapier face à Pathelin et Thibaud.
28. Thibaud regarde en l’air, sans vraiment voir, tandis que le drapier et le
juge fixent Pathelin. Le regard de celui-ci est tourné vers son adversaire.
Les regards convergent vers Pathelin : il a la parole, il est le personnage principal et sortira vainqueur, en apparence tout au moins, du procès.
Au regard de Thibaud, dirigé vers nulle part, et à sa position sur scène, on
comprend qu’il est en retrait. Il simule la bêtise profonde.
S C È N E 1 0 (p. 97)
◆ Q UE S ’ EST - IL
PASSÉ ENTRE - TEMPS ?
1. Pour ne plus douter de l’identité du voleur de drap, Guillaume décide de
retourner chez Pathelin.
2. L’affaire du drap n’est pas réglée. Le drapier va trouver la maison et le lit
de Pathelin vides. Il en déduira que Pathelin n’est pas malade, et lui a bel et
bien volé son drap. Mais de là à se faire payer… Notons que si l’affaire n’est
pas réglée du point de vue de la justice, elle l’est dans la farce, genre qui
n’admet pas dans sa structure ce type de retournement de situation.
27
RÉPONSES
◆ AVEZ - VOUS
AUX
QUESTIONS
BIEN LU
?
3. Pathelin félicite Thibaud d’avoir bien joué son rôle et de n’avoir pas ri
(l. 14 à 16).
4. Pathelin se fâche contre Thibaud parce que ce dernier ne cesse de bêler et
ne le paie pas.
5. À la fin de la scène, Thibaud se sauve parce que l’avocat le menace et
décide d’appeler un sergent pour le faire arrêter. C’est aussi une fin traditionnelle dans le genre de la farce.
◆ É TUDIER
LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE
6. Le drapier avait été invité par Pathelin à venir manger de l’oie chez lui,
lorsqu’il viendrait chercher son argent.
Le sens figuré de l’expression est facilement déductible. Faire manger de l’oie
signifie « se moquer de quelqu’un ». L’oie désigne l’animal, mais aussi une
personne très sotte. On dit être bête comme une oie, c’est-à-dire extrêmement
bête.
7. Le substantif « oison » désigne le petit de l’oie. Avec cette expression proverbiale, Pathelin signifie que les jeunes sont plus malins que les anciens, que
les élèves dépassent le maître, ou encore que celui que l’on croit naïf, peu
instruit, domine celui qui semble plus intelligent ou plus instruit. « Oison »
peut aussi désigner une personne très crédule.
8. Le verbe « souper » est dérivé du substantif « soupe ».
Aujourd’hui, si « souper » est encore employé dans certaines régions françaises, on lui préfère généralement le verbe « dîner », pour désigner l’action
de prendre le repas du soir.
Dans l’histoire du verbe « souper », certains éléments sont essentiels et faciles
à retenir :
Le verbe « souper », qui procède de « soupe », « tranche de pain », a signifié
« prendre le repas du soir », remplacé en français par « dîner », mais toujours
en usage régionalement (en français du Canada, en Belgique et en Suisse).
Avec l’évolution des habitudes de table au XVIIIe siècle, « souper » prend le
sens de « faire un souper », le substantif « souper » désignant le repas, ou la
simple collation que l’on prend à une heure avancée de la nuit.
Il est bon de signaler que pour désigner les trois repas principaux de la
journée, au trio « déjeuner, dîner, souper », s’est substitué le trio « petit déjeuner,
28
Scène 10
déjeuner, dîner », auquel vient éventuellement s’ajouter « souper ». Cette évolution s’explique par les décalages dans les heures de prise de repas.
Le premier changement date du XVIe siècle environ. « Dîner » et « déjeuner »
étaient d’abord employés pour désigner le premier repas de la journée.
