CHAPITRE UN L`origine et les fondements des pouvoirs législatif
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CHAPITRE UN L`origine et les fondements des pouvoirs législatif
PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 CHAPITRE UN L'origine et les fondements des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire TABLE DES MATIÈRES 1.1 ORIGINE ET ÉNONCÉ DU PRINCIPE DE SEPARATION DES POUVOIRS................................................ 26 1.2 LES FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES TROIS POUVOIRS ....................................................... 28 1.2.1 Introduction........................................................................................................................ 28 1.2.2 Le pouvoir législatif ............................................................................................................. 28 a) Les origines historiques du Parlement........................................................................................... 28 b) Les coutumes et les conventions constitutionnelles ........................................................................ 31 c) Les textes constitutionnels canadiens sur le pouvoir législatif........................................................... 31 d) Le pouvoir de modifier la constitution interne ................................................................................ 31 e) Les pouvoirs et immunités des parlements .................................................................................... 32 1.2.3 Le pouvoir exécutif. ............................................................................................................. 34 a) Définition des termes ................................................................................................................. 34 b) Les origines historiques du gouvernement..................................................................................... 35 c) Les caractéristiques du gouvernement .......................................................................................... 35 d) Les privilèges et immunités du gouvernement ............................................................................... 36 1.2.4 Le pouvoir judiciaire. ........................................................................................................... 36 a) Les origines historiques des tribunaux .......................................................................................... 36 b) Les caractéristiques contemporaines du système judiciaire canadien ................................................ 38 c) Les privilèges et immunité des juges de la magistrature.................................................................. 41 1.3 LES RELATIONS ENTRE LES TROIS POUVOIRS ............................................................................... 42 1.3.1 La domination de fait et de droit de l'exécutif.......................................................................... 42 a) Le gouvernement contrôle le chef de l'État qui n'agit qu'avec son avis et son consentement................ 42 b) Le gouvernement contrôle le législatif .......................................................................................... 42 c) Le gouvernement exerce une forte influence sur le judiciaire ........................................................... 42 1.3.2 1.4 Le contrôle judiciaire de la légalité des actes législatifs et exécutifs ........................................... 42 EN CONCLUSION : L'émergence de nouveaux pouvoirs. .................................................................. 42 AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 25 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 INTRODUCTION Le premier chapitre comprend trois leçons d'histoire : une sur le Parlement, une sur l'exécutif, une sur les tribunaux. Ces historiques sont plus qu'utiles pour comprendre les principes qui guident encore nos institutions de nos jours. Plutôt que d'énumérer sèchement ces principes, décrivons-en sommairement l'histoire pour mieux comprendre comment et donc pourquoi ces principes existent aujourd'hui. L'ouvrage de référence de base pour le présent chapitre est le livre de Magaret H. Ogilvie, Historical introduction to legal studies, Toronto, Carswell, 1982 1.1 ORIGINE ET ÉNONCÉ DU PRINCIPE DE SEPARATION DES POUVOIRS Ce principe est énoncé pour la première fois en 1748 par Montesquieu, philosophe français, dans son célèbre ouvrage "De l'esprit des lois". Dans cet ouvrage, Montesquieu analyse le régime de monarchie absolue qui prévaut alors en France et le compare au régime de monarchie constitutionnelle de l'Angleterre de l'époque. Il distingue, dans chaque État, trois sortes de pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Il constate qu'en Angleterre, chacune des fonctions est exercée par des personnes ou des institutions distinctes jouissant chacune d'une grande indépendance par rapport aux autres. Cela contraste fortement avec la monarchie absolue française où tous ces pouvoirs sont concentrés entre les mains du Roi. Montesquieu en tire la conclusion qu'un État moderne, soucieux de garantir les libertés individuelles contre l'arbitraire et le despotisme, doit opérer une telle séparation des pouvoirs au sein des ses institutions. Montesquieu identifie donc trois fonctions de l'État, qu'il faut remettre à des organes distincts pour que les droits des citoyens soient garantis : 1. 2. 3. Faire la loi : c'est le pouvoir législatif, Appliquer la loi : c'est le pouvoir exécutif, Trancher les différends : c'est le pouvoir judiciaire. [...] La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les États modérés; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir; mais c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. [...] Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État. La liberté politique dans un citoyen est cette disposition d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu'un citoyen ne puisse craindre un autre citoyen. Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur. Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. Dans la plupart des royaumes d'Europe, le gouvernement est modéré, parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l'exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme. [...]1 1 Montesquieu, De l'esprit des lois, Livre XI, ch. IV et VI AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 26 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Après Montesquieu, la doctrine politique occidentale moderne a dégagé trois fonctions étatiques, trois pouvoirs de l'État : le pouvoir législatif qui produit les règles de comportement social, le pouvoir exécutif qui les met en oeuvre, et le pouvoir judiciaire qui résout les conflits nés de cette mise en oeuvre. Plus précisément: 1. 2. 3. Le pouvoir législatif (ou Parlement) adopte des lois qui ont une portée générale et s'appliquent à tous. La loi est neutre et impersonnelle, elle dicte pour l'avenir et ne vise, en principe, aucun cas d'espèce. Le pouvoir exécutif (ou gouvernement) met en oeuvre les lois, dirige les affaires de l'État et commande l'administration publique. Le pouvoir judiciaire (les tribunaux) règlent les litiges en appliquant et interprétant les lois et les règlements dans des cas d'espèce. La doctrine politique moderne voudrait que ces trois pouvoirs soient distincts et exercés par des personnes ou des institutions différentes. C'est le principe de la séparation des pouvoirs. La séparation des pouvoirs dépend de deux conditions. 1. 2. La spécialisation fonctionnelle. Chaque organe de l'État est spécialisé dans sa fonction : les assemblées dans la fonction législative, le gouvernement dans la fonction exécutive. Chaque organe n'accomplit que les actes de sa fonction, mais accomplit tous les actes de sa fonction : toutes les lois sont l'oeuvre du pouvoir législatif. L'indépendance organique. Chaque organe de l'État doit être absolument indépendant des autres : l'organe législatif ne doit disposer d'aucune prérogative vis-à-vis de l'exécutif, et vice versa ; la magistrature ne doit en rien relever des deux autres pouvoirs. Certaines règles atténuent cette spécialisation : le pouvoir réglementaire est une forme de pouvoir législatif exercé par le pouvoir exécutif. La séparation rigide des pouvoirs est rarement instaurée. En régime parlementaire, les pouvoirs exécutif et législatif collaborent, le premier étant responsable devant le second et le second servant le premier. Mais, dans les sociétés contemporaines très juridicisées (particulièrement les sociétés organisées selon un modèle anglo-saxon), le rôle interprétatif du pouvoir judiciaire est crucial, et lui confère une autorité qui dépasse largement la seule exégèse des textes législatifs pour lui donner un pouvoir de création juridique autonome. Particulièrement lorsque ce pouvoir judiciaire est responsable de l'interprétation constitutionnelle. En ce cas en effet, les arrêts de jurisprudence s'imposent au pouvoir législatif sans que celui-ci puisse en changer la teneur par simple voie législative : un amendement constitutionnel est nécessaire. Les juges ont alors véritablement un pouvoir supralégislatif. Plutarque, au 2ème siècle après J.C., parlant des lois de Solon (célèbre législateur grec du 6ème siècle avant J.C.) avait déjà parfaitement décrit ce phénomène d'accroissement de l'autorité du pouvoir judiciaire et de politisation de son rôle au sein de l'État : "... parce que ses lois étaient un peu obscurément écrites, de manière qu'elles se pouvaient tirer en plusieurs sens, cela augmenta grandement la puissance et l'autorité des jugements, et de ceux qui avaient à juger, parce que ne pouvant être leur différents vidés ni accordés par expresse décision des lois, il fallait que l'on recourût toujours aux juges, et que presque toutes questions fussent toujours débattues devant eux : tellement que les juges par ce moyen venaient à être aucunement par-dessus les lois mêmes, parce qu'ils leur donnaient telles interprétations qu'ils voulaient." 