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L’Encéphale (2014) 40, 426—429
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
ScienceDirect
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
NOUS AVONS LU POUR VOUS
Les troubles bipolaires, M.-L. Bourgeois,
C. Gay, C. Henry, M. Masson, editors. Médecine
Sciences Publications, Lavoisier, Paris (2014).
Les troubles bipolaires ont suscité ces dernières années
de nombreux livres à destination du grand public, au point
de créer un phénomène de « mode ». Mais le dernier ouvrage
de synthèse scientifique à l’usage des professionnels de
la psychiatrie française remonte à près d’une décennie.
Ce nouveau volume de la collection Lavoisier vient donc
à son heure. Le temps n’est plus où un seul clinicien,
tel l’aliéniste Antoine Ritti en 1883, pouvait publier une
somme sur le sujet. D’innombrables travaux internationaux
sur les troubles bipolaires paraissent régulièrement et alimentent une énorme bibliographie. Les classifications sont
régulièrement révisées, une nouvelle édition du manuel
de référence américain de Goodwin et Jamison est sortie
en 2007, les données de la psychopharmacologie sont en
constant renouvellement. C’est pourquoi les quatre coordonnateurs, spécialistes français des troubles bipolaires de
longue date, se sont entourés d’un panel d’une centaine
d’auteurs, universitaires ou chercheurs pour la plupart.
L’ouvrage est donc une revue détaillée et complète de tous
les aspects actuels de l’affection, en 13 parties, 75 chapitres
et 620 pages.
Une première partie aborde « l’évolution des idées
jusqu’aux classifications actuelles ». Après un chapitre historique (M.A. Crocq), l’un des coordonnateurs, M.L. Bourgeois,
rappelle les fondements de la dichotomie unipolairebipolaire des troubles de l’humeur et du concept de
« spectre » bipolaire, tandis que C.B. Pull passe en revue
les remaniements opérés dans les classifications internationales depuis l’avènement des critères diagnostiques (CIM
et DSM, jusqu’à la 5e édition comprise). La dichotomie
trouble bipolaire/schizophrénie est-elle périmée ? C’est la
question à laquelle tente de répondre F. Schürhoff, qui part
de Kraepelin pour terminer sur Kraepelin, en passant par
l’épidémiologie génétique et la biologie moléculaire.
La deuxième partie est consacrée aux aspects cliniques
actuels des troubles bipolaires chez l’adulte. M.L. Bourgeois
traite de la manie et de l’hypomanie. Lui aussi estime
que « les formes kraepeliniennes classiques sont validées »,
bien que le rôle des facteurs déclenchants externes dans
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2014.04.009
0013-7006/
la survenue des accès apparaisse maintenant déterminant
et que la symptomatologie des épisodes se révèle pluridimensionnelle. L’hypomanie, dont Jules Angst propose
une conception élargie, est bien une maladie et pas une
« situation avantageuse », comme l’avancent certains bestsellers de professionnels américains. À Kraepelin également
se rattache le concept d’état mixte (J.M. Aubry), dont le
DSM-5 vient de formaliser les critères, en distinguant la
manie mixte, soit dysphorique, soit dépressive, de la dépression mixte, faite d’irritabilité, de tension intérieure, de
sensibilité au rejet, parfois de « tachypsychie subjective ».
Les troubles bipolaires II (J. Scott et C. Henry), à haut risque
suicidaire, posent la question capitale des indices de bipolarité devant un premier épisode dépressif majeur : âge de
début précoce, récurrence, antécédents familiaux, tempérament prémorbide, caractéristiques psychotiques, mixtes
ou mélancoliques, survenue dans le post-partum, réponse
au traitement. La cyclothymie (R. Belzeaux et J.M. Azorin)
est-elle un trouble catégoriel, à mettre sur le même plan
que les types I et II, comme le veut le DSM, ou une dimension
tempéramentale, dans la lignée de Kretschmer ? La seconde
hypothèse permettrait peut-être de mieux différencier les
manies mixtes et les troubles bipolaires à cycles rapides,
voire les formes sans intervalles libres, des formes classiques
de manie.
Le diagnostic différentiel fait précisément l’objet de la
3e partie. Il se pose avec les troubles unipolaires dépressifs récurrents (M. Goudemand), eux-mêmes à distinguer
des épisodes dépressifs isolés, avec le TDAH (A.L. Thoumy
et M.P. Bouvard), évoquant la question d’une éventuelle
comorbidité entre les deux affections, avec les schizophrénies (F. Schürhoff), à partir des symptômes négatifs et des
troubles du cours de la pensée, en attendant l’arrivée des
biomarqueurs, avec les troubles de la personnalité, surtout borderline (F. Jost), en s’appuyant essentiellement sur
l’impulsivité et le caractère « atypique » des décompensations dépressives.
