La Farce de Maître Pathelin - biblio
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La Farce de Maître Pathelin Livret pédagogique Établi par Fanny MARIN, certifiée de Lettres modernes, professeur en collège HACHETTE Éducation Conception graphique Couverture et intérieur : Médiamax Mise en page Médiamax Illustration Harvey Stevenson Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122.-4 et L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ». Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © Hachette Livre, 2000. 43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15. ISBN : 2.01.167958.3 S O M M A I R E RÉPONSES Scène Scène Scène Scène Scène Scène Scène AU X Q U E S T I O N S 1. . 2. . 3. . 5. . 7. . 8. . 10. 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Retour sur l’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 PROPOSITION E X P L O I TAT I O N PISTES DE SÉQUENCE DIDACTIQUE DU GROUPEMENT DE TEXTES D E R E C H E R C H E S D O C U M E N TA I R E S BIBLIOGRAPHIE C O M P L É M E N TA I R E 3 33 36 39 40 RÉPONSES AUX QUESTIONS Avertissement Nous ne proposons pas systématiquement de réponses aux questions de la rubrique « À vos plumes ! ». En effet, nous considérons que cette rubrique, relevant avant tout d’un travail personnel, ne peut faire l’objet d’une correction type. Les indications de pages accompagnant les numéros de scène renvoient aux questionnaires du livre de l’élève. S C È N E 1 (p. 12) ◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ? 1. Il s’agit d’apprendre à utiliser l’introduction d’un livre et les didascalies d’un texte de théâtre. L’action se déroule au Moyen Âge, à la fin du XVe siècle, au logis de Maître Pathelin. On peut ajouter : dans une ville importante comme Paris ou Rouen, où se tient une foire. C’est précisément au moment de celle-ci que l’action a lieu. 2. Pathelin ne peut pas exercer son métier d’avocat, car il n’a aucun client. C’est pour cette raison qu’il est surnommé « l’avocat sans cause ». On peut formuler l’hypothèse qu’il a mauvaise réputation parce qu’il a trompé trop de monde (cf. « enjôler », l. 2). 3. C’est Guillemette qui révèle quelle est la situation financière du couple : « Nous mourons tout simplement de faim. Nos vêtements sont tout râpés, et nous ne savons pas comment nous procurer du tissu pour en faire d’autres » (l. 24-26). Le ménage n’a pas l’argent suffisant pour manger à sa faim et s’habiller correctement. 4. Pathelin est avocat, et c’est ainsi que les membres de cette profession sont désignés : « maître en l’art de plaider » (l. 36-37) ; « Personne ne se connaît mieux que moi au métier d’avocat » (l. 42-43). Mais d’après Guillemette, Pathelin est ignorant, « sans instruction et sans le moindre bon sens » (l. 39-40), et loin d’être maître avocat, il est « maître en l’art de tromper » (l. 38). Il est expert « au métier de tromper » (l. 44). Il faut attirer l’attention sur l’écho au titre que l’on trouve dès cette première scène. 4 Scène 1 5. Pathelin décide de se rendre à la foire (l. 48-49) pour se procurer du tissu afin de remplacer ses vêtements et ceux de sa femme (l. 52 à 55). ◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE 6. Pathelin dupe les gens, en particulier avec des paroles trompeuses : cf. « enjôler » (l. 2). a) « Patelin, -ine » signifie : « qui dissimule ses intentions pour duper les gens ». Une personne est pateline. On parle aussi de ton et de manières patelines. Les synonymes sont flatteur, faux, doucereux, hypocrite et mielleux. b) Homonyme : le substantif masculin « patelin » signifiant en langage familier « village ». Exemple : « Mes grands-parents vivent dans un patelin perdu de Provence. » 7. L’objectif est d’apprendre des synonymes d’« enjôler ». Il est aussi d’attirer l’attention sur des sens particuliers d’« attraper », employé plus souvent au sens propre, et de « séduire », que les élèves connaissent surtout dans la langue amoureuse. Réponse : duper, attraper, séduire. « Flatter » ne convient pas : certes, on emploie de belles paroles pour louer quelqu’un, mais on ne le trompe pas nécessairement. La flatterie peut être sincère. « Envoûter » ne convient pas du point de vue sémantique. 8. Le champ lexical est celui du droit. On accepte procès et justice. On relève : « avocat » (l. 4) ; « tribunal » (l. 14) ; « plaider » (l. 37) ; « maître » (l. 36). ◆ É TUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE 9. Ce qui permet de dire que Pathelin est le personnage principal, c’est tout d’abord le titre de la pièce. Ensuite, même s’il ne parle pas beaucoup plus que Guillemette (cf. le volume des répliques respectives, dont on peut déduire une forme d’égalité au sein du couple), Pathelin apparaît comme celui qui décide. C’est lui qui enclenche l’action dramatique : il entreprend d’aller à la foire pour y faire quelque chose de bien précis. 10. Par le passé, Pathelin avait des clients et exerçait effectivement son métier d’avocat. Certes, c’est Pathelin qui le dit, mais Guillemette le confirme. On peut préciser qu’il n’a pas fait d’études. Il est « sans instruction » (l. 39). Voir aussi : « Et même si je n’ai jamais étudié » (l. 19). 5 RÉPONSES AUX QUESTIONS 11. Il s’agit de reprendre et synthétiser des éléments dégagés dans les questions 2 et 3 : Lignes 9 à 11 : « à présent, en tous lieux, tout le monde vous surnomme “l’avocat sans cause” ». Lignes 24 à 26 : « Nous mourons tout simplement de faim. Nos vêtements sont tout râpés, et nous ne savons pas comment nous procurer du tissu pour nous en faire d’autres. » 12. Éléments qui laissent deviner la suite de l’histoire : Ligne 48 : « je veux aller à la foire ». Ligne 53 : « […] si je marchande du drap […] ». Lignes 70-71 : « on me les prêtera, à rendre au jour du Jugement dernier, et certainement pas avant ». Ligne 72 : « Si c’est comme ça, quelqu’un sera dupé. » Pathelin va se rendre à la foire pour acheter du tissu, mais sans argent. Il s’apprête à tromper quelqu’un. 13. Les questions 10 à 12 permettent de dégager la fonction de toute scène d’exposition. Elle informe sur le passé, et donne tous les éléments indispensables à la compréhension de la pièce. Elle expose le problème présent, qui sera résolu ou non. Enfin, elle fournit des éléments qui laissent présager la suite de l’action, sans toutefois tout révéler, afin que le suspens demeure. C’est donc une scène cruciale dans l’économie d’une pièce de théâtre, d’autant qu’à travers ces éléments sur le passé, le présent et le futur des personnages, ce qui est en jeu, c’est l’attention des spectateurs. Il faut les intéresser dès le début. ◆ É TUDIER LE GENRE 14. Les personnages appartiennent à la petite bourgeoisie des villes. 15. Ce sont des phrases exclamatives, que la grammaire classe dans le type déclaratif. Il y a trois types de phrases : déclaratif, interrogatif, impératif. Lignes : 1, 6, 24, 26, 28, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 44, 51, 70, 71, 72, 77, 78, 81, 82. Le ton est enjoué, enlevé. C’est la première scène, et le spectateur se trouve immédiatement plongé dans une certaine ambiance, précisément celle de la farce. Le ton augure ici de la suite de la pièce. 16. D’après cette première scène, le sujet de la pièce est la représentation d’une tromperie. C’est un sujet typiquement farcesque. 6 Scène 2 ◆À VOS PLUMES ! ➧ Objectifs didactiques des exercices 17 et 18 Dans les deux cas, il faut rédiger une description. Dans l’exercice 17, c’est un portrait, avec pour consigne que le physique et les vêtements soient en harmonie avec le statut d’avocat et la personnalité de Pathelin telle qu’elle apparaît dans la première scène : il est malhonnête, mais n’inspire pas la réprobation, bien au contraire. Il est aussi rusé et fin. Il faut tenir compte de ce que dit Guillemette de leurs vêtements usés. Il est utile de suggérer aux élèves de s’inspirer de l’iconographie de leur livre. Dans l’exercice 18, la description concerne le décor : un intérieur bourgeois, une seule pièce centrale. La consigne sur les acteurs connus est destinée à faciliter la visualisation des personnages et la représentation possible de la scène. Elle rend plus aisée l’entrée dans l’exercice auquel elle confère un caractère ludique. La description permet l’étude des notions de nomination et de qualification, et des différentes fonctions de l’adjectif qualificatif. On peut privilégier l’emploi d’un procédé de description particulier telle l’énumération. On peut aussi faire dessiner le décor, et introduire la notion de « quatrième mur ». Pour les jeux de scène, établir une feuille de mise en scène : – Sur la moitié gauche de la feuille, recopier le texte en désignant par P et G les personnages. – Sur la moitié droite, en face des répliques, écrire les remarques sur le ton, les gestes et les mimiques des acteurs. S C È N E 2 (p. 25) ◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ? 1. À la scène 2, Pathelin passe à l’action.Après avoir parlé et exposé ses intentions dans la scène précédente, il agit. 2. Il veut acheter du tissu, mais sans payer. 3. Lignes 117 à 135 : Pathelin et Guillaume marchandent le prix du drap. 4. Pathelin insiste pour porter lui-même le drap, car si le tissu reste entre les mains du drapier, celui-ci ne voudra le céder qu’après avoir touché son argent chez Pathelin. 5. À la fin de la scène, Pathelin repart chez lui avec le tissu non payé. Guillaume doit aller chercher son argent chez l’avocat, qui l’a invité à boire et à manger. 