Les logiciels ludo-éducatifs et éducatifs pour les - Web y es-tu

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Les logiciels ludo-éducatifs et éducatifs pour les - Web y es-tu
Master 1ère année
Domaine Sciences humaines et sociales
Mention Information et communication
Parcours Contenus et projets Internet
LES LOGICIELS LUDO-ÉDUCATIFS ET
ÉDUCATIFS POUR LES ENFANTS DE CYCLE 2
FICHIERS SONORES ET APPRENTISSAGE DE LA LECTURE
Mémoire en vue de l’obtention du master 1
Mention Information et communication
présenté et soutenu par
Maggi Pillard-Godenne
Directeur de recherche : Pierre MORELLI
Année universitaire 2009-2010
Sommaire
Sommaire ................................................................................................................................... 2
Remerciements ........................................................................................................................... 3
Avis au lecteur ............................................................................................................................ 4
Introduction .............................................................................................................................. 5
Les axes de recherche ............................................................................................................ 7
Problématique et méthode de recherche .............................................................................. 11
Les cédéroms étudiés ........................................................................................................... 11
I. Autonomie de l’enfant en situation d’apprentissage :
une activité individuelle et
autonome ou semi-autonome ................................................................................................. 15
A. L’enfant-explorateur, acteur dans sa recherche d’information ....................................... 17
1. L’identification ............................................................................................................ 17
2. L’ergonomie et la navigation ...................................................................................... 18
B. Interactivité fonctionnelle : consignes écrites, orales, à la demande .............................. 22
C. Interactivité fonctionnelle : rétroactions sonores et accompagnement pédagogique...... 26
II. L’accès individualisé au rapport phonème / graphème comme outil pour l’enseignant
.................................................................................................................................................. 29
A. Parcours individualisés et paramétrages techniques ....................................................... 30
B. Sauvegardes de progression ............................................................................................ 33
C. Réactivité et dynamique du cédérom .............................................................................. 35
III. L’aspect ludique du cédérom et la perspective motivationnelle de l’enfant .............. 38
A. Des activités multimédia en lien avec des activités connues des enfants ....................... 39
B. Un personnage animé incarnant le référent .................................................................... 42
C. Des transitions animées et musicalisées comme éléments récréatifs .............................. 46
D. Les bruitages (fonctionnels et non-fonctionnels) ........................................................... 49
Conclusion ............................................................................................................................... 54
Bibliographie........................................................................................................................... 61
-2-
Remerciements
En préambule à ce mémoire, je tiens à remercier, l’équipe pédagogique de l’UFR SHA
de l’Université Paul Verlaine Metz, et particulièrement Pierre Morelli, mon directeur de
mémoire pour ses précieux conseils et son suivi attentif tout au long de ma recherche ;
Je remercie sincèrement, Jean-Michel Vite, responsable du pôle ressources numériques
1er degré au Ministère de l’Éducation Nationale, Alain Trinkwell, formateur TUIC
(technologies usuelles de l'information et de la communication) à l’Inspection Académique de
Moselle, pour leur disponibilité ;
Mes remerciements vont également à Philippe Aubert, professeur des écoles et maître
formateur (EMF), pour ses conseils et son accueil dans sa classe durant mon observation de
terrain, j’ai d’ailleurs une pensée particulière aux enfants qui ont participé activement à mon
enquête ;
Je témoigne, enfin, toute ma reconnaissance à Woopi qui a eu la patience, entre autre de
lire et de corriger ce travail ; à Christophe T., Coralie C., Clémentine M. et Chilpérico pour
leur soutien, même inconscient ; à Charlie et Matéo qui m’ont aidé à prendre du recul à leur
façon ; à mes parents et ma famille de Belgique qui sont toujours présents, malgré les
distances.
-3-
Avis au lecteur
Nous attirons l’attention du lecteur de ce travail sur le fait qu’il corresponde à une
version corrigée après les conseils et critiques reçus lors de sa soutenance le 09 juillet 2010
devant Monsieur Pierre Morelli et Madame Catherine Kellner. Le fond n’a pour autant pas été
modifié, seuls le titre et la présentation de la bibliographie auront été corrigé.
Précisons également que ce document ne serait être complet sans son second volume
contenant les annexes.
-4-
Introduction
Dès 1984, le marché du cédérom, se mettait en place ouvrant de belles perspectives à
l’univers du multimédia. Depuis, l’avènement d’Internet et plus précisément du world wide
web et de ses nombreuses ressources en ligne en constante évolution a fortement enrayé le
succès de ce support sans pour autant le suppléer définitivement. En effet, bien que
promettant une quantité de sources non négligeable, le web ne propose pas toujours une
qualité technique qui irait de paire. Lieu de l’autopromotion, on y trouve aussi bien des sites
créés par des professionnels que par des amateurs. Cette facilité de production induit un
nombre tellement important de logiciels mis en ligne qu’il est parfois difficile d’y voir clair et
de faire son choix.
Ce constat vaut également pour les cédéroms éducatifs utilisés en milieu scolaire.
Internet apporte naturellement des avantages certains, tels que la gratuité et la facilité de mise
en œuvre (inutile d’installer un programme parfois lourd sur l’ordinateur, un simple plug-in
suffit). Cependant, l’instabilité de certains sites, réseaux, serveurs ainsi que l’important travail
de tri qui s’impose aux enseignants désirant travailler en ligne dans leur classe, sont des
difficultés qui n’existent pas avec les supports physiques. Et bien qu’imposant une installation
et un coût à l’achat, le cédérom présente de réelles garanties techniques, telles qu’une activité
en pleine page, rarement possible sur Internet, qui facilite la navigation de l’enfant. Sans
oublier que l’autonomie du support face à Internet revêt un caractère sécurisant pour tous
(enfant comme référent) puisqu’il évite l’ouverture de fenêtre intempestive ou le clic
malencontreux qui transporterait l’usager vers une destination non désirée. Enfin, la mise en
place de parcours construits individuels et leurs enregistrements, dans le cadre de l’acquisition
de notions précises, constituent un des atouts majeurs de ce support.
Utilisés de la maternelle au lycée, les cédéroms, jouissent de fonctionnalités
multimédias et organisationnelles qui permettent à l’enseignant de mettre en place de
nouvelles approches pédagogiques. En effet, outre les plus-values apportées par l’adoption du
multimédia, ce support offre la possibilité de créer ses propres exercices, de différencier les
activités en fonction du niveau des élèves et de visualiser un parcours pour retourner vers un
exercice déjà réalisé. Ces caractéristiques peuvent s’avérer particulièrement intéressantes pour
les étapes décisives de la scolarité, notamment dans le cas de l’apprentissage de la lecture où
-5-
l’association graphisme/oralité et individualisation de l’accompagnement constituent des clés
certaines de sa réussite.
« Si certaines activités proposées ne sont que des copies de celles que l’on peut
rencontrer dans des classes et remettent en question la pertinence du recours au support
cédéroms, d’autres présentent pourtant des caractéristiques bien spécifiques. »1
Bien exploité, le cédérom et ses spécificités, notamment interactives, pourrait donc être
un complément pertinent aux moyens d’apprentissage classiques.
Lorsque l’on pense lecture, on pense généralement écriture, voire graphisme, et on
laisse de côté le rôle que joue l’oralité dans cet apprentissage. Ce cheminement est pourtant
paradoxal lorsqu’on envisage que sans oralité, il n’y aurait pas d’écriture et donc pas de
lecture ; l’écriture n’étant que la représentation graphique d’une langue.
« L’acquisition de notre système d’écriture alphabétique nécessite la mise en rapport de
la forme orale des mots avec leur forme écrite. L’enfant, pour apprendre à lire et à
écrire, doit comprendre le fonctionnement du système qui code les sons de l’oral. Il faut
qu’il prenne conscience que les mots qu’il entend sont composés d’éléments (syllabes,
phonèmes) qui peuvent être isolés à l’oral, puis il doit découvrir que ces segments oraux
sont représentés à l’écrit par des lettres ou suites de lettres et enfin apprendre les
correspondances propres à notre langue. »2
Entendre une langue n’est pas l’écrire et les supports multimédia eux-mêmes, loin du
classique papier-crayon, apportent avec eux une idée nouvelle de l’écriture. Cette primauté de
l’image par rapport au son se retrouve dans de nombreux cas communicationnels pour
lesquels le son devient bruit de fond et l’on n’y prête plus guère attention. Il est pourtant tout
aussi présent que l’image : publicités, films, jeux vidéo, nul n’échappe à cette règle. Si l’on
coupe le son, ces supports se retrouvent amputés d’un vecteur essentiel de transmission du
message. En effet, quelque soit le support audiovisuel choisi, le son comme le silence, est
1
Catherine Kellner, Les cédéroms pour jouer ou pour apprendre ?, Paris : L'Harmattan, DL 2007,
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - Direction de
l’enseignement scolaire, Le langage à l’école maternelle, Outil pour la mise en œuvre des programmes, 2002,
Centre national de documentation pédagogique, Textes de référence – École.
2
-6-
susceptible de nuancer, altérer, voire même inverser le sens de l’image. Un film d’horreur
avec la bande son d’un dessin animé n’est plus si effrayant, le message visuel n’atteint plus
son objectif. Ce point a d’ailleurs été magistralement illustré dans le film documentaire
« Lettre de Sibérie3 », où Chris Marker mobilise trois commentaires audio (voix et musique)
alternatifs pour une même séquence filmée. Tantôt enjoué, tantôt sombre, tantôt descriptif, le
texte, allié à une musique appropriée, change radicalement la lecture que le spectateur a des
images qui lui sont proposées.
Se priver d’un travail sur le son dans l’apprentissage de la lecture paraît ainsi peu
envisageable. Après tout, il s’agit bien d’aider les enfants, qui viennent depuis peu de
découvrir le langage parlé, à associer ce langage à un codage prédéterminé. Pour faire ce lien,
le son semble donc indispensable, que l’enseignant s’appuie sur un outil multimédia ou non.
Mais alors comment les éléments sonores présents dans les cédéroms peuvent-ils aider ces
jeunes enfants à maîtriser le difficile exercice du déchiffrage de mots nouveaux ?
Les axes de recherche
Pour découvrir ce qu’apporte le son dans le cas qui nous intéresse, il faut balayer le sujet
de nombreux questionnements. On peut notamment se demander en quoi les techniques
d’apprentissage de la lecture via ces supports diffèrent des techniques plus traditionnelles et
quel travail spécifique au son est mis en place dans les écoles. On peut également s’interroger
sur les divers aspects et fonctions que peuvent assumer les fichiers audio que l’on trouve dans
les logiciels éducatifs.
Nous confronterons ainsi certaines hypothèses, qui nous semblent de prime abord
pertinentes, aux trois cédéroms choisis pour cette étude4, mais également à l’avis de
professionnels de l’éducation via les TICE (Technologies de l'information et de la
communication pour l'éducation) par le biais d’entretiens et aux études préexistantes sur le
thème de l’apprentissage de la lecture, d’une part, et du son, d’autre part.
Nous pouvons tout d’abord nous interroger sur la notion d’autonomie de l’enfant dans la
situation d’apprentissage. En effet, l’utilisation de cédéroms implique une activité individuelle
et autonome ou semi-autonome. Les consignes et rétroactions sonores dans ces logiciels
3
4
Film documentaire de 67 mn, France, 1958, de Chris Marker, en couleur, sonore.
Cf. page 10 « Les cédéroms étudiés »
-7-
simulent la présence d’un référent (représentant une personne qui connaît les réponses) et
permettent ainsi un accompagnement sur le chemin de l’apprentissage sans que la
participation de l’enseignant ne soit rendue indispensable pendant ces exercices. Dès lors se
pose la question de l’interactivité liée au support. Thérèse Martin, dans son article
« Hypermédias ludo-éducatifs et apprentissages des jeunes utilisateurs », publié dans la Revue
de l’EPI n°88, écrit à ce sujet :
« Au sein de l’interactivité, il est nécessaire de distinguer, à travers le dispositif homme /
machine, en référence à É. Barchechat et S. Pouts-Lajus, ce qu’ils appellent
l’interactivité fonctionnelle “qui gère le protocole de communication entre l’utilisateur et
la machine” et l’interactivité intentionnelle, “qui gère le protocole de communication
entre l’utilisateur et l’auteur du logiciel, absent mais présent à travers le logiciel, par les
engagements pris par celui-ci, lors de la conception du logiciel. Par la médiation de
l’interactivité, l’utilisateur entre dans un processus de production de sens, dans la
mesure où il est en situation de comprendre l’activité proposée et de construire son
propre parcours d’apprentissage. »
De plus, cette autonomie est renforcée par la possibilité qu’a l’enfant de faire répéter « à
la demande » certaines consignes, exemples, mots ou phrases qui lui poseraient des difficultés
de compréhension. À décharge, il faut noter que là où l’enseignant pouvait reformuler sa
question, le logiciel, lui, ne le peut pas. L’enfant peut également bénéficier d’une aide et d’un
accompagnement pédagogique particulier et ce rapport privilégié au support induit un
nouveau rapport au temps avec une individualisation du rythme de travail. Enfin, il peut
développer un nouveau comportement face à l’apprentissage de nouvelles connaissances. En
partant à la découverte du contenu du logiciel et / ou en choisissant son parcours, il devient
explorateur, acteur dans sa recherche d’information.
La relation individuelle qui se tisse entre l’enfant et le support ne se fait pas ressentir
uniquement du point de vue de l’autonomie. L’accès individualisé au rapport phonème /
graphème est également un des avantages que peut présenter le travail sur cédérom. Grâce à la
possibilité de mettre en place des parcours personnalisés avec des sauvegardes de progression,
l’enfant peut accéder à des exercices qui correspondent spécifiquement à ses besoins et à son
niveau. Cette construction réticulaire propre aux supports multimédias est, selon Thérèse
-8-
Martin5, « ce qui contribue à la spécificité ″multimédia″, liée à la sollicitation de plusieurs
canaux de communication sensorielle.» La banque de sons est généralement facilement
accessible par l’enfant, lui permettant d’écouter ou de réécouter les mots qui sont nécessaires
à sa compréhension. De plus, cette dernière est parfois même modifiable par l’enseignant qui
peut alors d’autant mieux adapter le logiciel à l’enfant. Bien que, comme nous l’avons
exprimé plus haut, un travail alliant son et visuel dans le cadre de l’apprentissage de la lecture
ne soit pas nouveau, la réactivité et la dynamique que permet l’usage du cédérom reste malgré
tout une innovation, comme l’explique Catherine Kellner :
« En effet, on n’a pas attendu l’informatique pour comprendre l’intérêt du passage par
des représentations formelles. Néanmoins, elle augmente certainement les usages
possibles. La grande capacité de mémoire d’un cédérom permet de gérer différents types
de représentations formelles visuelles et auditives et de rendre compte quasi
immédiatement des résultats de l’action de l’enfant dans une démarche dynamique jusque
là impossible à mettre en place autrement. » 6
Cette relation individualisée qui se crée alors entre l’enfant et la machine ne pourrait
s’établir sans le concours attentif de l’enseignant ni sans les possibilités d’enregistrements et
de paramétrages que lui offre le logiciel. La mise en place d’un suivi différencié avec niveau
de difficulté et fiche individuelle favorise en effet le bon usage et la progression de l’enfant au
travers de l’interactivité proposée par le logiciel.
Malgré toutes ces particularités techniques, il ne faudrait pas négliger l’aspect ludique
de l’apprentissage que peut représenter l’utilisation d’un tel support, alimentant ainsi la
perspective motivationnelle de l’enfant. Le public visé par notre étude est très jeune (enfant de
cycle 2, soit entre 5 et 7 ans), et a encore fondamentalement besoin de jouer pendant les
activités éducatives. Cette relation au ludique peut s’exprimer de diverses manières comme le
décrit Thérèse Martin :
« L’aspect ludique peut se manifester par une convivialité, par des illustrations du décor
qui séduisent le monde des enfants, par des animations qui les réjouissent. Il se rapporte
à la fois à la mise en forme (ou à la présentation), par la mise en scène (jeu personnalisé
5
Thérèse Martin, Hypermédias ludo-éducatifs et apprentissage des jeunes utilisateurs, Revue de l'EPI n° 88
(1997) 109-119
6
Préc. Catherine Kellner, Les cédéroms pour jouer ou pour apprendre ?