2 Même si l'Angleterre du milieu du 18ème siècle est dotée d'institutions politiques qui fonctionnent de facto de façon relativement autonome, le principe de la séparation des pouvoirs n'a jamais été formellement énoncé dans le système et le droit constitutionnel britannique, ni dans le nôtre qui est son dérivé. C'est, en 1787, dans la constitution des États-Unis d'Amérique, que le principe reçoit sa première application formelle. Au Canada, ce principe relève plus de la science politique que du strict droit constitutionnel. Toutefois, certains de ses éléments ont inspiré la structure de la Loi constitutionnelle de 1867, comme celle de la Loi constitutionnelle de 1982, de même que certains jugements des tribunaux. Le présent chapitre servira donc à présenter les fondements historiques et constitutionnels de chacune des trois branches de l'État que sont le législatif, l'exécutif et le judiciaire. 2 Plutarque, Vie de Solon, La vie des hommes illustres, vol. 1, Paris, Gallimard (coll. La Pléiade), 1951, XXX, p. 192 AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 27 - PIERRE MACKAY 1.2 JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 LES FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES TROIS POUVOIRS 1.2.1 Introduction À l'origine, dans le système britannique, le Roi concentre tous les pouvoirs. Ceux-ci lui échappent successivement. Les événements politiques, économiques et sociaux de l'histoire ont forgé les institutions actuelles à travers un ensemble de coutumes, de conventions, d'accords politiques, de textes législatifs, de décisions judiciaires que l'on appelle aujourd'hui la Constitution. Chacun des trois grands pouvoirs jouit maintenant au sein de l'État de formes particulières de reconnaissance constitutionnelle sans bénéficier, comme dans les constitutions américaine ou française, d'une séparation de principe. 1.2.2 Le pouvoir législatif a) Les origines historiques du Parlement Sans remonter aux origines germaniques des Angles, des Jutes et des Saxons, arrivés en Angleterre lors des grandes invasions du Ve siècle, on peut rappeler que, juste avant la conquête normande de 1066, le Roi convoque régulièrement son Witan, sorte de conseil des grands du royaume que le roi n'avait nulle obligation de convoquer et dont il n'était pas obligé de suivre les avis. La coutume veut cependant que sa réunion précède les décisions royales et il se réunit généralement à Noël, à Pâques et à la Pentecôte. Après la conquête, le Witan se transforme en Magnum Concilium. Il se féodalise et les barons anglo-normands y sont attachés du fait de leur contrat de vassalité. Y participent également quelques comtes anglo-saxons ralliés, certains hauts dignitaires ecclésiastiques. Ses fonctions sont multiples et mal connues. Son approbation n'est pas nécessaire à la validation des décrets royaux mais il est régulièrement consulté. C'était moins un législateur, fonction royale, qu'une cour de justice et un forum de discussion et de formation de consensus se réunissant trois fois l'an. « HIC EXEUNT CABALLI DE NAVIBUS . ET HIC MILITES FESTINAVERUNT HESTINGHAM UT CIBUM RAPERENTUR » Ici les chevaux débarquèrent des navires. Et ici les soldats se hâtèrent vers Hastings pour y réquisitionner de la nourriture. La tapisserie de Bayeux retrace par l'image, comme une bande dessinée, l'histoire de la conquête de l'Angleterre par Guillaume, duc de Normandie, devenu Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre après la célèbre bataille de Hastings en 1066. Historiquement, le Parlement a affirmé ses pouvoirs et ses immunités à l'encontre du pouvoir royal. (Voir Joliffe, The Constitutional History of Medieval England, 450 ss.) Mais le gouvernement quotidien finit par n'être exercé que par une fraction du Grand Conseil, formée de ceux des barons et autres dignitaires qui sont attachés à la Cour du Roi et y résident. Ils forment la Curia Regis. Ils sont une quinzaine dont font partie les serviteurs immédiats du Roi (chambellan, constable, maître d'hôtel, ...) dont certains deviendront réellement des hommes d'État comme le chancelier, gardien du sceau royal et maître des écritures, le justicier, qui gouverne le royaume pendant que le Roi retourne en Normandie et devint par la suite le Chief Justice, et le trésorier, qui très vite cède la place à la Cour de l'Échiquier, comme maître des comptes et gardien des revenus du royaume. Petit à petit, l'accord des barons pour toute décision royale d'envergure devient politiquement nécessaire, particulièrement pour lever les impôts nécessaires au financement des guerres. En 1100, Le serment de couronnement d’Henri Ier contient la promesse de ne pas changer le droit sans l'accord des barons : c'est la AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 28 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Coronation Charter. Henri II, Roi d'Angleterre de 1154 à 1189, père de Richard-Coeur-de-Lion et de Jean-sansTerre, fonde le pouvoir royal absolu de la dynastie angevine des Plantagenêt. Il prend le premier le titre de "King by the Grace of God" DEI GRATIA REX et estime n'avoir de comptes à rendre qu'à Dieu. Mais au siècle suivant, Bracton énonce toutefois sa maxime selon laquelle le Roi est au-dessus des hommes mais soumis à Dieu et au droit : Dieu et mon droit est encore aujourd'hui la devise figurant sur les armoiries de la maison royale de Grande-Bretagne. La question est donc désormais de savoir qui dit le droit qui s'imposera au Roi. Au XIIIe siècle, les successeurs d'Henri II cèdent du terrain aux barons. Les articles 12 et 14 de la Magna Carta de 1215 stipulent que le Roi Jean doit prendre conseil de tout le royaume. La Magna Carta (1215) La Grande Charte est un contrat de féodalité (réglant les rapports entre un suzerain et ses vassaux) entre les barons et le roi Jean sans Terre, instable caractériel notoire qui s'est mis à dos successivement son frère -- dont il a volé la Couronne d'Angleterre --, puis le Roi de France Philippe-Auguste -- qui lui confisque toutes ses terres françaises (Bretagne, Normandie, Touraine et Anjou), et enfin le Pape qui l'excommunie. La dynastie angevine avait imposé en Angleterre une forme d'absolutisme royal qui fut la source de nombre d'abus, particulièrement dans les relations féodales entre le roi et ses vassaux, à cause principalement des nombreuses guerres à financer. La défaite de Jean en France en 1214, dans une vaine mais coûteuse tentative de reconquérir ses possessions françaises, fut l'occasion pour les barons d'occuper Londres et de l'obliger à signer à Runnymead une charte prévoyant un meilleur respect de leurs droits féodaux. Beaucoup d'articles ont un caractère fiscal -- limitant les impôts à ceux fixés par la tradition, tout impôt extraordinaire devant être approuvé par le Grand Conseil du Royaume -- ou para-fiscal comme la fixation de poids et mesures. Plusieurs articles traitent de l'administration de la justice, obligeant le Roi à n'arrêter personne sauf en conformité d'un jugement légal, préfiguration de l'habeas corpus. Sean Connery interprète le rôle de Richard-Coeur-de-Lion, dans le film « Robin Hood Prince of Thieves » Cette charte est certes importante, mais comme plusieurs autres chartes féodales du même style. Elle n'a acquis son importance symbolique qu'au XVIIe siècle quand Sir Edward Coke l'invoqua contre le despotisme des Stuart. Depuis lors, on la cite comme le document juridique fondateur de la protection des droits et libertés et de la démocratie en Angleterre. En 1236, pour la première fois, une réunion du Grand Conseil des barons prend le nom de Parlement. Les Provisions of Oxford, (1258) Arrachées au Roi Henri III par Simon de Montfort, elles prévoient officiellement la convocation trisannuelle de parlements. En 1265, en plus des barons et des ecclésiastiques, Simon de Montfort invite des chevaliers et des représentants des villes, préfiguration de la Chambre des Communes. L'effritement de la royauté absolue et la montée du Parlement En 1295, Édouard Ier Plantagenêt convoque le Model Parliament, composé des deux archevêques, de 18 évêques, 67 abbés, des chefs des trois ordres militaires, de 7 comtes et 41 châtelains, de plusieurs membres du bas clergé, de deux chevaliers pour chacun des 37 comtés et de deux représentants (Burgesses) pour chacune des 110 villes. Le Parlement sert alors de haute cour de justice et entend des pétitions individuelles. Il est une source de droit mais plus comme cour de justice fixant, comme tout tribunal, la common law que comme législateur proprement dit comme l'est le roi. Le Parlement consent aux nouveaux impôts directs et c'est là son rôle le plus important au plan politique : le Roi a en effet besoin d'un consensus social s'il ne veut pas déclencher une révolte fiscale. Ce pouvoir demeurera le plus important levier de pouvoir du Parlement contre l'absolutisme royal. Au XIVe et XVe siècles, le Parlement prend une grande importance. Le Parlement se réunit une fois l'an. Le gouvernement commence à s'appeler The King in Parliament, car le Roi en est le pivot : en effet, il le convoque et lui donne son ordre du jour. Les grands du royaume commence à s'organiser et se déclarent Pairs du royaume par principe héréditaire : le contrat féodal disparaît. Le Roi peut également créer des pairies : duc, marquis, comtes, vicomte, baron, et il existe aussi des Lords Spirituals : les deux archevêques, 18 évêques, et les principaux abbés et prieurs. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 29 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 En 1332, les knights et les burgesses, représentants élus des comtés et des villes, s'assemblent pour la première fois séparément des Lords spirituals and temporals. Cette séparation est définitive et en 1372, leur assemblée prend le nom de House of Commons, dont le premier président, le Speaker of the House, est élu en 1376. Cette Chambre des Communes prend le contrôle des taxes indirectes en 1362 et tente par la suite de contrôler les dépenses royales. Au milieu du XIVe siècle, les Communes ont acquis le droit de présenter des pétitions mais le Roi peut refuser son consentement. Les Communes commencent à refuser d'approuver les levées d'impôt jusqu'à ce que le Roi approuve leurs pétitions. Au XVe siècle, le pouvoir législatif du Parlement est ainsi établi. Le Roi ne le reconnaît pas encore puisque, forcé de donner son consentement, il n'hésite pas à annuler la législation du Parlement après sa dissolution en vertu de sa prérogative et il invoque son pouvoir, en cas d'injustice potentielle, de se dispenser de son application dans les cas individuels ou même de suspendre son application pour un temps indéfini. Dès le milieu du XVe siècle, la procédure parlementaire en matière législative est acquise et les pétitions du Parlement sont devenues de véritables Public Bills. Et les privilèges parlementaires sont acquis à la fin du XVe siècle: le pouvoir de rejeter certains conseillers du Roi (Impeachment), la liberté de parole, le libre accès au Roi par la voie de son Speaker, l'inviolabilité des membres des Communes. Et l'on combat encore les fraudes électorales par des textes dont l'efficacité n'est cependant pas certaine. Au XVIe siècle, la dynastie Tudor fait perdre au Parlement une grande partie de ses pouvoirs. Il est peu convoqué et irrégulièrement, l'agenda est préparé par les conseillers du Roi qui dirigent également les débats. Les Tudor font tout pour éviter le contrôle financier du Parlement et édictent de nouvelles formes de taxation : ils inventent ainsi l'impôt sur le revenu, et continuent d'obtenir de prêts forcés et d'exiger des services féodaux de plus en plus scandaleux. Toutefois, le rôle du Parlement dans la légalisation de la rupture avec Rome et de la Réforme et son rôle législatif de plus en plus affirmé le rendent incontournable. Même Élizabeth Ière avec laquelle le Parlement est en constant conflit n'arrive pas à réduire son influence. Au XVIIe siècle, sous la dynastie Stuart, le Parlement prend définitivement l'avantage sur le souverain, par un contrôle accru de la prérogative royale, grâce à divers textes, dont la Petition of Rights, le Bill of Rights et le Act of Settlement. Le Petition of Rights (1628) Charles Ier a pour principal conseiller le duc de Buckingham et le Parlement craint pour son existence, car les parlements continentaux sont tous tombés en désuétude : Louis XIII et Richelieu règnent en France. De plus, l'Angleterre se retrouve par sa faute en guerre à la fois avec la France et avec l'Espagne. Charles a levé une armée qu'il avait cantonnée chez l'habitant et dont les villes côtières ont dû assurer le transport vers le continent. Charles a aussi lancé un emprunt forcé et certains membres du Parlement ont été emprisonnés pour refus de le payer. Tout le pays est en ébullition, mais Charles a en quelque sorte besoin du Parlement pour calmer le jeu. Sir James Wentworth propose alors au Parlement l'élaboration d'une nouvelle Magna Carta. Ce n'est pas une loi car Charles aurait refusé sa signature. C'est une pétition que Charles accepte puis renie. Elle interdit l'imposition arbitraire, la détention arbitraire sans habeas corpus, la loi martiale et le cantonnement privé des troupes. Le Bill of Rights (1689) et le Constitutional Settlement Après la révolution britannique de 1649, la dictature de Cromwell, la restauration de Charles II en 1660, Jacques II Stuart, roi en 1685, veut par la force restaurer le catholicisme en Angleterre : il mate durement certaines rébellions, nomme des Catholiques à des postes clefs en contravention de la loi du Test, prétend pouvoir se passer du Parlement et gouverne par proclamations. L'aristocratie protestante invite Guillaume d'Orange, époux de la fille de Jacques II, à envahir l'Angleterre et restaurer le protestantisme. Jacques II fuit en 1688. L'accession au Trône de William III (Guillaume d'Orange) et Mary II (Stuart), fille de Jacques II, en 1689 met un terme à la révolution anglaise, mais le Parlement y mit une condition : l'acceptation du Constitutional Settlement. Une série de lois vont limiter sévèrement la prérogative royale. Dont le Bill of Rights qui déclare que 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. le Roi ne peut suspendre les lois validement promulguées par le Parlement, la prérogative royale ne peut s'exercer que dans les limites prévues par des lois du Parlement, le serment de couronnement contient la promesse de respecter les lois du Parlement, l'élection des membres du Parlement doit être libre de toute interférence royale, le Parlement doit être convoqué régulièrement, toute personne a le droit d'adresser une pétition au Roi sans risquer des sanctions pénales, sont illégaux : tous les tribunaux spéciaux -- particulièrement ecclésiastiques -- créés par les prédécesseurs de William and Mary, 9. tout impôt qui n'a pas reçu l'approbation du Parlement, 10. toute levée d'armée en temps de paix sans l'approbation du Parlement. 11. Le Bill of Rights contient aussi des dispositions en matière d'administration de la justice. Pour la première fois, le Parlement a "fait" le roi et lui a dicté les limites de son pouvoir. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 30 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Le Act of Settlement (1701) Mary est morte en 1694 et William est mourant. Ils n'ont pas d'enfant. Jacques II, puis son fils Jacques le prétendant, restent les plus proches parents, mais le Parlement décide d'attribuer la Couronne, d'abord à Anne Stuart, soeur de Mary, puis à l'arrière-petit-fils de Jacques Ier, le Grand Électeur de Hanovre George 1er qui fonde l'actuelle dynastie qui prendra le nom de Windsor en 1917 (après la séparation des couronnes de Hanovre et d'Angleterre en 1837 à l'accession au trône de la reine Victoria). Donc le Parlement fait le Roi. De plus, le Act of Settlement prévoit : 1. 2. 3. 4. 5. 6. que tout futur Monarque doit être protestant, conjoint de protestant et membre de l'Église anglicane, que le Roi ne peut engager une guerre étrangère sans le consentement du Parlement, que toutes les délibérations sur la conduite de l'État doivent se tenir au sein du Privy Council (pour éviter les cabinets secrets), que les membres de ce dernier doivent être britanniques, que le roi ne peut nommer personne à la Chambre des Communes. que les juges sont nommés "during good behaviour" et non "during good pleasure of the Crown" et que leur salaire est fixé et établi: l'inamovibilité et la sécurité financière des juges, conditions de leur indépendance, sont instaurées. Cette loi incorpore tout les gains démocratiques de la souveraineté parlementaire (le régime des partis va naître : les Tories et les Whigs existent déjà) et de l'indépendance du judiciaire. Le Roi conserve un large domaine de prérogative, qui ira en s'amenuisant avec les siècles, mais la structure constitutionnelle de l'Angleterre est enfin clairement une monarchie limitée et contrôlée par un Parlement souverain. C'est le régime constitutionnel actuel du Canada. La souveraineté parlementaire moderne Aux XVIIIe et XIXe siècles, le Parlement acquiert le contrôle du gouvernement par la formation de gouvernements de cabinet responsables devant la Chambre. Wellington, en 1829, fait voter une loi affranchissant les Catholiques du serment du test, ce qui leur permet d'accéder au Parlement et à toute la fonction publique. Lord Grey, en 1832, entreprend une grande réforme parlementaire qui consacre la suprématie de la Chambre des Communes alors dominée par la bourgeoisie industrielle. En 1867, le cens est diminué de moitié. En 1884, il est pratiquement supprimé. En 1918, les femmes obtiennent le droit de vote. Résultat : le Canada est une monarchie constitutionnelle de droit divin possédant un régime politique de démocratie parlementaire. b) Les coutumes et les conventions constitutionnelles Les pratiques sont excessivement importantes dans ce domaine. Le Canada est une monarchie de droit divin : c'est par la pratique devenue règle coutumière que le Parlement a son mot à dire dans la conduite des destinées du Royaume. Également, le principe du gouvernement responsable est une convention constitutionnelle qui démontre que le principe de la séparation des pouvoirs ne fait pas partie des dogmes fondateurs de notre système constitutionnel : officiellement, le législatif contrôle l'exécutif. De même, mais à l'inverse, la pratique parlementaire de la solidarité ministérielle et partisane veut que seuls les projets de lois présentés par le gouvernement puissent être adoptés : en fait, l'exécutif contrôle le législatif. c) Les textes constitutionnels canadiens sur le pouvoir législatif De nombreuses dispositions de nos lois constitutionnelles traitent du pouvoir législatif. 