7 RÉPONSES ◆ É TUDIER AUX QUESTIONS LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 6. « Drap-ier » ; « drap-erie » ; radical drap et suffixes -ier et -erie. Le suffixe -ier est un suffixe nominal s’ajoutant à une base nominale. Il désigne l’agent d’une action. Le suffixe -erie est lui aussi un suffixe nominal. Ajouté à une base nominale (drap), il désigne le lieu de fabrication ou de vente. Après une base verbale (drap- de draper), il désigne l’action ou le résultat de l’action. « Drapier » désigne la personne qui fabrique et/ou vend du drap. « Draperie » désigne la fabrication et/ou le commerce de drap. Autres séries : lait, laitier, laiterie ; fromage, fromag(i)er, fromagerie ; tapis, tapissier, tapisserie ; cordon (de l’ancien français cordoan, cuir de Cordoue), cordonnier, cordonnerie (métier ; boutique du cordonnier). 7. « Avisé » qualifie quelqu’un « qui agit intelligemment après avoir mûrement réfléchi ». Les termes à cocher sont réfléchi et prudent. D’autres synonymes seraient averti ou fin. 8. Le mode du verbe est l’impératif. Il exprime l’ordre mais aussi la défense, avec l’impératif négatif. Les autres verbes à l’impératif sont : « ne discutons plus » ; « allons » ; « mesurez » ; « tenez ». À l’exception de « tenez », l’emploi répété de l’impératif traduit la tension entre les deux personnages : ils sont en train de marchander. ◆ É TUDIER LE DISCOURS 9. Pour ne pas faire crédit à Pathelin, Guillaume prétexte qu’aller chercher l’argent chez l’avocat l’oblige à un long détour (l. 162-163). Il allègue ensuite qu’il est déconseillé de faire crédit à la première vente de la journée (l. 170-171). 10. Pour convaincre le drapier de lui faire crédit, Pathelin lui promet de le payer en écus d’or, et non en menue monnaie (l. 173-174). Il l’invite aussi à boire et à manger de l’oie chez lui, le prenant ainsi par son faible (l. 166 à 168 et 174-175). 11. Le drapier avance qu’il est plus convenable que ce soit lui qui porte le drap (l. 182). C’est évidemment un faux argument, un prétexte manifeste, qui cache la véritable raison, la peur de ne pas être payé. 8 Scène 2 12. La raison opposée par Pathelin n’est pas formulée explicitement. Elle est néanmoins très claire (l. 184-185) : le drap est lourd, et le drapier risque de se fatiguer. Les élèves doivent formuler l’argument (le poids du drap) et ne pas se contenter de reprendre les lignes. ◆ É TUDIER UN THÈME : LA PAROLE TROMPEUSE 13. L’aspect du texte révèle la nette supériorité de Pathelin sur Guillaume. Pathelin noie ce dernier sous un flot de paroles. 14. Pour gagner la confiance du drapier, Pathelin lui demande des nouvelles de sa santé (l. 6-7 et 10) et de ses affaires (l. 16-17). Il se présente comme un ami proche de son père. Il loue ce dernier de façon exagérée, et lui compare Guillaume, ce qui est une manière indirecte de le louer (l. 20 à 26, 31, 39 à 67). Surtout, Pathelin signale qu’il a de l’argent (l. 84 à 86). Enfin, il parle en « honnête homme » en payant le denier à Dieu (l. 114-115). 15. En laissant au drapier le dernier mot, Pathelin passe pour un sot, peu habile en affaires. Ainsi, le drapier se méfiera moins lorsque Pathelin lui demandera de lui céder le drap à crédit. 16. S’il avait de quoi payer tout de suite, Pathelin n’aurait pas de bonne raison d’inviter le drapier à venir boire un verre. Il serait fâché contre lui-même, car ne pouvant obliger le drapier à venir, celui-ci ne se rendrait pas chez lui. Guillaume voit là une flatterie de plus et un signe d’amitié. La phrase a une autre résonance pour le spectateur, qui sait que Pathelin n’a pas de quoi payer et qu’il ment. Le comique naît du décalage entre ce que savent Guillaume et le spectateur, lequel est complice de Pathelin. ◆ É TUDIER LE GENRE : UN PERSONNAGE T YPIQUE DE LA FARCE , LE MARCHAND 17. Chaque fois le drapier se plaint de sa situation, ainsi aux lignes 14-15 et 18-19. Lignes 125 à 127 et 131 à 133 : il se plaint de l’augmentation du prix de la laine, conséquence du grand froid qui a décimé le bétail. Enfin, il n’hésite pas à affirmer que les marchands sont pauvres (l. 198-199). Ainsi, les marchands sont dissimulateurs. Ils ne révèlent pas l’état réel de leurs affaires et s’en plaignent malgré leur prospérité. 18. Guillaume se plaint et fait preuve d’une grande hypocrisie. Il faut relever la réaction de Pathelin et son « ouais » fort dubitatif. 9 RÉPONSES AUX QUESTIONS 19. Guillaume ne sortira ses écus ni le jour, ni la nuit. Ils resteront cachés. Ce riche marchand dissimule son argent et ne le dépense pas. C’est un avare. On peut rappeler la fameuse cassette de L’Avare de Molière. 20. À la fin de la scène, on apprend que le drapier a trompé Pathelin sur le prix du tissu. Le spectateur, qui aurait pu éprouver de la compassion pour Guillaume, dupé par Pathelin, n’a plus aucune réticence face à l’escroquerie de l’avocat. Il ne ressent plus aucune pitié pour le marchand. La tromperie devient légitime parce que le trompé est lui-même un trompeur malhonnête. En outre, les traits de caractère soulignés dans les questions précédentes (dissimulation, hypocrisie et avarice) lui ôtent toute sympathie. ◆À VOS PLUMES ! 21. Les traits de caractère dégagés dans les questions de la rubrique « Un personnage typique de la farce : le marchand » facilitent l’élaboration du portrait. On peut ajouter le goût de Guillaume pour le vin – il signale qu’il ne « fait guère autre chose que boire » – et la bonne chère – il est séduit par l’idée d’aller manger de l’oie chez Pathelin (cf. « Cet homme me rend fou »). ◆ L IRE L’ IMAGE 23. Rapprochements entre la gravure et la photographie des pages 19 et 28 : la disposition du décor est semblable. Dans les deux cas, les personnages se font face, mais dans un face-à-face qui tient compte du regard d’un tiers, lecteur ou spectateur. Les décors sont dénudés, réduits au nécessaire. Différences : l’expression des visages est très différente d’un document à l’autre. Sur la gravure, corps et visages sont figés, tandis que sur la photographie les expressions sont outrées. Les costumes des acteurs sont aussi différents. Ils ne portent pas de robes ni de chaperons en 1977. Aucun signe vestimentaire et aucun accessoire ne révèlent la profession de Pathelin. Quant à Guillaume, il est vêtu d’une sorte de robe ou de blouse de travail. S C È N E 3 (p. 34) ◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ? 1. Pathelin informe Guillemette qu’il a réussi à se procurer du tissu pour un seul denier. 10 Scène 3 2. Lignes 45 à 82 : Pathelin raconte à Guillemette ce qui s’est passé entre lui et le drapier. 3. Réponse b). 4. C’est un rapport de similitude. Guillemette se livre à une comparaison. Elle pose une identité entre Pathelin et Renard, le drapier et le corbeau, le drap et le fromage. Le moyen employé pour tromper est identique : ce sont des paroles flatteuses. La Fontaine formule ainsi la moralité de la fable : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. » 5. Pour ne pas payer le drapier, Pathelin fera semblant d’être gravement malade depuis longtemps. ◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 6. Synonymes possibles : ruse, subterfuge, astuce, artifice, feinte. 7. Il fallait cocher : ■ ✗ chance. Une « aubaine » est un « profit inattendu, inespéré ». Il y a deux éléments à retenir : l’idée de gain et l’idée de hasard. En raison du contexte, les élèves peuvent choisir malheur, ou même étoffe. 8. Lignes 70 à 78, les temps employés sont : – le passé composé (« avez rappelé ») : il établit le lien entre le passé (le souvenir) et le présent, le moment où le souvenir est raconté ; – l’imparfait (« était, tenait ») : c’est un imparfait descriptif, de durée, qui met en place l’arrière-plan sur lequel va venir s’inscrire l’action ; – le passé simple (« survint, se demanda, plaça, dit, ouvrit ») : le premier marque une rupture, les suivants des actions brèves qui se succèdent ; – le présent (« as, est, tombe, saisit, emporte ») : as et est sont des présents du discours direct. Les trois autres présents sont des présents de narration. Ils décrivent une action passée. Par rapport au passé simple, ils confèrent une plus grande vivacité au récit et traduisent la rapidité des actions du renard. Les temps du récit employés ici sont l’imparfait, le passé simple et le présent de narration. 9. Le drapier est « saigné à blanc », c’est-à-dire très affaibli, comme après une saignée, parce que Pathelin l’a volé. Il l’a privé de son drap et de son argent, ses ressources vitales. 11 RÉPONSES AUX QUESTIONS « Comme un sac de plâtre » est complément circonstanciel de comparaison de « blanc ». Exactement il s’agit d’une subordonnée circonstancielle de comparaison avec ellipse du verbe, sans oublier que l’appellation circonstancielle est problématique pour ces subordonnées. Pathelin ajoute cette précision imagée pour montrer à quel point le drapier est blanc, et donc volé. C’est une hyperbole, ou exagération. Signalons aussi que le jeu de mots remotive l’expression. Celle-ci est employée au sens propre de manière sous-entendue dans la comparaison, ce qui lui redonne son pouvoir évocateur. ◆ É TUDIER LE DISCOURS 10. La narration de l’entrevue n’est pas nécessaire à l’action. Elle est redondante pour le spectateur, et si elle informe Guillemette, elle aurait pu être plus rapide. 