-9-
: l’enfant porte le nom d’un personnage), par le type d’action proposée (faire preuve
d’habilité technique dans le déplacement de la souris pour concurrencer le petit
monstre). Le caractère ludique peut être d’amener l’enfant par exemple à développer des
habiletés d’ordre technique, à réinvestir des savoirs acquis. » 7
Ici aussi, la bande son dans toutes ses composantes (voix, musique et bruit) joue son
rôle. Les activités proposées dans le cédérom s’appuient souvent sur des activités connues des
enfants, et ces activités, telles que le chant, la musique, la poésie, le rythme, les dictées…,
revêtent souvent un caractère sonore. En dehors du contenu même des exercices (consignes,
illustrations), on retrouve des éléments sonores dans la quasi-totalité des éléments qui
constituent le cédérom. Bien avant l’écran d’accueil proprement dit, une voix guide
l’utilisateur inexpérimenté dans la procédure d’identification. Tout au long de sa navigation,
on vient lui « parler », pour lui indiquer les choix de parcours qui lui sont proposés, et il peut
généralement les réentendre au passage de la souris sur une zone active. Et naturellement, au
moment de la validation des réponses, c’est encore une voix qui le corrige et le conseille en
cas de mauvaise réponse. Le tout jumelé à une animation graphique, le plus souvent sous les
traits d’un personnage incarnant le référent tout au long du parcours. La musique peut
également trouver sa place sur ces supports. Outre les activités directement en lien avec un
travail sur une mélodie, des séquences musicales, parfois sous la forme de clips animés,
peuvent entrecouper un récit ou servir de transition entre deux exercices. Bien qu’assumant
encore une fonction éducative, elles sont toutefois à différencier de la partie d’apprentissages
formels et semblent avoir plus une fonction de détente, de récréation, pour mieux se
concentrer à nouveau. Peut-être moins perceptibles de prime abord, mais pourtant tellement
présents,
les bruitages font partie intégrante du cédérom. Nous en distinguerons deux
formes : d’un côté les bruitages fonctionnels, qui sont à rapprochés de l’interactivité
fonctionnelle telle que décrite par E. Barchechat et S. Pouts-Lajus8, et qui concernent toutes
les illustrations sonores liées à l’utilisation proprement dite du logiciel (clic de souris,
validation d’un choix…). D’un autre côté, les bruitages non-fonctionnels, qui ne découlent
pas directement d’une action de l’utilisateur, et qui, en parallèle des enregistrements de voix et
de musique, illustrent les diverses animations graphiques (par exemple, le bruit des pas d’un
personnage lorsqu’il apparaît à l’écran). Ces différentes caractéristiques sonores viennent
7
Préc. Revue de l’EPI n°88
Barchechat, E. et Pouts-Lajus, S. (1990). Postface. Sur l’interactivité. In K. Crossley et L. Green, Le design des
didacticiels. Paris : Observatoire des Technologies pour l’Éducation en Europe.
8
- 10 -
naturellement soutenir l’aspect fictif de ce monde ludique auquel les enfants participent tout
au long de leur parcours. Ici, leur imagination est mise au service de leur interprétation des
représentations pour les aider à en trouver les significations.
Problématique et méthode de recherche
Fort de ces pistes d’analyse, tout au long de cette étude nous nous efforcerons, au travers
des supports analysés, de l’avis de professionnels de l’enseignement et d’une observation de
terrain9, de comprendre comment les éléments sonores présents dans les cédéroms pour jeunes
enfants peuvent-ils aider à l’apprentissage de la lecture. Pour ce faire, nous nous appuierons
sur les trois angles d’approche suivants :
-
L’autonomie de l’enfant dans la découverte de l’apprentissage
-
L’accès individualisé au rapport phonème / graphème
-
L’aspect ludique de l’apprentissage (plan motivationnel)
Ainsi, nous les déclinerons au moyen de grilles d’analyse10 permettant de mettre en
avant les différents statuts et fonctions du son dans les cédéroms étudiés et les confronteront à
l’avis de professionnels grâce à la réalisation d’entretiens.
Les cédéroms étudiés
Pour mener notre travail de recherche, nous analyserons plus spécifiquement quatre
logiciels référencés comme ludo-éducatifs ou éducatifs, destinés à un public allant de la
grande section de maternelle au CP. S’il est vrai que trois des quatre exemples présentés n’ont
pas été édités récemment (fin des années 90, début 2000), ils nous ont néanmoins paru être de
dignes représentants des cédéroms conçus pour les enfants de 5 à 7 ans. Par leurs dates de
parution, ils stigmatisent sans doute également, une période de leur histoire, où le marché des
supports physiques en pleine expansion allait bientôt être rattrapé par la vague Internet. Pour
autant, ce ne sont pas des dinosaures. Non seulement encore utilisés à la maison ou en milieu
scolaire, ils ont également une seconde vie sur les sites de ventes d’occasions (Ebay,
9
Cf. Annexe n°2 « Grilles d’observation : classe de grande section – Phono Floc », page 11
Cf. Annexe n°1 « Grilles d’analyse des supports du corpus », page 3
10
- 11 -
PriceMinister) où des particuliers en font encore acquisition. Malheureusement, leur
utilisation se fait de plus en plus difficile car ils sont confrontés aux avancées technologiques
de leurs lecteurs : les micro-ordinateurs. En effet, ces trois produits en particulier, et les
cédéroms en général, sont le plus souvent conçus pour Windows 2000 ou inférieur, et si XP,
ou plus rarement Vista, les supportent encore, force est de constater que l’écart se creuse : ils
appartiendront bientôt au passé, non pas par manque d’intérêt, mais bien par manque de
lecteurs compatibles.
Pour constituer ce corpus de supports, nous avons tout d’abord recherché parmi les
divers cédéroms édités, ceux qui correspondaient à notre recherche à travers trois critères
principaux : l’âge des utilisateurs auxquels ils étaient destinés (entre 5 et 7 ans), la thématique
de l’apprentissage de la lecture et le fait que ces supports soient utilisés en milieux scolaires
pour deux d’entre eux. Pour aiguiser notre choix, nous avons ensuite demandé conseil à des
professionnels et des professeurs rencontrés au sein de notre cursus, et nous avons également
parcouru des sites spécialisés11. Les logiciels « MiniMouzz » et « Moi, je sais lire ! » ont par
exemple reçu un avis favorable au test Adapt-Snes, qui fait appel aux enseignants pour tester
des cédéroms éducatifs depuis 1997. De plus, les cédéroms « Moi, je sais lire ! » et « PhonoFloc » ont été labélisé RIP (Reconnu d'intérêt pédagogique par le ministère de l'Éducation
nationale). Cette marque « est destinée à guider les enseignants dans le monde du multimédia
pédagogique. Un logo permet d'identifier les logiciels et les créations multimédias qui, après
expertise par des enseignants et spécialistes du domaine, et par décision de la commission
multimédia, répondent aux besoins et aux attentes du système éducatif. »12
Enfin, si ces quatre supports ont su retenir notre intérêt, en dehors de la possibilité d’y
avoir accès pour les étudier, c’est également le fait de leurs caractéristiques formelles
différentes. En effet, bien que tous destinés à un public de cycle 2 avec pour thème commun
l’apprentissage de la lecture, ils proposent, tant par leur ergonomie que par leurs contenus, des
formes d’activités très différentes allant du jeu récréatif aux exercices éducatifs, nous laissant
supposer que certains sont plus adaptés que d’autres à une utilisation en classe.
Nous les présenteront donc classés par ordre chronologique d’édition ainsi que par ce
qui nous parait être de prime abord du plus ludique au plus didactique.
11
http://www.educnet.education.fr/primaire/ressources-numeriques/rip ou
http://www.adapt.snes.edu/spip.php?rubrique14
12
A propos de la marque "Reconnu d'intérêt pédagogique" (RIP)
http://www.educnet.education.fr/contenus/productions/liste-rip
- 12 -
Les ludo-éducatifs :
Clic d’Api n°9, Bayard jeunesse
La collection Clic d’Api, qui paraissait chaque trimestre jusqu’au début des années 90
en complément du magazine Pomme d’Api, est destiné à un usage familial. Il est conçu
principalement pour permettre à l’enfant de maternelle d’accéder « au plaisir de la découverte
et du jeu tout en se familiarisant avec l'ordinateur », selon le site commercial de Bayard13.
L’enfant y retrouve des personnages qui lui sont familiers (Petit Ours brun, La Famille
Choupignon, SamSam…) et qui, chacun, correspondent à une activité précise (écouter une
histoire, dessiner, jouer…).
Les MiniMouzz – Grande section, Magnard
La gamme des MiniMouzz offre des supports pour maternelles et primaires et est
proposée par les éditions Magnard - Emme Interactive. Elle peut aussi bien être utilisée dans
un cadre familial que scolaire, quoique l’on puisse remarquer un onglet « Parents » au bas de
la page d’accueil, qui permet d’accéder aux rubriques de suivi des évaluations et de
paramétrage. L’enfant peut utiliser ce logiciel en suivant un parcours préétabli que lui
propose Zoupi, la souris assistante du professeur Mouzzinzin, ou en choisissant parmi les
différents tableaux thématiques (écriture, chiffres, dessin…). Les deux points forts de ce
logiciel sont la clarté des consignes orales et la mémorisation des résultats de l’enfant.
Les éducatifs :
Moi… Je sais lire !, Club PoM
Depuis 1992, Club PoM, initialement créé par des enseignants, édite des logiciels
éducatifs pour les maternelles et les primaires. Bien qu’il puisse être adopté à la maison,
« Moi… Je sais lire ! », conçu pour les enfants de cycle 2 et labélisé « Reconnu d'intérêt
pédagogique » (RIP), est un outil qui a su trouver sa place à l’école où il est encore
aujourd’hui utilisé. Il permet d’ailleurs d’enregistrer la progression de nombreux enfants et
propose une zone de paramétrage très complète. Concernant les activités et contrairement aux
13
http://boutique.bayardweb.com/article/index.jsp?docId=49757&rubId=5608
- 13 -
logiciels précédents, elles tournent exclusivement autours de l’écriture, il est par ailleurs
possible à l’enseignant d’importer de nouveaux classeurs d’exercices.
Phono-Floc, Floc Production Multimédia14
Floc Production Multimédia est une société de production et d’édition de logiciels ludoéducatifs créée en 2005 qui fait paraître cinq logiciels destinés aux enfants de 4 à 9 ans et à
leurs enseignants. Tous leurs supports ont obtenus la marque RIP. « Phono-Floc », paru en
2010, est le dernier né de cette équipe constituée de professionnels de l’enseignement et du
multimédia. Selon la fiche produit en ligne sur le site de l’éditeur15, cet outil travaille
uniquement sur les sons de la langue en s’appuyant sur des photos sonorisées.
14
C’est sur ce logiciel qu’a porté notre observation de terrain ; cf. Annexe n°2 « Grilles d’observation : classe de
grande section – Phono Floc », page 10
15
http://www.floc-multimedia.com/
- 14 -
I. Autonomie de l’enfant en situation d’apprentissage :
une activité individuelle et autonome ou semi-autonome
« L’illusion technologique a depuis longtemps vécu. Nul aujourd’hui ne pense que la
machine à elle seule génère des apprentissages complexes chez nos élèves. La place du
maître reste donc pleine et entière et se complexifie également. (…) Ainsi, (…) si
l’utilisation des logiciels favorise les mécanismes de base en lecture, les processus de
compréhension restent à construire (…) » (Les TICE pour mieux maitriser le langage,
George Ferone, formateur TICE, IUFM de l’académie de Créteil, université Paris XII) 16
Bien qu’en aucun cas il ne faille considérer que l’ordinateur puisse remplacer
l’enseignant, l’utilisation de logiciels multimédia dans le cadre scolaire permet de mettre en
place un travail spécifique où l’enseignant peut laisser l’enfant évoluer en autonomie. La
réussite de cette pratique dépend de la préparation tant technique que pédagogique que
l’enseignant aura réfléchie en amont. D’un point de vue technique tout d’abord, outre
l’acquisition du matériel, il doit s’assurer « que les enfants aient compris a minima le
fonctionnement d’un ordinateur, qu’ils soient capables de s’identifier et de se déconnecter à
chaque passage, de travailler au casque... »17. Il doit également vérifier que les enfants soient
en mesure de maitriser le vocabulaire inhérent à cette pratique (« souris », « écran »,
« clic »…). Pédagogiquement ensuite, il doit rechercher « précisément l’exercice multimédias
qui correspond au travail déjà effectué avec les enfants, [et] que celui-ci soit correctement
conçu ou qu’il ait les possibilités de paramétrages nécessaires à une classe (impression de
bilan, notamment) »1. A cela s’ajoutant « une organisation spatiale de la salle afin que chacun
puisse se focaliser sur son activité » car « l’ordinateur est lui-même source de
déconcentration pour les enfants qui ne travaillent pas dessus et dont la curiosité est
attisée »1.
Comme nous le voyons, l’organisation de telles séances demande à être bien pensée et
structurée sous peine de voir les avantages proposés par cette pratique réduits en
inconvénients. Si l’enseignant doit préparer sa séance de manière spécifique, les logiciels
conçus dans le but d’être utilisés en classe par des enfants du cycle 2 doivent également être
16
Georges Ferone, Les TICE au service des élèves du primaire, Les dossiers de l’ingénierie éducative hors-série,
Scéren – CNDP, novembre 2008
17
Cf. Annexe n° 3 « Entretien avec Philippe Aubert, 26 mars 2010 », page 16
- 15 -
réfléchis en conséquence afin de permettre à l’enfant de réaliser son travail sans être perdu,
distrait ou découragé. Nous allons donc étudier ici, au travers des supports de notre corpus et
des observations recueillies lors de notre observation de terrain18, les moyens techniques
d’autonomie qui sont offerts à ces jeunes utilisateurs, notamment au niveau du son, et les
effets que ces outils peuvent avoir ou non sur la réalisation des exercices.
18
Cf. Annexe n° 2 « Grilles d’observation : classe de grande section – Phono Floc », page 11
- 16 -
A. L’enfant-explorateur, acteur dans sa recherche d’information19
Avant même d’arriver à la réalisation d’exercices, l’enfant doit parfois parcourir des
menus, faire des choix et déjà le délicat équilibre interactif propre aux supports multimédia
entre en jeu. La notion d’autonomie peut alors s’exprimer sous deux aspects distincts.
L’enfant peut être perdu et ne pas comprendre les chemins qui s’offrent à lui, ce qui peut
provoquer un abandon ou tout simplement une mauvaise manipulation de sa part, risquant de
priver l’enseignant de la possibilité de garder une trace du travail effectué sur le poste. A
l’inverse, l’enfant peut se sentir investi d’une certaine forme de liberté, devenant ainsi maitre
de son parcours (dans le cadre indiqué par l’enseignant) ce qui peut l’inciter à partir à la
découverte des exercices proposés et de leur solution. Ce deuxième aspect revêt naturellement
un caractère beaucoup plus positif que le premier.
Pour y parvenir, un certain nombre de critères liés à la navigation et l’ergonomie
doivent être pensés en fonction de l’âge et de l’inexpérience des utilisateurs, notamment lors
de l’identification, phase essentielle pour le recueil des résultats par l’enseignant.
1. L’identification
De même que lorsque l’enfant entre en classe, il doit généralement trouver son portemanteau sur lequel est affichée une étiquette portant son prénom et sa photo, lorsqu’il
« entre » dans un logiciel multimédia, il doit écrire son nom (action souvent laissée à
l’enseignant lors de la première utilisation) ou le retrouver dans la liste des différents
utilisateurs. Même si l’action en soi est à la portée d’un enfant de 5 ans, l’utilisation même
d’un outil informatique peut vite compliquer la tâche : faut-il simplement sélectionner le nom
en cliquant dessus ou faut-il en plus valider son action en cliquant sur un autre bouton ? Dès
ce moment, l’accès à des consignes orales peut s’avérer utile.
Les quatre logiciels que nous étudions ont effectivement adopté ce système d’étiquettes
virtuelles, mais l’ont chacun adapté de manière différente. Pour « Clic d’Api », par exemple,
le processus est clair et il est difficile de se tromper : une consigne orale indique à l’enfant
comment retrouver son « ticket de départ » dans la liste et l’invite à cliquer sur la fusée
19
Cf. Annexe n° 1 « Grilles d’analyse des supports du corpus », Tableau 1A, page 3
- 17 -
lorsqu’il est « prêt à décoller ». Les « MiniMouzz » ont quant à eux opté pour un double
chemin d’entrée : à l’enregistrement d’un nouvel utilisateur, un raccourci au couleur du
logiciel et portant le nom de l’enfant se crée automatiquement sur le bureau. L’enfant peut
donc soit chercher parmi les différents raccourcis celui qui porte son nom et se retrouver
directement en page d’accueil du logiciel, soit, au lancement du CD, une interface lui propose
une liste avec toutes les étiquettes enregistrées, il choisit la sienne et la valide en cliquant sur
« Jouer », ceci sans aide sonore. On peut par ailleurs noter qu’une fois sur la page d’accueil, et
pour peu que le prénom soit reconnu par le logiciel, Zoupi salue l’enfant nominativement. Le
logiciel « Moi, je sais lire » bien que doté d’une interface agréable complique légèrement
l’action en proposant, au premier écran, deux entrées (module élève et module enseignant)
sans consignes orales. Une fois le module élève choisi, apparaît la liste d’étiquettes dans
laquelle l’enfant devra sélectionner son nom puis le valider, alors que la voix off lui demande
seulement de le sélectionner. Pour qui ne sait pas lire le bouton « Valider », la consigne peut
s’avérer un peu trop succincte. Enfin, « Phono Floc » revisite de manière plus pragmatique le
concept d’identification puisque toutes les étiquettes doivent être entrées par l’enseignant dans
un module à part et qu’il existe deux types d’identification possibles. La première, par groupe
de niveau (nom du groupe et image associé) pour la partie « Jeux », donne accès à un menu
spécifique ; la seconde, par nom (associé à une image) pour la partie « Évaluation », permet
l’enregistrement et l’exportation des résultats. Pour cette dernière partie, la consigne est
disponible à l’écrit et à l’oral sur sollicitation de l’enfant.