Quand, par suite de changements dans les habitudes alimentaires, le premier
des deux repas principaux s’est pris au milieu de la journée, la langue a
réservé « déjeuner » pour le petit repas fait au lever, et « dîner » pour le repas
fait au milieu du jour.
Depuis le début du XIXe siècle, « déjeuner » et « dîner » ont subi un second
changement de sens, d’abord à Paris. « Déjeuner » a été attribué au repas du
milieu du jour, le petit repas du début de la journée se disant alors petit
déjeuner. « Dîner » a été attribué au repas du soir et a remplacé « souper ».
9. La phrase employée par Pathelin relève du type impératif.
Phrases du même type dans cette scène :
« Dis, l’Agnelet » (l. 1) ; « Ne dis plus “Bée !” » (l. 5) ; « Parle sans crainte ! N’aie
pas peur ! » (l. 9-10) ; « Paie-moi ! » (l. 12) ; « Paie-moi généreusement » (l. 19) ;
« Parle correctement ! Paie-moi » (l. 21) ; « cesse de bêler après moi […]. Paie-moi en
vitesse ! » (l. 25-26) ; « Allons ! » (l. 30) ; « Désormais ne me rebats plus les oreilles
de ton “Bée !”, et paie-moi ! » (l. 36-37) ; « Eh bien, fais en sorte… » (l. 41) ;
« dis-le, et ne me force pas à discuter davantage ! Viens donc souper chez moi ! »
(l. 48-49).
Les phrases impératives expriment l’ordre ou la défense. Leur grand nombre
s’explique par l’opposition que rencontre Pathelin face au berger. La forme
impérative est la voie la plus directe pour exprimer un ordre, qui peut être
aussi traduit par des phrases sans impératif. On en a un exemple lorsque
Pathelin s’exclame « Mon argent ! » (l. 30), où l’impératif est sous-entendu.
◆ É TUDIER
UN THÈME
: LE
TROMPEUR TROMPÉ
10. À la scène 7,Thibaud promettait de payer Pathelin en beaux écus d’or.
11. Aux demandes répétées de Pathelin de le payer, le berger répond par
« bée ».
Cette réponse rappelle la scène 5 et les délires de Pathelin en divers langages
incompréhensibles. Dans les deux cas, la situation de communication est
faussée. Le récepteur refuse d’être émetteur, ou plutôt émet un message non
décodable, ou inadapté et hors de propos.
29
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
12. Les réponses aux deux questions précédentes mettent en relief les points
communs entre la tromperie du drapier et celle de Pathelin. L’avocat comme
le berger ont promis de payer en écus d’or, mais chacun a payé de mots
incompréhensibles. Le parallélisme entre les deux fourberies a également été
suggéré par la question 6 portant sur le sens de l’expression manger de l’oie, et
par la question 26 de la scène 7 sur le prix auquel Pathelin paie d’ordinaire
les gens,Thibaud lui promettant de le rémunérer « à son prix ». Ainsi La Farce
de Maître Pathelin met-elle en spectacle une tromperie redoublée et inversée.
Le redoublement et l’inversion des escroqueries sont des structures de
construction auxquelles la farce recourt fréquemment, au point qu’elles peuvent être considérées comme caractéristiques du genre. Ces structures sont
des moyens sûrs de provoquer le rire. Cf. Henri Bergson, Le Rire, 1900.
13. L’autre trompeur trompé de la pièce est le drapier qui se félicite d’avoir
berné Pathelin en lui vendant vingt-quatre sous un tissu qui n’en vaut pas
vingt. À la scène 5, Guillemette affirmait que jamais une telle canaille n’avait
mieux mérité une leçon. On peut en dire autant de Pathelin.
14. Cette farce illustre le proverbe « À malin, malin et demi ».
◆ É TUDIER
LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE
15. La scène finale d’une pièce est le dénouement.
16. Le problème qui reste à régler au début de la scène 10 est le paiement
des honoraires de Pathelin. Malgré ses allégations de ne rien vouloir en tirer,
l’avocat attend de Thibaud qu’il le rémunère grassement pour l’avoir brillamment défendu.