11. Ces phrases se différencient par l’emploi des guillemets et par les verbes introducteurs en incise, « m’écriai-je » et « ajoutai-je ». Il faut relever l’inversion des sujets. Pathelin répète à Guillemette ce qu’il a dit au drapier. Il lui rapporte directement les propos qu’il a tenus. Il s’adresse à Guillemette dans le présent, et au drapier dans le passé. 12. Autres passages au discours direct : l. 54 à 56, 58 à 61, 73, 74-75, 87 à 92. 13. Transformées au discours indirect, les phrases deviennent : Je m’écriai que ses parents étaient très bons, et ajoutai qu’il appartenait à la famille la plus estimable des environs. Il faut faire remarquer la perte qu’implique le passage du discours direct au discours indirect du point de vue de l’expressivité : interjection, appellation affectueuse et exclamation disparaissent. ◆ É TUDIER LE GENRE : LES CARACTÈRES 14. Les passages où Guillemette critique Pathelin sont : lignes 23 à 27, 95 à 97, 100 à 102. Les passages où Guillemette est d’accord avec Pathelin sont : lignes 70 à 82, 94-95, 108-109. 15. La Mère Ubu critique le Père Ubu, mais elle est de tout cœur avec lui. Elle l’approuve. Pathelin et Guillemette, tout comme le Père et la Mère Ubu, 12 Scène 5 forment un couple bien assorti. Dans la grande scène de décervelage (III, 2), face à l’extermination à laquelle se livre Ubu, les interventions de la Mère Ubu se bornent à quelques exclamations : « De grâce, modère-toi, Père Ubu », « Quelle basse férocité ! », « Tu es trop féroce, Père Ubu ». C’est là une critique hypocrite et purement formelle. ◆ É TUDIER UN PROCÉDÉ : LE THÉÂTRE DANS LE THÉÂTRE 16. Termes et expressions appartenant au champ lexical du théâtre : « Lui jouer un air de ma façon » (l. 92) ; « je jouerai très bien mon rôle » (l. 94-95) ; « tenir notre rôle » (l. 110). 17. Lignes 86 à 93, Pathelin devient metteur en scène. Il organise le dialogue entre les différents acteurs, et prévoit même les répliques du drapier. Il donne aussi des consignes sur la gestuelle. 18. Pathelin est acteur par rapport aux spectateurs et metteur en scène par rapport à Guillemette. ◆À VOS PLUMES ! Les deux exercices d’écriture exigent de changer de point de vue, tout en respectant la cohérence avec le texte étudié. Le premier exercice vise au réinvestissement des acquis sur les discours direct et indirect. On peut s’intéresser plus précisément au moment du marchandage du prix du drap. L’intitulé de la question le suggère afin d’éviter l’impression de débordement liée à la longueur de la scène. S C È N E 5 (p. 57) ◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ? 1. La scène se déroule dans la rue, lorsque le drapier est seul ; devant chez Pathelin ; et à l’intérieur de la maison de l’avocat, dans la chambre, ou pièce commune. 2. On peut décomposer la scène de manière simple, et faire apparaître un premier moment des lignes 1 à 100, lorsque Guillemette et le drapier discutent seuls. Un titre possible : « Guillemette seule affrontant le drapier/face au drapier ». À partir de la ligne 101, s’amorce un second temps dans le déroulement de la scène avec l’intervention de Pathelin. Ce second moment inclut 13 RÉPONSES AUX QUESTIONS un bref intermède marqué par le départ puis le retour du drapier.Titres possibles : « Pathelin en scène » ou « La mystification du drapier par Pathelin ». 3. Devant l’état de Pathelin, Guillaume est pris de doute et va vérifier chez lui si les six aunes de drap n’y sont pas (l. 188). 4. Guillaume a constaté que les six aunes de drap n’étaient pas dans sa boutique : elles sont donc nécessairement chez Pathelin. 5. D’abord, Pathelin fait semblant de prendre Guillaume pour un médecin. Ensuite, il feint de délirer. 6. Pour Guillaume, c’est une histoire incompréhensible. Il en conclut que c’est le diable qui, sous l’apparence de Pathelin, lui a pris son drap. Il abandonne l’idée de récupérer son tissu comme son argent. ◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 7. Termes appartenant au champ lexical de l’amusement : « plaisanteries » (l. 29), « s’amuser » (l. 30), « balivernes, âneries » (l. 34), « sornettes, amuser » (l. 35), « rire, sottises » (l. 39), « balivernes » (l. 40). À l’exception de la dernière occurrence de « balivernes », tous les termes appartenant au champ lexical de l’amusement sont employés par Guillemette pour désigner les demandes réitérées du drapier de se faire payer. Elle feint de croire que Guillaume s’amuse et que, loin d’émettre une demande sérieuse, il plaisante. Elle refuse de prendre en considération ses revendications et veut leur donner le statut insignifiant d’enfantillages. 8. Ce qui rapproche les vessies des lanternes est leur forme. Les vessies ont une forme de réservoir, notamment la vessie desséchée d’un animal peut être utilisée comme sac. On parle aussi de la vessie d’un ballon. L’expression « prendre des vessies pour des lanternes » signifie « croire des choses absurdes ». « Prendre pour » a le sens de « confondre ». 9. Dans le monologue de Guillaume, on remarque l’abondance des points d’exclamation, d’interrogation et de suspension. Ils traduisent les doutes extrêmes de Guillaume. Ses incertitudes sont telles que son discours est proche de celui d’un fou. Phrases non verbales : « Par le saint sacrement, adieu ! […] Non ! […] Et pourtant si ! […] Sainte Vierge Marie !… […] Morbleu, non ! […] Mais non ! » Leur grand nombre témoigne d’un discours non construit, s’expliquant par l’incertitude de Guillaume. 14 Scène 5 ◆ É TUDIER LE DISCOURS 10. Guillemette voussoie Pathelin sans exception, même quand elle lui fait des reproches, comme dans la scène 1 par exemple. C’est une marque de déférence de la femme par rapport au mari. C’est aussi le signe de l’appartenance à un certain milieu social, ici la petite bourgeoisie de robe. Lorsque Guillemette s’adresse au drapier, elle le voussoie systématiquement. C’est aussi une marque de déférence. De plus, Guillaume, à la différence de Pathelin, est un étranger pour Guillemette. 11. Le plus souvent Pathelin voussoie Guillemette. C’est en quelque sorte l’usage normal entre les deux époux, et ce sont les emplois de tu qu’il faut interroger. Même si l’interprétation des variations n’est pas aussi fiable pour un texte du Moyen Âge que pour un texte ultérieur, on peut néanmoins dégager une logique dans l’emploi de tu et de vous par Pathelin, logique qui rejoint les valeurs que l’on accorde aujourd’hui à ces pronoms, et auxquelles il faut sensibiliser les élèves. Le voussoiement place Guillemette sur un plan d’égalité, tandis que le tutoiement la désigne comme inférieure à son mari. Ligne 102 : Pathelin voussoie Guillemette. Il lui donne des ordres, et son ton est autoritaire. Lignes 107 à 109 : Pathelin donne à nouveau des ordres de manière très autoritaire, mais Guillemette est en plus désignée comme une « maudite femme ». Ce dénigrement explique le passage du vous au tu. Le tutoiement traduit la colère du mari devant la négligence de sa femme, laquelle n’est plus digne de lui. Ligne 110 : « emmenez-les » ne s’adresse pas à Guillemette seule ; il faut être plusieurs pour emmener des « gens tout noirs ». Lignes 113-114 : le tutoiement de dénigrement se poursuit. Ligne 220 : il s’agit d’un ordre donné dans l’urgence à Guillemette, qui commet la faute de rire et met ainsi en péril le succès de la ruse. Cela explique le tutoiement. Lorsque Pathelin explicite son ordre (l. 235), plus calme, il revient au voussoiement. Ligne 246 : voussoiement. Ligne 305 : Pathelin délire. Il ne faut donc pas attribuer de valeur particulière au voussoiement, mais dans cette occurrence il est directement lié à la désignation de Guillemette par le syntagme « belle demoiselle ». 15 RÉPONSES AUX QUESTIONS Lignes 442 et 449 : Guillemette a bien interprété son rôle. Elle est sur un plan d’égalité avec Pathelin. ◆ É TUDIER LE GENRE : LE COMIQUE DE LA FARCE 12. Le spectateur rit de la contradiction entre les demandes répétées de Guillemette de parler à voix basse et ses propres cris. C’est un comique de situation. On peut aiguiller les élèves en attirant leur attention sur les didascalies. 13. Ligne 138 : « rendre » signifie « vomir » ; ligne 141 : « restituer ». La répétition consiste ici dans la reprise du mot dans un autre sens que celui qui lui a été donné. C’est un jeu de mots qui a un effet comique. On est dans le comique verbal. 14. Nombre de termes employés par Pathelin pour parler de sa santé sont d’un registre de langue familier, même s’il emploie « anus » et « urine ». C’est une autre forme de comique verbal. 15. Face à Pathelin qui se meurt, et le prend pour son médecin, le drapier a une expression ahurie, médusée. Elle provoque le rire. Il s’agit de comique gestuel, avec les mimiques et autres grimaces qui seront reprises par Molière. 16. Pour provoquer le rire, la farce recourt au comique de situation, au comique verbal avec les jeux de mots et le langage familier, voire vulgaire, enfin au comique de geste. ◆ É TUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE 17. La scène 5 est de loin la plus longue de la pièce. Cela s’explique notamment par la place qu’y tiennent les délires en patois de Pathelin. 18. La scène 5 se situe exactement au milieu de la pièce. 19. La scène 5 est l’une des plus importantes par sa longueur et sa place centrale dans la structure de la farce. Elle donne à voir la réalisation du stratagème imaginé par Pathelin à la scène précédente. Toutes les formes du comique y sont représentées (cf. rubrique « Étudier le genre : le comique de la farce »). Le jeu des acteurs s’y déploie de la manière la plus manifeste. C’est la scène attendue des spectateurs, notamment pour les prouesses des acteurs, sachant que la farce est essentiellement un théâtre d’acteurs. En outre, cette scène pourrait être la dernière de la pièce, si l’action n’était pas relancée avec l’affaire des brebis qui, avant de s’imbriquer avec celle du drap, fait figure d’ajout. 