D’après les exemples étudiés, nous pouvons constater que, dans le cas où le jeune
utilisateur se retrouverait seul face au logiciel au moment de s’identifier, une consigne orale
peut être utile, d’autant que toutes les interfaces diffèrent quant à leur ergonomie, bien que
basée sur le même principe d’étiquettes,. Dans la pratique, un guide oral n’est pas toujours
indispensable, sachant que le chemin à suivre pour s’identifier est expliqué par l’enseignant
aux enfants qui retiendront, même sans lire le mot « valider », qu’il faut cliquer sur le bouton
coloré après avoir choisi son nom. Le choix de laisser la possibilité à l’enfant, qui ne se
souviendrait plus des explications de son enseignant, d’entendre la consigne, nous semble
malgré tout un plus dans une situation d’autonomie.
2. L’ergonomie et la navigation
- 18 -
Les différents éléments qui constituent le contenu de chaque page doivent eux aussi être
adaptés au public visé, par définition un public en phase d’apprentissage de la lecture. Dès
lors, il faut s’assurer qu’ils sont, sinon lisibles, au moins compréhensibles par ces utilisateurs
et qu’ils ne constituent pas un frein au plein usage du logiciel.
Les boutons ou pictogrammes de navigation qui permettent par exemple de quitter une
page, de réentendre une consigne ou de valider sa réponse peuvent ainsi être étayés de fichiers
sonores qui indiquent leurs fonctions, activables par roll-over. C’est notamment le cas de
« Clic d’Api ». La question se pose alors de l’organisation de ces divers éléments sonores : un
fichier audio ne risque-t-il pas d’empiéter sur un autre ? Le logiciel répond à cette question
par une délimitation précise des zones réactives : lorsque la souris passe sur le dessin,
l’animation graphique et sonore se lance, dès que la souris quitte cette zone, l’animation
s’arrête, quitte à « couper la parole » à ses personnages, créant ainsi une rupture inconfortable
pour l’oreille.
« (…) les ruptures intempestives et surtout la brièveté des séquences sonores font que la
répétition, qu’elle soit musicale ou parlée devient rapidement intolérable et se vide de
tout sens. »20
« Moi, je sais lire » a choisi de ne pas sonoriser ces éléments et s’en tenir à des
pictogrammes significatifs, souvent légendés, tels qu’une une porte de sortie pour l’action
« Quitter » ou une note de musique pour l’action « Consignes orales ». Cette convention,
peut-être établie parce que logiciel se destine à des enfants allant jusqu’à 7 ans, pose
néanmoins le problème d’une représentation adaptée et compréhensive par les utilisateurs. Par
exemple, l’action « Valider », toujours dans « Moi, je sais lire », est symbolisée par une fusée,
et bien que le mot « Valider » soit écrit en toutes lettres en dessous, il n’est pas évident de
faire le lien entre visuel et action. Encore plus flagrant, les « MiniMouzz », qui n’ont pas non
plus sonorisé leurs éléments de navigation, ont choisi des visuels, s’intégrant certes très bien
avec leur scénarisation mais sans grand rapport avec l’action recherchée. Ils ont par exemple
dessiné un bouton de couture en guise de « Quitter » ou encore un ballon de baudruche pour
« Valider » dans « le jeu de cubes pour apprendre les lettres ». Le logiciel « Phono Floc »
innove, profitant certainement de son caractère récent, et propose des boutons non sonorisés
proches de l’univers des navigateurs internet (par exemple : flèche vers la gauche pour la
20
Corinne Welger-Barboza, déc. 2001, Le patrimoine à l'ère du document numérique, Du musée virtuel au
musée médiathèque, Patrimones et Sociétés, Paris : L'Harmattan, p.61
- 19 -
fonction « Retour ») et en plaçant sur sa page d’accueil une rubrique « Boutons de
navigations » contenant un glossaire qui présente les différents pictogrammes et leur légende
écrite. Ceci offrant à l’enseignant un support pour expliquer le fonctionnement du cédérom
aux élèves, pourquoi pas en groupe classe.
Critère tout aussi important dans la capacité de navigation autonome de l’enfant,
l’organisation des menus qui permettent le choix de l’exercice à effectuer et doivent à leur
tour être conçus de sorte que l’enfant puisse s’orienter sans se perdre. Le fait de les sonoriser,
par roll-over ou clic, peut permettre à l’enfant encore novice dans le monde de la lecture de
faire son choix et par là même atteindre la page sur laquelle il doit ou veut travailler.
« Clic d’Api », en cohérence avec ses pictogrammes, propose ainsi un système de rollover sonore sur des zones précises, représentant des personnages du magazine papier : au
passage du curseur, les personnages s’animent et présentent brièvement leur activité. Chez les
« MiniMouzz » par contre, il est quelque peu difficile de s’orienter. Le menu s’affiche sous
forme de vignettes de capture d’écran qui changent de couleur lorsque Zoupi les commente.
Bien que sonorisée, la présentation du menu se fait dans un ordre aléatoire, et les vignettes
n’étant pas toujours représentatives de l’exercice présenté, il n’est pas des plus aisé de se
repérer. Nous pouvons par ailleurs préciser, et cela est valable tout au long de ce cédérom, que
Zoupi parle de manière quasi incessante, ne laissant que très rarement de place au silence et
relançant rapidement l’enfant qui marque une pause. Sous couvert de ludique, ceci peut le
conduire à un activisme et une tension dans le travail qui ne semble pas favorable à sa
réussite. Dans l’exemple des menus, dès qu’il a fini de présenter toutes les vignettes, il
recommence au début, et cela jusqu’à ce qu’un choix soit fait. Ceci, pour reprendre
l’expression de Corinne Welger-Barboza, « occasionnant une redondance d’autant moins
supportable qu’elle peut-être répétée indéfiniment, à chaque fois qu’une même page-écran est
rencontrée »21. La mise en page de « Moi, je sais lire » est, elle, bien plus sobre. Une fois
identifié, l’enfant arrive directement sur une page listant les différents exercices auxquels il
peut accéder. Bien que les boutons eux-mêmes (sur lesquels est écrit l’intitulé de l’exercice)
ne soient pas associés à des fichiers audio, « Choisis l’exercice que tu veux réaliser » apparait
en haut de la page, message qui est lu oralement au chargement de la page. Un point qui peut
cependant induire en erreur les utilisateurs de ce cédérom : le curseur ne change jamais
d’apparence, qu’il s’agisse d’une zone cliquable ou pas. De son côté, « Phono Floc » n’a pas
21
Prèc. Le patrimoine à l'ère du document numérique, Du musée virtuel au musée médiathèque
- 20 -
sonorisé son menu où apparaissent de grandes vignettes captures d’écran. Le logiciel a mis en
place un roll-over sur ces vignettes qui se bordent de bleu lorsque la souris est dessus, activant
le passage, en haut de l’écran, de Floc portant une banderole sur laquelle est écrit le nom de
l’exercice.
De manière générale, pour faciliter la navigation et le repérage spatial à travers les
pages, le réseau multimédia que constitue le cédérom lui-même doit être relativement simple
et efficace afin de permettre à l’enfant d’atteindre le plus rapidement possible l’exercice ou le
jeu désiré. Si l’utilisation du son dans les éléments ergonomiques peut s’avérer être un appui
utile pour des enfants non-lecteur, il peut aussi être un élément perturbateur pour des raisons
techniques (juxtaposition, coupure inopinée du son) ou pour des raisons fonctionnelles
(surexploitation du son entraînant une fatigue auditive).
Lors de notre observation de terrain22, nous avons pu expérimenter les phases
d’identification et de navigation auprès d’enfants de grande section sur le logiciel « Phono
Floc ». Nous avons constaté qu’ils s’identifiaient sans peine sous ce logiciel, en retrouvant le
numéro de binôme que nous leur avions attribué et en cliquant dessus. Il est fort probable que
s’il s’était agi de leur prénom, ils auraient tout aussi bien réussi. Les difficultés rencontrées
relevaient surtout de leur capacité à naviguer dans le logiciel, ceci dû au nombre d’écrans à
traverser avant d’accéder à l’exercice (quatre) et à leur méconnaissance de la signification des
pictogrammes. Bien que le logiciel ait opté pour une ergonomie parcimonieuse en fichiers
audio, ceci pour éviter les parasitages intempestifs, il aurait peut-être été intéressant d’associer
une aide sonore par roll-over sur ces boutons. Vu leur nombre, même en utilisant le glossaire
inclus dans le logiciel ou en expliquant leur signification en début de séance comme nous
l’avons fait, les jeunes enfants ne parviennent pas à retenir leur signification. Il ne faut pas
oublier que des pictogrammes tels qu’une flèche à gauche pour « Retour » et une flèche à
droite pour « suite » sont des conventions établies par des éditeurs dont les enfants ignorent
tout.
22
Préc. cf. Annexe n° 1 Tableau A : Autonomie, page 3
- 21 -
B. Interactivité fonctionnelle : consignes écrites, orales, à la demande23
« L'interactivité fonctionnelle concerne la partie du logiciel qui établit et gère le
protocole de communication entre l'utilisateur et le hardware. Il s'agit des protocoles de
communication liés à la recherche, à la restitution et à la capture d'information, c'est-àdire à la logique et à l'ergonomie des échanges d'information : vitesse et facilité d'usage,
« user-friendliness », périphériques de saisie, couleur, définition des écrans, (...)
L'interactivité fonctionnelle s'exprime par un ensemble d'actions qui constitue le potentiel
d'action offert à l'utilisateur, lié notamment à la combinatoire possible entre les
différentes actions. » (Gilbert Paquette24)
Il va sans dire que la place accordée aux consignes dans des supports destinés à appuyer
des apprentissages par le biais d’exercices pratiques, est une composante sensible de notre
analyse. Dans la notion de consignes nous englobons également, étant donné l’âge du public
concerné, l’énoncé des propositions de réponses possibles aux questions posées. L’outil
multimédia permet de caractériser ces consignes selon trois critères, l’un n’excluant pas
l’autre : elles peuvent être écrites, et apparaître ainsi en toutes lettres à l’écran ; orales,
associées à un fichier audio qui « lira » les consignes à voix haute ; et /ou bénéficier d’un
cachet interactif grâce à une fonction « à la demande » qui permet de les réafficher ou des les
réentendre si nécessaire.
Les quatre logiciels de notre corpus ont choisi de permettre à l’enfant d’entendre les
consignes, bien que les moyens utilisés diffèrent selon le support. Le cas de « Clic d’Api » est
quelque peu particulier puisqu’il ne propose pas à proprement parler d’exercices. Cependant,
certaines de ses activités, comme « l’atelier de Gribouille » nécessite un mode d’emploi qui
est alors dispensé à l’oral par Gribouille lui-même sur demande (en cliquant sur lui comme il
l’indique au lancement de l’activité). Cette explication, relativement longue, se présente sous
la forme d’un tutoriel avec une animation vidéo illustrant les actions possibles et leurs effets
pendant que le personnage parle. Plus proche de la notion d’exercice, l’activité « Famille
Choupignon » propose une histoire interactive où l’enfant a, à trois reprises, à répondre à une
question posée par le narrateur en cliquant sur le décor. La question est alors posée à l’oral et
les réponses possibles apparaissent à l’écran. L’enfant peut demander à réécouter la question
23
Cf. Annexe n° 1 « Grilles d’analyse des supports du corpus », Tableau 1B, page 5
Gilbert Paquette, Directeur de recherches LICEF-CIRTA Télé-université, Chaire de recherches en ingénierie
cognitive et éducative (CICE)
24
- 22 -
en utilisant la télécommande en bas à droite de l’écran (munie d’un point d’interrogation à cet
effet et de flèches droite-gauche pour changer de page). Les « MiniMouzz », qui ont, comme
nous l’avons vu, beaucoup misé sur l’oralité dans leur logiciel, ne proposent jamais de
consignes à l’écrit. Zoupi prend donc systématiquement la parole pour expliquer à l’enfant ce
que l’on attend de lui, lire les éléments de réponse et donner un exemple animé. Il est
également possible (ou risqué) de sauter les consignes en cliquant sur l’écran pendant que
Zoupi parle. Ce qui peut mettre l’enfant en difficulté, d’autant que le personnage ne répète la
consigne qu’une seule fois si l’on clique sur lui, au second clic il conseille et au troisième il
donne la réponse en affichant un point rouge signifiant que la réponse a été comptée comme
fausse. Tout en simplicité, « Moi, je sais lire » écrit, à chaque exercice, la consigne en haut de
l’écran en même temps qu’elle est lue, et il est possible de la réécouter autant de fois que
voulu grâce au bouton « note de musique » placé à proximité du texte. « Phono Floc » avance
une solution qui peut étonner de prime abord : à l’affichage de l’exercice aucune consigne
n’est donnée. C’est donc à l’enfant d’aller la chercher en utilisant le bouton « point
d’interrogation » qui fera apparaître la consigne écrite par roll-over et entendre la consigne
par clic ; actions que l’enfant peut opérer autant de fois qu’il le souhaite.
Notre observation de terrain25 était l’occasion de confronter la solution novatrice en
matière de consignes proposée par « Phono Floc » à de jeunes utilisateurs. Dans un premier
temps, les enfants se sont montrés surpris qu’aucune indication ne soit donnée une fois la
page de l’exercice chargée. Nous leur avons donc indiqué que le point d’interrogation en haut
à gauche de l’écran leur permettait de lire ou d’entendre les consignes, et qu’ils pouvaient
l’actionner autant de fois qu’ils le désiraient. Plusieurs problèmes se sont alors posés, certains
dus à notre manière de présenter l’exercice26, ce que nous avons rectifié en cours de séance,
d’autres liés directement aux fonctionnalités du logiciel. D’un point de vue ergonomique tout
d’abord, les enfants ne reconnaissaient pas le point d’interrogation et avaient du mal
comprendre que deux actions puissent être liés à ce seul bouton (roll-over pour faire
apparaître les consignes écrites, clic pour entendre les consignes orales). D’un point de vue
pratique ensuite, la consigne écrite, qui correspond mot pour mot au fichier audio qui lui est
associé, n’apparait que si le curseur est placé sur la zone réactive. Elle est présentée dans un
rectangle en haut de l’écran qui recouvre parfois le contenu de l’écran lui-même, et n’est
25
Préc. cf. Annexe n° 1 Tableau A : Autonomie, page 3
Cf. Annexe n° 5 « Exemple de problème rencontré avec le logiciel Phono Floc pendant l’observation de
terrain », page 25
26
- 23 -
agrémentée d’aucune animation. Ceci a eu deux incidences auxquelles nous n’avions pas
songées en préparant cette séance. Tout d’abord, si l’enfant déplace le curseur pendant qu’il
écoute la consigne, il ne peut plus voir sa transcription. De plus, rien ne permettant à l’enfant
de suivre ce qui est lu (comme le soulignement des syllabes par exemple), même si celle-ci
reste affichée, il ne réalise pas toujours que ce qui est lu est identique à ce qui est écrit.
D’autre part, si un enfant déplace par mégarde sa souris sur le point d’interrogation pendant
l’exercice, la consigne recouvre une partie de l’écran et il ne comprend pas toujours pourquoi
ni comment la faire disparaître. S’il on ajoute à cela, le fait que les consignes orales (souvent
longues) ne soient pas toujours écoutées jusqu’au bout, les enfants semblant apprécier le fait
de partir à la découverte de l’exercice par exploration, et que les consignes écrites soient bien
au-delà de leurs capacités de déchiffrage, se pose la question de l’utilité d’une telle
fonctionnalité.
La présence de consignes dans des logiciels à visée éducative parait évidente, mais la
spécificité du support problématise le moyen de faire parvenir ces instructions à l’utilisateur,
d’autant lorsqu’il faut prendre en compte le statut de non lecteur de ce dernier. Il semble que
dans une logique pédagogique, il soit important que ces consignes restent disponibles aussi
bien à l’écrit qu’à l’oral, afin de donner toutes les chances à l’enfant de pouvoir les
comprendre tout en restant en cohérence le projet d’apprentissage de la lecture.
La question de l’écoute ou de la réécoute « à la demande » est sans aucun doute l’une
des grandes plus-values interactives du multimédia. En effet, elle constitue une véritable aide,
tant sur le plan didactique que sur le plan de l’individualisation, pour un enfant de cet âge qui
peut avoir besoin de réécouter plusieurs fois la consigne avant de la comprendre.
« (…) Ces systèmes d’aide peuvent être de plusieurs formes. Ils peuvent être un rappel,
rappel à la consigne par exemple, ce qui est le cas dans chacun des deux logiciels [« Moi,
je sais lire » et « Phono Floc »] puisqu’ils permettent de réécouter ce qu’on vous
demande de faire. Les systèmes d’aide peuvent même aller jusqu’à suggérer la réponse
ou donner des indices qui mènent à la réponse. Le travail du Ministère est entre autre
d’apprécier la justesse de ces systèmes d’aide à l’élève. (…) Il peut y avoir également des
aides orales, on s’adresse à des enfants qui ne sont pas encore lecteurs, d’où
l’importance extrême de toutes les informations sonores. »27
27
Cf. Annexe n° 4 « Entretien avec Jean-Michel Vite, 22 avril 2010 », page 20
- 24 -
Si, sur le plan de l’interactivité proposée, toutes ces solutions semblent se recouper,
elles sont pourtant bien différentes, plaçant tantôt l’enfant dans un rôle passif, qui écoute les
consignes données automatiquement (MiniMouzz), tantôt dans un rôle actif, voire même
acteur, l’obligeant à partir à la recherche des instructions (Phono Floc).