17. Pathelin est présent dans les deux scènes, mais dans des situations diamétralement opposées. Scène 9, il est en position de force face au drapier, alors
que scène 10 il ne peut obtenir ce qu’il veut du berger. Il est trompeur, puis
trompé, gagnant puis perdant. Les deux scènes sont parallèles et inversées.
C’est un procédé comique récurrent, parce que simple et efficace, qui en
outre illustre à merveille le proverbe « À trompeur, trompeur et demi ».
18. À deux reprises, le trompeur est finalement trompé. Cette même issue
aux deux histoires montre qu’il existe une forme de justice. Celui qui
escroque les autres doit s’attendre à l’être lui-même. En outre, c’est Thibaud,
symbole du petit, éternelle victime des grands, qui l’emporte. Cependant
30
Scène 10
cette justice est liée à la ruse, à l’aptitude de chacun à se défendre, non en
faisant valoir son bon droit, mais en trompant à son tour. La justice en tant
qu’institution est quant à elle totalement inefficace et, qui plus est, corrompue (cf. analyse de la scène 8).
◆À
VOS PLUMES !
20. Les élèves doivent formuler la plainte que Pathelin adresse au sergent, et
donc un énoncé clair et concis. Cette plainte risque de se retourner contre lui,
et, comme le drapier précédemment, il va sans doute se faire traiter de
fou.Thibaud peut ne continuer à répondre que par « bée ». De préférence, le
sergent ne sera pas très malin. C’est ainsi qu’il est conçu dans l’imaginaire
collectif, et plus spécifiquement dans le genre de la farce. C’est une scène
parallèle à celle du procès qui se rejoue ici, où le plaignant, un trompeur
trompé, passe pour fou, et où les représentants de la justice sont à nouveau
malmenés.
21. Cet exercice d’écriture demande le réinvestissement des acquis en grammaire, avec l’emploi de phrases impératives. Il vérifie la capacité des élèves à
repérer les différences de tons dans un discours, et à mettre eux-mêmes en
œuvre ces variations. Il faut faire remarquer que même si le ton de la
discussion monte, on ne change pas pour autant de registre de langue. Un
enfant s’adresse à un autre, et les registres employés sont les registres courant
et familier, mais non vulgaire.
31
RÉPONSES
AUX
QUESTIONS
R E T O U R S U R L’ Œ U V R E ( p . 1 0 0 )
1. Qui suis-je ?
a) Le drapier Guillaume.
b) Le berger Thibaud.
c) L’avocat Pathelin.
d) Le juge.
e) Guillemette, la femme de Pathelin.
2. Qui trompe qui ?
– Pathelin trompe Guillaume en emportant le drap à crédit, puis en feignant
d’être malade. Il trompe aussi le juge qui acquitte Thibaud, renvoie rudement
Guillaume, et ne soupçonne rien des multiples manigances de l’avocat.
– Guillaume trompe Pathelin sur le prix du drap, et sans doute sur la quantité vendue.
– Complice de Pathelin, Guillemette trompe le drapier. Elle est un acteur de
la tromperie.
– Le juge ne trompe personne.
– Le berger trompe Guillaume en lui volant ses bêtes. Il trompe le juge en
simulant la bêtise, et finalement Pathelin, qu’il paie « à son prix ».
3. L’intrigue :
a) L’affaire du drap et celle des brebis.
b) Elles sont liées par le berger de Guillaume, Thibaud, qui va demander à
Pathelin de le défendre.
c) L’imbrication des deux affaires apparaît nettement dans la scène du procès.
4. Ordre des propositions pour résumer la farce : e) – h) –a) – i) – b) – j)
– g) – d) – f) – c).
5. Le genre de la farce : vrai – vrai – vrai – faux – faux.
6. Les types de comique. Comique de gestes : a). Comique de mots : b)
– e) – h). Comique de situation : c) – d) – i). Comique de caractère : f) – g) – j).