16 Scène 5 ◆À VOS PLUMES ! 21. L’exercice suppose l’écriture d’un récit fait du point de vue de Guillaume stupéfait, et son insertion dans un dialogue alimenté par les réactions, les questions et les réponses de l’ami du drapier. Rappel des étapes de la scène : arrivée au logis de Pathelin et discussion avec Guillemette ; réveil de Pathelin qui le prend pour son médecin ; retour de Guillaume chez lui et constat de l’absence des six aunes de drap ; deuxième visite chez Pathelin, avec le délire en plusieurs langages incompréhensibles de celui-ci. ◆ M ISE EN SCÈNE 22. Cet exercice demande de savoir distinguer l’essentiel de l’accessoire, du point de vue de la construction du sens, mais aussi des procédés formels. Certains peuvent paraître inutiles, mais ils contribuent à l’effet comique recherché et à la réussite de la scène. On peut alléger la discussion du début entre Guillemette et le drapier, en gardant bien entendu les demandes de silence de Guillemette qui contrastent de manière comique avec ses cris. Il est souhaitable de supprimer certains passages en patois. Les réactions ahuries du drapier doivent être conservées. Enfin, on peut supprimer l’intermède du départ et du retour du drapier. 23. Le genre de la farce suppose un décor des plus élémentaires. Au Moyen Âge, la pièce était jouée sur le parvis d’une église, sur de simples tréteaux, et l’on faisait appel à l’imagination des spectateurs. Pour cette scène, le décor doit montrer la maison de Pathelin. Les acteurs jouent devant, mais l’intérieur doit être visible, avec le lit de Pathelin. Celuici est couché, en robe de chambre, avec éventuellement des coussins dans le dos. Le texte mentionne aussi une carafe. On peut imaginer que le décor consiste en une rue. Le logis de Pathelin est symbolisé par un paravent. Les acteurs écartent celui-ci quand le lieu de l’action change et qu’ils sont censés être à l’intérieur de la maison. Il est également nécessaire d’apercevoir la boutique du drapier, que peut représenter un étalage, ou une pile de tissu. La distance entre la demeure de l’avocat et la boutique de Guillaume se trouve nécessairement réduite pour entrer dans le champ de vision des spectateurs. 25. Substituer le jargon des élèves à celui de Pathelin, outre le caractère ludique de l’exercice, évite le problème de la mémorisation du texte. Seules sont à retenir les brèves répliques du drapier et de Guillemette. 17 RÉPONSES AUX QUESTIONS Il est souhaitable de travailler à partir de la réduction de cette partie opérée dans la question 22. Remarque : pour tous les exercices de mise en scène, il est bon que dans chaque groupe un metteur en scène soit nommé, et que les élèves spectateurs émettent des jugements argumentés sur les représentations auxquelles ils assistent. ◆ L IRE L’ IMAGE 26. Les éléments permettant de situer la photographie de la page 43 à la scène 5 sont la présence du lit, l’accoutrement de Pathelin, en robe de chambre, bonnet de nuit et pieds nus, et sa position. Son attitude exprime la souffrance, il feint d’être malade ou en proie au délire. 27. Pathelin a le visage crispé, il serre les poings, et est assis à côté de son lit comme si la douleur l’en avait sorti. 28. La mise en scène accorde toute sa place au jeu des acteurs et à l’expressivité corporelle. Ici, mais aussi dans les photographies de la même représentation, les mimiques sont outrées. Une attention particulière est portée à la gestuelle. Pathelin est dressé sur son lit, alors que sur l’autre photographie il était assis à côté. Les deux autres personnages apparaissent en contrebas, et Guillaume est en flexion sous Pathelin. On remarque également la diagonale tracée par les bras des comédiens. Il est intéressant de relever que les chaussures et les vêtements choisis laissent aux acteurs une entière liberté de mouvement. L’ensemble suggère un rythme alerte, vif, en accord avec le texte et l’esprit de la farce. S C È N E 7 (p. 70) ◆ Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE - TEMPS ? 1. Le nouveau personnage apparu à la scène 6 est Thibaud l’Agnelet, le berger du drapier Guillaume. 2. À la fin de la scène 6, le délit du berger demeure assez imprécis, mais le spectateur devine aisément qu’il s’agit de brebis volées. Il est question de vol (l. 4), puis de bêtes assommées (l. 23) ou volées (l. 32). 3. Le berger est assigné à comparaître devant le juge (l. 17) l’après-midi même (l. 19). On peut ajouter que le drapier risque de se montrer intraitable 18 Scène 7 (l. 41-42), mais aussi de confondre les deux histoires, comme il commence déjà à le faire (l. 25, 31). C’est une scène de procès qui s’annonce. 4. L’entrée en scène de Thibaud relance l’action, car à la fin de la scène 5 l’affaire du drap pouvait être considérée comme classée. Elle va être reprise avec la confrontation de Pathelin et du drapier face au juge. En outre, une seconde intrigue s’est nouée, et devra être résolue. Si elle apparaît au départ détachée et sans rapport avec la première intrigue, puisque aucun indice ne l’a annoncée, elle se lie à l’affaire du drap à la scène 7. L’unité de la pièce est ainsi préservée. Par ailleurs, ce n’est plus seulement le niais et malhonnête Guillaume qui est trompé, ce qui n’est pas une réelle surprise, mais le grand trompeur, le rusé Pathelin. Il va être pris à son propre piège, et le spectateur s’y attendait beaucoup moins. ◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ? 5. Thibaud se rend chez Pathelin car il a besoin d’un avocat pour le défendre à son procès. Il est en effet coupable, et de plus n’y connaît rien en matière de droit (l. 15). Mais, sans doute, être innocent et s’y connaître en droit n’aurait rien arrangé à la situation de Thibaud. Le milieu juridique est si corrompu qu’il faut être avocat, et donc rusé et pervers, pour s’en sortir. 6. Thibaud ne peut absolument rien nier. Il a été pris sur le fait, et nombre de personnes peuvent témoigner contre lui. 7. Thibaud se fera passer pour idiot en ne répondant que par « Bée » aux questions qui lui seront posées. ◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 8. Comme le montre ce qui précède et suit immédiatement cette phrase, Pathelin se réfère à son paiement. Même s’il ne gagne que peu d’argent en défendant le berger, il en tirera au moins quelque profit. Pathelin recourt à une expression imagée. 9. Les verbes à l’imparfait de l’indicatif sont : « faisais » (l. 28), « mouraient » (l. 29), « disait-il » (l. 30), « répondais-je » (l. 31), « c’était » (l. 32), « connaissais, mangeais » (l. 33). « Prenions » (l. 41) est un subjonctif présent. Il s’agit d’événements qui se répètent dans le passé. C’est un imparfait de répétition, ou itératif. 19 RÉPONSES AUX QUESTIONS 10. « tes torts fussent-ils deux fois plus grands » → même si tes torts étaient deux fois plus grands. Dans les deux cas, ce sont des subordonnées circonstancielles de concession. ◆ É TUDIER LE DISCOURS 11. Lignes 19 à 39 :Thibaud raconte des événements passés. Il emploie des temps du passé : l’imparfait à valeur itérative, et le passé composé qui établit le lien entre les événements passés et leur conséquence présente. Narrateur et personnage de son histoire, Thibaud emploie la première personne. L’emploi du présent de l’indicatif s’explique par l’insertion de la narration dans un dialogue. Lignes 37-38 : c’est un présent de vérité générale. 12. Lignes 28-29 : Thibaud donne uniquement la substance de ses propos passés. C’est du discours narrativisé. Cette notion est difficile à faire entendre aux élèves. Ici, il suffit qu’ils relèvent le choix qu’a fait Thibaud du discours direct sur le discours indirect. Ce choix peut s’interpréter comme le signe d’une maîtrise moins grande de la langue par le berger, mais il faut surtout être sensible à l’effet produit : la narration est plus vivante (l. 30-31). 13. Il faut faire remarquer que les deux personnages ne se connaissent pas. On attendrait donc un voussoiement réciproque. Or, si Thibaud recourt au vous de politesse pour s’adresser à l’avocat, ce dernier tutoie le berger, parce que celui-ci lui est socialement inférieur. ◆ É TUDIER UN THÈME : LA SATIRE DE LA JUSTICE 14. Thibaud promet de payer généreusement Pathelin s’il le défend. 15. Thibaud réitère sa promesse quatre fois : lignes 40, 47-48, 99-100, 110-111. Il y a une forte insistance sur la question du paiement des honoraires de l’avocat. 16. Il est question de son paiement, et exclusivement. 17. Même si la cause d’une personne est juste, cette dernière n’est pas assurée de gagner son procès car l’avocat de la partie adverse peut montrer que la cause n’est pas défendable. Thibaud donne cet élément comme certain, il n’en doute pas. C’est une assertion au futur de l’indicatif. La seule condition est que Pathelin le veuille bien. Or, pour que Pathelin le veuille, c’est uniquement une question d’argent, comme le révèle l’insistance du berger sur sa capacité à payer généreusement 20 Scène 7 l’avocat. D’ailleurs, Thibaud le répète dans la phrase qui précède immédiatement celle-ci. On fait donc ce que l’on veut de la loi, à condition de pouvoir payer. La justesse des causes est relative aux capacités financières des plaignants. 