Les formes cliniques de l’affection (4e partie) sont
liées à l’âge, à la puerpéralité, à un traitement par
interféron (S. Gard), à la « coloration » culturelle de la
symptomatologie (M. Agoub) ou à la présence de symptômes catatoniques. Les troubles bipolaires de l’enfant (N.
Franc et D. Purper-Ouakil), surdiagnostiqués ces dernières
427
années aux États-Unis, sont différenciés dans le DSM-5 des
états d’irritabilité chronique infantile, appelés disruptive
mood dysregulation disorder. À l’adolescence (J. Brunelle),
irritabilité, agressivité, troubles des conduites, voire délinquance, font en revanche partie du tableau clinique. Les
épisodes maniaques et mixtes présentent fréquemment
chez les adolescents des symptômes psychotiques et sont
grevés d’une forte comorbidité anxieuse et addictive. Les
troubles bipolaires du sujet âgé (A. Manetti), moins fréquents que chez l’adulte, peu étudiés, sont dominés par les
formes à début tardif (late onset) et la fréquence des comorbidités cardiovasculaires et neurologiques. Les troubles
bipolaires de la périnatalité (A.L. Sutter-Dallay) sont dans
90 % des cas des épisodes maniaques ou mixtes avec caractéristiques psychotiques. Le risque de rechuter dans le
post-partum est de 50 à 70 % chez une femme présentant
un trouble bipolaire, d’où l’importance de la prévention.
Vingt-cinq à 37 % des états maniaques et 60 à 70 % des
états mixtes présentent des caractéristiques catatoniques
(P. Thomas), donnée qui bat en brèche l’inclusion de cette
entité par Kraepelin dans la dementia praecox. Toutes ces
formes cliniques présentent des indications thérapeutiques
relativement spécifiques : antipsychotiques atypiques chez
l’enfant, monothérapie préférentielle chez l’adolescent,
anticonvulsivants et antipsychotiques atypiques plutôt que
lithium chez le sujet âgé, benzodiazépines et le cas échéant,
ECT dans les formes catatoniques.
Après les formes cliniques, les formes évolutives de cette
affection, définie précisément par son évolution au long
cours, sont passées en revue dans la 5e partie. Les formes
à début précoce, avant 21 ans (F. Bellivier), marquées
par une importante comorbidité, notamment addictive,
et par la fréquence des cycles rapides, conduiront peutêtre à un démembrement nosographique de la maladie. Le
retard au diagnostic (B. Etain), de dix ans en moyenne,
concerne plus fréquemment les femmes, les troubles bipolaires II, les formes à début précoce et à polarité dépressive
prédominante, ce que confirme une étude française de
2013 coordonnée par N. Drancourt, portant sur 500 patients.
Pour aider au dépistage précoce et à l’amélioration des stratégies thérapeutiques, le modèle du staging ou des stages
évolutifs (J. Scott et C. Henry), cotés de 0 à 4, intégrant facteurs de risque, antécédents personnels et familiaux, niveau
de fonctionnement, pourrait être transposé des pathologies
neuro-dégénératives aux troubles bipolaires. Les facteurs
de stress (C. Gindre) multiplient par près de cinq le risque
d’apparition des épisodes, ce qui devrait conduire à substituer un modèle d’interaction vulnérabilité/environnement
à la théorie du kindling de Robert Post. Les virages de
l’humeur (T. Mauras et R. Gaillard) concernent environ 20 %
des épisodes dépressifs et 5 % des épisodes maniaques. Ils
peuvent être, soit pharmaco-induits (antidépresseurs, surtout tricycliques, corticoïdes, interféron), soit déclenchés
par des toxiques, la privation de sommeil ou des facteurs
de stress. La polarité du premier accès détermine fréquemment la polarité prédominante du trouble (R. Scetbon et
B. Étain) et doit donc orienter la thérapeutique. Le retard
au diagnostic et le risque suicidaire sont plus importants
en cas de polarité dépressive prédominante. La période
intercritique qui sépare les accès (F. Chevrier) est souvent
marquée par une symptomatologie « résiduelle », facteur
de risque de récidive, d’autant plus fréquente que les épisodes maniaques ont été graves, prolongés et comorbides.