1. 2. 3. 4. 5. Pour le Québec, les arts. 71-87 LC 1867. Pour le Sénat, les arts. 21-36 LC 1867. Pour la Chambre des Communes, les arts. 37-57 LC 1867. Il faut y ajouter le partage des compétences : art. 91-95 Et l'art. 133 sur les langues officielles qui limitent la souveraineté de la législature québécoise et du Parlement. d) Le pouvoir de modifier la constitution interne La législature provinciale et le Parlement ont d'abord compétence respectivement sur la constitution interne de la province et sur la constitution interne du gouvernement fédéral. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 31 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Juridiction Les législatures provinciales et le Parlement ont le pouvoir d'aménager les institutions politiques de chaque ordre de gouvernement 1. 2. 9. Ce sont désormais les arts. 44 et 45 LC 1982 qui l’autorisent. Les règles relatives à la constitution de l'assemblée législative du Québec sont aux arts. 81-87 LC 1867, ce dernier article renvoyant aux arts. 44-49 fixant le mode de fonctionnement de la Chambre des Communes. Ces règles sont aménageables par notre Assemblée : Ainsi l'Assemblée législative a changé son nom et aboli le Conseil législatif en 1968 : Loi concernant le Conseil législatif, SQ 1968 c. 9. Aujourd'hui, l'art. 2 de la Loi sur l'Assemblée nationale, LRQ c. A-23.1, déclare que le Parlement du Québec se compose du lieutenant-gouverneur et de l'Assemblée nationale et que ce Parlement assume tous les pouvoirs attribués à la législature du Québec. De même, elle a abrogé l'art. 80 LC 1867 protégeant certains comtés : Loi concernant les districts électoraux, SQ 1970 c. 7. En conséquence, l'art. 71 LC 1867 est en partie caduc et les arts. 72 à 80 le sont complètement. De même, les arts. 83, 84 et 85 LC 1867 sont aujourd'hui caducs en vertu des dispositions précises de la Loi sur l'Assemblée nationale. Ainsi, la durée du mandat de l'Assemblée avait été portée à cinq ans par la Loi sur l'Assemblée nationale (art. 6). Elle est aujourd'hui limitée à cinq ans maximum par l'art. 4(1) CCDL. De même, les lois électorales fédérale et québécoise ont aménagé l'exercice de ce droit démocratique. Limites 3. 4. 5. 6. 7. 8. Les arts. 3, 4 et 5 CCDL viennent aujourd'hui limiter les pouvoirs des assemblées en matière de droit de vote, d'éligibilité, de mandat maximal des assemblées et du nombre annuel minimal des séances. Mais ces limitations correspondent à la pratique politique et ne viennent rien changer en fait. 1. 2. Dans l'ordre fédéral, le Parlement ne peut seul toucher 1. aux garanties linguistiques : art 133 LC 1867 et 43 LC 1982, 2. au sénat : art. 42(c) LC 1982, 3. à la cour suprême : art. 41(d) et 42(d) LC1982, 4. aux frontières des provinces : art. 42(e) et (f) et 43 LC 1982. Dans l'ordre provincial, la législature ne peut toucher seule : 1. aux garanties linguistiques : art 133 LC 1867 et art. 43 LC 1982, (On en a vu un exemple dans l'affaire du Re The Initiative and Referendum Act [1919] AC 935) 2. à la charge de lieutenant-gouverneur : art. 41 LC 1982. (On en a vu un exemple dans l'affaire du Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba [1985] 1 RCS 721) e) Les pouvoirs et immunités des parlements Historiquement, le Parlement britannique a cherché à faire contrepoids à la tentation absolutiste du pouvoir royal. Pour pouvoir efficacement jouer ce rôle, pour que son action soit libre de toute entrave arbitraire, le Parlement avait besoin d'une certaine marge de manoeuvre. Il a donc progressivement imposé l'existence d'un certain nombre de pouvoirs et d'immunités destinés à protéger ses travaux d'une ingérence extérieure. Ces privilèges sont collectifs, bénéficiant au Parlement comme corps, ou individuels, protégeant chaque parlementaire. Pour le Parlement fédéral, L'art. 18 LC 1867 prévoit qu'il a tous les privilèges, immunités et pouvoirs possédés par la Chambre des Communes britannique en 1867, de même que tous ceux qu'une loi du Parlement canadien peut définir sous réserve que ceux-ci n'excèdent pas ceux que la Chambre des Communes britanniques possède à l'adoption de cette loi. La Loi sur le Parlement fédéral reprend cette formule. En fait, en vertu de son pouvoir de modifier la constitution interne de l'ordre fédéral de gouvernement, le Parlement peut s'attribuer tous les privilèges, immunités et pouvoirs qu'il souhaite, sauf à respecter la Constitution. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 32 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Pour l'Assemblée nationale du Québec, La LC 1867 est silencieuse. Mais on a vu que le Privy Council estimait qu'une législature provinciale est souveraine et égale, dans son champ de compétence aux parlements fédéral et impérial. Aussi le Privy Council a-t-il interprété l'art. 92(1) LC 1867 comme autorisant les législatures provinciales à légiférer sur leurs privilèges. Dans l'arrêt Fielding c. Thomas, [1896] AC 600, le Privy Council a déclaré valide une loi provinciale établissant une immunité civile au profit de députés ayant voté l'emprisonnement d'un individu qu'ils avaient reconnu coupable d'outrage à la législature. L’Assemblée législative du Québec au XVIIème siècle Mais sans une disposition habilitante du style de celle de l'art. 4 de la Loi sur le Parlement, une législature n'a que les privilèges qui lui sont accordés statutairement. D'ailleurs, la Loi sur l'Assemblée Nationale du Québec procède en énumérant les privilèges détenus par l'Assemblée. Et la tradition parlementaire québécoise est assez ancienne pour suppléer aux éventuelles lacunes. En matière de privilège parlementaire, un tribunal n'interviendra que si plusieurs conditions sont réunies : 1. 2. 3. 4. le privilège est prévu par une loi, l'exercice du privilège affecte des tiers, la sanction du privilège n'est pas exclusivement laissée à l'assemblée (art. 82 LAN), la sanction du privilège par le tribunal n'a pas pour effet de contraindre l'assemblée, seule maîtresse de ses procédures (ex. : on ne peut la contraindre de déclencher une élection). Les principaux privilèges parlementaires sont : 1. Tout député bénéficie de la plus absolue liberté de parole et d'une immunité pénale absolue contre les poursuites prises en vertu des paroles prononcées en chambre. Ce fut, on l'a vu, une des conquêtes de la Chambre des Communes au cours du XVe siècle. Cette liberté, violée de trop nombreuses fois, est réaffirmée à l'art. 9 du Bill of Rights de 1689. Au fédéral, elle découle des privilèges de la Chambre des Communes britannique. Au Québec, elle est prévue à l'art. 44 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Ce privilège s'étend maintenant à la personne qui publie les débats de l'assemblée qui est protégée contre toute poursuite. Ce principe ne résulte pas d'une coutume politique datant du XVe siècle, mais de la loi. En effet, une importante décision de la Court of Queen's Bench britannique dans les affaires Stockdale v. Hansard (1839) 9 A&E 1 (Dicey, 55-58) et R. v. Sheriff of Middlesex (1840) 11 A&E 273. 