18. Il faut reprendre et synthétiser les éléments dégagés dans les questions précédentes. Les avocats sont intéressés, et uniquement motivés par l’argent. La justice est corrompue : a raison qui peut payer. Les petites gens, et les bergers, entre autres, sont donc défavorisés face aux riches. ◆ É TUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE 19. Les deux affaires sont liées par le recours de Thibaud à l’avocat Pathelin pour défendre sa cause face au drapier. Les deux adversaires dans l’affaire du drap vont ainsi se retrouver pour un second face-à-face. La deuxième affaire relève directement du genre de la farce. Celle-ci affectionne particulièrement le procédé du redoublement, source de comique. C’est une deuxième ruse qui est mise en spectacle, et une seconde mystification du drapier. S’ajoute celle, moins attendue, de Pathelin. Mais la réussite de La Farce de Maître Pathelin tient essentiellement au lien tissé entre les deux intrigues, là où les autres farces se contentent souvent d’une simple répétition. 20. Aux lignes 74 à 86, Pathelin élabore un nouveau stratagème. 21. Ce passage est à rapprocher des lignes 85 à 93 de la scène 3, lorsque Pathelin donne des directives à Guillemette sur l’attitude à tenir pendant la visite du drapier. 22. L’information essentielle ignorée de Pathelin est l’identité du maître de Thibaud, qui n’est autre que le drapier Guillaume. 23. L’effet produit par le décalage entre les informations détenues par les uns et les autres est un effet de suspens et d’attente inquiète de la part du spectateur, d’autant que Pathelin et le drapier vont se retrouver face à un juge. Il y a un risque certain pour Pathelin. Mais le spectateur n’éprouve pas de réelle crainte pour lui. Il a confiance en sa ruse pour se sortir des mauvais pas. 24. Les deux éléments qui aiguisent l’intérêt sont le face-à-face entre le drapier et Pathelin au tribunal, et la scène comique avec les « bée » de Thibaud. 25. Pour persuader Pathelin de le défendre, Thibaud lui promet de le payer en écus, et non en monnaie (l. 47-48). 21 RÉPONSES AUX QUESTIONS C’est avec cet argument que Pathelin a convaincu le drapier de lui céder le tissu à crédit. Le réemploi du même argument laisse présager que Pathelin sera lui aussi trompé, comme Guillaume l’a été. 26. Pathelin ne paie jamais lorsqu’il doit de l’argent, ou, comme avec le drapier, il donne le denier à Dieu. Son prix est donc nul. L’insistance sur le fait que Thibaud paiera Pathelin à son prix laisse deviner qu’il ne le paiera pas. Pathelin sera pris à son propre piège ! ◆À VOS PLUMES ! 27. Lignes 78 à 86 : Aussi, voici ce que tu devras faire : dès qu’on t’appellera pour comparaître devant le juge, tu ne répondras rien d’autre que « bée », quoi que l’on te dise. Et même si par hasard on t’injurie en disant que tu es une espèce d’ordure, que l’on te maudit, que l’on te traite de canaille, et que l’on te demande si tu te moques de la Justice, réponds par « Bée ». Je dirai/m’exclamerai que tu es un simple d’esprit qui croit parler à ses bêtes. Mais même s’ils devaient exploser […]. 28. ➧ Objectifs de l’exercice Construire un argumentaire pour la défense de l’une et l’autre parties, et écrire une scène de théâtre en respectant les codes imposés par le genre. Choisir un autre avocat que Pathelin pour défendre Thibaud permet d’éviter le problème de la reconnaissance entre Pathelin et le drapier. En effet, celleci superpose à l’affaire des brebis celle du drap, et complique trop l’exercice. Précision sur les interventions du juge : il organisera la séance en déterminant les tours de parole, s’il le faut il rappellera à l’ordre les adversaires, et rendra le verdict final. ◆ L IRE L ‘ IMAGE 29. Les personnages portent des habits du Moyen Âge et, à l’arrière-plan, apparaissent une fenêtre et des arcades typiques de l’architecture médiévale. La représentation du plafond révèle que l’action se déroule dans un intérieur de maison, sans doute celle de Pathelin. L’avocat Pathelin porte une robe et un chaperon, comme l’exige sa condition. Il tient à la main un papier, la profession d’avocat étant liée à l’écrit. Le berger n’a pas de chaperon.Vêtu d’un vêtement de travail qui vient recouvrir un pantalon, il est muni d’un bâton. 22 Scène 8 S C È N E 8 (p. 87) ◆ AVEZ - VOUS BIEN LU ? 1. Ce n’est qu’à partir de la ligne 125, exactement à la moitié de la scène, que Pathelin propose au juge de défendre Thibaud, puis le défend officiellement. 2. Pathelin accuse à trois reprises le drapier de ne pas payer Thibaud pour la garde de ses moutons : lignes 29-30, 113-114, 201-202. 3. Le texte souligné se rapporte à l’affaire des moutons, le texte ombré à celle du drap. LE DRAPIER – Certes, monsieur, mais l’affaire me concerne. Toutefois, j’en donne ma parole, je n’en soufflerai plus un mot aujourd’hui. Une autre fois, il en ira différemment. Il me faut avaler la pilule sans sourciller… J’expliquais donc, dans ma requête, comment j’avais vendu six aunes… je veux dire, mes brebis… Je vous en prie, monsieur, veuillez me pardonner. Cet illustre avocat… Mon berger, quand son travail le retenait aux champs… Il me dit que j’aurais six écus d’or quand je viendrais… Je veux dire que, il y a trois ans, mon berger s’est engagé à garder loyalement mes brebis, sans me causer de dommage ni me jouer de vilains tours, puis… À présent, il nie catégoriquement m’avoir acheté du drap, et me devoir de l’argent ! À Pathelin. Ah ! Maître Pierre, en vérité… L’escroc que voici volait la laine de mes bêtes, et bien qu’elles fussent en pleine santé, il les faisait mourir. Il les tuait en les frappant à grands coups de bâton sur le crâne… Une fois le drap sous son bras, il s’est mis en route sans tarder, et m’a dit de venir chercher les six écus d’or chez lui. On constate l’imbrication des deux histoires, ainsi que les nombreux « je vous en prie », « je veux dire », et points de suspension, qui traduisent le désarroi de Guillaume. 4. Thibaud peut retourner chez lui. Il est acquitté et n’aura pas à se représenter devant la justice. Son procès est définitivement réglé. 5. Le juge ne prend aucune décision concernant l’affaire du drap. Il croit le drapier fou, et n’accorde par conséquent aucune considération à ce qu’il dit à ce sujet. L’affaire n’est donc pas réglée. Pour le juge, elle n’existe pas. 23 RÉPONSES ◆ É TUDIER AUX QUESTIONS LE VOCABULAIRE 6. Il fallait cocher : ■ ✗ sottises. Le drapier aurait pu entretenir la cour de « discours » et d’« histoires », mais ces termes sont des signifiés neutres, alors qu’« inepties » est péjoratif. 7. « Sourciller » signifie « manifester son trouble, son mécontentement ». Le mot de la même famille est « sourcil ». Le rapport entre « sourcil » et « manifester son trouble » est le mouvement effectué pour manifester ce trouble. Le sens premier de « sourciller » est « remuer les sourcils ». Ce sens n’est plus employé aujourd’hui. C’est la locution froncer les sourcils qui remplace le verbe dans cette acception. Si le verbe est uniquement employé aujourd’hui au sens figuré, la locution s’emploie, elle, exclusivement au sens propre. Chaque terme a un emploi spécifique. Enfin, il faut souligner que « sourciller » s’emploie essentiellement avec une négation : sans sourciller, ne pas sourciller. 8. Ligne 63 : le juge emploie l’expression « Revenons à nos moutons » au sens propre. Aujourd’hui, l’expression n’est plus employée que de manière figurée. ◆ É TUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE 9. La scène 8 figure parmi les plus longues de la pièce. Les scènes 2 et 8 sont de longueur semblable. La scène 5 est de loin la plus longue, à cause du délire en patois de Pathelin. 10. Les deux scènes dont on peut rapprocher celle-ci sont les scènes 2 et 5. Ce sont les scènes attendues du spectateur. Elles mettent en spectacle les stratagèmes de Pathelin : la séduction du drapier, sa mystification, sa déroute finale au tribunal. Ce sont des scènes d’action entre lesquelles s’intercalent celles de préparation et de mise au point des ruses. Le jeu des acteurs y a donc une importance cruciale. Enfin, les scènes 5 et 8 sont des scènes de théâtre dans le théâtre, dans la mesure où Pathelin a organisé le jeu des différents intervenants juste avant. ◆ É TUDIER UN THÈME : LA SATIRE DE LA JUSTICE 11. D’emblée le juge apparaît pressé d’en finir et de lever la séance. Il a manifestement mieux à faire ailleurs : lignes 7-8, 12-13. 12. Il fallait cocher : ■ ✗ Thibaud est pauvre et ne pourra payer Pathelin (l. 129-130). Comme les avocats, le juge est intéressé. 24 Scène 8 13. Pathelin mène le jeu tout au long de la scène. C’est lui, et non le juge, qui préside la séance. Ligne 38 : il demande au juge de faire continuer Guillaume, et le juge s’exécute immédiatement. Ligne 44 : le juge demande à Pathelin la signification de ce que raconte Guillaume ; il s’en remet à lui pour interpréter le discours du drapier. Lignes 70-71 : Pathelin suggère d’interroger le berger, et à nouveau le juge le fait immédiatement. Le juge prend sans cesse à témoin Pathelin (l. 110 à 112). C’est aussi Pathelin qui se propose, et se désigne, comme l’avocat de Thibaud (l. 127-128). À partir de ce moment, il dirige plus directement encore la séance. Systématiquement, il va dicter au juge ce qu’il doit faire, et celui-ci va s’y plier. Pathelin n’hésite pas à employer des impératifs lorsqu’il s’adresse au juge. Son ton est autoritaire. Il lui ordonne de renvoyer Thibaud sans ajournement (l. 154, 157 à 159). Il ordonne de faire taire Guillaume (l. 187, 198, 222). Autre ordre, celui d’écouter attentivement le discours du drapier (l. 228). 