7. La satire : Je suis avocat et… : b) – c).
Je suis juge et… : b).
Je suis marchand et… : a) – d).
32
PROPOSITION
DE
SÉQUENCE
DIDACTIQUE
Les difficultés du texte rendent préférable de ne pas étudier La Farce de Maître
Pathelin en début d’année. En parallèle avec l’étude du Moyen Âge en histoire, la séquence peut débuter en janvier.
À raison de quatre heures hebdomadaires, l’analyse de La Farce occupe environ trois semaines : douze séances d’une heure auxquelles s’ajoutent les évaluations formative et sommative (trois heures). Le tableau suivant propose
une séquence élaborée à partir des questionnaires « Au fil du texte ».
L’enseignant la modulera selon ses objectifs propres et le niveau de sa classe.
SÉANCE
LECTURE
MISE EN SCÈNE ET
PROLONGEMENTS
LANGUE
ÉCRITURE
Séance 1 Scène 1.
Spécificité
du texte
théâtral.
L’exposition ;
les didascalies.
Questions 1, 9
à 13.
Lexique :
patelin,
question 6.
Écriture
d’un script,
question 18.
Les conditions
de la
représentation
au Moyen Âge
(lieux, décors,
acteurs et
publics).
Séance 2 Scène 1.
Le genre
farcesque,
questions 14
à 16.
Champ lexical
du droit,
question 8.
Synonymes
d’« enjôler »,
question 7.
Le portrait,
question 17.
La double
énonciation
au théâtre.
Séance 3 Scène 2.
Un thème :
la parole
trompeuse,
questions 13
à 16.
Discours et
arguments,
questions 9
à 12.
Écrire
une scène
d’opposition
entre deux
personnages,
question 22.
L’expression
dramatique :
dire avec
le corps
le contraire de
ce que dit
la parole.
33
PROPOSITION
SÉANCE
DE
LECTURE
SÉQUENCE
LANGUE
DIDACTIQUE
ÉCRITURE
MISE EN SCÈNE ET
PROLONGEMENTS
Séance 4 Scène 2.
Le genre
à travers
un personnage,
questions 17
à 20.
Séance 5 Scène 3. Le
genre à travers
les caractères,
questions 14
et 15.
Un procédé :
le théâtre dans
le théâtre,
questions 16
à 18.
Formation de
« drapier »,
« draperie »,
question 6.
Description
du caractère
du marchand,
question 21.
L’univers
du Moyen Âge :
foires et
marchands.
La parole
rapportée,
questions 11
à 13.
Les temps
du récit,
question 8.
L’expressivité,
question 9.
Les
métamorphoses
de la farce :
parallèle avec
les personnages
du groupement
de textes.
La moralité
dans la fable
« Le Corbeau et
le Renard » de
La Fontaine :
procédés et
effets.
Séance 6 Scène 5.
La fonction de
la scène,
questions 17
à 19.
Tutoiement et
voussoiement,
questions 10
et 11.
Paroles
rapportées et
changement de
point de vue,
question 19.
Portrait avec
recherche
d’expressivité
et prolongation
de l’étude
des caractères,
question 20.
Raconter
une journée
de vacances en
employant
les différents
temps du récit.
Registres
de langue,
question 20.
Séance 7 Scène 5.
Le genre
– le comique
de la farce,
questions 12
à 16.
Champ lexical Récit dans
de l’amusement, le dialogue et
question 7.
expressivité,
Expressivité :
question 21.
expression
Rechercher
imagée et
cinq
ponctuation,
expressions
questions 8
imagées.
et 9.
34
Distinguer
l’essentiel de
l’accessoire,
question 22.
Prendre
en compte
les problèmes
de décor,
question 23.
Jeu théâtral
avec travail sur
l’expressivité,
questions 24
et 25.