- 25 -
C. Interactivité fonctionnelle : rétroactions sonores et accompagnement
pédagogique28
« Dans un logiciel, ce qui est intéressant ce n’est jamais ce qu’il se passe lorsque l’on
réussit, c’est toujours ce qui se passe quand on se trompe. Dans l’idéal, même si l’on n’a
encore pas vu de moteurs qui permettent de le faire, ce serait de mettre en place une
véritable boucle de remédiation par rapport à l’erreur commise. Mais cela demanderait
une analyse sémantique qui à l’heure actuelle est hors de portée des moteurs connus. Au
mieux, il faut un retour qui permette à l’utilisateur de juger de sa production, de savoir
ce qu’il a fait. »29
Pour la réussite de l’exercice, il est indispensable que l’enfant, bien que seul devant
l’ordinateur, ne soit pas livré à lui-même pendant toute la réalisation des activités. Cet
accompagnement virtuel passe par la rétroaction, ou feed-back, qui est une réponse
automatique faite par le logiciel (et en amont son auteur) à une action faite par l’utilisateur.
Dans le cadre de la réalisation d’exercices, ces rétroactions peuvent être de deux ordres :
celles que l’enfant va provoquer sans connaître à l’avance le type de retours qu’il va recevoir,
en validant sa réponse par exemple, et celle que l’enfant ira chercher, en cliquant sur un
module d’aide ou sur un personnage pour obtenir un indice, réentendre la consigne, accéder à
un contenu externe, etc… Dans le cas d’une validation de réponse, cette fonctionnalité
multimédia permet, aussi bien à l’enfant qui travaille, qu’à l’enseignant « qui va passer voir
ce que fait un groupe d’élèves en autonomie » de « juger en un coup d’œil ce qui s’est
passé »30 et cette réactivité contribue également à la valorisation du support.
Les logiciels de notre corpus n’offrent pas la possibilité de trouver une aide
pédagogique sur du contenu externe ou via un module spécifique intégré au support. Nous
analyserons donc plus particulièrement les rétroactions que l’on pourrait qualifier de
situationnelle puisqu’elles répondent à une action en fonction d’un évènement précédent, de
type validations des réponses, messages d’erreur, encouragements… Dans l’activité « Famille
Choupignon », « Clic d’Api », fidèle à sa qualité ludique, utilise des fichiers sonores
instrumentalisés pour réagir à une réponse donnée. Ainsi, une « grosse voix » de violoncelle
28
Cf. Annexe n° 1 « Grilles d’analyse des supports du corpus », Tableau 1B, page 5
Cf. Annexe n° 4 « Entretien avec Jean-Michel Vite, 22 avril 2010 », page 20
30
Ibidem
29
- 26 -
suivi d’un commentaire parlé indique à l’enfant que sa réponse est erronée alors qu’un violon
beaucoup plus léger, également suivi d’un commentaire, lui indique une réponse juste. Suite à
cette rétroaction, la voix du narrateur donne parfois une explication orale sur la réponse. Le
nombre de tentatives de réponses étant illimité, il est impossible de sortir de l’activité sans
avoir trouvé la réponse, ce qui reste tout à fait réalisable malgré tout puisque le nombre de
réponses proposé et lui limité. Les « MiniMouzz », incarné par le bavard Zoupi, réagissent de
manière volubile aux réponses données. En guise d’exemple, dans « l’imprimerie », activité
pour apprendre à reconnaître les mots où il s’agit de retrouver le double de l’étiquette
proposée en modèle parmi quatre propositions, à la première mauvaise réponse Zoupi lit
l’étiquette modèle et celle qui a été placée dans la zone de réponse et réexplique brièvement la
consigne. Il encourage ensuite l’enfant à une nouvelle tentative. Dès la deuxième tentative, si
elle échoue, Zoupi lit une fois encore les deux étiquettes puis donne la bonne réponse en lisant
l’étiquette modèle et celle qu’il aurait fallu choisir, qu’il place dans la zone de réponse. A ce
moment, l’exercice est compté faux et une bille rouge apparait sur la ficelle à droite de
l’écran. Si la réponse est correcte, Zoupi lance un message de félicitation avec enthousiasme
et l’exercice continue ; en cas d’inactivité, il ne tarde pas à relancer l’enfant pour lui proposer
de l’aide, que l’on obtient en cliquant sur le personnage. Dans le silence de « Moi, je sais
lire », les rétroactions constituent les seuls éléments sonores du logiciel. L’exercice
« Reconnaitre les lettres », par exemple, est simplement sonorisé par la lecture de la consigne
à l’ouverture de l’écran, les réactions aux réponses (sous forme de bruitage, parfois suivi d’un
encouragement), et un commentaire indiquant la fin de l’exercice et une probable récompense
(petit jeu débloqué au bout de plusieurs séries validées). Que la réponse soit juste ou fausse le
même bruitage musical se fait entendre, il est enrichi d’un « Oh, oh ! » en cas d’erreur. Encore
plus silencieux, « Phono Floc » donne pourtant toutes les informations nécessaires à
l’utilisateur pour pouvoir réaliser les exercices et se positionner quant à ses résultats. Prenons
l’exemple du jeu « Drôles de mot », dans lequel Floc propose oralement un mot imaginaire
constitué de deux syllabes qu’il faut retrouver parmi cinq fichiers audio qui présentent tous
des mots de même type. Nous l’avons vu, si l’utilisateur désire connaître la consigne il doit
aller à sa rencontre, de manière analogue, le mot à retrouver n’est pas spontanément énoncé. Il
faut cliquer sur Floc pour l’entendre et faire de même sur les vignettes « haut-parleurs » pour
écouter les propositions. Une fois la proposition validée, toujours aucun son, le fichier juste se
borde de vert, et si la réponse est fausse, le fichier faux se borde de rouge. Selon la réussite ou
non à l’exercice, un petit Floc sur fond vert (juste) ou rouge (faux) apparaît en bas de l’écran.
Même une fois la série terminée, le silence continue lorsqu’une bannière défile en affichant
- 27 -
« gagné » ou « essaye encore » selon le cas, ce qui peut être discutable étant donné que les
enfants ne sont pas forcément en mesure de la lire.
S’agissant de la possibilité de solliciter les fichiers audio (consignes ou images liées à
l’exercice), nous avons constaté en observation31 qu’elle n’était utilisée que lorsque les
enfants étaient perdus ou lorsqu’ils avaient commis une erreur. Leur réaction première était,
encore une fois, de tenter de trouver par leurs propres moyens, non seulement le chemin pour
répondre à la question, mais également la question elle-même. Par exemple, dans l’exercice
« L’intrus » où il s’agit de cliquer sur quatre photos pour retrouver le mot qui ne se termine
pas par le même son que les autres, les enfants s’amusaient le plus généralement à deviner le
mot qui se cachait derrière la photo. Ils n’activaient l’aide audio que s’ils n’étaient pas
d’accord entre eux ou si, au coup précédent, ils s’étaient trompés. Ils se montraient en effet,
tout à fait attentifs à la couleur de la vignette qui s’affichait une fois leur réponse validée :
s’ils appréciaient de trouver seuls le moyen de répondre, ils stoppaient leur exploration pour
écouter la consigne dès qu’une vignette rouge apparaissait et ne se lassaient pas de recompter
le nombre de vignettes vertes qu’ils avaient obtenues.
Il est intéressant de constater deux points à partir de ces observations : d’une part, plus
le logiciel quitte l’espace ludique pour aller vers une mission pédagogique, plus le logiciel est
silencieux. D’autre part, « Phono Floc » n’a absolument pas abandonné les caractéristiques
sonores du cédérom, il les a simplement épurées au maximum, retirant ainsi tout espace de
musique ou de bruitage (même le son du clic lorsque l’on appuie sur un bouton a disparu, ce
qui surprend les premières fois). Il a ainsi restreint son utilisation de l’audio à des
informations exclusivement liées à l’apprentissage.
« (…), l’enjeu c’est que ces informations soient pertinentes d’un point de vue de
l’apprentissage, il ne s’agit pas de son pour faire joli ou pour amuser mais pour donner
du sens. »32
31
32
Préc. cf. Annexe n° 1 Tableau A : Autonomie, page 3
Cf. Annexe n° 4 « Entretien avec Jean-Michel Vite, 22 avril 2010 », page 20
- 28 -
II. L’accès individualisé au rapport phonème / graphème
comme outil pour l’enseignant
Que l’on s’appuie ou non sur un support multimédia, en cycle 2 l’apprentissage de
la lecture passe par un développement de la conscience phonologique c'est-à-dire, « la
conscience de la structure segmentable de la parole qui aboutit à la conscience des
phonèmes et à leur discrimination fine ».33 Si, dans ce domaine, les logiciels éducatifs
ne constituent pas une solution miracle, pas plus que pour l’acquisition de nouveaux
savoirs de manière générale, ils restent néanmoins un vecteur, parmi d’autre, qui permet
à l’enseignant d’établir une stratégie pédagogique afin de transmettre des connaissances
aux élèves. Selon le Ministère de l’Éducation Nationale, « Les compétences attendues
en fin d’école maternelle dans ce domaine (être capable de rythmer un texte en
scandant les syllabes orales, de reconnaître une même syllabe dans plusieurs énoncés,
de produire des assonances ou des rimes) mettent bien en évidence les deux réalités
sonores qui doivent être travaillées : la syllabe et le phonème (…) »34
Loin de suppléer l’enseignant, le support multimédia s’avère être un précieux outil
du fait de la systématisation de ses tâches. Il facilite une part de son travail grâce à la
rapidité avec laquelle il permet, par exemple, de créer des parcours individualisés ou de
nouveaux exercices. Nous allons ainsi étudier les cédéroms de notre corpus sous l’angle
des fonctionnalités offertes aux enseignants, autrement dit la marge de paramétrage, et
plus précisément la possibilité qui leur est accordée  ou non  de gérer tout ce qui
touche au son dans ces logiciels. Dans cette partie de notre analyse, la frontière se fait
nettement ressentir entre logiciels ludo-éducatifs et éducatifs. Il parait en effet assez
logique que des logiciels conçus principalement pour un usage familiale n’offrent pas la
même gamme de fonctionnalités : que feraient-ils d’un accès « enseignant » ou de la
possibilité de sauvegarder chaque bilan nominativement ?
33
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - Direction de
l’enseignement scolaire, Le langage à l’école maternelle, Outil pour la mise en œuvre des programmes 2002,
Centre national de documentation pédagogique, Textes de référence – École.
34
Ibidem
- 29 -
A. Parcours individualisés et paramétrages techniques35
Lorsque l’enfant utilise le cédérom en autonomie, c'est-à-dire sans avoir son enseignant
juste à côté de lui, il n’est pas pour autant livré à lui-même. Si, comme nous l’avons vu, les
éditeurs travaillent à des moyens ergonomiques qui facilitent la navigation et l’utilisation de
leur produit par ce jeune public, ils proposent également pour certains, de véritables
« itinéraires bis » au sein du logiciel qui permettent à l’enseignant d’organiser, voire de
planifier, le parcours que l’enfant va pouvoir suivre. Ces rubriques de paramétrages sont
éminemment précieuses, car elles offrent la possibilité aux enseignants de préparer en amont
la séance que les enfants suivront, d’une part, et d’autre part, de recueillir les résultats obtenus
a posteriori.
« Ces retours sont fondamentaux pour des logiciels pédagogiques. Il faut bien
comprendre que la philosophie de l’utilisation des TICE en classe c’est qu’à un moment
donné l’élève se retrouve face au logiciel, si l’enseignant doit se servir du logiciel, ça n’a
pas d’intérêt. »36
La possibilité de mettre en place des parcours individualisés selon les besoins de
l’enfant ou les avancées de la classe est l’un des points forts des cédéroms. Elle permet de
développer une pédagogie différenciée, car en matière d’apprentissage, tout le monde
n’avance pas au même rythme, et de revenir plus spécifiquement sur les notions qui ont posé
problème, telle que la mémorisation d’un phonème en particulier. Il s’agit ainsi de « proposer
à chacun des situations d’apprentissages optimales en regard de sa progression vers les
objectifs »37
Loin de ces considérations pédagogiques, le logiciel « Clic d’Api », bien qu’offrant une
identification nominative, ne propose aucun paramétrage si ce n’est un réglage du volume par
le biais d’une icône représentant un haut-parleur en haut à droite de l’écran. Les
« MiniMouzz » tentent de mettre en place un espace dédiés aux adultes sous l’étiquette
« Parents » en bas à droite de l’écran d’accueil, mais aucune possibilité d’individualisation du
35
Cf. Annexe n° 1 « Grilles d’analyse des supports du corpus », Tableau 2, page 7 et Annexe n° 6 « Les espaces
de paramétrage dans les logiciels étudiés : Parcours individualisés et paramétrages techniques», page 27
36
Cf. Annexe n° 4 « Entretien avec Jean-Michel Vite, 22 avril 2010 », page 20
37
Philippe Perrenoud, Pédagogie différenciée : des intentions à l'action, Paris : ESF (1997)
- 30 -
parcours n’est offerte. Si cette partie du logiciel contient de nombreuses informations sur
l’avancée de l’enfant dans les activités, il n’est pas possible d’influencer ses choix ou de
programmer les prochains entrainements qu’il fera. Il est en revanche possible de paramétrer
le volume et l’autorisation d’accès à l’imprimante pour chaque utilisateur, en se rendant à la
sous-rubrique « Préférences ». Avec « Moi, je sais lire », la différence quant à la manière
d’aborder le paramétrage est palpable très rapidement. Une fois dans la rubrique « Réglages »,
de nombreuses possibilités de paramétrage sont mises à disposition de l’enseignant, lui
permettant de définir finement l’accès aux exercices fonction du besoin de chaque enfant,
notamment grâce à la sous-rubrique « Fichiers élèves – Réglages ».
« Cette rubrique est vraiment le plus de ce cédérom car ce qui le rend attrayant sont ses
larges possibilités de paramétrages (…). Outre la modification possible de l’accès par
mot de passe aux rubriques "réglages" et la gestion du "fichier élèves", le logiciel est
réglable en fonction du niveau de l’enfant, de la méthode choisie ou encore de la
progression adoptée. »38
« Phono
Floc »,
donne
également
une
grande
importance
aux
options
d’individualisation. Il propose, à partir de la page d’accueil, une rubrique « Livret
pédagogique » dont le nom, déjà, indique la dimension éducative qui lui est attachée. Cet
espace n’est d’ailleurs pas uniquement réservé au paramétrage, on y trouve également de
nombreuses sous-rubriques telles qu’une présentation complète du logiciel et des exercices
qu’il propose, ou encore des pistes d’utilisation détaillées pour chacune des activités. Avec ce
logiciel, un vent de modernité souffle sur le paramétrage, puisque les éditeurs ont mis en place
des didacticiels vidéo à destination de l’enseignant afin de l’aider à prendre en main le plus
facilement possible ses diverses fonctionnalités. L’individualisation des parcours se fait grâce
à la sous-rubrique « Menus allégés ». Comme son nom l’indique, il s’agit, à partir du menu
complet, de sélectionner quels exercices et quels niveaux pour chacun d’entre eux
apparaitront sous une étiquette donnée (par exemple, « Groupe 1 »). Il est possible de créer
jusqu’à 8 menus allégés. Pour individualiser nominativement les parcours, il faut ensuite se
rendre à la sous-rubrique « Pages d’évaluation », où l’on pourra attribuer à chaque image
proposée (30 en tout), un nom et un menu (allégé ou non). De plus, le logiciel innove en
prenant en compte les avancées techniques actuelles, puisqu’il propose une utilisation en
38
Alain Trinkwell, Formateur TUIC IA57 CRM Sarreguemines, Analyse de cédérom « Moi… Je sais lire ! »,
rédigé en 2002 en vue de l’obtention d'un diplôme universitaire "Projet Pédagogique et TICE"
- 31 -
réseau, afin de partager les paramétrages et les résultats d’évaluation sur plusieurs ordinateurs,
ou encore une aide pour le transfert des paramétrages vers un autre ordinateur.
La mise en place de parcours individualisés répond à un objectif de flexibilité du
logiciel qui permet ainsi à l’enseignant d’adapter aux mieux les fonctionnalités techniques du
support aux besoins pédagogiques de l’enfant. Sans cette souplesse, et aussi complet que soit
le logiciel, celui-ci perd de son attrait et de son utilité en vue d’un apprentissage différencié, et
particulièrement pour celui de la lecture. Il semble important qu’une fois devant l’écran
l’enfant ne se retrouve pas face à des propositions de travail impersonnelles qui risqueraient
d’une part de le mettre en difficulté lors de la réalisation des exercices (ce qui pourrait avoir
pour conséquence un désintérêt, voire un abandon de la tâche), d’autre part de réduire
considérablement l’apport que ce type d’activités peut avoir sur son apprentissage (s’il n’a
accès qu’à un travail sur les phonèmes qu’il maitrise déjà par exemple). En cela, les logiciels
« Moi, je sais lire » et « Phono Floc » affirment sans équivoque leur volonté didactique et leur
réflexion sur une contribution pédagogique au sein de la classe, quand « Clic d’Api » et les
« MiniMouzz » ont vraisemblablement pris le parti de se confiner à un usage familial.
- 32 -
B. Sauvegardes de progression39
La mise en place de parcours individualisés n’a réellement de sens que si l’on désire
procéder à une appréciation du travail effectué par les enfants. L’utilisation des cédéroms de
manière individuelle ayant pour mission principale le réinvestissement des notions vues en
classe, il est important de pouvoir mesurer le taux de réussite des enfants aux exercices.