14. Le signe de la victoire totale de Pathelin est l’invitation du juge à dîner, (l. 244-245). Non seulement Pathelin a obtenu ce qu’il voulait pour le berger et échappe lui-même à la poursuite du drapier, mais il est aussi l’objet de la considération du juge, considération certes peu gratifiante dans la mesure où celui-ci fait plutôt piètre figure. C’est un idiot, peu sympathique, qui s’est fait berner par Pathelin. Il est bon de préciser que lorsque le juge dit à Guillaume « C’est une véritable farce que vous nous jouez tous les deux » (l. 232), il se réfère à Guillaume et Thibaud. 15. Pathelin apparaît tout au long de la pièce comme un terrible trompeur. Il n’a aucun scrupule. Il est intéressé par l’argent. La scène 7 a montré que la justesse d’une cause était proportionnelle aux moyens financiers de celui qui la défendait. Dans la scène 8, les juges apparaissent pressés de se débarrasser des affaires. Ils sont peu sympathiques, n’écoutent pas les plaignants et font figure d’idiots bernés par les plus malins. ◆ É TUDIER LE DISCOURS 16. Pathelin cherche à blesser l’orgueil du juge et à provoquer sa colère contre le pauvre Guillaume. 17. a) Pathelin vient de dire que Guillaume se moque du juge, et l’a accusé peu avant de ne pas payer Thibaud. Ainsi, il ne pense évidemment pas ce qu’il dit, et veut faire entendre le contraire. 25 RÉPONSES AUX QUESTIONS b) La figure de style employée est l’antiphrase. c) Le ton de la réplique est ironique. Question supplémentaire Relevez dans le texte une autre phrase de ce type. Autre formulation : Que veut dire le juge lorsqu’il dit à Guillaume : « Il y a de quoi être fier de plaider contre un fou ! » (l. 215-216) ? Comment appelle-t-on cette figure de style ? Quel sentiment traduit-elle ? Réponse : Le juge veut exactement faire entendre le contraire de ce qu’il dit. La figure de style employée est l’antiphrase. Elle traduit l’ironie. 18. À la scène précédente, la question du paiement des honoraires de Pathelin est revenue comme un leitmotiv. La réflexion de Pathelin est donc d’une hypocrisie extrême. ◆ É TUDIER L’ ÉCRITURE 19. Le texte en moyen français offre une disposition différente de celle de la traduction. Il ne va pas « jusqu’au bout de la ligne ». Cette représentation graphique est la transcription, ou matérialisation, d’un phénomène rythmique. Le vers est une unité rythmique, et après chacune on va systématiquement à la ligne. Les textes habituellement présentés sous cette forme sont les poèmes en vers et le théâtre versifié. 20. Chaque ligne compte huit syllabes et constitue un vers octosyllabe. 21. Les sonorités finales sont reprises d’une ligne à l’autre. Elles sont identiques deux à deux et forment des rimes plates AABB, de qualité variable. ◆À VOS PLUMES ! 25. Les deux points de vue doivent être également défendus. Les élèves ne doivent pas exclusivement avancer des arguments appuyant leur propre choix mais tenir compte du choix opposé. ◆ L IRE L’ IMAGE 26. Sur les deux documents, l’action se déroule au tribunal, représenté par un objet symbolique, le siège du juge. Sur la photographie, les maisons dessinées en trompe l’œil à l’arrière-plan indiquent que le tribunal se tient dans la rue. 26 Scène 10 Placé au centre, le juge est assis dans un fauteuil surélevé. Personnage central, c’est vers lui que convergent regards et discours. Sur la gravure, sa coiffe est plus élaborée que celle des autres personnages. Sur la gravure, le berger apparaît au premier plan, à droite, tête nue, avec son bâton, sa cotte et son pantalon. Sur la photographie, il est à gauche, sommairement vêtu, et l’air profondément hébété. Pathelin est placé à ses côtés, faisant face au drapier, campé de l’autre côté du juge. Sur la gravure, la position des mains de Guillaume indique que c’est lui qui parle, tandis que sur la photographie c’est Pathelin, comme le révèlent la position de ses bras ainsi que les regards du juge et du drapier tournés vers lui. Pathelin et le drapier portent une robe. Quel que soit le document, ce dernier est toujours placé de l’autre côté du juge, face à Thibaud et à son avocat. 27. La photographie compte trois plans. À l’arrière-plan, dans l’embrasure de la porte, derrière le juge et de chaque côté de lui, on aperçoit deux clercs. Au deuxième plan, au centre de la scène, se tient le juge. Au premier plan, de chaque côté du juge, se trouvent le drapier face à Pathelin et Thibaud. 28. Thibaud regarde en l’air, sans vraiment voir, tandis que le drapier et le juge fixent Pathelin. Le regard de celui-ci est tourné vers son adversaire. Les regards convergent vers Pathelin : il a la parole, il est le personnage principal et sortira vainqueur, en apparence tout au moins, du procès. Au regard de Thibaud, dirigé vers nulle part, et à sa position sur scène, on comprend qu’il est en retrait. Il simule la bêtise profonde. S C È N E 1 0 (p. 97) ◆ Q UE S ’ EST - IL PASSÉ ENTRE - TEMPS ? 1. Pour ne plus douter de l’identité du voleur de drap, Guillaume décide de retourner chez Pathelin. 2. L’affaire du drap n’est pas réglée. Le drapier va trouver la maison et le lit de Pathelin vides. Il en déduira que Pathelin n’est pas malade, et lui a bel et bien volé son drap. Mais de là à se faire payer… Notons que si l’affaire n’est pas réglée du point de vue de la justice, elle l’est dans la farce, genre qui n’admet pas dans sa structure ce type de retournement de situation. 27 RÉPONSES ◆ AVEZ - VOUS AUX QUESTIONS BIEN LU ? 3. Pathelin félicite Thibaud d’avoir bien joué son rôle et de n’avoir pas ri (l. 14 à 16). 4. Pathelin se fâche contre Thibaud parce que ce dernier ne cesse de bêler et ne le paie pas. 5. À la fin de la scène, Thibaud se sauve parce que l’avocat le menace et décide d’appeler un sergent pour le faire arrêter. C’est aussi une fin traditionnelle dans le genre de la farce. ◆ É TUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 6. Le drapier avait été invité par Pathelin à venir manger de l’oie chez lui, lorsqu’il viendrait chercher son argent. Le sens figuré de l’expression est facilement déductible. Faire manger de l’oie signifie « se moquer de quelqu’un ». L’oie désigne l’animal, mais aussi une personne très sotte. On dit être bête comme une oie, c’est-à-dire extrêmement bête. 7. Le substantif « oison » désigne le petit de l’oie. Avec cette expression proverbiale, Pathelin signifie que les jeunes sont plus malins que les anciens, que les élèves dépassent le maître, ou encore que celui que l’on croit naïf, peu instruit, domine celui qui semble plus intelligent ou plus instruit. « Oison » peut aussi désigner une personne très crédule. 8. Le verbe « souper » est dérivé du substantif « soupe ». Aujourd’hui, si « souper » est encore employé dans certaines régions françaises, on lui préfère généralement le verbe « dîner », pour désigner l’action de prendre le repas du soir. Dans l’histoire du verbe « souper », certains éléments sont essentiels et faciles à retenir : Le verbe « souper », qui procède de « soupe », « tranche de pain », a signifié « prendre le repas du soir », remplacé en français par « dîner », mais toujours en usage régionalement (en français du Canada, en Belgique et en Suisse). Avec l’évolution des habitudes de table au XVIIIe siècle, « souper » prend le sens de « faire un souper », le substantif « souper » désignant le repas, ou la simple collation que l’on prend à une heure avancée de la nuit. Il est bon de signaler que pour désigner les trois repas principaux de la journée, au trio « déjeuner, dîner, souper », s’est substitué le trio « petit déjeuner, 28 Scène 10 déjeuner, dîner », auquel vient éventuellement s’ajouter « souper ». Cette évolution s’explique par les décalages dans les heures de prise de repas. Le premier changement date du XVIe siècle environ. « Dîner » et « déjeuner » étaient d’abord employés pour désigner le premier repas de la journée. Quand, par suite de changements dans les habitudes alimentaires, le premier des deux repas principaux s’est pris au milieu de la journée, la langue a réservé « déjeuner » pour le petit repas fait au lever, et « dîner » pour le repas fait au milieu du jour. Depuis le début du XIXe siècle, « déjeuner » et « dîner » ont subi un second changement de sens, d’abord à Paris. « Déjeuner » a été attribué au repas du milieu du jour, le petit repas du début de la journée se disant alors petit déjeuner. « Dîner » a été attribué au repas du soir et a remplacé « souper ». 9. La phrase employée par Pathelin relève du type impératif. Phrases du même type dans cette scène : « Dis, l’Agnelet » (l. 1) ; « Ne dis plus “Bée !” » (l. 5) ; « Parle sans crainte ! N’aie pas peur ! » (l. 9-10) ; « Paie-moi ! » (l. 12) ; « Paie-moi généreusement » (l. 19) ; « Parle correctement ! Paie-moi » (l. 21) ; « cesse de bêler après moi […]. Paie-moi en vitesse ! » (l. 25-26) ; « Allons ! » (l. 30) ; « Désormais ne me rebats plus les oreilles de ton “Bée !”, et paie-moi ! » (l. 36-37) ; « Eh bien, fais en sorte… » (l. 41) ; « dis-le, et ne me force pas à discuter davantage ! Viens donc souper chez moi ! » (l. 48-49). Les phrases impératives expriment l’ordre ou la défense. Leur grand nombre s’explique par l’opposition que rencontre Pathelin face au berger. La forme impérative est la voie la plus directe pour exprimer un ordre, qui peut être aussi traduit par des phrases sans impératif. On en a un exemple lorsque Pathelin s’exclame « Mon argent ! » (l. 30), où l’impératif est sous-entendu. ◆ É TUDIER UN THÈME : LE TROMPEUR TROMPÉ 10. À la scène 7,Thibaud promettait de payer Pathelin en beaux écus d’or. 11. Aux demandes répétées de Pathelin de le payer, le berger répond par « bée ». Cette réponse rappelle la scène 5 et les délires de Pathelin en divers langages incompréhensibles. Dans les deux cas, la situation de communication est faussée. Le récepteur refuse d’être émetteur, ou plutôt émet un message non décodable, ou inadapté et hors de propos. 