Les
métamorphoses
de la farce :
parallèle avec
le groupement
de textes sur
le comique.
PROPOSITION
SÉANCE
LECTURE
Séance 8 Scène 7.
La fonction de
la scène dans
la pièce,
questions 19
à 25.
Séance 9 Scène 7.
La satire de
la justice,
questions 14
à 18.
Séance
10
Séance
11
Séance
12
Scène 8.
La fonction de
la scène,
questions 9
et 10.
Scène 8.
La satire de
la justice,
questions 11
à 15.
Scène 10.
La fonction
de la scène,
questions 15
à 19.
Le trompeur
trompé,
questions 10
à 19.
DE
SÉQUENCE
DIDACTIQUE
LANGUE
ÉCRITURE
Valeurs de
l’imparfait dans
une narration,
question 9.
Le discours :
narration,
paroles
rapportées et
modalités de
l’adresse,
questions 11
à 13.
Compréhension,
questions 8
et 10.
Transformation
du discours
direct en
discours indirect,
question 26.
Raconter
un souvenir
en ayant soin
d’employer
les différentes
valeurs de
l’imparfait.
Construction
d’un
argumentaire
pour un procès
régulier,
question 27.
Résumé
efficace,
question 23.
L’argumentation,
question 25.
Portrait
ironique,
question 24.
Donner
des exemples
de tournures
ironiques.
Imaginer en
respectant
la cohérence,
question 21.
Demander
quelque chose
en variant tons
et intensités,
question 22.
Versification,
questions 19
à 21.
Les moyens
d’une parole
trompeuse,
questions 16
à 18.
Sens figuré et
dictons,
questions 6
et 7.
Types de
phrases,
question 9.
35
MISE EN SCÈNE ET
PROLONGEMENTS
Recherche
documentaire
sur les points
communs entre
farces et
fabliaux.
Mise en scène
des productions
des élèves.
Exercice de
traduction,
question 22.
Recherche
documentaire
sur l’exercice
de la justice
au Moyen Âge.
Exercice de
traduction,
question 20.
Expressivité
théâtrale,
questions 23
et 24.
Recherche de
fables, ou autres
récits, illustrant
le proverbe
« À malin, malin
et demi ».
E X P LO I TAT I O N
DU GROUPEMENT DE TEXTES
Le groupement de textes autour des métamorphoses, ou avatars, de la farce
vient prolonger la séquence sur Pathelin. Disposant de peu d’espace, nous
avons préféré fournir un nombre réduit d’extraits substantiels plutôt que
multiplier les fragments. Le professeur peut lui-même enrichir le groupement. Nous suggérons Un mot pour un autre de Jean Tardieu. On y retrouve
les jeux sur le langage, l’importance des mimiques et de la gestuelle, véhicules
du sens, ainsi que la situation de cocuage (Jean Tardieu, Un mot pour un autre
dans La Comédie du langage, Gallimard, Folio, notamment p. 16 à 19). Le
théâtre de Georges Courteline, d’Eugène Labiche ou de Jean Genet reprend
aussi les procédés farcesques.
Quant aux textes retenus ici,voici les éléments hérités de la farce à mettre en relief.
◆ M OLIÈRE
La cachette dans le sac, les coups de bâton et le parler gascon ; l’importance
du jeu de l’acteur Scapin devant feindre deux voix, ses gestes et mimiques ;
le grossissement caricatural des défauts du barbon ; le renversement carnavalesque, en soulignant que Molière va loin pour son époque : un valet passe à
tabac son maître. Mettre en relief aussi une différence avec la farce : l’épaisseur du personnage de Scapin. Héritier direct de la farce, rusé et fourbe, il fait
preuve de bon sens et se trouve au centre d’une intrigue des plus complexes.