D’autre part, le recours à des rapports d’activités « amène les élèves à être plus actifs dans
leurs apprentissages, à prendre du recul. Chacun peut prendre conscience de ses
connaissances, ses habiletés voire remarquer ses limites et insuffisances.»40
Fidèle à sa logique ludique, « Clic d’Api » ne propose pas de sauvegardes d’exercices,
hormis les dessins de « L’atelier de Gribouille ». Nous pouvons d’ailleurs préciser qu’il
n’existe qu’un seul type d’exercice par activité, ce qui écarte toute possibilité de progression.
L’espace « Parents » des « MiniMouzz » propose un suivi du travail de l’enfant à travers deux
rubriques : « Sommaire », qui indique les exercices validés ou non (à l’aide de vignettes vertes
et rouges), et « Évaluation », qui présente le taux d’exercices réussis par rapport à ceux
visités. A l’affichage de cette rubrique, la voix de Zoupi, fait un très bref bilan oral des
avancées de l’enfant et conseille telle ou telle activité fonction des résultats affichés. De plus,
l’impression des bilans est possible en cliquant sur le bouton « imprimante » en bas à droite
de l’écran. Dans sa rubrique « Réglage », le logiciel « Moi, je sais lire » offre une sousrubrique « Rapport d’activité » qui permet, de manière très fonctionnelle, de consulter,
d’exporter, d’imprimer ou effacer les bilans nominativement.
« Ce bilan renferme les exercices réalisés, la durée passée pour réaliser chaque module,
les manipulations de l’utilisateur, ainsi que les erreurs éventuellement commises. (…) A
noter que les réglages définis pour l’enfant sont préservés lorsque l’on efface son bilan.
Ce dernier est également paramétrable puisque l’on peut choisir entre une édition liée
aux activités de la dernière session ouverte du logiciel ou un rapport de l’intégralité des
visites. »41
39
Cf. Annexe n° 6 bis « Les espaces de paramétrage dans les logiciels étudiés : Sauvegardes de progression »,
page 36
40
Émile Simonnet et Jean-Claude Duverger, Analyse de « Moi… je sais lire ! », Revue de l’EPI n° 97
41
Préc. Alain Trinkwell
- 33 -
La sous-rubrique « Paramétrage » de « Phono Floc » permet quant à elle une
visualisation ainsi qu’une exportation sous format texte des résultats obtenus pour chaque
exercice (onglet « Carnet de bord par jeu ») ou pour chaque enfant (onglet « Carnet de bord
utilisateur »). Laissant ainsi le choix à l’enseignant d’afficher les résultats selon les critères
qui l’intéressent : vue générale des résultats pour un exercice ou suivi d’un enfant en
particulier.
S’ils sont suffisamment détaillés et fonctionnels (facilité d’accès et compatibilité
technique), ces fichiers de sauvegardes peuvent s’avérer être des outils précieux pour
l’enseignant. Ils lui offrent un suivi de l’enfant efficace en affichant uniquement les
informations selon des critères précis, permettant de remonter dans le temps d’un simple clic
ou de visualiser un parcours dans sa globalité d’un seul coup d’œil. Tout ceci présentant
également l’avantage en filigrane d’un gain de temps pour l’enseignant.
- 34 -
C. Réactivité et dynamique du cédérom
La spécificité technique du support, outre son apport audiovisuel, se traduit également
dans le gain de temps que son utilisation induit. Outre l’individualisation des parcours et la
gestion simplifiée des rapports d’activités, sa réactivité et son dynamisme sont également des
caractéristiques qui offrent à l’enseignant un certain confort dans son travail ainsi que de
nouvelles perspectives pédagogiques, à condition bien entendu que le logiciel ait été créé non
pas uniquement selon les besoins de l’enfant mais également selon ceux de son enseignant.
« L’utilisation de tels supports peut aussi grandement faciliter le travail de l’enseignant.
Il n’est bien entendu pas question de suppléer le travail fait en classe mais pour des
actions précises, le logiciel peut être un outil précieux. »42
Les cas des logiciels ludo-éducatifs comme « Clic d’Api » ou les « MiniMouzz »,
illustrent bien cette disparité entre supports conçus à des fins d’utilisation en classe, donc
pensés également pour l’enseignant, et supports à usage familiale. S’ils n’offrent aucune
possibilité de création d’exercices, ni de paramétrages réellement utiles dans un cadre
scolaire, il n’en demeure pas moins que les activités proposées profitent des spécificités
dynamiques du support. « La Famille Choupignon » par exemple pour « Clic d’Api », permet
à l’enfant d’entendre seul une histoire, ce qui est déjà une plus-value en soi par rapport au
support papier, bien que ce principe ne soit pas nouveau : les livres-disques en leur temps
proposaient déjà ce service. La nouveauté se loge davantage dans le fait que les protagonistes
arrêtent de temps à autre de raconter une histoire pour poser une question à l’enfant, qui ne
pourra poursuivre son écoute qu’après y avoir répondu. Cependant, hormis quelques
compléments multimédia, ce logiciel ne profite pas particulièrement des avancées que
pourraient offrir un cédérom ; on se trouve plus face à une transposition d’un support papier
vers un support numérique que réellement face à une revalorisation du produit. Les exercices
des « MiniMouzz » s’appuient, quant à eux, généralement sur des étiquettes, comme on peut
le faire avec le papier, si ce n’est qu’ici le travail de découpe est supprimé puisque l’exercice
est en quelque sorte « prêt à l’emploi ». De plus, associés à ces étiquettes, des fichiers audio
descriptifs permettent de s’assurer que l’enfant a bien identifié ce qui y est écrit ou dessiné.
Ces procédés, bien que réalisables sans l’aide du numérique, permettent de proposer beaucoup
42
Émile Simonnet et Jean-Claude Duverger, Analyse de « Moi… je sais lire ! », Revue de l’EPI n° 97
- 35 -
plus rapidement et simplement des exercices aux enfants. Par exemple, dans l’activité « La
machine à raconter des histoires », il s’agit de remettre dans l’ordre chronologique trois
étiquettes selon une phrase énoncée par Zoupi. Le fait que les étiquettes soient déjà placées
dans un dispositif, que l’on puisse en modifier l’ordre d’un simple clic et réentendre la phrase
sur demande offre un confort et un gain de temps non négligeable pour l’enfant qui peut alors
se concentrer uniquement sur l’exercice et de manière autonome. Sans compter que le fait de
pouvoir enregistrer les résultats obtenus et observer une progression d’un travail à l’autre
facilite également le suivi pour l’adulte. Basé sur le même principe d’utilisation d’étiquettes
enrichies de fichier audio, « Moi, je sais lire » apporte une dimension supplémentaire en
matière de réactivité du support puisqu’il offre également à l’enseignant la possibilité de
compléter, importer ou exporter des classeurs d’exercices en passant par la sous-rubrique
« Modifier / ajouter des exercices ». Cette fonctionnalité, limitée à 6 exercices sur les 10
présents dans le logiciel, permet de modifier du contenu textuel, mais pas d’importer de
nouvelles images ni des fichiers audio ; ce qui ne lui retire rien de son aspect pratique pour
construire des exercices de systématisation ni du gain de temps que cet opportunité induit. Les
fonctionnalités d’importation sont par contre beaucoup plus réduites chez « Phono Floc ». En
effet le logiciel ne permet pas d’agir sur le contenu des exercices, mais seulement, via l’onglet
« Utilisation avancée » de la sous-rubrique « Paramétrages », d’importer de nouvelles images
pour ses menus d’identification. On peut, par ce biais, personnaliser ces menus en y insérant
les photos des élèves. « Phono Floc » utilise lui aussi des étiquettes sonores, voire uniquement
des fichiers audio, qui trouvent tout leur sens dans les activités sur les rimes, telles que pour
l’exercice « Qui… ? » où il s’agit de retrouver la réponse rimant avec la question (par
exemple « Qui est dans le jardin ? / Le lapin »), uniquement grâce à des propositions
auditives.
Qu’il s’agisse de la création d’exercices précis « car l’ordinateur peut en créer
beaucoup et rapidement » ou de leur correction, « rendue systématique par l’ordinateur alors
que l’enseignant doit relire chaque feuille une à une »43, le support multimédia peut soutenir
l’enseignant dans sa démarche. Certains exercices d’ailleurs « n’ont de sens que par leur
informatisation»44 ou du moins gagnent grandement en efficacité une fois mis en forme de
manière dynamique (déplacement des mots ou des syllabes, effacement du texte…). Ce
bénéfice est d’ailleurs aussi favorable à l’enseignant qu’à l’enfant selon Catherine Kellner :
43
44
Cf. Annexe n° 3 « Entretien avec Philippe Aubert, 26 mars 2010 », page 16
Prèc. Émile Simonnet et Jean-Claude Duverger
- 36 -
« Le fait que l’image puisse s’animer sous les yeux de l’utilisateur est également une
spécificité du multimédia et présente un véritable intérêt. Cette caractéristique permet
d’introduire une variable didactique nouvelle, possible uniquement grâce à la dynamicité du
support »45. De plus le rendu quasi immédiat du résultat permet à l’enseignant de savoir où se
situe l’enfant quelques secondes seulement après qu’il ait terminé son travail. Ces spécificités
peuvent également être mises au service du groupe classe, grâce au tableau blanc interactif
(TBI), comme nous l’explique Jean-Michel Vite :
« On peut totalement se servir des cédéroms en groupe classe, mais pour un moment
adapté à l’âge des enfants, par exemple en Grande Section – CP, ça signifie que l’activité
dure dix minutes. On présente une situation au tableau et on essaye de la résoudre
collectivement, on fait des hypothèses, on regarde ce qui fonctionne ou pas. Il faut avoir
un support adapté, un tableau blanc, un écran de projection…, et un dispositif qui permet
à tous les enfants de voir le tableau. Ce sont des choses très basiques mais qui sont en fait
le cœur du métier d’enseignant. »46
45
46
Catherine Kellner, 2007, Les cédéroms pour jouer ou pour apprendre ?, Paris : L'Harmattan, p.70
Cf. Annexe n° 4 « Entretien avec Jean-Michel Vite, 22 avril 2010 », page 20
- 37 -
III. L’aspect ludique du cédérom et
la perspective motivationnelle de l’enfant
Fort de ses possibilités de réinvestissement pédagogique et de ses opportunités
techniques, le cédérom est également un support qui revêt un grand potentiel attractif pour les
jeunes utilisateurs. Sans doute bénéficie-t-il d’un amalgame avantageux avec les jeux vidéo,
souvent renforcé par les attributs utilisés (ergonomie colorée et dynamique, mise en scène de
personnages fictifs, mobilisation d’une certaine habileté dans la manipulation de la souris…).
Ajouté souvent à une volonté de la part des éditeurs de ne pas paraître trop scolaire,
s’appuyant sur le temps de concentration limité des jeunes enfants et leur besoin fondamental
de jouer. En effet, le support multimédia, par sa dynamique et ses caractéristiques
audiovisuelles, permet de relancer l’attention ou de passer rapidement d’un exercice à l’autre.
De plus, sous un format apparenté au jeu, ils ont la possibilité de mettre en pratique des
connaissances vues avec leur enseignant et ainsi de pouvoir les entériner. La convivialité qui
se dégage du cédérom, par ses illustrations, ses animations ou ses bruitages généralement
accueillis avec enthousiasme, offre alors la possibilité à l’enseignant de pousser une
« nouvelle porte » pour permettre à l’enfant d’accéder à un savoir.
Que ce soit lors d’activités déjà connues des enfants et transposées ou valorisées à
travers un contenu multimédia, via un personnage animé incarnant un référent ou par le biais
de transitions dynamiques ou de bruitages, le son et ses nombreuses exploitations prennent
une place importante dans le processus ludique des logiciels éducatifs. Nous allons, par
conséquent, aborder les logiciels de notre corpus à travers la perspective motivationnelle qui
en émane, tout en portant une attention particulière à l’apport de ces caractéristiques
attractives pour la constitution d’un apprentissage.
- 38 -
A. Des activités multimédia en lien avec des activités connues des
enfants47
Si les supports multimédia peuvent apporter une réelle plus-value à l’enseignement de
part leurs caractéristiques techniques, d’un point de vue purement pédagogique, ils n’ont pas
révolutionné les méthodes employées. Dans la majorité des cas, les exercices rencontrés sur
ces supports restent très proches, pour ne pas dire identiques, à ceux qui sont utilisés en classe
sur papier. Pour autant, leur utilisation n’est pas vaine, comme l’explique Philippe Aubert :
« S’ils ont finalement apportés peu en matière de pédagogie, leur apport s’est fait
ressentir sur le plan du réinvestissement, de la systématisation et du renforcement des
apprentissages vus en classe.»48
Qu’ils s’agissent des logiciels ludo-éducatifs ou des logiciels destinés à un cadre
scolaire, tous sont, à un moment ou à un autre, inspirés des activités connues des enfants.
Dans le cas de « Clic d’Api » et bien qu’il ne propose pas réellement d’exercices au sens
éducatif du terme, ses personnages sont en tout cas issus du magazine papier Pomme d’Api.
Ainsi, Sam-Sam « le plus petit des grands héros », qui mène son combat face aux BeurkBeurk sous la forme d’une bande dessinée dans le magazine, invite ici les enfants à attraper
ses ennemis de toujours par le biais d’un jeu interactif. S’il ne s’agit pas ici directement d’un
apprentissage, sous une forme ludique, accentuée par la reconnaissance du personnage,
l’enfant manipule les touches du clavier, compte ses points ainsi que le nombre de BeurkBeurk capturés. Ceci peut être l’occasion pour lui de réinvestir des notions vue en classe, sans
même avoir l’impression de travailler. Toujours dans « Clic d’Api », l’enfant peut écouter une
histoire de Petit Ours Brun. Personnage non seulement connu des enfants grâce à ses
apparitions dans diverses publications ou à la télévision, mais également des parents puisqu’il
a été créé par Danièle Bour en 197549. Cette histoire, « Petit Ours Brun se perd au marché »,
a été publiée sur papier par Bayard Jeunesse en 2002, on en retrouve donc, aussi bien dans le
texte que dans les graphismes, la transposition quasi-exacte vers un format audiovisuel (qui se
47
Cf. Annexe n°7 « Exemples d’activités transposées au multimédia» page 44
Cf. Annexe n° 3 « Entretien avec Philippe Aubert, 26 mars 2010 », page 16
49
« Petit Ours Brun est (…) ce qu'on appelle un héros miroir : il permet aux enfants de se reconnaître et donc de
mieux se connaître. (…) Petit Ours Brun, est depuis longtemps sorti de ses pages pour apparaître à la télévision,
en livres, en CD Rom… Il jouit aujourd'hui d'une notoriété internationale. (…) »
http://www.petitoursbrun.com/popPOB.html
48
- 39 -
trouve être le 15ème épisode de la série télévisée). La lecture d’histoires, virtuelle ou non, reste
une étape importante dans la découverte de l’écriture car elle permet à l’enfant de
progressivement faire le lien entre oralité et transcription.
« Le récit est une forme discursive, orale ou écrite, qui organise des événements selon un
enchaînement causal ; comprendre un récit, c’est comprendre les liens entre des états ou
des épisodes, comprendre des transformations. (…) Pour les enfants, les contes dits ou la
lecture d’histoires permettent d’aller plus loin dans le pouvoir de représentation du
langage en proposant l’exploration des territoires imaginaires. (…) La trame narrative
est progressivement saisie par les enfants qui s’initient à l’utilisation du langage
d’évocation tant dans la phase de réception (imprégnation par des modèles) qu’en
restituant des passages de l’histoire avec ou sans l’aide de l’adulte. »50
Ainsi, et bien que l’activité se présente sous une forme de dessin animé dans un
dispositif de loisir et sans que le texte n’apparaisse à l’écran, il peut être intéressant pour
l’enfant en voie d’apprentissage de la lecture de s’adonner à ce type d’occupation, qui peut,
peut-être, l’inciter à venir découvrir la suite des aventures de son héros sur papier.
Les logiciels « MiniMouzz », « Moi, je sais lire » et « Phono Floc », malgré des choix
ergonomiques très distincts, se rejoignent sur le type d’exercices proposés, qui font d’ailleurs
échos aux exercices réalisés en classe sur papier. Pour chacun de ces trois logiciels, on peut,
par exemple, trouver des activités de discrimination auditives ou visuelles, qui sont toutes
basées sur le même principe : une lettre, un son, un mot (lu et / ou écrit) à retrouver parmi
plusieurs propositions. Il est intéressant de noter que dans « Moi, je sais lire », l’exercice de
discrimination auditive, suivi de ceux de discrimination visuelle, sont les premiers proposés
au catalogue, les exercices suivants (dictée, compréhension…) s’adressent à des enfants ayant
déjà acquis ces notions. Ce qui est dans la logique de ce logiciel qui s’adresse plus à des
enfants de CP ou CE1. « Phono Floc » quant à lui n’offre pas de travail de discrimination
visuelle, conforme à sa volonté de travail exclusif sur les sons. Par ailleurs, on rencontre
également dans ce logiciel des exercices sur la syllabe, tels que « Combien de syllabes ? » qui
consiste, comme son nom l’indique à identifier le nombre de syllabes dans un mot donné. A
chaque fois, la présentation de ces activités sont extrêmement proches des travaux effectués
50
Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche - Direction de
l’enseignement scolaire, Le langage à l’école maternelle, Outil pour la mise en œuvre des programmes 2002,
Centre national de documentation pédagogique, Textes de référence – École.
