Un monde sans colère ?
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Un monde sans colère ?
Un monde sans colère ? Enquête auprès d’Olivier Abel, Dorian Astor, Hamit Bozarslan, Antoine Garapon, Camille Riquier, Jean Vioulac et Carole Widmaier À quoi ressemblerait un monde sans colères ? Cette question, nous l’avons posée à plusieurs intellectuels dont certains sont liés de longue date à la revue. C’est le cas d’Olivier Abel, philosophe et théologien, qui consacre une partie de son travail à penser l’éthique de la démocratie. Face au risque d’une société apathique qui ne se scandaliserait de rien, il convoque la figure d’Achille et la réflexion homérique sur la colère qui peuvent encore nous instruire. Olivier Abel – Impossible de se borner à vouloir toujours brider la colère. La civilité ne suffit pas à faire société. Une société qui refuserait toute expression de la passion, de l’excès, de la haine, serait peut-être une société lisse, sans frottement, mais ce serait finalement une société froide, d’individus solitaires. C’est peut-être ce qui nous arrive : la moindre colère devient folle car elle ne rencontre rien à quoi s’accrocher. On ne saurait avoir de solidarité, de fraternité, de piété, de compassion, d’amour, sans avoir les refus, les haines, etc., qui leur correspondent. Et puis une société sans passion serait une société où nul ne saurait simplement trouver sa voix, la capacité à être affecté par ce que l’on dit. L’utilité des volcans Certains avancent même, dans le sillage d’une éthique du courage, que l’Antiquité aurait proposé, de l’Iliade jusqu’à Aristote, un éloge de la colère – éloge inexistant et incompréhensible dans une Mars-avril 2016 178