◆ G EORGES F EYDEAU
(1862-1921)
Entre farce et comédie, ce vaudeville reprend des éléments farcesques. Le
comique de situation : l’hôtesse s’acharne à faire avaler une purge à un invité
important pour les affaires de son mari. Une situation cocasse dans le registre
bas : le laxatif et le cocuage. Le comique de gestes : le visage grimaçant de
Chouilloux sous l’effet de la purge, et sa fuite précipitée. Les noms des
personnages.
◆ A LFRED J ARRY
(1873-1907)
Farce tragique, Ubu Roi représente un pouvoir arbitraire, destructeur, régi par
les instincts les plus bas. Les procédés comiques, détournés, sont ceux de la
36
E X P LO I TAT I O N
DU
GROUPEMENT
DE TEXTES
farce. Comique de mots : les répétitions (« caisse à Nobles, crochet à Nobles »…) ;
les termes cocasses (« sous-sols du Pince-Porc, Chambre-à-sous, bouffre, merdre ») ;
l’insistance sur les possessifs (« MA liste de MES biens »). Comique de gestes :
le physique difforme et l’accoutrement d’Ubu ; les nobles crochetés et passés
à la trappe un à un, puis « empilés ». Comique de caractère : l’attitude faussement outrée de la Mère Ubu, à rapprocher de celle de Guillemette, critiquant
Pathelin à la scène 3 mais de tout cœur avec lui. Comique de situation : le
schématisme des personnages, des Nobles, groupe indistinct, pantins insignifiants face à un pantin dictateur, à mettre en rapport avec le théâtre de
marionnettes, et Guignol ; le schématisme de la scène, bâtie sur la répétition
de l’interrogatoire – condamnation, exécution ; les motifs de la condamnation, revenus élevés comme absence de revenus.
◆ J EAN TARDIEU
La comédie de Tardieu est fondée sur une méprise, ou quiproquo. C’est une
scène de procès comique, mais dans laquelle perce l’absurdité de la situation.
Multiples, les jeux de mots visent moins à faire rire qu’à interroger les signifiants, et à examiner dans quelle mesure le langage permet à l’homme de
s’exprimer. Les mots peuvent-ils restituer fidèlement nos pensées, permettent-ils de dire réellement ce que l’on veut dire, ou nous trahissent-ils nécessairement ? La pièce de Tardieu montre qu’entre expression et réception il y
a du jeu qui compromet la communication.
Toute la comédie est intéressante à étudier, notamment pour ses jeux verbaux. Elle est aussi aisément représentable. Courte et drôle, nécessitant peu
de personnages et un décor sommaire (deux bureaux face à face et une table
pour le greffier), elle est en outre facilement mémorisable et permet de
travailler l’expressivité des corps et des visages.
De la farce, on retrouve le ton alerte, la caricature du juge qui ne comprend
rien, alors que le spectateur décode vite de quoi il s’agit, et les noms des personnages : le juge est désigné par sa fonction, et « poutre » suggère la bêtise,
la difficulté à comprendre, l’inertie. Les jeux de mots sont à souligner.
Comme dans La Leçon de Ionesco, le travail sur le langage est important.Voici
quelques traits à mettre en relief :
– les différentes désignations du juge : « M. le Proviseur, Docteur, Colonel, Mon
Père, M. le Curé » ;
– le parler paysan de M. et Mme Poutre ;
37
E X P LO I TAT I O N
DU
GROUPEMENT
DE TEXTES
– le jeu sur la présence-absence des témoins lors des événements, ou de leurs
effets, celui qui témoigne étant celui qui était absent, mais qui a le plus de
mémoire, ou d’imagination. Drôle de témoignage en faveur ou contre cette
personne ou cette chose, qui n’est autre que le soleil, ou l’orage !