29 RÉPONSES AUX QUESTIONS 12. Les réponses aux deux questions précédentes mettent en relief les points communs entre la tromperie du drapier et celle de Pathelin. L’avocat comme le berger ont promis de payer en écus d’or, mais chacun a payé de mots incompréhensibles. Le parallélisme entre les deux fourberies a également été suggéré par la question 6 portant sur le sens de l’expression manger de l’oie, et par la question 26 de la scène 7 sur le prix auquel Pathelin paie d’ordinaire les gens,Thibaud lui promettant de le rémunérer « à son prix ». Ainsi La Farce de Maître Pathelin met-elle en spectacle une tromperie redoublée et inversée. Le redoublement et l’inversion des escroqueries sont des structures de construction auxquelles la farce recourt fréquemment, au point qu’elles peuvent être considérées comme caractéristiques du genre. Ces structures sont des moyens sûrs de provoquer le rire. Cf. Henri Bergson, Le Rire, 1900. 13. L’autre trompeur trompé de la pièce est le drapier qui se félicite d’avoir berné Pathelin en lui vendant vingt-quatre sous un tissu qui n’en vaut pas vingt. À la scène 5, Guillemette affirmait que jamais une telle canaille n’avait mieux mérité une leçon. On peut en dire autant de Pathelin. 14. Cette farce illustre le proverbe « À malin, malin et demi ». ◆ É TUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE 15. La scène finale d’une pièce est le dénouement. 16. Le problème qui reste à régler au début de la scène 10 est le paiement des honoraires de Pathelin. Malgré ses allégations de ne rien vouloir en tirer, l’avocat attend de Thibaud qu’il le rémunère grassement pour l’avoir brillamment défendu. 17. Pathelin est présent dans les deux scènes, mais dans des situations diamétralement opposées. Scène 9, il est en position de force face au drapier, alors que scène 10 il ne peut obtenir ce qu’il veut du berger. Il est trompeur, puis trompé, gagnant puis perdant. Les deux scènes sont parallèles et inversées. C’est un procédé comique récurrent, parce que simple et efficace, qui en outre illustre à merveille le proverbe « À trompeur, trompeur et demi ». 18. À deux reprises, le trompeur est finalement trompé. Cette même issue aux deux histoires montre qu’il existe une forme de justice. Celui qui escroque les autres doit s’attendre à l’être lui-même. En outre, c’est Thibaud, symbole du petit, éternelle victime des grands, qui l’emporte. Cependant 30 Scène 10 cette justice est liée à la ruse, à l’aptitude de chacun à se défendre, non en faisant valoir son bon droit, mais en trompant à son tour. La justice en tant qu’institution est quant à elle totalement inefficace et, qui plus est, corrompue (cf. analyse de la scène 8). ◆À VOS PLUMES ! 20. Les élèves doivent formuler la plainte que Pathelin adresse au sergent, et donc un énoncé clair et concis. Cette plainte risque de se retourner contre lui, et, comme le drapier précédemment, il va sans doute se faire traiter de fou.Thibaud peut ne continuer à répondre que par « bée ». De préférence, le sergent ne sera pas très malin. C’est ainsi qu’il est conçu dans l’imaginaire collectif, et plus spécifiquement dans le genre de la farce. C’est une scène parallèle à celle du procès qui se rejoue ici, où le plaignant, un trompeur trompé, passe pour fou, et où les représentants de la justice sont à nouveau malmenés. 21. Cet exercice d’écriture demande le réinvestissement des acquis en grammaire, avec l’emploi de phrases impératives. Il vérifie la capacité des élèves à repérer les différences de tons dans un discours, et à mettre eux-mêmes en œuvre ces variations. Il faut faire remarquer que même si le ton de la discussion monte, on ne change pas pour autant de registre de langue. Un enfant s’adresse à un autre, et les registres employés sont les registres courant et familier, mais non vulgaire. 31 RÉPONSES AUX QUESTIONS R E T O U R S U R L’ Œ U V R E ( p . 1 0 0 ) 1. Qui suis-je ? a) Le drapier Guillaume. b) Le berger Thibaud. c) L’avocat Pathelin. d) Le juge. e) Guillemette, la femme de Pathelin. 2. Qui trompe qui ? – Pathelin trompe Guillaume en emportant le drap à crédit, puis en feignant d’être malade. Il trompe aussi le juge qui acquitte Thibaud, renvoie rudement Guillaume, et ne soupçonne rien des multiples manigances de l’avocat. – Guillaume trompe Pathelin sur le prix du drap, et sans doute sur la quantité vendue. – Complice de Pathelin, Guillemette trompe le drapier. Elle est un acteur de la tromperie. – Le juge ne trompe personne. – Le berger trompe Guillaume en lui volant ses bêtes. Il trompe le juge en simulant la bêtise, et finalement Pathelin, qu’il paie « à son prix ». 3. L’intrigue : a) L’affaire du drap et celle des brebis. b) Elles sont liées par le berger de Guillaume, Thibaud, qui va demander à Pathelin de le défendre. c) L’imbrication des deux affaires apparaît nettement dans la scène du procès. 4. Ordre des propositions pour résumer la farce : e) – h) –a) – i) – b) – j) – g) – d) – f) – c). 5. Le genre de la farce : vrai – vrai – vrai – faux – faux. 6. Les types de comique. Comique de gestes : a). Comique de mots : b) – e) – h). Comique de situation : c) – d) – i). Comique de caractère : f) – g) – j). 7. La satire : Je suis avocat et… : b) – c). Je suis juge et… : b). Je suis marchand et… : a) – d). 32 PROPOSITION DE SÉQUENCE DIDACTIQUE Les difficultés du texte rendent préférable de ne pas étudier La Farce de Maître Pathelin en début d’année. En parallèle avec l’étude du Moyen Âge en histoire, la séquence peut débuter en janvier. À raison de quatre heures hebdomadaires, l’analyse de La Farce occupe environ trois semaines : douze séances d’une heure auxquelles s’ajoutent les évaluations formative et sommative (trois heures). Le tableau suivant propose une séquence élaborée à partir des questionnaires « Au fil du texte ». L’enseignant la modulera selon ses objectifs propres et le niveau de sa classe. SÉANCE LECTURE MISE EN SCÈNE ET PROLONGEMENTS LANGUE ÉCRITURE Séance 1 Scène 1. Spécificité du texte théâtral. L’exposition ; les didascalies. Questions 1, 9 à 13. Lexique : patelin, question 6. Écriture d’un script, question 18. Les conditions de la représentation au Moyen Âge (lieux, décors, acteurs et publics). Séance 2 Scène 1. Le genre farcesque, questions 14 à 16. Champ lexical du droit, question 8. Synonymes d’« enjôler », question 7. Le portrait, question 17. La double énonciation au théâtre. Séance 3 Scène 2. Un thème : la parole trompeuse, questions 13 à 16. Discours et arguments, questions 9 à 12. Écrire une scène d’opposition entre deux personnages, question 22. L’expression dramatique : dire avec le corps le contraire de ce que dit la parole. 33 PROPOSITION SÉANCE DE LECTURE SÉQUENCE LANGUE DIDACTIQUE ÉCRITURE MISE EN SCÈNE ET PROLONGEMENTS Séance 4 Scène 2. Le genre à travers un personnage, questions 17 à 20. Séance 5 Scène 3. Le genre à travers les caractères, questions 14 et 15. Un procédé : le théâtre dans le théâtre, questions 16 à 18. Formation de « drapier », « draperie », question 6. Description du caractère du marchand, question 21. L’univers du Moyen Âge : foires et marchands. La parole rapportée, questions 11 à 13. Les temps du récit, question 8. L’expressivité, question 9. Les métamorphoses de la farce : parallèle avec les personnages du groupement de textes. La moralité dans la fable « Le Corbeau et le Renard » de La Fontaine : procédés et effets. Séance 6 Scène 5. La fonction de la scène, questions 17 à 19. Tutoiement et voussoiement, questions 10 et 11. Paroles rapportées et changement de point de vue, question 19. Portrait avec recherche d’expressivité et prolongation de l’étude des caractères, question 20. Raconter une journée de vacances en employant les différents temps du récit. Registres de langue, question 20. Séance 7 Scène 5. Le genre – le comique de la farce, questions 12 à 16. Champ lexical Récit dans de l’amusement, le dialogue et question 7. expressivité, Expressivité : question 21. expression Rechercher imagée et cinq ponctuation, expressions questions 8 imagées. et 9. 