- 40 -
sur papier. Leur avantage réside avant tout dans la virtualité de leur représentation qui permet,
sans découpage ni impression d’accéder aux exercices, voire de faire plusieurs séries de suite.
« (…) c’est bien parce qu’on est dans une réalité simulée que l’on peut créer une
situation expérimentale plus riche qu’elle ne le serait autrement. Le cédérom apporte, là,
une vraie plus-value. »51
En effet, bien que les exercices rencontrés dans les cédéroms étudiés puissent trouver
sans peine un équivalent, une similarité même, dans les exercices papiers réalisés par les
enseignants, c’est l’utilisation même qui en est faite par le biais des logiciels qui apporte une
dimension nouvelle à ces activités.
« Ces activités s’inscrivent naturellement dans ce qui a été mené depuis tous les temps
dans l’activité d’enseignant, en particulier en primaire. (…) Tout ce que l’on fait avec les
TICE, on le fait avec d’autres supports. Simplement, les TICE vont permettre de mettre en
place des activités que l’on peut difficilement conduire de la même façon avec d’autres
supports. C’est vrai que le fait de pouvoir répéter à l’infini une activité avec des enfants,
c’est quelque chose d’excessivement précieux. Il y a aussi l’intérêt des élèves pour le
52
multimédia, le fait de pouvoir associer image texte et son. »
Nous avons d’ailleurs pu nous rendre compte, lors de notre observation de terrain53, que
les enfants montraient des signes de reconnaissances de l’activité. Par exemple, pendant
l’activité « Combien de syllabes » de « Phono floc », ils tapaient spontanément dans leurs
mains en découpant le mot pour trouver la bonne réponse. Préalablement, Monsieur Aubert
m’avait indiqué qu’il leurs faisait taper dans les mains lorsqu’ils comptaient les syllabes en
classe.
51
Catherine Kellner, 2007, Les cédéroms pour jouer ou pour apprendre ?, Paris : L'Harmattan, p.70
Cf. Annexe n° 4 « Entretien avec Jean-Michel Vite, 22 avril 2010 », page 20
53
Cf. Annexe n° 2 « Grilles d’observation : classe de grande section – Phono Floc » Tableau B : Perspective
motivationnelle, p. 15
52
- 41 -
B. Un personnage animé incarnant le référent54
« Créée en 1990 par les studios Coktel, la gamme ADI (Vivendi Universal Publishing 1)
fut la première à proposer ce concept d'entraînement scolaire, où un personnage
mascotte jouant le rôle de compagnon de l’enfant, parfois de tuteur, voire de professeur,
incite l’enfant à réviser des leçons, faire des exercices dans le but explicite de progresser
à l’école. »55
Bien que l’enfant travaille en autonomie, il n’est jamais totalement seul dans son
parcours à travers les cédéroms qui se sont dotés, sinon par l’image au moins par le son, de
personnages virtuels. Des référents qui incarnent sans doute un parent ou un enseignant pour
le guider dans son parcours, lui indiquer les consignes, lui fournir de l’aide, l’encourager et
valoriser son travail, voire parfois lui attribuer une récompense, que celle-ci prenne la forme
de bons points ou de petits jeux bonus. Ces incarnations peuvent prendre des formes
multiples : du personnage de fiction (connu ou non des enfants) à la voix off, les options sont
nombreuses et souvent en lien avec l’aspect ludique et l’ergonomie générale du cédérom. Le
choix  ou non  d’un tel personnage n’est pas anodin et soulève diverses questions. Qu’il
s’agisse de ses caractéristiques propres (représentation, voix, présence…), des missions qui
lui seront confiées (aide à la navigation, consignes, aide pédagogique, valorisation du
travail…) ou plus généralement de la plus-value qu’il apportera au logiciel lui-même, chaque
détail compte. Ainsi, Théo Priniotakis, Professeur au Centre National de Montlignon, explique
à propos de la mise en place d’un logiciel de gestion de prêt de livre accessible aux enfants de
maternelles :
« Pour les messages parlés, la voix numérisée, qui était celle de l’auteur, a été
remplacée par une voix de jeune fille, plus proche de celles des enfants. (…) Dans le
même ordre d’idée, les messages ont été redéfinis de manière à ne pas perturber le droit
à l’erreur de l’enfant (peur, vexation, réprimande) »56
54
Cf. Annexe n°8 « Caractéristiques et missions des personnages référents dans notre corpus » p. 54
Isabelle Meyer, Usages pédagogiques des exerciseurs multimédias - Typologie des exerciseurs, Décembre
2001, edutice-00000109, version 1 - 27 Octobre 2003
56
Théo Priniotakis, Professeur au Centre National de Montlignon, Des nouvelles technologies pour l’école
maternelle, Revue de l’EPI n° 79 (mars 1995), École Maternelle
55
- 42 -
Nous avons donc pu nous rendre compte que la mise en place de référents dans les
logiciels de notre corpus se fait à chaque fois de manière très différentes, répondant pour
chacun des cédéroms à des objectifs bien distincts. « Clic d’Api », par exemple, qui propose
avant tout du contenu récréatif, joue la carte des personnages multiples. Le logiciel n’est pas
représenté dans son ensemble par un référent, mais, à l’image de la revue Pomme d’Api, il est
soutenu par toute une tribu de personnages de fiction qui se sont vus chacun octroyer une
activité précise. Ils sont donc, d’une certaine façon, maîtres de leurs fiefs et distribuent, quand
l’activité s’y prête, consignes et recommandations. Pour la plupart, bénéficiant de leur statut
de célébrités télévisuelles, ils avaient déjà une voix connue du public, les autres se sont vus
attribuer pour l’occasion une voix enfantine de dessins animés. Les « MiniMouzz » se sont
eux limités à trois personnages animés apparaissant à l’écran sous les traits d’une famille
souris. Zoupi, plein d’entrain, qui représente volontiers l’adulte référent (que ce soit le parent
ou l’enseignant), est le plus présent à l’écran. Il aide à la navigation, distribue les consignes,
aide, félicite et commente même les résultats de l’enfant dans la rubrique « Parents ».
Extrêmement bavard, ses intonations dynamiques positivent à chaque fois son discours et il
prend grand soin de ne jamais prononcer de phrases démotivantes. Le Professeur Mouzzinzin,
savant (un peu fou) qui fabrique les machines les plus improbables au fond de son atelier,
incarne un grand-père idéalisé prêt à mettre son savoir au service de moments de détente. Il
est responsable de l’atelier où les enfants pourront dessiner, s’initier à la musique ou au
maniement de la souris. Quant à Tamouzzi, c’est le petit dernier de la famille. Un bébé-robot,
conçu par le Professeur, dont l’enfant peut s’occuper dans une « salle » indépendante des
autres activités. A l’instar des animaux de compagnie virtuelle tels que les Tamagotchi, qui ont
connu leur heure de gloire à la fin des années 1990, l’enfant peut ainsi faire dormir Tamouzzi,
lui donner à manger, le laisser jouer sur l’« ordinamouzz »… Son très jeune âge l’apparente à
un petit frère, voire un camarade de classe. Ces deux personnages secondaires, servent surtout
de prétextes et d’enrobage ludique aux activités pédagogiques : il sera parfois nécessaire de
réparer les machines du Professeur ou tout simplement de les manipuler pour valider une
réponse, ou l’on pourra suivre les tribulations de Tamouzzi au fil des exercices. Il est
d’ailleurs intéressant de noter que les personnages de Zoupi et de Tamouzzi sont asexués tant
par leur voix enfantine que par leur aspect physique et permettent ainsi une identification de la
part de leurs usagers qui pourront soit s’y reconnaître, soit y reconnaître leurs parents ou leurs
enseignants sans peine. Le logiciel « Moi je sais lire » ne propose pas réellement de
personnage, mais une voix off de petite fille qui lit les consignes et indique simplement la fin
des exercices. Le rôle de référent y est donc restreint à sa plus simple expression,
- 43 -
quoiqu’encore présent, et ne se manifeste que sur les exercices. La voix n’aide pas à la
navigation (assez simple elle aussi) ni ne commente les résultats obtenus qui sont formalisés
par des vignettes allant du vert au rouge. Le choix d’une voix proche de celle des enfants
atténue sans doute la sobriété de l’ergonomie, et la parcimonie avec laquelle elle est utilisée
démontre une volonté des éditeurs de se concentrer, non plus sur l’aspect ludique, mais sur un
aspect éducatif du logiciel. Dans le même ordre d’idée, « Phono Floc » opte pour une certaine
retenue dans l’utilisation d’un personnage. Si celui-ci existe bien sous les traits d’un héros
rebondi tout bleu, qui pourrait faire penser aux personnages des Barbapapas, il n’est pas
animé et ne remue même pas les lèvres lorsque la voix de référence se fait entendre. C’est
donc par pure supposition que l’on peut penser que cette voix est bien celle de Floc. Il
subsiste d’ailleurs un doute, car la voix qui énonce les consignes, indiquant parfois d’écouter
ce que va dire Floc, est identique à celle que l’on entend lorsque l’on clique sur Floc luimême.57 Il s’agit du reste d’une voix adulte et masculine, qui s’exprime calmement sur un ton
relativement neutre, et qui n’est accessible que sur demande durant les exercices. On voit
bien, ici encore, que l’accent a été mis sur le fond plus que sur la forme, mettant tout en œuvre
pour ne pas déconcentrer l’enfant dans son travail.
Durant notre enquête de terrain58, nous avons d’ailleurs pu nous apercevoir que les
enfants n’accordaient que peu d’importance à ce personnage. Bien que nous leur ayons
présenté Floc, qui apparait dès l’écran d’accueil coiffé d’un casque audio, ils étaient plus
attentifs aux consignes qu’à ce personnage fixe. Leurs réactions se manifestaient surtout
lorsque les vignettes à l’effigie du héros apparaissaient en fin d’exercice pour valider ou
invalider leur réponse, mais il est raisonnable de penser que de simples vignettes colorées
auraient obtenu le même accueil. Ils ne disaient pas, par exemple, « Floc m’a mis du vert »
mais « j’ai eu du vert », en cas de réponse juste.
Par leur utilisation de la notion de personnage référent, nous pouvons observer que ces
quatre logiciels assoient une fois de plus leurs étiquettes sinon commerciales, tout du moins
éducatives. Du côté des ludo-éducatifs, la forme est bien souvent privilégiée sur le fond : de
nombreux personnages aux interventions récurrentes placent l’enfant dans une démarche plus
récréative que didactique. L’enfant est invité dans un univers de fiction, suit les aventures de
57
Dans la version qui nous a été fournie et qui n’était pas la version définitive.
Cf. Annexe n° 2 « Grilles d’observation : classe de grande section – Phono Floc » Tableau B : Perspective
motivationnelle, page 15
58
- 44 -
ses héros (qui portent tous un nom), s’identifie à eux. Et ces-derniers le lui rendent bien, au
regard du vocabulaire employé pour l’encourager.
« En effet, les commentaires prodigués à l’enfant au moment de la correction (ou
validation) jouent un rôle déterminant dans cette volonté de ne jamais mettre l’enfant en
situation d’échec, car tout est mis en place pour faire croire à l’enfant que, quoiqu’il
fasse, il est un champion, un génie ... et que le programme (via son personnage) est
content : c’est l'utilisation de moyens pour valoriser, au niveau du scénario didactique,
d'interaction et au niveau de l'interface, la performance de l'apprenant et l'apprenant luimême. André Tricot décrit cette stratégie comme utilisation de la pédagogie de la réussite
dans les exerciseurs, stratégie que J.P Carrier associe à une pédagogie de la ruse. Celleci renforce l’ambiguïté que l’on trouve dans la plupart de ces titres sur l’opposition
jeu/travail (…) »59
L’imaginaire de l’enfant est vivement sollicité, au point même qu’il ne reste parfois plus
beaucoup de place aux exercices. Cependant, par le biais de ces personnages, il peut réaliser
des activités pédagogiques en lien avec son apprentissage. Il paraît toutefois plus difficile
d’utiliser ce type de logiciels en classe, étant donné la perte de concentration et de temps que
leurs univers fictifs induisent. A l’inverse, des logiciels tels que « Moi je sais lire » ou
« Phono Floc », qui ont réduit l’utilisation des personnages à son strict minimum, mettent
clairement en valeur les exercices et par là même les apports pédagogiques du support,
facilitant ainsi leur introduction à l’école.
59
Préc. Isabelle Meyer, Usages pédagogiques des exerciseurs multimédias - Typologie des exerciseurs
- 45 -
C. Des transitions animées et musicalisées comme éléments récréatifs60
Qu’ils aient fait le choix d’une ergonomie plus ludique ou plus austère, les cédéroms
ludo-éducatifs ou éducatifs s’adressant à de jeunes enfants profitent malgré tout des
caractéristiques multimédia du support. Encore une fois, tout est affaire d’objectif d’utilisation
du produit fini et, pourrait-on dire, de dosage. C’est ainsi qu’entrent en jeu les transitions
animées et parfois musicalisées qui peuvent faire office d’introduction, de coupure entre les
séries d’exercice ou de conclusion. Placées telles des respirations ou des récréations plus ou
moins brèves, elles symbolisent tour à tour un moment de détente (pour mettre l’enfant dans
une disposition de jeu), un support informatif (pour lui indiquer où il se situe dans le déroulé
de la série) ou une récompense (lorsqu’elles apparaissent en fin d’exercice). Elles peuvent
facilement être associées par les enfants, familiarisés aux outils audiovisuels, à de petits
dessins animés avec tout l’aspect récréatif, mais aussi motivationnel, que cela peut comporter.
Cependant, et surtout à cet âge, la frontière est fine entre détente et déconcentration. Il est
donc intéressant de regarder au travers des exemples de notre corpus les différents usages et
mises en place qui peuvent être proposés par les éditeurs fonctions de leurs objectifs
respectifs.
Le logiciel « Clic d’Api », qui se place dans une gamme récréative entre le support
papier et le dessin animé, garde les marques de ces dispositifs en introduisant, par exemple,
chacune de ses activités par un générique similaire à ceux que l’on peut rencontrer dans les
émissions jeunesse télévisées. En musique et en animation, ces introductions sont
relativement longues (35 secondes en moyenne) bien que l’on puisse les sauter en double
cliquant sur l’écran. Concernant les activités elles-mêmes, étant donné leur nature, elles ne
proposent pas de transitions internes. On peut cependant noter, dans « Les enquêtes de Zig et
Zag » de petites animations qui entrecoupent les explications des protagonistes et illustrent
leur propos. Chez les « MiniMouzz », les transitions placées en amont des exercices
permettent notamment d’installer le décor (et les curieuses machines du Professeur
Mouzzinzin) et de raconter une courte histoire qui sera le prétexte de l’exercice. Il faut par
exemple, remettre les propositions dans l’ordre dans « Les photos » car la machine du
Professeur ne fonctionne pas très bien. Ces animations s’enchaînent avec l’énoncé des
60
Cf. Annexe n° 9 « L’usage des transitions animées dans notre corpus » page 57
- 46 -
consignes dans une volonté d’atténuer l’aspect scolaire par un contenu ludique. A l’intérieur
même des exercices, juste après avoir validé une réponse, il n’est pas rare de voir Tamouzzi
ou le Professeur apparaître, qui sortant d’une des machines, qui traversant l’écran, et lancer un
commentaire sur un ton humoristique sans lien direct avec la réponse qui vient d’être donnée.
Avec «Moi je sais lire », nous entrons dans une toute autre approche de la transition animée.
Tout en sobriété, le logiciel offre une animation très brève (moins de 2 secondes) et
récurrente, qui se lance sur la partie gauche du menu chaque fois qu’un choix d’exercice est
fait. Il s’agit d’une coccinelle blanche sur un plongeoir qui saute dans un pot de peinture
rouge à points noirs en lançant un « Et hop ! » d’encouragement. L’écran suivant fait place à
l’activité sans plus de détour. Selon les exercices, une image fixe, représentant un lutin assis
sur un champignon et légendée « série suivante », peut se glisser brièvement à l’écran. Ceci
sans doute afin d’encourager l’enfant à poursuivre et lui indiquer où il se situe dans le
déroulement global de l’exercice, ce qui pourra éviter un abandon en cours de route. Lorsque
l’exercice est terminé, un nouvel écran apparaît où une animation, elle aussi assez simple,
découvre une récompense le cas échéant : un bras de grue vient retirer une à une les pièces qui
masquent un dessin (le visuel du cédérom) ; lorsque l’image est entièrement dévoilé, l’enfant
accède à un jeu. Que ce soit graphiquement ou musicalement, les transitions de ce cédérom se
présentent sous un style épuré, qui laisse volontairement la part belle au contenu éducatif du
support. Alain Trinkwell précise à ce propos :
« Le côté statique de la présentation (des images fixes), rend l’aspect des exercices un
peu vieillot, l’on peut cependant penser que cette sobriété de présentation est volontaire
de la part de l’éditeur car elle permet aux jeunes utilisateurs de ne pas être perturbés et
de rester concentrés sur la tâche à accomplir. Des animations sont cependant présentes
dans la plupart des exercices, ceux-ci interviennent souvent après la validation de la
réponse et donne ainsi un aspect ludique à l’exercice. »61
Mais c’est à « Phono Floc » que revient la palme de la simplicité dans le registre des
transitions, puisqu’il n’en existe qu’une occurrence. En fin de série, une courte animation (4
secondes) recouvre l’écran de travail laissant apercevoir une banderole sur laquelle on peut
lire, selon les résultats, « Gagné ! » ou « Essaie encore ». Fidèle au profil du logiciel,
61
Alain Trinkwell, Formateur TUIC IA57 CRM Sarreguemines, Analyse de cédérom « Moi… Je sais lire ! »,
rédigé en 2002 en vue de l’obtention d'un diplôme universitaire "Projet Pédagogique et TICE"
- 47 -
l’animation se déroule en silence. Elle est par ailleurs montée en boucle, et il faudra cliquer
sur le bouton « Retour » pour la voir disparaître.