3 o Hansard est imprimeur du Parlement et a été chargé par une résolution de la Chambre de publier un certain rapport, la résolution établissant le caractère privilégié de la publication. La publication est jugée être un libelle et il est condamné pour cela, la Cour déclarant qu'un privilège doit être reconnu en common law ou statutairement et ne peut être étendu par simple résolution de la Chambre : le document ne cesse donc pas d'être un libelle par la seule vertu d'une résolution de la Chambre. Par la suite, le Sheriff, comme il en a le devoir, exécute le jugement et saisit les biens de Hansard. Le Speaker de la Chambre émet un mandat contre le Sheriff qui est emprisonné sur ordre de la Chambre pour outrage à la Chambre. Le Sheriff obtient un bref d'habeas corpus, mais les juges de la Court of Queen's Bench ne peuvent le faire relâcher, estimant qu’ils ne peuvent s'immiscer dans une question d'outrage à la Chambre, laquelle relève du privilège parlementaire. o Le Parlement ne porta pas l'affaire en appel mais vota une loi (Parliamentary Papers Act, 1840) par laquelle toute personne publiant un document sur ordre d'une des deux chambres est protégée contre toute poursuite. Le Parlement a reconnu par le fait même que cette protection n'existait pas en common law. Au fédéral, les arts. 7-9 de la Loi sur le Parlement prévoit ce cas. Au Québec, elle est aujourd'hui prévue à l'art. 48 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Tout député a droit à la liberté de mouvement. Il s'agit là d'une conquête du XVe siècle : le droit de n'être pas arrêté tant que le Parlement est en séance. Ce qui n'inclut pas une protection contre les poursuites. Au Québec, cette liberté est aujourd'hui prévue aux arts. 44 à 46 de la Loi sur l'Assemblée nationale. Le principe des élections libres est d'abord affirmé au XVe siècle lors de la montée en influence du Parlement sous la dynastie des Lancaster. Les fraudes électorales sont alors fréquentes et on tente de les combattre. Avec un succès mitigé puisque l'art. 8 du Bill of Rights de 1689 doit réaffirmer que l'élection des membres du Parlement doit être libre de toute interférence royale. o Traditionnellement, la contestation d'élections, les qualités requises pour être parlementaire, la suspension ou l'expulsion d'un parlementaire sont des matières réservées au Parlement lui-même, 2. 3. 4. 3 Pour un compte rendu plus complet voir http://www.hansard.ca/defam_fr.html AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 33 - PIERRE MACKAY 5. 6. 7. 8. 9. JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 sauf si une loi en confie le contentieux à un tribunal. Au Québec aujourd'hui, la Loi sur la représentation électorale (LRQ c. R-24.1) garantit ce principe et institue des mécanismes de lutte contre la fraude électorale. Une assemblée peut qui a droit de siéger et peut frapper d'exclusion un de ses membres qui contrevient à ses règles de fonctionnement. Le Parlement fédéral peut expulser toute personne indésirable (ce fut la cas pour Louis Riel en 1874 et 1875). Au Québec, l'art. 136 de la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit la sanction des cas de vacances, d'incompatibilité et de conflits d'intérêts. Une assemblée a plein contrôle sur la procédure parlementaire. Le Parlement fédéral a les plus larges pouvoirs de régie interne : il peut se saisir de toute question, faire enquête, assigner et contraindre des témoins à comparaître et à produire des pièces et les interroger sous serment (art. 10-13 Loi sur la Parlement). La procédure d'adoption des lois est également couverte par ce privilège et les tribunaux ne contrôlent que les conditions externes de validité telles qu'elles apparaissent dans les registres parlementaires : vote des deux chambres et sanction royale. L'Assemblée nationale a les mêmes pouvoirs : art. 9 et 51-53 Loi sur l'Assemblée nationale. Lorsqu'un privilège est atteint ou lorsque l'assemblée s'estime outragée par un de ses membres ou par un tiers, elle a le droit d'instituer des procédures punitives et de condamner l'intéressé. o Le Parlement fédéral a hérité de ce pouvoir de la Chambre des Communes britannique : ainsi dans l'affaire R. c. Sheriff of Middlesex (1840) 11 A&E 273 que nous allons examiner. L'affaire Fielding c. Thomas [1896] AC 600 (supra), confirme ce droit pour les législatures provinciales. L'art. 137 de la Loi sur l'Assemblée nationale déclare explicitement le droit de l'assemblée de sévir contre un député. Les tiers ne peuvent donc être poursuivis que devant les tribunaux ou par une loi spéciale de l'assemblée (comme cela s'est vu en 1922 : Brun/Tremblay, 314). Notons enfin le droit d'entendre des pétitions individuelles qui existe en common law et qui est confirmé, pour l'Assemblée nationale du Québec, par l'art. 21 CDLPQ, lequel est une réminiscence du Bill of Rights de 1689. En 2005 la Cour suprême a rendu une rare décision portant sur les privilèges parlementaires Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30, la CSC. Vaid, le chauffeur du président des Communes, a été congédié. Il a intenté un recours devant la Commission canadienne des droits de la personne invoquant discrimination. La Chambre et son président ont contesté la compétence du tribunal des droits de la personne, affirmant que le pouvoir du président d’embaucher, de gérer et de congédier les employés était protégé par un privilège et échappait à tout examen externe. Dans cet arrêt la cour a énoncé les critères devant servir à décider de l’existence ou non d’un privilège parlementaire. Pour décider si un privilège dont jouiraient le Sénat ou la Chambre des communes existe, il faut déterminer si la catégorie et l'étendue du privilège ont été établies péremptoirement soit au Canada ou à la Chambre des communes de Westminster. Si oui, ce privilège doit être reconnu. Si non, il faut déterminer si le privilège réclamé satisfait au critère de nécessité — qui sert d’assise à tout privilège parlementaire. Il faudra alors démontrer que la sphère d’activité à l’égard de laquelle le privilège est revendiqué est si étroitement et directement liée à l’exécution de leurs fonctions d’assemblée législative et délibérante, qu’une intervention externe saperait l’autonomie dont l’assemblée ou le membre ont besoin pour accomplir leur travail dignement et efficacement. Une fois le privilège établi, la Cour ne doit pas se prononcer sur le bien-fondé de son exercice dans un cas particulier. La CSC a décidé que le privilège invoqué n’existait ni en droit canadien, ni en droit anglais et qu’il ne répondait pas au critère de nécessité. 1.2.3 Le pouvoir exécutif. a) Définition des termes Copié sur le Conseil privé britannique, le Conseil privé canadien existe en vertu de l'art. 11 LC 1867. C'est un organisme d'une centaine de personnes nommées à vie qui ne se réunit qu'une ou deux fois par année protocolairement et n'a pas de fonction officielle réelle sauf à servir de réservoir de conseillers aux membres du gouvernement. Il comprend tous les ministres et anciens ministres fédéraux, les présidents des deux chambres, le juge en chef du Canada, les premiers ministres provinciaux. Seule une fraction du Conseil privé exerce la réalité du pouvoir : le Cabinet. Son existence n'est prévue par aucune loi. Il est composé de l'ensemble des ministres en exercice et il est dirigé par le premier ministre. Le Cabinet constitue ce que l'on appelle, en langage courant, le gouvernement. À l'intérieur du Cabinet, un Comité des priorités réunit le Premier ministre et les ministres les plus importants. Le pouvoir exécutif est officiellement exercé par le Gouverneur général en Conseil. Pour respecter la lettre et l'esprit de cette formule, le gouvernement fait signer de nombreux documents par le Gouverneur général et le Cabinet est constitué en comité du Conseil privé. Cabinet de William Gladstone (c. 1881) Au Québec, le Cabinet s'appelle le Conseil exécutif qui avait été créé par l'Acte constitutionnel de 1791 et son existence est aujourd'hui prévue à l'art. 63 LC 1867. Cet article prévoit quels en sont les membres, mais, en vertu AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 34 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 du pouvoir de modifier sa constitution interne, le parlement du Québec a pu modifier cette composition (encore qu'en substance, les personnes qui y sont nommées s'y retrouvent aujourd'hui) qui est désormais prévue à la Loi sur l'exécutif. Il existe en son sein, comme au fédéral, un Comité des priorités. Le Conseil des ministres est la réunion hebdomadaire du Conseil exécutif. b) Les origines historiques du gouvernement. C'est le Act of Settlement de 1701 qui consacre le rôle du Parlement; le régime des parties commence puisque les Whigs et les Tories existent déjà. On cherche alors à lutter contre les conseillers occultes qui dirigent sans être membres du Privy Council : les cabinets sont suspects. Pourtant ils sont inévitables, tant le Privy Council est une institution lourde à manier. Plutôt que leur suppression, on cherchera, au XVIIIe siècle, leur contrôle. Le XVIIIe siècle est en effet celui de l'institutionnalisation du régime parlementaire que nous connaissons aujourd'hui. Le XIXe siècle est celui de l'effacement progressif de la Couronne et de la réduction de sa prérogative. Dès 1717, George Ier, Roi depuis 1715, cesse d'assister aux réunions de son cabinet : il ne parle pas anglais et ne comprend rien. Ses successeurs n'y assisteront plus que rarement. Walpole devient First Lord of the Treasury en 1720 et il développe les quatre principes du cabinet governement : la solidarité ministérielle, le privilège du gouvernement sur les propos tenus en réunion du cabinet, la direction unique du cabinet par celui que l'on appellera plus tard le Premier ministre, et dont il inaugure le pouvoir à partir de sa position de contrôleur financier, et finalement la confiance de la Chambre, ce qui suppose, depuis l'avènement des partis, que les ministres soient issus du parti majoritaire en Chambre. En 1742, il démissionne car il n'a plus la confiance de la Chambre des Communes. C'est la première fois, et désormais le premier ministre doit commander tant la confiance de la Chambre que celle du roi (jusqu'à ce que celle-ci soit superflue). Lord North, First Lord of the Treasury en 1770, soutient la politique autoritaire