◆ E UGÈNE I ONESCO
(1909-1994)
Avatar du genre, La Leçon est aussi une farce tragique. Les éléments hérités de
la farce sont variés. Personnages désignés par leur fonction. Schématisme de
l’intrigue et du décor. Comique de situation avec un professeur surexcité face
à une élève grimaçante et totalement anesthésiée. Comique de mots, avec la
reprise de « dents » et de « crâne – crâneur ». Le discours inintelligible du professeur rappelle les patois de Pathelin, mais, situation tragique, le professeur
est dominé par le langage alors que l’avocat en avait une maîtrise parfaite. Un
aspect mécanique, mais inquiétant : répétition d’une situation meurtrière, et
non cocasse. Ce n’est pas la première jeune fille assassinée, et une autre sonne !
38
PISTES
DE RECHERCHES
DOCUMENTAIRES
Les thèmes suivants peuvent être proposés comme sujets d’exposés réalisés
seuls ou par groupes de deux élèves.
– Les acteurs de farce du Moyen Âge au XVIIe siècle.
– Les personnages de comédie.
– Formes et procédés comiques.
– Les points communs entre farces et fabliaux.
– Les autres farces célèbres du Moyen Âge.
– Petite histoire du théâtre de l’Antiquité à Molière.
– Les foires au Moyen Âge.
– La vie de la cité au Moyen Âge (organisation et acteurs principaux).
– L’exercice de la justice au Moyen Âge.
– Fiche de lecture présentée sous forme d’exposé sur l’une des pièces retenues
dans le groupement de textes. L’étude s’intéressera notamment à contexte de
création et auteur ; résumé de l’argument ; schéma dramatique ; personnages
principaux ; significations ; rapports au genre farcesque, héritages et déviances.
39
BIBLIOGRAPHIE
COMPLÉMENTAIRE
◆ É DITION
– Maistre Pierre Pathelin, farce du XV e siècle, éd. revue par Richard T. Holbrook,
Paris, Champion, coll. « Classiques français du Moyen Âge », 1937 [1924].
◆ S UR L A FARCE
DE M AÎTRE PATHELIN
– J. Dufournet et M. Rousse, Sur « La Farce de Maître Pathelin », Paris,
Champion, coll. « Unichamp », 1986.
◆ S UR
LE THÉÂTRE COMIQUE
– R. Lebegue, Le Théâtre comique en France de « Pathelin » à « Mélite », Paris,
Hatier, coll. « Connaissances des Lettres », 1972.
– H. Lewicka, Études sur l’ancienne farce française, Paris, Klincksieck, 1974.
– Ch. Mazouer, Farces du Grand Siècle, Paris, Livre de Poche, 1992 (pour les
autres textes et l’introduction).
– B. Rey-Flaud, La Farce ou la Machine à rire. Théorie d’un genre dramatique
(1450-1550), Genève, Droz, coll. « Publications romanes et françaises », 1984.
– A. Tissier, Recueil de farces (1450-1550), textes annotés et commentés par,
Genève, Droz, coll. « Textes littéraires français », 1986-1990.
◆ S UR
LE THÉÂTRE EN MILIEU SCOLAIRE
– Cahiers pédagogiques, « Le théâtre à l’école, qu’est-ce que ça fait ? », n° 337,
octobre 1995.
– Le Français aujourd’hui, « Théâtre Acte IV », n° 103, 1993.
– C. Page, Éduquer par le jeu dramatique, ESF, coll. « Pratiques et enjeux pédagogiques », 1997.
– J.-P. Ryngaert, Le Jeu dramatique en milieu scolaire, éd. Universitaire, 1991.
◆ S UR
LE THÉÂTRE
– M.-Cl. Hubert, Le Théâtre, Paris, A. Colin, coll. « Cursus », 1988.
– P. Larthomas, Le Langage dramatique, sa nature, ses procédés, Paris, A. Colin, 1972.
– P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, éd. Sociales, 2e éd. 1987.
– J. Sherer, La Dramaturgie classique en France, Nizet, 1966.
– A. Ubersfeld, Lire le théâtre I et II, éd. Sociales, coll. « Classiques du peuple »,
1978 et 1981.
40

Documents pareils