Nous avons pu remarquer à ce propos pendant notre observation de terrain62, que bien
que cette animation soit très courte, elle marque une réelle coupure avec le temps de travail
qui la précède. Les enfants ont, par exemple, changé de positionnement sur leur chaise à son
apparition pour adopter une assise plus détendue alors qu’ils étaient jusqu’alors concentrés sur
l’exercice. Certains ont même ri ou quitté l’écran des yeux, marque qu’il était clair à leur sens
que l’exercice était terminé. Peu d’entre-deux ont réagi à l’apparition de la banderole, qu’ils
n’étaient pour la plupart pas en mesure de déchiffrer ; ceux qui sont parvenus à lire
« Gagné ! » s’en sont d’ailleurs montrés assez fiers.
A travers ces quatre logiciels, nous avons pu analyser quatre manières très différentes
d’envisager les transitions animées et par extension les animations multimédia. De « Clic
d’Api », conçu autour d’activités-dessins animés à « Phono Floc » silencieux et usant
d’images animées avec la plus grande parcimonie, l’éventail de possibilités est large. Nous
pouvons cependant noter que les choix ergonomiques sont généralement en lien direct avec
les objectifs pédagogiques annoncés : plus le logiciel a vocation éducative, plus ses
illustrations (animées ou non) sont restreintes. Il paraît en effet logique que dans l’optique
d’une utilisation en classe, des contraintes, non plus seulement pédagogiques, mais également
d’organisation du temps passé sur le cédérom ou de gestion de la concentration de
l’utilisateur, voire de la classe entière, s’imposent. Celles-ci jouent alors un rôle important
dans les questions d’ergonomie et de contenu informel du logiciel. Si le fait de s’appuyer sur
l’imaginaire des jeunes enfants « les aide à interpréter les représentations utilisées pour en
trouver la signification »63 et peut ainsi représenter une plus-value aux activités, le solliciter
de manière récurrente et entraîner l’enfant dans un monde fictif, peut également perturber son
apprentissage ainsi que le rythme de travail de la classe. Dans un contexte familial, ces
questions éducatives et de gestion du temps passant au second plan, il est cohérent que les
logiciels ludo-éducatifs accordent une plus grande place aux animations récréatives.
62
Cf. Annexe n° 2 « Grilles d’observation : classe de grande section – Phono Floc » Tableau B : Perspective
motivationnelle, page 15
63
Catherine Kellner, 2007, Les cédéroms pour jouer ou pour apprendre ?, Paris : L'Harmattan
- 48 -
D. Les bruitages (fonctionnels et non-fonctionnels)
Autre atout du multimédia, les possibilités sonores des cédéroms sont, tout comme pour
les attributs graphiques, vastes et variées. Parmi celles-ci, le bruitage, à différencier des autres
éléments audio (musique ou voix), est souvent associé à une animation ou une action. Il prend
une part active au travail de scénarisation du produit et participe à l’installation de l’enfant
dans un univers fictif. Qu’ils soutiennent l’aspect ludique ou la navigation, ses sons divers,
auxquels on ne prête pas toujours attention, trouvent leur place dans le cédérom au même titre
que les éléments visuels et rencontrent les mêmes interrogations quant à leur utilisation et leur
apport. En effet, mal ou trop utilisés, ils peuvent aussi être à l’origine de perturbations, de
parasitages, voire de saturations auditives, pénalisant alors l’usager.
« Les effets sonores peuvent être fort pertinents et jouer des rôles particuliers. Par
exemple, lorsque qu’un lien est établi entre un effet sonore et un événement spécifique,
cet effet sonore peut servir d’aide à la navigation, de renforcement positif ou d’élément
stimulant et motivant. »64
Nous distinguerons deux types de bruitages : fonctionnels, qui supportent la navigation
en associant un son à une action de l’utilisateur (clic de souris, par exemple), ou nonfonctionnels, indépendants de l’intention de l’utilisateur avec une mission d’illustration des
éléments graphiques (bruit de porte qui s’ouvre lorsqu’une porte s’ouvre à l’écran). Si tout
deux peuvent apporter un effet attirant pour l’enfant ou renforcer sa compréhension de ce qui
se déroule à l’image, agissant inconsciemment comme un sous-titre, ils peuvent également se
chevaucher, s’entrecouper, porter à confusion (bruit d’un ressort lorsqu’une porte s’ouvre) ou
au contraire faire défaut. Nous allons donc apprécier les options, encore une fois très
différentes, choisies par les concepteurs des logiciels de notre corpus.
Dès l’écran d’identification de « Clic d’Api », les bruitages entrent en piste. Lorsque
l’on actionne les flèches « droite-gauche » pour faire défiler les étiquettes, un petit sifflet se
fait entendre, permettant à l’enfant de bien comprendre qu’il est en train de choisir entre
différentes étiquettes, surtout lorsque plusieurs d’entre elles sont vides, et qu’il pourrait penser
64
France Henri, Professeur rattachée à l’Unité d’enseignement et de recherche Science et technologie de la Téléuniversité au Canada, La scénarisation et le scénario-maquette : conseils pratiques, Télé-université et École de
technologie supérieure 1997, http://multimedia.uqam.ca/profs/corbeils/t312.pdf
- 49 -
que son clic n’a eu aucun effet. Une fois l’étiquette retrouvée, le fait de cliquer sur la fusée
n’est pas associé à un bruitage, il déclenche par contre une animation avec décompte,
réacteurs et décollage, largement sonorisée. L’action se trouve ici validée non par un bruitage
fonctionnel qui permettrait de s’assurer que le logiciel a pris en compte le clic, mais par
l’animation qui s’y rattache. La page d’accueil propose très peu de bruitages. Étant donné le
nombre de fichiers voix qui y sont associés par roll-over ainsi que la musique de fond qui
tourne en boucle on peut comprendre ce choix : un élément sonore supplémentaire aurait sans
doute été de trop. Néanmoins, son option de réglage de volume se présente sous la forme de
trois clochettes de différente taille qui font un son (de cloche) plus ou moins fort lorsque l’on
clique dessus. L’enfant peut ainsi choisir son volume de manière simple. Pour ce qui concerne
les activités de ce logiciel, nous pouvons citer l’exemple des « Enquêtes de Zig et Zag » qui
concerne la fabrication du miel. On peut entendre un bourdonnement d’abeilles (bruitage nonfonctionnel) qui s’applique chaque fois qu’une abeille est à l’écran, autant dire souvent, et ce,
que les protagonistes parlent ou non. Ceci devient sinon pénible, du moins fatiguant à la
longue. Simultanément aux abeilles, mais heureusement pas aux voix de Zig et Zag, il est
également possible d’actionner un troisième type de fichier sonore : un bruitage fonctionnel
déclenché par le passage de la souris sur l’icône du zoomoscope (associé à un son de crécelle)
ou sur celle de l’abeille qui pose des devinettes (son de synthétiseur). On peut observer que si
« Clic d’Api » a décidé de sonoriser certains de ces boutons, il n’a cependant pas opté pour les
bruitages conventionnels des systèmes d’exploitation, les sons utilisés ont été choisis pour
leurs caractéristiques musicales et ludiques, en adéquation avec le cachet du produit. Les
« MiniMouzz », qui usent pleinement des facultés sonores offertes par les cédéroms, au point
de paraître mal à l’aise avec le silence, ne sont pas en reste quant à l’emploi de bruitages. Ceci
pose d’ailleurs la question de la place accordée à chacun des fichiers audio utilisés et des
risques de rupture sonore tels qu’énoncés par Corinne Welger-Barboza dans son ouvrage Le
patrimoine à l'ère du document numérique, Du musée virtuel au musée médiathèque.65 En
effet, si l’on prend l’exemple de la page d’accueil, il y a, en premier lieu, le lancement de la
musique de fond, rythmée et soutenue par de nombreux instruments (percussions, flûte,
cordes, xylophone…). Sa richesse la rend vivante et présente, ce qui la fait sortir de son rang
de fond sonore. A peine la musique lancée qu’elle se coupe déjà car Zoupi apparaît (sans
bruitage associé) pour prendre la parole sur un ton vif et entrainant. Si la musique revient dès
que Zoupi se tait, ce n’est jamais pour très longtemps, car rapidement, c’est au tour du
65
Cf. I.A.2 « L’ergonomie et la navigation » page 17
- 50 -
Professeur Mouzzinzin de s’adresser à l’utilisateur. Si ce dernier n’opte pas pour un menu,
cette valse entre musique et voix, continuera sans fin et non sans désagrément pour l’oreille.
Si par contre, il choisit un menu, en cliquant sur l’un des accessoires du décor, le bruitage
fonctionnel associé à cette action (de type bruit de ressort) viendra interrompre brutalement
cet échange sonore et lancer l’écran suivant. On peut d’ailleurs préciser qu’en plus de ce
bruitage, l’élément sur lequel l’utilisateur vient de cliquer s’anime ; le bruitage n’a donc pas
d’intérêt pour la compréhension de cette action qui est déjà appuyée par une animation
visuelle. On le voit ici, la multiplication des sources audio est un exercice difficile, et avant
même de parler de déconcentration de l’enfant, il y a la fatigue auditive, voire l’agacement,
que ce type de structure peut provoquer. Au lancement des activités, Zoupi est toujours le
premier à entrer à l’écran, apportant généralement avec lui un accessoire ou une partie du
décor. Son entrée, toujours sonorisée, donne lieu soit un fichier musical assez court, soit à un
bruitage non-fonctionnel en lien avec son action, soit aux deux éléments réunis. On peut par
exemple citer l’exercice « Les photos », dans lequel Zoupi entre en poussant une machine
imaginée par le Professeur. Une animation se lance alors où bruitage non-fonctionnel (roulette
qui grince) et musique (flûte et tambourin) sont combinés dans un même fichier audio, qui
sera interrompu par la voix de Zoupi, avant de reprendre pour illustrer l’installation de ladite
machine. Tout ceci soutenu par des illustrations graphiques. Dans de nombreux cas, le logiciel
procède donc ainsi : il mêle musique d’ambiance et bruitage non-fonctionnel afin d’apporter
au sein d’un même élément un aspect ludique et un appui sonore à ses visuels. Cependant, les
interventions de ses personnages sont séparées de ces attributs musicaux, sans doute dans le
but de permettre une meilleure compréhension des propos, bien que cette solution provoque
une rupture auditive. A l’opposé de ces problèmes, le cédérom « Moi, je sais lire », utilise
avec beaucoup plus de retenue les possibilités sonores offertes par de tels supports. La
musique de fond n’y a pas sa place, le logiciel accepte volontiers que des plages de silence
puissent s’installer par moment et l’utilisation de fichiers voix se limite à quelques
interventions ciblées de type consignes. Par leur sonorité synthétique, les bruitages
fonctionnels que l’on peut rencontrer dans ce logiciel sont assez proches des sons utilisés par
les systèmes d’exploitation. Courts et sobres, à l’image du produit, ils sont disponibles non
seulement sur les boutons, mais aussi sur certains éléments graphiques dans les exercices. On
peut par exemple entendre un son sec et rapide lors de la fermeture des volets dans
« Reconnaître les sons », qui apporte une dimension réjouissante à l’exercice. Chaque
changement d’écran, qu’il s’agisse d’entrer ou de sortir d’un exercice, se fait via une
translation horizontale d’un écran sur l’autre, appuyée par un son de glissement sourd
- 51 -
(toujours le même), ressemblant à une ouverture de porte. Ce bruitage non-fonctionnel,
puisqu’il n’est pas directement lié à un objet de navigation, permet lui aussi de marquer, de
manière détendue, la transition entre les différentes étapes du parcours. « Moi, je sais lire »,
ne rencontre jamais de problème de juxtaposition de son ou de rupture, hormis dans le cas où
l’utilisateur actionnerait le bouton « Sortie » pendant la lecture d’une consigne, ce qui est un
cas de figure à part, puisqu’il s’agit là d’une volonté de provoquer cette rupture. Ses grands
moments de silence entrecoupés par des interventions sonores précises montrent que le
logiciel a été conçu dans l’optique de transmettre un message de manière direct. Ce qui est un
atout appréciable pour les enseignants, que ce soit pour faciliter la compréhension de l’enfant
ou pour un rendement du temps d’utilisation. Ces considérations de gestion de l’espace sonore
sont bien éloignées des questions qui se posent avec « Phono Floc » qui a opté pour une
interface plus que calme, sans bruitage ni musique, ce qui surprend d’ailleurs à la première
utilisation. Les seuls aspects sonores resteront donc l’usage de la voix, qui ne se fait entendre
que sur sollicitation de l’enfant. Pour autant le logiciel n’a rien d’austère, son ergonomie,
choix des couleurs et apparition de Floc, rend sa navigation agréable à l’œil bien que sourde à
l’oreille.
On mesure ici, non seulement la multitude de configurations envisageables pour
l’introduction de bruitages dans de tels supports, mais aussi la complexité de la gestion du son
qui doit à la fois distraire, guider et transmettre l’information. Si les supports multimédia se
révèlent riches et inventifs d’un point de vue graphique, ils savent également déployer toute
une gamme d’éléments sonores pour optimiser d’une part leur esthétique, et d’autre part
appuyer leurs objectifs (ludiques ou pédagogiques). Bien que plus difficilement perceptible et
identifiable avec précision pour l’esprit humain, qui est enclin naturellement à privilégier la
vue à l’ouïe dans sa perception environnementale, le son, avec tous les aspects qu’il peut
revêtir, voix, musique, bruitage, mais aussi silence, tient pourtant une place importante dans
les outils multimédia. Il peut notamment faire basculer un même exercice d’une utilisation
plus ludique et familiale vers une utilisation plus sérieuse et scolaire et se retrouve par
conséquent intimement lié avec la notion de scénarisation du produit.
« Le scénario d’un multimédia fait entrer en scène différents médias : documents écrits,
illustrations, graphiques et photographies, animation, séquences audio et vidéo. Tous ces
éléments n’ont pas la même importance et ne doivent donc pas être placés sur le même
plan. Sur ce point, le multimédia est un art difficile. Il s’agit d’exploiter avec habileté
- 52 -
chaque élément, de doser leur importance relative afin d’obtenir un résultat efficace et
esthétique. Selon le cas, un dessin ou une photo n’ont de valeur que s’ils enrichissent le
texte, et vice versa. L’emploi d’un troisième média doit être justifié par l’apport
d’informations complémentaires et utiles. Il faut éviter de répéter inutilement les mêmes
informations sous un autre mode. Toutefois, en pédagogie, il arrive que la redondance
soit souhaitable pour une meilleure compréhension de l’information ou pour
accommoder les différents styles cognitifs. »66
La question se pose alors de la justification de l’emploi de son en tant que média
supplémentaire et de l’objectif visé pour l’éditeur et pour les usagers. Un son qui n’apporterait
qu’une dimension ludique dans un logiciel éducatif serait sans doute de trop, là où il
trouverait plus volontiers sa place dans un programme récréatif.
66
Préc. France Henri, La scénarisation et le scénario-maquette : conseils pratiques
- 53 -
Conclusion
Les cédéroms sont des supports complexes, tant par les fonctionnalités multiples qu’ils
permettent de développer que par les différents usages et missions qu’ils se voient confier. Du
plus récréatif au plus didactique, du plus austère au plus prolixe, l’éventail de produits qui
peuvent se prévaloir de cette dénomination est large. Dans le cas de cédéroms ludo-éducatifs
ou éducatifs conçus pour des enfants de 5 à 7 ans, nous aurions pu penser nous retrouver face
à des logiciels relativement similaires, mêlant plus ou moins équitablement jeu et didactique.
Pourtant, ne serait-ce qu’à travers l’étude de quatre exemples, nous avons déjà pu observer de
grandes disparités dans la manière d’appréhender cet outil. Qu’il s’agisse de leur ergonomie,
des caractéristiques dont ils peuvent faire bénéficier leurs utilisateurs, de leurs vocations,
réelles ou annoncées, tous sont apparus très différents en se destinant néanmoins à un même
public.
La pluralité de leur offre amène rapidement à se poser la question de l’intérêt d’une telle
effervescence technique et de l’apport qu’elle constitue dans un projet donné : dans le cas de
notre recherche l’apprentissage de la lecture. Nous pouvons ici rappeler, afin de nuancer notre
propos, que les cédéroms sont des produits qui ont connu un pic commercial dans les années
1990. A cette époque, les concepteurs découvraient l’étendue des possibilités de ces nouvelles
technologies, et, à l’image des sites internet qui fleurissaient sur le web, avaient tendance à
vouloir tout exploiter sans mesurer la surcharge, visuelle ou auditive, que cela pouvaient
occasionner. D’autre part, et toujours dans une démarche de contextualisation, il faut
également songer au fait que trois des supports étudiés ont été édités à une époque où l’on
n’avait pas encore tête une utilisation en milieu scolaire telle qu’elle est envisagée
aujourd’hui.