de George III qui déclenche la Révolution américaine, soulève les Irlandais, et provoque une crise économique. À sa démission en 1782, le Roi doit accepter une réduction de l'influence royale dans les affaires du gouvernement : une paix est signée avec les États-Unis, les Irlandais retrouvent une certaine autonomie, ... Mais surtout le Cabinet prend désormais seul des décisions qu'il met en oeuvre seul. Le roi proteste contre cette nouvelle pratique, mais elle s'impose. Suite à une longue bataille parlementaire et électorale, William Pitt devient First Lord of the Treasury en 1784 à 24 ans et le reste, avec une interruption de trois ans, jusqu'en 1806. Il est considéré comme le Premier ministre moderne. Il réorganise l'État en créant, dans tous les ministères, des commissions d'enquête dont il suit les avis. Il invente le Fonds consolidé du Revenu qui regroupe tous les revenus de l'État et à partir duquel toutes les dépenses sont payées : cela nous sert encore aujourd'hui. Tous les First Lords of the Treasury qui lui succéderont (Liverpool, Wellington, Grey, Peel) continueront d'accorder beaucoup d'importance à la cohésion du Cabinet et du parti majoritaire sous la direction d'un chef unique et incontesté, sans y parvenir toujours. William Pitt Le premier ministre est donc toujours celui qui contrôle la Chambre. Mais le roi conserve la prérogative de nommer le premier ministre, et en cas d'incertitude, il nomme encore parfois qui bon lui semble (comme Gladstone en 1880). Ce n'est que plus tard, au tournant XXème du siècle, lorsque les partis se figent dans leur discipline, qu'une convention constitutionnelle vient restreindre définitivement le choix du Roi au chef du parti majoritaire. D'ailleurs, le parti qui n'est pas au gouvernement prend le nom d'Opposition et la phrase "Her Majesty's Loyal Opposition" apparaît en 1826. L'existence du shadow cabinet date d'environ 1870. Après la mort de George III en 1820, les rois et reines n'interviennent plus ouvertement dans la politique gouvernementale. Le rôle modéré joué par Victoria, reine de 1837 à 1901 et modèle de bourgeoisie conservatrice, est un important facteur de stabilisation institutionnelle : désormais le monarque est un conseiller du gouvernement, conseiller parfois écouté. C'est en 1905 que le First Lord of the Treasury devient officiellement le Premier Ministre. Mais son existence n'est statutairement reconnue qu'en 1937, par le Ministers of the Crown Act, qui consacre la fonction traditionnelle et le nouveau titre. c) les caractéristiques du gouvernement De cette introduction historique, on peut tirer les caractéristiques du gouvernement moderne. Monarchie constitutionnelle • Le monarque n'agit qu'avec l'avis et le consentement de son cabinet. C'est le rôle assigné au "Gouverneur général en Conseil". AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 35 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Gouvernement responsable devant le Parlement : il doit avoir sa confiance. 1. 2. 3. Les ministres doivent être choisis dans le Parlement. Le gouvernement doit démissionner s'il est battu sur une question de confiance. Cette responsabilité est collective. La solidarité ministérielle exige que tout le ministère démissionne. Exercice de la prérogative royale (résiduaire). d) Les privilèges et immunités du gouvernement En chambre 1. 2. 3. 4. Il a la conduite des affaires et décide de l'ordre du jour et du menu législatif Il a seul l'initiative des projets de loi à implications financières (art. 54 LC 1867) en cabinet Le principe de la solidarité ministérielle implique le secret des délibérations du cabinet. Seule est transmise au public l'information qui a l'approbation de l'ensemble du cabinet. Les ministres sont donc invités, par le serment qu'il prête avant d'entrer en fonction, à taire leurs états d'âme ou à démissionner. Le principe du secret des délibérations commande aussi une immunité judiciaire en faveur des documents gouvernementaux. 5. • Dans une série d'arrêts des années 1980, la Cour suprême du Canada a posé les limites de cette immunité, en précisant que le tribunal doit juger dans chaque cas de l'existence de l'immunité en se fondant sur les facteurs suivants : la pertinence des documents aux fins de la cause, l'importance du niveau gouvernemental impliqué, l'importance relative de l'intérêt public à protéger par rapport à l'intérêt privé en cause, l'exclusion automatique, sans que le tribunal en prenne connaissance, des documents relatifs à la sécurité nationales ou aux relations diplomatiques, ... Voir : Smallwood c. Sparling, [1982] 2 RCS 686, Carey c. Ontario [1986] 2 RCS 637, Nouvelle-Écosse (procureur général) c. Nouvelle-Écosse (Royal Commission into Marshall Prosecution) [1989] 2 RCS 788. Au Québec, l'art. 308 CPC entérine cette jurisprudence. Au fédéral, l'art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada oblige le tribunal à se soumettre à une décision d'un ministre ou du greffier du Conseil privé sur la confidentialité d'un "renseignement confidentiel du Conseil privé" auquel ne s'applique pas la Loi sur l'accès à l'information (voir son art. 69). Dans la conduite des affaires de l'État "The King can do no wrong" -- Voir le chapitre sur la primauté du droit. 1.2.4 Le pouvoir judiciaire. a) Les origines historiques des tribunaux Les anglo-saxons, avant 1066, ont un système judiciaire déjà élaboré. Ainsi la règle selon laquelle la charge de la preuve pèse sur celui qui affirme existe. Celui qui ne se présente pas au tribunal est déclaré "outlaw" et il peut être tué par quiconque. Les procès par ordalie sont fréquents Le Witan peut entendre les plaintes qui lui sont faites par les grands du royaume. Le roi peut gracier. Les Normands, après l'invasion de Guillaume le conquérant de 1066, respectent et développent ce système. La Curia Regis reprend les fonctions du Witan. Mais le roi est désormais considéré comme la source de toute justice "the Fountain of Justice". Et on peut faire appel d'une décision locale ou seigneuriale à la Curia Regis, car le Roi a le devoir d'assurer la justice. Ce devoir est pour lui une source de contrôle des faits et gestes de chacun dans un Royaume où les troubles sont fréquents : par une fiction juridique pré-normande, tout criminel peut être accusé, en plus du crime précis, d'avoir brisé la paix du Roi, ce qui donne alors compétence à la justice royale. Le Roi commence également à envoyer des juges itinérants pour rendre justice dans tout son royaume. Cette pratique trouve son origine dans des enquêtes concernant la propriété des terres, dont le Domesday Book est le plus célèbre exemple. Elles se développent en véritables commissions d'enquêtes, auxquelles se joindront des jurys pour les transformer en véritables cours d'assises. Les tribunaux d'avant la conquête demeurent : la cour seigneuriale ou locale pour les litiges privés ou locaux, la cour de comté lorsque sont impliqués des ressortissants de plusieurs seigneuries. Cette cour de comté est présidée par le Sheriff qui est aussi l'agent du roi dans le comté (le préfet de région). À la fin du XIIe siècle, Henri II effectue des réformes qui sont à l'origine de pratiques judiciaires courantes encore aujourd'hui. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 36 - PIERRE MACKAY 1. 2. 3. 4. JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Il généralise l'usage du writ, qui est seulement un ordre du roi et qu'il vend aux particuliers contre paiement d'une taxe pour que ceux-ci puisse convoquer l'autre partie en cour : le writ devient rapidement le meilleur moyen d'obtenir justice et il nous sert encore, le plus connu étant le writ d'habeas corpus. Il généralise aussi l'usage du jury pour remplacer l'ordalie, le jugement par les pairs devenant rapidement synonyme de protection des libertés civiles. Il établit encore des circuits parcourus par des juges itinérants, circuits qui se fixent au XIIIe siècle. La justice criminelle est entièrement devenue justice royale du fait du bris de la paix du Roi dont chacun doit pouvoir jouir. Les éléments institutionnels fondateurs de la common law sont en place. À la fin du XIIe siècle encore, alors que la Exchequer Court, chargé du contentieux fiscal, est déjà presque indépendante, la Curia Regis donne naissance à des sous-comités spécialisés dans l'audition des affaires juridiques, qui se transforment, vers 1234, en Court of Common Pleas et en Court of King's Bench, dotée chacune vers 1270 d'un juge en chef. La première est chargée d'entendre les questions de propriétés entre particuliers et les actions personnelles non criminelles, et supervise de plus les county courts et les tribunaux locaux. La seconde est responsable des questions comportant atteinte à un intérêt royal, donc tout le contentieux criminel, et il agit en cassation des décisions des deux autres cours, particulièrement sous la forme des prerogative writs : habeas corpus, prohibition, quo warranto, mandamus, certiorari. Ces trois cours de common law et les procédures qui leur sont attachées demeureront quasi inchangées jusqu'au XIXe siècle et de nombreux traits en sont encore présents dans le droit canadien. Au XVe siècle, la High Court of Parliament devient la Cour d'appel général, au dépend du