Des altérations cognitives et un certain degré de handicap
fonctionnel ont été retrouvés pendant cette période. Depuis
une quarantaine d’années sont décrits les troubles bipolaires « à cycles rapides » (C. Gay, M. Masson et F. Bellivier),
particulièrement handicapants (4 épisodes par an). Aux facteurs classiquement invoqués (sexe féminin, âge de début
précoce, rôle des antidépresseurs, dysthyroïdies), est venu
s’ajouter récemment le syndrome d’apnées du sommeil
(SAS). Outre les facteurs généraux de vulnérabilité suicidaire, les facteurs de risque de suicide des troubles
bipolaires (P. Courtet) sont maintenant bien connus : âge
de début précoce, périodes de virages de l’humeur, épisode dépressif mixte, cycles rapides, type II, comorbidités,
prescription d’antidépresseur, facteurs de stress. Le rôle
protecteur du lithium est une donnée acquise. Mais le taux
de décès par suicide des patients bipolaires reste très élevé,
quoiqu’imprécis (6 à 15 %).
Les aspects médico-légaux (6e partie) sont dominés
par les textes de loi récents (C. Jonas) et le risque criminologique (M. Bénézech), que majore la présence de
comorbidités. Il apparaît que les maniaques commettent
fréquemment des infractions mineures et que les délits perpétrés durant les périodes dépressives sont dominés par
l’homicide altruiste, rare, mais non exceptionnel. Pour ce
qui concerne l’évaluation (7e partie), la psychopathologie quantitative des troubles bipolaires (J.D. Guelfi) fait
appel à diverses échelles de symptomatologie dépressive et
maniaque. Alors que les premières sont largement utilisées
et sensibles au changement, les secondes restent insuffisantes. Ces outils évaluent l’intensité des accès, mais ne
peuvent servir au diagnostic. Les données épidémiologiques
(S. Sportiche) indiquent une prévalence en vie entière de
la maladie qui varie de 1 à 5 % selon les études, en fonction
de la zone géographique, du taux de réponse et de l’outil
d’évaluation utilisé. La charge économique des troubles
bipolaires (F. Pochard et P. Cléry-Melin) est tributaire à la fois
des dépenses liées aux soins hospitaliers ou ambulatoires et
de coûts indirects en rapport avec les jours de travail perdus.
Ces derniers représentent entre 65 et 75 % de l’ensemble des
coûts.
Suivent deux parties consacrées aux comorbidités psychiatriques et somatiques. Tous les types de troubles anxieux
(F. Slama) peuvent se rencontrer chez environ un patient
bipolaire sur deux. La stabilisation de l’humeur est le
préalable requis à leur thérapeutique. Les comorbidités
addictives (E. Blandin et P. Gorwood), sous-diagnostiquées,
frappent quant à elles 40 % des malades. Elles concernent
aussi bien les boissons alcoolisées que le cannabis, les
amphétamines et la cocaïne. Les troubles alimentaires
(S. Guillaume et P. Courtet), essentiellement la boulimie
compulsive, aggravent le pronostic et majorent le risque
suicidaire. Le taux de troubles de la personnalité chez les
malades bipolaires (D. Gourion et F. Raffaitin), surtout borderline, est très variable selon les études (12 à 89 %). Ils
sont parfois difficiles à distinguer des symptômes résiduels
des accès. Leur évaluation précise nécessiterait sans doute
une approche dimensionnelle de la personnalité. Les comorbidités somatiques sont beaucoup mieux connues depuis
longtemps, qu’il s’agisse du syndrome métabolique, des
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pathologies cardiovasculaires ou thyroïdiennes (M. Masson).
Outre les classiques manies secondaires, les affections neurologiques invoquées étaient jusqu’à présent la migraine et
la sclérose en plaques. Mais Marc Masson signale, à partir
de publications récentes, la possibilité d’un « lien anatomodysfonctionnel » entre épilepsie et symptômes bipolaires.
Un chapitre original évoque la « dimension douloureuse »
des troubles bipolaires (E. Olié et P. Courtet), en faisant le
lien entre douleur physique (dorsalgies, arthralgies, fibromyalgie) et sensibilité à la douleur dans la dépression avec
caractéristiques atypiques, plus fréquente chez les patients
bipolaires.