34 Distinguer l’essentiel de l’accessoire, question 22. Prendre en compte les problèmes de décor, question 23. Jeu théâtral avec travail sur l’expressivité, questions 24 et 25. Les métamorphoses de la farce : parallèle avec le groupement de textes sur le comique. PROPOSITION SÉANCE LECTURE Séance 8 Scène 7. La fonction de la scène dans la pièce, questions 19 à 25. Séance 9 Scène 7. La satire de la justice, questions 14 à 18. Séance 10 Séance 11 Séance 12 Scène 8. La fonction de la scène, questions 9 et 10. Scène 8. La satire de la justice, questions 11 à 15. Scène 10. La fonction de la scène, questions 15 à 19. Le trompeur trompé, questions 10 à 19. DE SÉQUENCE DIDACTIQUE LANGUE ÉCRITURE Valeurs de l’imparfait dans une narration, question 9. Le discours : narration, paroles rapportées et modalités de l’adresse, questions 11 à 13. Compréhension, questions 8 et 10. Transformation du discours direct en discours indirect, question 26. Raconter un souvenir en ayant soin d’employer les différentes valeurs de l’imparfait. Construction d’un argumentaire pour un procès régulier, question 27. Résumé efficace, question 23. L’argumentation, question 25. Portrait ironique, question 24. Donner des exemples de tournures ironiques. Imaginer en respectant la cohérence, question 21. Demander quelque chose en variant tons et intensités, question 22. Versification, questions 19 à 21. Les moyens d’une parole trompeuse, questions 16 à 18. Sens figuré et dictons, questions 6 et 7. Types de phrases, question 9. 35 MISE EN SCÈNE ET PROLONGEMENTS Recherche documentaire sur les points communs entre farces et fabliaux. Mise en scène des productions des élèves. Exercice de traduction, question 22. Recherche documentaire sur l’exercice de la justice au Moyen Âge. Exercice de traduction, question 20. Expressivité théâtrale, questions 23 et 24. Recherche de fables, ou autres récits, illustrant le proverbe « À malin, malin et demi ». E X P LO I TAT I O N DU GROUPEMENT DE TEXTES Le groupement de textes autour des métamorphoses, ou avatars, de la farce vient prolonger la séquence sur Pathelin. Disposant de peu d’espace, nous avons préféré fournir un nombre réduit d’extraits substantiels plutôt que multiplier les fragments. Le professeur peut lui-même enrichir le groupement. Nous suggérons Un mot pour un autre de Jean Tardieu. On y retrouve les jeux sur le langage, l’importance des mimiques et de la gestuelle, véhicules du sens, ainsi que la situation de cocuage (Jean Tardieu, Un mot pour un autre dans La Comédie du langage, Gallimard, Folio, notamment p. 16 à 19). Le théâtre de Georges Courteline, d’Eugène Labiche ou de Jean Genet reprend aussi les procédés farcesques. Quant aux textes retenus ici,voici les éléments hérités de la farce à mettre en relief. ◆ M OLIÈRE La cachette dans le sac, les coups de bâton et le parler gascon ; l’importance du jeu de l’acteur Scapin devant feindre deux voix, ses gestes et mimiques ; le grossissement caricatural des défauts du barbon ; le renversement carnavalesque, en soulignant que Molière va loin pour son époque : un valet passe à tabac son maître. Mettre en relief aussi une différence avec la farce : l’épaisseur du personnage de Scapin. Héritier direct de la farce, rusé et fourbe, il fait preuve de bon sens et se trouve au centre d’une intrigue des plus complexes. ◆ G EORGES F EYDEAU (1862-1921) Entre farce et comédie, ce vaudeville reprend des éléments farcesques. Le comique de situation : l’hôtesse s’acharne à faire avaler une purge à un invité important pour les affaires de son mari. Une situation cocasse dans le registre bas : le laxatif et le cocuage. Le comique de gestes : le visage grimaçant de Chouilloux sous l’effet de la purge, et sa fuite précipitée. Les noms des personnages. ◆ A LFRED J ARRY (1873-1907) Farce tragique, Ubu Roi représente un pouvoir arbitraire, destructeur, régi par les instincts les plus bas. Les procédés comiques, détournés, sont ceux de la 36 E X P LO I TAT I O N DU GROUPEMENT DE TEXTES farce. Comique de mots : les répétitions (« caisse à Nobles, crochet à Nobles »…) ; les termes cocasses (« sous-sols du Pince-Porc, Chambre-à-sous, bouffre, merdre ») ; l’insistance sur les possessifs (« MA liste de MES biens »). Comique de gestes : le physique difforme et l’accoutrement d’Ubu ; les nobles crochetés et passés à la trappe un à un, puis « empilés ». Comique de caractère : l’attitude faussement outrée de la Mère Ubu, à rapprocher de celle de Guillemette, critiquant Pathelin à la scène 3 mais de tout cœur avec lui. Comique de situation : le schématisme des personnages, des Nobles, groupe indistinct, pantins insignifiants face à un pantin dictateur, à mettre en rapport avec le théâtre de marionnettes, et Guignol ; le schématisme de la scène, bâtie sur la répétition de l’interrogatoire – condamnation, exécution ; les motifs de la condamnation, revenus élevés comme absence de revenus. ◆ J EAN TARDIEU La comédie de Tardieu est fondée sur une méprise, ou quiproquo. C’est une scène de procès comique, mais dans laquelle perce l’absurdité de la situation. Multiples, les jeux de mots visent moins à faire rire qu’à interroger les signifiants, et à examiner dans quelle mesure le langage permet à l’homme de s’exprimer. Les mots peuvent-ils restituer fidèlement nos pensées, permettent-ils de dire réellement ce que l’on veut dire, ou nous trahissent-ils nécessairement ? La pièce de Tardieu montre qu’entre expression et réception il y a du jeu qui compromet la communication. Toute la comédie est intéressante à étudier, notamment pour ses jeux verbaux. Elle est aussi aisément représentable. Courte et drôle, nécessitant peu de personnages et un décor sommaire (deux bureaux face à face et une table pour le greffier), elle est en outre facilement mémorisable et permet de travailler l’expressivité des corps et des visages. De la farce, on retrouve le ton alerte, la caricature du juge qui ne comprend rien, alors que le spectateur décode vite de quoi il s’agit, et les noms des personnages : le juge est désigné par sa fonction, et « poutre » suggère la bêtise, la difficulté à comprendre, l’inertie. Les jeux de mots sont à souligner. Comme dans La Leçon de Ionesco, le travail sur le langage est important.Voici quelques traits à mettre en relief : – les différentes désignations du juge : « M. le Proviseur, Docteur, Colonel, Mon Père, M. le Curé » ; – le parler paysan de M. et Mme Poutre ; 37 E X P LO I TAT I O N DU GROUPEMENT DE TEXTES – le jeu sur la présence-absence des témoins lors des événements, ou de leurs effets, celui qui témoigne étant celui qui était absent, mais qui a le plus de mémoire, ou d’imagination. Drôle de témoignage en faveur ou contre cette personne ou cette chose, qui n’est autre que le soleil, ou l’orage ! ◆ E UGÈNE I ONESCO (1909-1994) Avatar du genre, La Leçon est aussi une farce tragique. Les éléments hérités de la farce sont variés. Personnages désignés par leur fonction. Schématisme de l’intrigue et du décor. Comique de situation avec un professeur surexcité face à une élève grimaçante et totalement anesthésiée. Comique de mots, avec la reprise de « dents » et de « crâne – crâneur ». Le discours inintelligible du professeur rappelle les patois de Pathelin, mais, situation tragique, le professeur est dominé par le langage alors que l’avocat en avait une maîtrise parfaite. Un aspect mécanique, mais inquiétant : répétition d’une situation meurtrière, et non cocasse. Ce n’est pas la première jeune fille assassinée, et une autre sonne ! 38 PISTES DE RECHERCHES DOCUMENTAIRES Les thèmes suivants peuvent être proposés comme sujets d’exposés réalisés seuls ou par groupes de deux élèves. – Les acteurs de farce du Moyen Âge au XVIIe siècle. – Les personnages de comédie. – Formes et procédés comiques. – Les points communs entre farces et fabliaux. – Les autres farces célèbres du Moyen Âge. – Petite histoire du théâtre de l’Antiquité à Molière. – Les foires au Moyen Âge. – La vie de la cité au Moyen Âge (organisation et acteurs principaux). – L’exercice de la justice au Moyen Âge. – Fiche de lecture présentée sous forme d’exposé sur l’une des pièces retenues dans le groupement de textes. L’étude s’intéressera notamment à contexte de création et auteur ; résumé de l’argument ; schéma dramatique ; personnages principaux ; significations ; rapports au genre farcesque, héritages et déviances. 39 BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE ◆ É DITION – Maistre Pierre Pathelin, farce du XV e siècle, éd. revue par Richard T. Holbrook, Paris, Champion, coll. « Classiques français du Moyen Âge », 1937 [1924]. ◆ S UR L A FARCE DE M AÎTRE PATHELIN – J. Dufournet et M. Rousse, Sur « La Farce de Maître Pathelin », Paris, Champion, coll. « Unichamp », 1986. ◆ S UR LE THÉÂTRE COMIQUE – R. Lebegue, Le Théâtre comique en France de « Pathelin » à « Mélite », Paris, Hatier, coll. « Connaissances des Lettres », 1972. – H. Lewicka, Études sur l’ancienne farce française, Paris, Klincksieck, 1974. – Ch. Mazouer, Farces du Grand Siècle, Paris, Livre de Poche, 1992 (pour les autres textes et l’introduction). – B. Rey-Flaud, La Farce ou la Machine à rire. Théorie d’un genre dramatique (1450-1550), Genève, Droz, coll. « Publications romanes et françaises », 1984. – A. Tissier, Recueil de farces (1450-1550), textes annotés et commentés par, Genève, Droz, coll. « Textes littéraires français », 1986-1990. ◆ S UR LE THÉÂTRE EN MILIEU SCOLAIRE – Cahiers pédagogiques, « Le théâtre à l’école, qu’est-ce que ça fait ? », n° 337, octobre 1995. – Le Français aujourd’hui, « Théâtre Acte IV », n° 103, 1993. – C. Page, Éduquer par le jeu dramatique, ESF, coll. « Pratiques et enjeux pédagogiques », 1997. – J.-P. Ryngaert, Le Jeu dramatique en milieu scolaire, éd. Universitaire, 1991. ◆ S UR LE THÉÂTRE – M.-Cl. Hubert, Le Théâtre, Paris, A. Colin, coll. « Cursus », 1988. – P. Larthomas, Le Langage dramatique, sa nature, ses procédés, Paris, A. Colin, 1972. – P. Pavis, Dictionnaire du théâtre, éd. Sociales, 2e éd. 1987. – J. Sherer, La Dramaturgie classique en France, Nizet, 1966. – A. Ubersfeld, Lire le théâtre I et II, éd. Sociales, coll. « Classiques du peuple », 1978 et 1981. 40