Conseil du Roi. Mais surtout la Court of Chancery commence à juger en equity, comme cour de conscience jugeant chaque cas selon son mérite sans se préoccuper, au départ, des précédents, et permet donc d'éviter les common law courts qui se sont ossifiés sur leurs formalités procédurales initiales et provoquent de nombreuses injustices. Ainsi, à côté du système de droit de propriété que la common law garde jalousement, la Chancery accepte de reconnaître les hypothèques et les ancêtres des trusts, des fiducies. De même, à côté des dommages-intérêts qui est la seule compensation en common law, la Chancery invente l'injonction. Ou encore, elle permet la convocation et l'audition orale de témoins et utilise l'anglais courant pour ses procédures. De même, les pouvoirs des juges de paix datent de cette époque. Volontaires bénévoles, ils deviennent progressivement les gardiens de la paix, de l'ordre et du droit dans leur localité, et se voient reconnaître une large compétence, tant judiciaire qu'administrative, dans toutes les matières locales et de peu d'importance. Dans les villes, par la suite, un Recorder sera nommé pour faire office de juge de paix. On les appellera aussi magistrates courts. L'enquête préliminaire en matière criminelle, qui existe toujours, date de deux lois de 1554 et 1555. L' Act of Settlement de 1701 et l'indépendance des juges Cette loi prévoit que les juges sont nommés "during good behaviour" et non "during good pleasure of the Crown" : l'inamovibilité des juges, condition de leur indépendance, est instaurée. Cette protection a pour effet de procurer à la profession judiciaire la confiance et l'indépendance nécessaires à un exercice consciencieux de ses tâches : le XVIIIe siècle est celui des premières garanties judiciaires en faveur des libertés individuelles. Au XIXème siècle, les grandes réformes judiciaires surviennent. Les juges de paix se voient enfin préciser leurs fonctions, qui se limitent au système judiciaire criminel de petite importance. La Court of Chancery s'est rigidifiée depuis cinq siècles qu'elle existe : les faits de la cause importent moins que les précédents, les contrats qu'elle autorisait sont appliqués à la lettre, quelles que soient les circonstances particulières de l'affaire, ... Et deux systèmes judiciaires appliquant deux systèmes juridiques aux mêmes causes coexistent. Ce qui paraît absurde. Court of Common Plea Westminster Hall(1808) En 1832, un writ unique est adopté pour toutes les actions personnelles pour les trois cours de common law. Il est adressé au défendeur et non au sheriff et l'absence du défendeur ne le rend plus outlaw. En 1860, ce writ est rendu applicable aux actions réelles. En 1852,1854 et 1860, la procédure de common law est considérablement simplifiée et débarrassée de toutes les fictions archaïques qui s'étaient accumulées et cette réforme commence à permettre aux cours de common law d'accorder les recours disponibles en equity, comme l'injonction, et de recourir aux moyens de preuve disponibles en équité, comme l'interrogatoire de témoins ou le dépôt de documents. En matière civile, il est désormais permis au juge de common law de siéger seul sans jury, comme en Chancery, ce qui devait devenir la règle. Entre 1830 et 1850, le processus inverse se produit pour la Chancery, qui se voit accorder le droit de condamner à des dommages, ou celui d'utiliser des jurys, ... En 1846, un système général de county courts est instauré avec compétence sur toutes les questions civiles et locales de peu d'importance. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 37 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Les Judicature Acts de 1873 et 1875: Ces lois vont tout changer. Les cours de common law, la Chancery et de nombreux autres tribunaux mineurs sont fondus en une seule Supreme Court of Judicature divisée en une High Court et une Court of Appeal. Les divisions administratives de la High Court continuent de s'appeler, par commodité, Chancery, Queen's Bench, (qui regroupe en plus les compétences des anciennes Exchequer et Common Pleas) et Probate, Divorce and Admiralty (Cour jugeant des questions gouvernées par le droit civil ou le droit canon plus que par la common law : wills, wives and wrecks -- héritages, épouses, épaves). Et la Court of Queen's Bench devient le grand tribunal de première instance, chargé de plus de la surveillance des tribunaux inférieurs et administratifs. Et les règles de common law et d'equity sont fondues en un seul corps, disponibles devant tous les tribunaux. Les juges doivent choisir celles qui sont les plus appropriées à la cause et les règles d'equity ont prépondérance en cas de conflit. La procédure est considérablement simplifiée. Ainsi, par exemple, le writ d'introduction d'instance devient un simple formulaire que l'on obtient contre paiement d'une petite taxe et n'est qu'un ordre de la Reine fait au défendeur de se présenter devant le tribunal dans les huit jours. En 1876, le Appellate Jurisdiction Act maintient la House of Lords comme tribunal d'appel ultime, mais professionnalise son personnel en créant des postes de Law Lords, qui sont nommés à vie et non de façon héréditaire. Tout appel est sur permission, la cause devant soulever une question de droit d'intérêt général. Cette loi complète également la réforme, commencée en 1833, des attributions judiciaires du Judicial Committee of the Privy Council, reste de la prérogative royale en matière judiciaire. Juges et avocats au Judicial Committee of the Privy Council avec Earl of Marlsbury (c. 1891) De cette structure est issue celle de nos tribunaux canadiens et québécois contemporains. Les noms des anciennes cours nous sont parvenus, leur procédure est encore en vigueur malgré de nombreuses simplifications, la protection et l'importance sociale des juges demeurent. b) Les caractéristiques contemporaines du système judiciaire canadien Les arts. 96 à 101 LC 1867 traitent de la judicature, soit de notre système judiciaire. Ils prévoient : 1. 2. la nomination par le gouvernement fédéral des juges des cours supérieures et de comté, que ces juges seront choisis parmi les membres du Barreau de chaque province, particulièrement au Québec, que les juges restent en fonction durant bonne conduite, sauf adresse des deux chambres du Parlement et retraite à 75 ans, que la rémunération des juges est fixée par le Parlement, que le Parlement peut créer une cour générale d'appel et des tribunaux additionnels. 3. 4. 5. L'art. 92.14 LC 1867 prévoit pour sa part que la législature provinciale a compétence sur l'administration de la justice, "y compris la création, le maintien et l'organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle". La province peut donc créer des tribunaux inférieurs. Unicité et intégration du système judiciaire 1. 2. Aucune division fonctionnelle entre justice constitutionnelle, pénale, administrative et civile. Aucune division fédérative selon les frontières de la répartition des compétences législatives. Une seule cour d'appel ultime entend les appels de tous les tribunaux : la Cour suprême du Canada. Et, sauf pour les affaires affectant la Couronne fédérale, un seul tribunal de première instance juge des affaires de droit provincial et fédéral. La distinction entre cour supérieure et tribunal inférieur Cette distinction est fondée sur les attributions du tribunal. Si la common law accorde au tribunal une compétence générale résiduaire et le pouvoir de surveillance des tribunaux inférieurs, c'est une cour supérieure. Si le tribunal n'a qu'une compétence d'attribution déterminée par une loi, c'est une cour inférieure. Au Québec, les cours supérieures sont : 1. la Cour supérieure, 2. la Cour d'appel et 3. la Cour suprême du Canada. Les principales cours inférieures sont 1. la Cour fédérale 2. la Cour du Québec (chambres jeunesse et expropriation) et 3. les Cour municipales civile, criminelle, AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 38 - PIERRE MACKAY 1. 2. 3. JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Les caractéristiques d'une cour supérieure sont Une cour supérieure a un pouvoir de réforme et de surveillance sur les tribunaux inférieurs et sur leurs décisions. Il faut noter que les cours supérieures des provinces n'ont pas un pouvoir de surveillance sur les décisions de la Cour fédérale en raison du principe fédéral et du partage des compétences législatives. Les cours supérieures ont des pouvoirs inhérents : juger de la constitutionnalité des lois et règlements, se prononcer sur les outrages au tribunal hors cour, ... La Cour supérieure relève des deux ordres de gouvernement par les arts. 92(14) et 96 LC 1867 et aucun ne saurait seul l'abolir. La Cour suprême est aussi désormais protégée par les arts. 41 et 42 LC 1982. L'arrêt Sobeys est le plus récent d'une longue liste de décisions portant sur les tentatives provinciales de rationaliser le système judiciaire et administratif dans des domaines sociaux complexes, comme les relations de travail (Crevier : tribunal des professions du Québec) ou le logement (Grondin : Régie du logement du Québec). Mais les cours ont toujours tenté de protéger la compétence des cours supérieures, seules à voir leur indépendance institutionnelle constitutionnellement enchâssée, des empiétements trop flagrants des tribunaux inférieurs, dont les conditions d'indépendance ne sont pas aussi protégées. Ces principes ont été exposés et appliqués dans l’arrêt Sobeys Stores c. Yeomans [1989] 1 RCS 238. À retenir : Les étapes du raisonnement judiciaire (test de l'arrêt Sobeys): A. Volet historique. La compétence du tribunal provincial correspond-elle généralement à une compétence -étroitement interprétée -- exercée par les cours supérieures, de district ou de comté au moment de la Confédération? 