Nous l’avons vu les cédéroms, une fois franchies les portes des écoles, offrent des
perspectives tout à fait intéressantes pour les enseignants comme pour les élèves. Bien que le
travail en autonomie, qui place l’enfant dans une position d’explorateur et d’acteur de sa
démarche d’apprentissage, ne soit pas un attribut spécifique au support, ses caractéristiques
interactives et ergonomiques ouvrent une nouvelle voie pédagogique. Elles permettent, par le
biais de l’outil informatique, d’offrir à l’utilisateur des spécificités, telles que l’écoute des
consignes à la demande ou les rétroactions visuelles ou sonores, qui constituent une plusvalue du cédérom.
- 54 -
« Sans interactivité, un programme éducatif ne fait que dérouler des pages électroniques
qui se situent toutes au même niveau. C’est l’interactivité qui permet à l’usager de
" rentrer " dans le produit : il n’est pas seulement spectateur, mais acteur. Toutefois, elle
doit avoir une utilité, sinon elle sera perçue comme superficielle et risque d’ennuyer
l’apprenant. L’interactivité doit permettre de découvrir le contenu, d’en pénétrer les
différentes couches et de construire un cheminement. »67
Cependant, pour que l’utilisateur puisse bénéficier de ses attributs technologiques, il est
nécessaire que ceux-ci prennent sens dans la structure et le contenu du logiciel. Pour pouvoir
être exploité en classe, le cédérom doit être pensé dès sa conception selon les contraintes
d’une telle utilisation. Il doit notamment permettre à l’enfant de se diriger de la manière
autonome au travers de ses pages, que ce soit pour l’identification, la navigation ou la
résolution des exercices. Car si l’enseignant doit rester sans cesse auprès de l’enfant, un tel
produit perd non seulement de son intérêt, mais n’est même plus utilisable. Les différentes
possibilités de transmission des consignes, tantôt écrites, orales, automatiques ou sur
demande, peuvent elles aussi être un atout du support. Nous pouvons toutefois nous interroger
sur la mise en place de consignes écrites pour des enfants n’ayant pas encore la possibilité de
les déchiffrer, comme c’est le cas avec « Phono Floc ». Alors que le logiciel a pour but de
développer la conscience phonologique, donc destiné à un public très jeune, l’apparition de la
consigne écrite n’aide pas réellement puisque les enfants ne sont pas en mesure de
comprendre que le texte qui s’affiche correspond à la consigne qu’ils entendent. A l’inverse,
et toujours dans le même logiciel, le choix d’une consigne orale qui n’est distribuée que sur
demande, quand bien souvent c’est la répétition qui peut être demandée mais le premier
énoncé se fait automatiquement, est un choix intéressant puisqu’il place alors l’enfant dans un
rôle actif. L’enfant est ainsi maître de sa démarche, il peut tenter de résoudre l’exercice par
tâtonnement puis déduction, ou demander directement les instructions. Il permet également à
l’enseignant qui souhaiterait par exemple travailler collectivement sur cet exercice via un
tableau interactif, de ne pas être déranger par un fichier audio, et de pouvoir lui-même
expliquer l’exercice aux enfants. Le principe de rétroaction, intimement lié au multimédia, est
lui aussi un élément qui participe à l’autonomie de l’enfant dans son travail, puisqu’il permet
67
France Henri, Professeur rattachée à l’Unité d’enseignement et de recherche Science et technologie de la Téléuniversité au Canada, La scénarisation et le scénario-maquette : conseils pratiques, Télé-université et École de
technologie supérieure 1997, http://multimedia.uqam.ca/profs/corbeils/t312.pdf
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d’instaurer un système d’échanges entre les actions de l’enfant et le logiciel. Pour l’aiguiller
dans son parcours ou valider une réponse, ces retours sonores et / ou graphiques sont autant de
points de repères qui évitent que l’enfant se sente démuni devant un exercice. Cependant,
lorsqu’ils deviennent trop récurrents, ils peuvent occasionner plus de gène que d’aide. Nous
avons pu par exemple nous en rendre compte en analysant les « MiniMouzz », qui ne tolèrent
aucune inactivité de la part de l’utilisateur et le relancent sans cesse. Cette pression à
poursuivre, qui plus est avec les mêmes formules qui reviennent régulièrement, semble
difficilement compatible avec le calme et la sérénité nécessaires à l’accomplissement d’un
travail scolaire, et peut même induire une forme d’agacement vis-à-vis du produit. Par contre,
des logiciels plus enclins à être utilisés à l’école comme « Moi, je sais lire » ou « Phono
Floc », et qui ont de beaucoup limité leur usage du son, ont opté pour une rétroaction
majoritairement visuelle avec des symboles simples, tels que des vignettes rouge ou verte
pour valider les réponses. Nous avons ainsi pu observer que des retours sonores ne sont pas
toujours indispensables, bien qu’ils puissent être utiles pour aider les enfants non-lecteurs à
s’orienter dans les logiciels.
Autre avantage non négligeable des cédéroms, la flexibilité et l’adaptabilité aux besoins
de l’enseignant et de l’enfant, permettent de mettre en place une systématisation de certaines
tâches (édition de bilan, création d’exercices) et offrent des fonctionnalités de sauvegarde qui,
loin de remplacer le travail de l’enseignant, peuvent le lui faciliter. Ce soutien informatique
peut représenter, si le logiciel s’y prête, un confort et un gain de temps. Nous nous sommes
rendu compte que cette possibilité de partenariat avec l’enseignant n’est pas toujours
exploitée et qu’elle constitue une des différences majeures entre logiciels ludo-éducatifs et
logiciels éducatifs. Rien n’est réellement destiné à l’enseignant dans « Clic d’Api » ou les
« MiniMouzz », alors que chez « Moi, je sais lire » ou « Phono Floc », une rubrique entière,
tel un logiciel bis, est conçu pour lui permettre de préparer sa séance. Du choix des exercices
à l’importation de nouvelles données, en passant par l’impression de sauvegardes, ces deux
cédéroms offrent des choix de paramétrages divers qui viennent soutenir la recherche
d’individualisation de parcours. Grâce à ces options, l’enfant peut se voir proposer des
exercices correspondant spécifiquement à ses besoins et l’enseignant, mettre en place un
travail de réinvestissement très important pour la mémorisation à cet âge.
- 56 -
« On peut donc dire que les outils multimédias ne sont pas des outils d’apprentissage en
eux-mêmes mais qu’ils y participent, notamment pour tout ce qui touche au "par
cœur ". »68
La réactivité du support peut également devenir un outil précieux, pour l’enseignant
comme pour l’élève, puisqu’il permet de connaître quasi instantanément l’état d’une
progression. A peine un exercice est-il terminé que les bilans peuvent être édités, à peine une
réponse est-elle donnée que sa validation apparaît, offrant ainsi la possibilité de prendre en
considération ce retour pour la série suivante. De plus, la dynamique du support permet
parfois de simplifier la mise en place de certains exercices, puisqu’aucun autre matériel ni
aucune autre action n’est nécessaire : inutile de découper des étiquettes pour les coller
ailleurs, un simple glisser-déposer permettra le même travail spécifique.
Enfin, le potentiel attractif de ces logiciels, par leur graphisme et leur sonorité, peut se
présenter comme une plus-value motivationnelle pour les jeunes enfants. Si ces supports
multimédia ne révolutionnent pas les apprentissages, ils peuvent cependant proposer, de
manière animée, des exercices qui se font d’ordinaire sur papier. L’avantage d’une réalité
simulée permet ainsi de fournir les mêmes exercices que ceux vus précédemment avec
l’enseignant, mais de manière non seulement différente, ce qui permettra peut-être à l’enfant
jusqu’alors en difficulté d’accéder à la notion qui lui posait problème, mais aussi plus
récréative.
« Les produits multimédias sont de plus, des outils attractifs et ludiques pour les enfants,
ce qui ce qui peut être considéré comme un avantage vu le jeune âge des élèves de cycle
2. »69
Cependant, ces attributs divertissants peuvent parfois venir gêner le bon déroulement
d’une séance. Personnages fictifs, musiques, bruitages, animations,…, sont autant de raisons
de perturber la fragile concentration des jeunes enfants. Ils peuvent, de plus, induire une perte
de temps précieux à l’enseignant, du fait de leur scénarisation parfois trop appuyée (prise de
parole des personnages, transitions…). Nous avons remarqué, dans le cas de « Clic d’Api » ou
des « MiniMouzz » de nombreux moments exclusivement récréatifs, sans lien direct avec
68
69
Cf. Annexe n° 3 « Entretien avec Philippe Aubert, 26 mars 2010 », page 16
Ibidem
- 57 -
l’apprentissage de la lecture. « Clic d’Api » propose par exemple des génériques de type
dessin animé avant chacune de ses activités et le personnage phare des « MiniMouzz », Zoupi,
ne manque que rarement une occasion d’apparaitre à l’écran. A l’opposé, les logiciels « Moi,
je sais lire » et « Phono Floc » affichent une sobriété qui semble salutaire à la transmission
des consignes et à la bonne disposition des enfants pour travailler.
« Il faut que l’on puisse entrer le plus rapidement possible dans l’activité. Un des grands
reproches fait aux logiciels ludo-éducatifs, c’est tout ce qu’on pourrait appeler le
parasitage : les éléments qui n’ont rien à voir ni avec l’activité, ni avec l’apprentissage et
qui sont de l’ordre du ludique. Ils interfèrent avec le temps que l’on peut passer dans la
découverte ou l’activité elle-même. Ce que l’on voit avec « Moi, je sais lire » ou « Phono
Floc » c’est que l’on arrive très directement aux activités. Il n’y a pas de temps de
latence avant de passer à l’activité elle-même, ce qui s’avère très important dans la mise
en place et dans ce que l’on appelle l’ingénierie pédagogique. »70
Plus qu’un élément perturbateur, les différents fichiers audio qui se combinent plus ou
moins judicieusement au travers d’une même page, peuvent parfois même être à l’origine
d’un véritable désagrément auditif. Entre les musiques qui sont généralement lues en boucle,
les sollicitations récurrentes des voix et les bruitages illustratifs, la saturation guette et l’on
comprend qu’un logiciel comme « Phono Floc », qui annonce un objectif éducatif d’une part,
et bénéficie également de l’expérience de ses prédécesseurs, ait opté pour un contenu
particulièrement silencieux. En guise d’illustration à notre propos, nous avons parfois été
contraints de parcourir « Clic d’Api » ou les « MiniMouzz » en coupant le son, tant leurs
bandes sonores devenaient désagréables sur une longue durée.
« Les messages audio doivent communiquer à l’apprenant seulement ce qui est pertinent;
il faut épurer la narration de tout verbiage ou tournure ampoulée qui n’ajoutent rien au
contenu. De plus, le contenu du message audio doit être découpé en petites unités, car
l’apprenant peut devenir ennuyé s’il reçoit passivement de l’information sonore sur une
trop longue période. »71
70
Cf. Annexe n° 4 « Entretien avec Jean-Michel Vite, 22 avril 2010 », page 20
France Henri, Professeur rattachée à l’Unité d’enseignement et de recherche Science et technologie de la Téléuniversité au Canada, La scénarisation et le scénario-maquette : conseils pratiques, Télé-université et École de
technologie supérieure 1997, http://multimedia.uqam.ca/profs/corbeils/t312.pdf
71
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Au cours de cette recherche, et d’après l’étude de notre corpus, nous avons rapidement
pu nous apercevoir qu’une distinction se faisait assez nettement entre logiciels destinés à un
usage familial et logiciels conçus pour être utilisés en milieu scolaire. Les premiers
privilégient généralement l’aspect divertissant du produit, et bien qu’ils proposent des
contenus adaptés aux enfants de 5 à 7 ans, l’ambition pédagogique semble relayée au second
plan. Ils ne mettent d’ailleurs pas ou peu en œuvre d’outils à destination des enseignants. Les
logiciels éducatifs, à l’ergonomie souvent épurée, mettent plus volontiers l’accent sur des
contenus pédagogiques et semblent tout autant se soucier des capacités d’attention des enfants
aux exercices que du confort de travail de leurs enseignants. Plus calme, plus simple, leur
univers bien que virtuel, n’est pas systématiquement transposé dans un monde fictif
hautement scénarisé. Ceci ne retire rien de la qualité des produits ludiques, mais permet
simplement de clarifier l’utilisation qui peut en être faite afin d’optimiser les résultats
attendus. Il semble en effet juste que l’on n’ait pas les mêmes attentes d’un produit utilisé
dans le cadre d’un moment de détente à la maison et d’un produit utilisé dans le cadre d’un
apprentissage scolaire, et de fait, que l’on n’en obtienne pas les mêmes résultats.
« Certains logiciels d’accompagnement scolaire sont appelés ludo-éducatif car une
scénarisation fortement ludique est au service d’un contenu scolaire qui peut être de la
découverte de notions (notamment en maternel) ou de la simple évaluation (exerciseurs).
Ces logiciels privilégient souvent la forme : interface très chargée, animations
nombreuses, sonorisation conséquente, identification et personnalisation de l’ordinateur
comme interlocuteur (anthropomorphisme et prosopopée). Souvent appréciés par les
enfants pour la découverte des potentialités du MM [Multimédia] et la découverte
d’univers, ils sont conçus le plus souvent pour un usage familial. Leur intégration dans
des séquences pédagogiques est souvent délicate mais ils sont de bons supports pour la
découverte de l’outil informatique (motivation, esthétique...).»72
Si les logiciels éducatifs ne permettent ni de remplacer l’enseignant, ni de stabiliser un
apprentissage dans le temps, nous avons observé que leurs multiples fonctionnalités
techniques peuvent malgré tout offrir, lorsque celles-ci sont pensées pédagogiquement et
dosées fonction de l’apport dans l’apprentissage, un soutien précieux tant à l’enseignant qu’à
l’enfant. L’informatisation de certaines tâches alliée au dynamisme du support permet ainsi,
72
Académie Nancy-Metz, Ressources TICE, Typologie des cédéroms éducatifs, janvier 2000, http://www.acnancy-metz.fr/ia57/ressourcestice/default.htm
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sous une forme apparemment ludique, de découvrir ou d’entériner des notions, parallèlement
au travail effectué par l’enseignant. Le cédérom éducatif trouve ainsi sa place parmi les outils
pédagogiques déjà existants, avec ses avantages mais aussi ses limites, tout en offrant un
accès au multimédia plus sécurisé et peut-être plus accessible qu’Internet pour de jeunes
enfants.
- 60 -
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Simonnet Émile et Duverger Jean-Claude, Analyse de « Moi… je sais lire ! », Revue de l’EPI n°97
Sitographie
Académie de Reims
http://www.ac-reims.fr/
Éditions ADAPT, association créée par le Snes, il y a 20 ans. Depuis 1997, Adapt-Snes fait appel aux
enseignants pour tester des cédéroms éducatifs. Plus de 1000 CD ont été ainsi testés.
http://www.adapt.snes.edu/
« Moi, je sais lire ! » : http://www.adapt.snes.edu/spip.php?article165
« Les MiniMouzz » Grande section : http://www.adapt.snes.edu/spip.php?article269
Groupe Bayard
http://boutique.bayardweb.com/
La fiche « Clic d’Api » :
http://boutique.bayardweb.com/article/index.jsp?docId=49757&rubId=5608
Portail du Centre National de Documentation du Haut Commissariat au Plan du Royaume du Maroc
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Educnet, dédié à l’enseignement avec les TIC et initié par le Ministère de l’Éducation Nationale et le
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
http://www.educnet.education.fr/
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Groupe Floc Production Multimédia
http://www.floc-multimedia.com/
La fiche « Phono Floc » :
http://www.floc-multimedia.com/html/phonoFlocDoc.htm
Petit Ours Brun
http://www.petitoursbrun.com/
La fiche « Petit Ours Brun » :
http://www.petitoursbrun.com/popPOB.html
- 63 -
Pillard-Godenne Maggi
[email protected]
Sous la direction de Pierre Morelli : [email protected]
La place du son dans les logiciels ludo-éducatifs et éducatifs
Pour les enfants de cycle 2 en voie d’apprentissage de la lecture
L’analyse, au travers de quatre exemples (« Clic d’Api », « Les MiniMouzz –
Grande section », « Moi, je sais lire ! » et « Phono Floc ») de l’utilisation du son
dans les cédéroms ludo-éducatifs et éducatifs, de ses apports et de ses limites dans
l’apprentissage de la lecture pour des enfants de cycle 2.
Mots clés
cédérom – éducatif – son – apprentissage – maternelle – autonomie – parcours
individualisé - ludique
The role of sound in the edutainment and educational software
For children cycle 2 being learning to read
The analysis, through four examples (« Clic d’Api », « Les MiniMouzz – Grande
section », « Moi, je sais lire ! » et « Phono Floc ») of the use of sound in
edutainment and educational software, its contributions and limitations in teaching
reading for children of cycle 2.
Key words
software - education - sound - learning - kindergarten - autonomy - individualized
way - fun
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