Une 10e partie, plus spécialisée, traite de l’approche
physiopathologique de la maladie. La génétique est la
science fondamentale nourricière en matière de bipolarité
(S. Jamain). Ses acquis sont en plein remaniement depuis
le séquençage complet du génome humain. Ils confirment le
caractère polygénique de l’affection. La recherche de gènes
de vulnérabilité, qui pourraient être communs avec ceux de
la schizophrénie, est complétée par l’analyse des remaniements chromosomiques. Ces facteurs génétiques seraient
susceptibles de confirmer une hypothèse neurodéveloppementale (O. Gay et M.O. Krebs), étayée par la présence
d’anomalies cognitives et morphologiques mineures. Les
perturbations constatées des taux d’interleukines, de cytokines et de protéine C-réactive (CRP), de même que
les anomalies mitochondriales et celles du système HLA,
viennent quant à elles alimenter la piste d’une origine
immuno-inflammatoire (R. Doukhan), qui reste cependant
hypothétique dans l’état actuel des recherches. La génétique contribue encore à donner sens aux anomalies des
rythmes circadiens constatées chez les patients bipolaires
(C. Boudebesse), que traduisent l’hypersensibilité de la
mélatonine et l’élévation matinale du taux de cortisol. Des
associations semblent en effet avoir été établies entre la
maladie et le polymorphisme de plusieurs gènes circadiens.
Les troubles bipolaires ne sont pas seulement des troubles
de l’humeur. Des perturbations cognitives (A. Raust) sont
mises en évidence lors de la passation des tests aux épreuves
évaluant l’attention soutenue, la mémoire de travail, la
mémoire épisodique et les fonctions exécutives. On rejoint
ici la partie purement clinique de l’ouvrage. L’imagerie
cérébrale fonctionnelle (J. Houenou et A. Sarrazin) se centre
sur les modifications de l’activité des structures limbiques
et du cortex préfrontal, qui ont permis d’élaborer le modèle
de dérégulation émotionnelle cortico-limbique. L’imagerie
structurelle étudie principalement de nos jours les hyperintensités de la substance blanche. Dans un registre plus
psychopathologique, les traumatismes affectifs précoces (B.
Étain), essentiellement les abus émotionnels, colorent de
manière particulièrement sombre le tableau de la maladie.
Ces traumatismes environnementaux interagissent probablement avec le développement neural et avec la présence
de gènes de vulnérabilité pour conduire au déclenchement
des accès. Où l’on retrouve encore la génétique ! Enfin,
la réactivité émotionnelle (C. Henry et C. Boudebesse),
apparemment exacerbée chez les malades bipolaires euthymiques, pourrait constituer un marqueur de vulnérabilité,
tandis que celle relevée durant certains épisodes dépressifs serait susceptible de différencier deux sous-types de
dépressions bipolaires.
Nous avons lu pour vous
Plus d’une centaine de pages sont consacrées aux traitements biologiques des troubles bipolaires, ce qui fait de
cette partie à elle seule un manuel autonome, qui peut se
lire séparément. Après deux chapitres de définitions et de
pharmaco-épidémiologie des médicaments dits thymorégulateurs, puis un chapitre de données générales issues de
l’evidence-based medicine, les articles suivants se déclinent
selon les formes et les sous-types de la maladie (états
maniaques et mixtes, épisodes dépressifs), le stade évolutif
(urgence, maintenance), les spécialités et techniques utilisées (lithium, anticonvulsivants, antipsychotiques, ECT). Le
cas des personnes âgées est abordé dans un chapitre séparé
(M. Tournier). Au vu des données les plus récentes de la
littérature internationale, il apparaît que les thymorégulateurs sont, contrairement aux autres psychotropes, toujours
notoirement sous-prescrits (H. Verdoux), qu’il n’y a pas
actuellement d’accord sur la prise en charge de la dépression bipolaire (P.A. Geoffroy), de même que sur la durée du
traitement de maintenance (T. Mauras) et qu’il est utile de
compléter les recommandations fondées sur les preuves par
celles fondées sur les pratiques (L. Samalin et P.M. Llorca).
Un relatif consensus existe en revanche pour recommander
la monothérapie en première intention (P.A. Geoffroy et C.
Henry), bien que ce ne soit généralement pas le cas dans la
pratique courante. Le lithium, premier thymorégulateur (M.