1. 2. 3. Il faut d'abord définir étroitement la compétence des cours supérieures de 1867 sur laquelle il pourrait être empiété. Il faut déterminer ensuite si cette compétence des cours supérieures de 1867 était exclusive ou quasiexclusive. Elle ne sera partagée que si les tribunaux provinciaux de 1867 possédaient un engagement général partagé dans le domaine de compétence, selon des limitations géographiques, matérielles ou pécuniaires. Il faut enfin, pour évaluer ces compétences, se placer en 1867 dans les provinces qui ont adhéré initialement au pacte confédératif, et, à défaut de conclusions claires, au Royaume-Uni à la même époque. B. Volet judiciaire. La fonction du tribunal provincial, dans son cadre institutionnel, est-elle une fonction judiciaire? 1. 2. Le tribunal est-il appelé à trancher un litige privé? En fonction d'un ensemble reconnu de règles et d'une manière conforme à l'équité et à l'impartialité? C. Volet institutionnel. En examinant la fonction globale du tribunal provincial afin d'évaluer, dans tout son contexte institutionnel, la fonction attaquée, les pouvoirs judiciaires sont-ils simplement complémentaires ou accessoires aux fonctions administratives générales attribuées au tribunal ou nécessairement inséparables de la réalisation des objectifs plus larges de la législature? 1. Le contexte social a-t-il évolué depuis la Confédération? 2. Le cadre administratif global est-il très différent de la pratique des cours? Sur cette question il faut remarquer que Juge Dickson, dans le Renvoi sur la location résidentielle, cite Hogg pour affirmer que la séparation institutionnelle des pouvoirs n'est pas un principe constitutionnel canadien (mauvaise traduction : bien que les deux versions soient considérées comme originales ayant la même valeur, voir la version originelle anglaise). La claire dissidence de trois juges, non sur le fond, mais sur la méthode, sur l'application du test : la compétence en cause est trop différente de tout ce qu'une cour pouvait faire en 1867, car la philosophie sociale et politique est trop éloignée. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 39 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 Les faits ont pris naissance dans un magasin de la chaîne de supermarchés Sobey’s de Nouvelle-Écosse, lorsque M. Yeomans, employé congédié, a porté plainte au Directeur des normes du travail de la Nouvelle-Écosse pour congédiement "sans cause juste" aux termes du Labour Standards Code. Le test de l’arrêt Sobeys non 1. VOLET HISTORIQUE : le pouvoir exercé par le tribunal appartenait -il exclusivement à la Cour supérieure en 1867? oui 2. VOLET JUDICIAIRE : la fonction exercée par le tribunal est-elle un fonction judiciaire ? 2.1 Le tribunal juge -t-il un litige privé entre des parties? oui 2.2 La décision est -elle fondée sur l’application de règles connues (plutôt qu’une décision d’opportunité) non non oui 2.2 La décision doit -elle rendue conformément à l’équité et l’imparti alité? non oui 3. VOLET INSTITUTIONNEL : les pouvoirs du tribunal dans le con texte institutionnel, sont -ils simplement complémentaires ou accessoires de ses fonctions administratives générales (i.e. inséparables de la réalisation de ses objectifs plus larges)? T R I B U N A L T R I B U N A L V A L I D E I N V A L I D E oui non AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 40 - PIERRE MACKAY JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 L'indépendance des juges 1. 2. 3. Cette indépendance est assurée par leur nomination "durant bonne conduite" et leur rémunération par le Parlement et non par le gouvernement. L'indépendance des juges est désormais un principe constitutionnel formel puisque l'art. 11(d) CCDL exige que tout inculpé soit jugé par un tribunal indépendant et impartial et que l'art. 7 CCDL exige que le droit à la vie, la sécurité et la liberté ne puisse être atteint qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale, au nombre desquelles l'impartialité du tribunal figure. Leur sécurité financière est un élément de cette indépendance. Les juges des cours supérieures sont payés à même le trésor fédéral ou le fonds consolidé du revenu provincial et non à partir d'une enveloppe budgétaire et la révision de leur traitement est effectuée triennalement (Loi sur les Juges, LRC c. J-1, art. 26, 53; Loi sur les tribunaux judiciaires, LRQ T-16, art. 115, 124, 127). Les affaires Valente et Beauregard ont bien traité de cette question. De l’arrêt Valente c. La Reine [1985] 2 RCS 673 il faut retenir: • • Distinction indépendance individuelle (inamovibilité, sécurité financière) et indépendance institutionnelle (contrôle des décisions administratives affectant directement l'exercice des fonctions judiciaires). Il faut à la fois être indépendant et être perçu comme indépendant : Justice must not only be done, it must be seen to be done. Confiance manifeste envers les juges. Stérilisation politique des juges • c) Les privilèges et immunité des juges de la magistrature Immunités de common law 1. Immunité contre toute poursuite civile d'un juge pour un acte posé dans l'exercice de ses fonctions. Immunité absolue. Valable pour les juges des cours inférieures, puisque l'art. 1 de la Loi sur les privilèges des magistrats, LRQ c. P-24, le stipule. Les juges ne peuvent être contraints de témoigner des raisons de leurs décisions. Mais les Conseils canadien et québécois de la magistrature peuvent enquêter (Art. 63(2) Loi sur les juges; Art. 263-266 Loi sur les tribunaux judiciaires) 2. 3. 1. 2. 3. Droit de condamner pour outrage au tribunal Le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal relève de la compétence inhérente des cours supérieures, Tout autre tribunal statutaire doit se les voir conférer expressément par la loi et la plupart des tribunaux administratifs ou quasi judiciaires ne sont pas habilités à exercer cette forme de contrainte. Toutefois, la jurisprudence a reconnu qu'un tel tribunal peut demander l'aide d'une cour supérieure qui, elle, a compétence pour assigner le témoin devant le tribunal administratif. AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 41 - PIERRE MACKAY 1.3 JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007 Chapitre 1 LES RELATIONS ENTRE LES TROIS POUVOIRS Les grands pouvoirs identifiés par Montesquieu, le législatif, l’exécutif et le judiciaire entretiennent au Canada des relations complexes, marquées par leur évolution historique. 1.3.1 La domination de fait et de droit de l'exécutif. a) Le gouvernement contrôle le chef de l'État qui n'agit qu'avec son avis et son consentement. b) Le gouvernement contrôle le législatif VOIR Dawson, R.M., The Government of Canada, p. 13 et ss • • • Gouvernement responsable et discipline de parti Initiative des projets de loi et contrôle de la procédure Accroissement de la législation déléguée en faveur du gouvernement c) Le gouvernement exerce une forte influence sur le judiciaire • • • • • • • au niveau institutionnel, les gouvernements créent les tribunaux par les lois qu'ils font voter. au niveau judiciaire nomination directe des juges par l'exécutif : pratiques partisanes (Voir Bouthiller et Ouellette, Sur la stérilisation politique des juges, 1973-74 RJT). pressions possibles sur les juges "récalcitrants" au niveau administratif nomination et destitution selon "bon plaisir" pratiques douteuses et arbitraires 1.3.2 Le contrôle judiciaire de la légalité des actes législatifs et exécutifs Voir le chapitre 6 1.4 CONCLUSION : L'émergence de nouveaux pouvoirs. Les trois grands pouvoirs identifiés par Montesquieu, le législatif, l’exécutif et le judiciaire n’épuisent évidemment pas la liste de tous les pouvoirs qui existent au sein d’une société. Ces trois pouvoirs constituent l’essentiel des pouvoir juridiques qui s’exercent dans un État de droit moderne, mais de nombreux autres pouvoirs existent dans la société civile, dont plusieurs ont une influence déterminante. Pensons en particulier aux pouvoirs de la Presse et des moyens de communication dont l’existence même est garantie par l’article 2 de la Loi constitutionnelle de 1982 : 2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :… b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication Les phénomènes de mondialisation et les développements du droit international, en particulier par les grands traités et les grandes organisations à caractère économique, tel l’ALÉNA, la Banque mondiale et l’OMC limitent aussi effectivement la souveraineté interne traditionnelle des États et modifient parfois les règles du droit interne, sans l’intervention des institutions démocratiques constitutionnelles. SUITE au CHAPITRE 2 AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission. - 42 -