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La Dépêche du Midi 10/03/2004 Caroline Saint-Pierre Un havre où l’enfance foudroyée se reconstruit Le fait du jour. La Maison d’Accueil Jean Bru accueille des jeunes filles victimes d’abus sexuels. Une étude sur la prise en charge des garçons est en cours. Une soixantaine de demandes sont en attente. Unique en France, la Maison d’accueil des Docteurs Bru, dirigée par Michel Louvet, accueille des jeunes filles ayant subi l’inceste ou des violences sexuelles. Mais l’association éponyme réfléchit en ce moment avec son comité scientifique, à l’accueil de garçons. Tout en sachant que la problématique masculine en prise à des violences sexuelles le plus souvent extra-familiales, n’est pas la même que pour les filles. Quinze victimes sont actuellement prises en charge par l’association. Les plus anciennes sont là depuis sept années. La plus petite a 8 ans, les autres sont âgées de 10 à 14 ans et de 16 à 18 ans. Passé l’âge de la majorité, la structure n’était en effet plus tenue de la prise en charge, mais elle s’est préoccupée de savoir ce que les anciennes résidentes étaient devenues. « Nous nous sommes aperçus que beaucoup avaient eu le sentiment d’être abandonnées, alors qu’elles ne se sentaient prêtes à partir. Certaines ont voulu revenir à la maison », indique Michel Louvet. Un suivi « jeunes majeures » a donc été mis en place depuis septembre dernier et l’association envisage de louer un appartement avec plusieurs chambres pour aider progressivement les filles à prendre leur envol, tout en les accompagnant vers l’autonomie. Le centre Bru est « un havre de paix où elles apprennent à se reconstruire » après une enfance qui a volé en éclats. Elles ont tutoyé l’intrusion d’un père dans leur intimité, la trahison d’une mère non protectrice, mais « On ne peut pas les empêcher de continuer à aimer leurs parents ». A l’exception des cas où la déchéance de l’autorité parentale est prononcée (d’autres attendent le procès), un lien familial est maintenu : « Elles partent parfois le week-end ». Eloignées de leur milieu d’origine, elles ont été placées à Agen sur décision du juge des enfants. Scolarisées, en apprentissage, et aussi en situation d’échec, la remontée vers la lumière est parfois tâtonnante avant de se réinsérer doucement dans la vie. Le centre offre un cadre éducatif rassurant, protecteur, avec une équipe pluridisciplinaire (éducateurs et assistante sociale). Des professionnels sont associés sur le volet « soins ». Le lieu vit, entre portes claquées, bonjours empressés à la secrétaire, conciliabules et secrets d’adolescentes au pied de l’escalier. Hormis les très jeunes, les filles avec l’accord de la direction, peuvent entrer et sortir, s’ouvrir sur l’extérieur. Sorties, cinéma, privées d’enfance, elles sont en phase avec leur jeunesse. Des cours d’expression corporelle sont proposés pour se réapproprier un corps nié, masqué par des vêtements amples, ce que les psys nomment le complexe « peau d’âne ». Les mots ne veulent pas cacher les maux. Michel Louvet évoque aussi la souffrance, la dissimulation derrière les kilos, la violence que l’on retourne contre soi, les scarifications ; les tentatives de suicide, les fugues.