Masson), reste le seul médicament de cette classe possédant
des effets à la fois curatifs et préventifs des épisodes tant
maniaques que dépressifs. Les anticonvulsivants (S. Dupont
et M. Masson) doivent toutefois lui être préférés dans les
formes mixtes et à cycles rapides. Une bithérapie comportant un antipsychotique atypique est utile à envisager pour
traiter les accès maniaques sévères ou avec caractéristiques
psychotiques. La seule spécialité de cette classe à posséder une indication de première intention en monothérapie
dans le traitement et la prévention de la dépression bipolaire est la quétiapine (P.M. Llorca et D. Gourion). L’ECT est
efficace aussi bien dans les épisodes maniaques que dépressifs en phase aiguë (P. Fossati). Les nouvelles techniques
de stimulation cérébrale (rTMS et SCP) pourraient représenter des alternatives intéressantes dans certaines dépressions
bipolaires. Ce véritable guide de thérapeutique pratique se
termine par les perspectives de personnalisation des stratégies, tant pour le patient que pour ses proches, selon le
cours évolutif de la maladie depuis l’épisode inaugural, sa
polarité prédominante et ses comorbidités, en attendant les
biomarqueurs, dont les auteurs prédisent l’avènement dans
un proche avenir (M. Masson et C. Gay).
La partie suivante, toute aussi fournie, aborde les différentes thérapies psychosociales. La psychoéducation (C.
Gay), réservée plus particulièrement aux formes résistantes
ou présentant des symptômes résiduels entre les accès, est
un complément du traitement médicamenteux qui permet
d’améliorer l’observance. Les TCC (C. Mirabel-Sarron et M.
Provencher), parfois difficiles à distinguer de la psychoéducation, ont vu récemment leurs indications élargies aux
formes s’accompagnant de comorbidités avec les troubles
anxieux ou de la personnalité. L’Interpersonal and social
rhythm therapy (IPSRT) (T. Bottai), qui combine thérapie
interpersonnelle et aménagement des rythmes sociaux, renvoie à la fois aux dysfonctionnements relationnels et à la
chronobiologie. La remédiation cognitive (C. Daban-Huard)
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a surtout été appliquée jusqu’à présent aux schizophrénies.
Les altérations cognitives des patients bipolaires devraient
conduire à la développer également chez ces derniers.
De même, les thérapies fondées sur la pleine conscience
(C. André) vont sans doute voir leur champ d’application
s’étendre des troubles anxieux et dépressifs vers la prise
en charge du tumulte émotionnel des personnes bipolaires.
Le suivi des familles (K. M’Bailara et C. Gay) dépasse le
cadre des classiques thérapies familiales pour s’étendre
à l’implication des proches dans l’alliance thérapeutique,
aux groupes de psychoéducation familiale et aux thérapies
comportementales centrées sur la famille (FFT). La mise
en place des centres experts (C. Henry) devrait favoriser
le dépistage précoce de la maladie. Les deux derniers chapitres traitent de programmes de soins personnalisés autour
d’ateliers en centre d’accueil thérapeutique (R. Giachetti)
et du suivi des patients en psychiatrie libérale (H. Cuche et
A. Gérard).
C’est dans la dernière partie, celle des « approches
compréhensives », que la psychanalyse est abordée. Mais
elle aurait pu figurer parmi les thérapies, puisque, pour
Marc Bourgeois, « de nombreux patients ont à repenser leur
existence et leur vie en fonction de ce handicap. Une psychanalyse réconciliée avec la médecine peut les y aider ».
Ce chapitre, de même que ceux sur la phénoménologie
(P. Belzeaux et J.M. Azorin) et la psychopathologie (M.C.
Lambotte), sont les seuls de l’ouvrage dans lesquels les références américaines sont quasiment absentes. Déclin, rejet
ou méconnaissance de la part de nos collègues d’OutreAtlantique ? Le dernier chapitre pose la question, très
étudiée et controversée, de la créativité des personnes bipolaires. Selon M. Bourgeois, « la maladie maniaco-dépressive
n’assure pas le génie ». Le livre se clôt sur une conclusion
de Henri Lôo.
C’est une gageure de prétendre avoir résumé en quelques
paragraphes un travail d’une telle richesse, dans lequel les
représentants de tous les courants de la médecine de l’esprit
trouveront matière à réflexion. Cet ouvrage est une magnifique encyclopédie, qui conjugue mises à jour, recherches de
pointe et informations pratiques. Désormais, tout psychiatre
français devra posséder dans sa bibliothèque Les troubles
bipolaires.
T. Haustgen
CMP, secteur 93G10, 77, rue Victor-Hugo, 93100
Montreuil, France
Adresse e-mail : [email protected]
Disponible sur Internet le 27 mai 2014