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ON EST LE 2 FEVRIER 2 0 0 6 ET
TAGADA JONES JOUE À LA CITÉE, À RENNES, DEVANT UNE SALLE COMBLE.
CE SOIR, LA COLÈRE EST NOIRE. DE
LA COULEUR DE LA MARÉE QUI A SOUILLÉ
LES CÔTES BRETONNES SIX ANS
AUPARAVANT, CONSÉQUENCE DU
NAUFRAGE DE L'ERIKA, ET AUJOURD'HUI
À L'ORIGINE D'UN FESTIVAL AUX ALLURES
DE COUP DE GUEULE.
Dammy
J
Six ans après le naufrage de l'Erika, la société Total fuit toujours ses
responsabilités. Douze milliards d'euros de bénéfices annoncés en
2005 et des indemnisations scandaleuses, voilà ce qui a donné
l'envie à La Phaze, trio electro punk, et jo Le Guen, navigateur
solitaire d'unir leurs forces et de donner vie à un événement qui
dépasse largement le cadre musical. "Nous étions scandalisés lorsque
nous avons appris les bénéfices du groupe Total en 2005 par rapport
aux gens qui ont été mis dans la galère après cette catastrophe",
explique Dammy, le frontman de La Phaze. "Nous avons rencontré
Jo Le Guen grâce à notre manager qui l'avait aidé lorsqu'il préparait
sa traversée du Pacifique à la rame. Il nous a parlé de son travail pour
le FIPOL (Fonds internationaux d'indemnisation pour les dommages
dus à la pollution par les hydrocarbures. Ndr) et cela nous a ouvert
les yeux sur plein de choses. On s'est dit qu'on ne pouvait pas en
rester là et que nous devions organiser un événement qui allie un
discours sur ce genre de problèmes avec la musique. "
Le trio nantais a potassé le dossier et sa colère, loin d'être aveugle,
n'est que la juste représentation d'une injustice humaine, écologique
et économique. "// faut que les choses soient claires par rapport
à Total", précise Arnaud, le guitariste. "Ce qui nous scandalise, ce
n'est pas que cette société fasse des bénéfices, mais c'est qu'elle en
dégage en fuyant ses responsabilités face à la catastrophe." Plus de
trois cents millions d'euros versés à ce jour au FIPOL, alors que les
indemnisations devraient logiquement dépasser les quatre milliards,
difficile de ne pas réagir et de ne pas rameuter, pour l'occasion, des
formations et des artistes connues pour leurs engagements divers et
variés. "Tous les groupes présents ce soir sont avant tout des amis",
continue Dammy. "Nous avons voulu privilégier une cohésion dans
les idées défendues par chacun au-delà d'une cohésion artistique.
Que cela soit Tagada Jones, Freedom For King Kong, Mouss & Hakim
ou Guizmo de Tryo, tous ont pris position pour des sujets qui nous
touchent." Des sujets abordés quelques heures avant le concert,
dans une conférence de presse parfois un peu trop technique pour
les non-initiés, mais qui a eu le mérite de soulever les grands
problèmes qui bouffent peu à peu le monde dans lequel nous vivons,
tout en proposant des solutions : décroissance/sur-consommation,
traitement des déchets/incinération, nouvelles énergies/nucléaires.
Si le débat fut passionné et enrichissant grâce à l'intervention
du public, on aurait aimé entendre un peu plus la voix des groupes
présents ce soir sur scène. Le chanteur, également intervenant,
s'explique. "Monter Colère Noire, c'était joindre les actes à la parole.
Je pense que les groupes n 'ont pas osé prendre la parole lors
du débat par simple pudeur. C'est une première, et c'est très
déstabilisant de parler ainsi alors que notre truc, c'est d'abord
la scène. Nous sommes conscients que nous devons insister un peu
plus sur le fait que Colère Noire est aussi un événement musical."
Gageons que les trois de La Phaze n'en resteront pas là. Colère Noire
a vu le jour un soir de février 2006, (les bénéfices récoltés ont été
reversés aux différentes associations participantes), et l'on peut
supposer que ce festival d'idées et de musiques perdurera dans
le temps. "Même si nous sommes à l'origine de l'événement, Colère
Noire est un coup de gueule que tout le monde peut s'approprier,
même avec des moyens réduits", conclue Arnaud. "Ce soir, il y avait
plein d'intervenants différents qui défendaient leurs propres idées,
mais l'envie de faire bouger les choses était commune."
http://www.citoyenactif.org
PUNK RAWK • 57
De haut en bas: Seb, Stef et Nico (TagadaJones)