CHAPITRE UN L`origine et les fondements des pouvoirs législatif

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CHAPITRE UN L`origine et les fondements des pouvoirs législatif
PIERRE MACKAY
JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007
Chapitre 1
CHAPITRE UN
L'origine et les fondements des pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire
TABLE DES MATIÈRES
1.1
ORIGINE ET ÉNONCÉ DU PRINCIPE DE SEPARATION DES POUVOIRS................................................ 26
1.2
LES FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES TROIS POUVOIRS ....................................................... 28
1.2.1
Introduction........................................................................................................................ 28
1.2.2
Le pouvoir législatif ............................................................................................................. 28
a) Les origines historiques du Parlement........................................................................................... 28
b) Les coutumes et les conventions constitutionnelles ........................................................................ 31
c) Les textes constitutionnels canadiens sur le pouvoir législatif........................................................... 31
d) Le pouvoir de modifier la constitution interne ................................................................................ 31
e) Les pouvoirs et immunités des parlements .................................................................................... 32
1.2.3
Le pouvoir exécutif. ............................................................................................................. 34
a) Définition des termes ................................................................................................................. 34
b) Les origines historiques du gouvernement..................................................................................... 35
c) Les caractéristiques du gouvernement .......................................................................................... 35
d) Les privilèges et immunités du gouvernement ............................................................................... 36
1.2.4
Le pouvoir judiciaire. ........................................................................................................... 36
a) Les origines historiques des tribunaux .......................................................................................... 36
b) Les caractéristiques contemporaines du système judiciaire canadien ................................................ 38
c) Les privilèges et immunité des juges de la magistrature.................................................................. 41
1.3
LES RELATIONS ENTRE LES TROIS POUVOIRS ............................................................................... 42
1.3.1
La domination de fait et de droit de l'exécutif.......................................................................... 42
a) Le gouvernement contrôle le chef de l'État qui n'agit qu'avec son avis et son consentement................ 42
b) Le gouvernement contrôle le législatif .......................................................................................... 42
c) Le gouvernement exerce une forte influence sur le judiciaire ........................................................... 42
1.3.2
1.4
Le contrôle judiciaire de la légalité des actes législatifs et exécutifs ........................................... 42
EN CONCLUSION : L'émergence de nouveaux pouvoirs. .................................................................. 42
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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PIERRE MACKAY
JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007
Chapitre 1
INTRODUCTION
Le premier chapitre comprend trois leçons d'histoire : une sur le Parlement, une sur l'exécutif, une sur les
tribunaux. Ces historiques sont plus qu'utiles pour comprendre les principes qui guident encore nos institutions de
nos jours. Plutôt que d'énumérer sèchement ces principes, décrivons-en sommairement l'histoire pour mieux
comprendre comment et donc pourquoi ces principes existent aujourd'hui.
L'ouvrage de référence de base pour le présent chapitre est le livre de Magaret H. Ogilvie, Historical introduction to
legal studies, Toronto, Carswell, 1982
1.1
ORIGINE ET ÉNONCÉ DU PRINCIPE DE SEPARATION DES POUVOIRS
Ce principe est énoncé pour la première fois en 1748 par Montesquieu, philosophe français, dans son célèbre
ouvrage "De l'esprit des lois". Dans cet ouvrage, Montesquieu analyse le régime de monarchie absolue qui prévaut
alors en France et le compare au régime de monarchie constitutionnelle de l'Angleterre de l'époque.
Il distingue, dans chaque État, trois sortes de pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Il
constate qu'en Angleterre, chacune des fonctions est exercée par des personnes ou des
institutions distinctes jouissant chacune d'une grande indépendance par rapport aux autres.
Cela contraste fortement avec la monarchie absolue française où tous ces pouvoirs sont
concentrés entre les mains du Roi. Montesquieu en tire la conclusion qu'un État moderne,
soucieux de garantir les libertés individuelles contre l'arbitraire et le despotisme, doit opérer
une telle séparation des pouvoirs au sein des ses institutions.
Montesquieu identifie donc trois fonctions de l'État, qu'il faut remettre à des organes
distincts pour que les droits des citoyens soient garantis :
1.
2.
3.
Faire la loi : c'est le pouvoir législatif,
Appliquer la loi : c'est le pouvoir exécutif,
Trancher les différends : c'est le pouvoir judiciaire.
[...] La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans
les États modérés; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir; mais c'est une expérience éternelle que
tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ! La
vertu même a besoin de limites.
Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.
[...]
Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses
qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge
celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la
sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes ou juge les différends des particuliers. On
appellera cette dernière la puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État.
La liberté politique dans un citoyen est cette disposition d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa
sûreté; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu'un citoyen ne puisse craindre un
autre citoyen.
Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à
la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même
sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement.
Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de
l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait
arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la
force d'un oppresseur.
Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple,
exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de
juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes d'Europe, le gouvernement est modéré, parce que le prince, qui a les deux
premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l'exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis
sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme. [...]1
1
Montesquieu, De l'esprit des lois, Livre XI, ch. IV et VI
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Chapitre 1
Après Montesquieu, la doctrine politique occidentale moderne a dégagé trois fonctions étatiques, trois pouvoirs de
l'État : le pouvoir législatif qui produit les règles de comportement social, le pouvoir exécutif qui les met en oeuvre,
et le pouvoir judiciaire qui résout les conflits nés de cette mise en oeuvre. Plus précisément:
1.
2.
3.
Le pouvoir législatif (ou Parlement) adopte des lois qui ont une portée générale et s'appliquent à tous.
La loi est neutre et impersonnelle, elle dicte pour l'avenir et ne vise, en principe, aucun cas d'espèce.
Le pouvoir exécutif (ou gouvernement) met en oeuvre les lois, dirige les affaires de l'État et commande
l'administration publique.
Le pouvoir judiciaire (les tribunaux) règlent les litiges en appliquant et interprétant les lois et les
règlements dans des cas d'espèce.
La doctrine politique moderne voudrait que ces trois pouvoirs soient distincts et exercés par des personnes ou des
institutions différentes. C'est le principe de la séparation des pouvoirs. La séparation des pouvoirs dépend de
deux conditions.
1.
2.
La spécialisation fonctionnelle. Chaque organe de l'État est spécialisé dans sa fonction : les
assemblées dans la fonction législative, le gouvernement dans la fonction exécutive. Chaque organe
n'accomplit que les actes de sa fonction, mais accomplit tous les actes de sa fonction : toutes les lois sont
l'oeuvre du pouvoir législatif.
L'indépendance organique. Chaque organe de l'État doit être absolument indépendant des autres :
l'organe législatif ne doit disposer d'aucune prérogative vis-à-vis de l'exécutif, et vice versa ; la
magistrature ne doit en rien relever des deux autres pouvoirs. Certaines règles atténuent cette
spécialisation : le pouvoir réglementaire est une forme de pouvoir législatif exercé par le pouvoir exécutif.
La séparation rigide des pouvoirs est rarement instaurée. En régime parlementaire, les pouvoirs exécutif
et législatif collaborent, le premier étant responsable devant le second et le second servant le premier.
Mais, dans les sociétés contemporaines très juridicisées (particulièrement les sociétés organisées selon un modèle
anglo-saxon), le rôle interprétatif du pouvoir judiciaire est crucial, et lui confère une autorité qui dépasse largement
la seule exégèse des textes législatifs pour lui donner un pouvoir de création juridique autonome. Particulièrement
lorsque ce pouvoir judiciaire est responsable de l'interprétation constitutionnelle. En ce cas en effet, les arrêts de
jurisprudence s'imposent au pouvoir législatif sans que celui-ci puisse en changer la teneur par simple voie
législative : un amendement constitutionnel est nécessaire. Les juges ont alors véritablement un pouvoir supralégislatif.
Plutarque, au 2ème siècle après J.C., parlant des lois de Solon (célèbre législateur grec du 6ème siècle avant J.C.)
avait déjà parfaitement décrit ce phénomène d'accroissement de l'autorité du pouvoir judiciaire et de politisation de
son rôle au sein de l'État :
"... parce que ses lois étaient un peu obscurément écrites, de manière qu'elles se pouvaient tirer en plusieurs
sens, cela augmenta grandement la puissance et l'autorité des jugements, et de ceux qui avaient à juger,
parce que ne pouvant être leur différents vidés ni accordés par expresse décision des lois, il fallait que l'on
recourût toujours aux juges, et que presque toutes questions fussent toujours débattues devant eux :
tellement que les juges par ce moyen venaient à être aucunement par-dessus les lois mêmes, parce qu'ils leur
donnaient telles interprétations qu'ils voulaient." 2
Même si l'Angleterre du milieu du 18ème siècle est dotée d'institutions politiques qui fonctionnent de facto de façon
relativement autonome, le principe de la séparation des pouvoirs n'a jamais été formellement énoncé dans le
système et le droit constitutionnel britannique, ni dans le nôtre qui est son dérivé.
C'est, en 1787, dans la constitution des États-Unis d'Amérique, que le principe reçoit sa première application
formelle.
Au Canada, ce principe relève plus de la science politique que du strict droit constitutionnel. Toutefois, certains de
ses éléments ont inspiré la structure de la Loi constitutionnelle de 1867, comme celle de la Loi constitutionnelle de
1982, de même que certains jugements des tribunaux.
Le présent chapitre servira donc à présenter les fondements historiques et constitutionnels de chacune des trois
branches de l'État que sont le législatif, l'exécutif et le judiciaire.
2
Plutarque, Vie de Solon, La vie des hommes illustres, vol. 1, Paris, Gallimard (coll. La Pléiade), 1951, XXX, p. 192
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1.2
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Chapitre 1
LES FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES TROIS POUVOIRS
1.2.1 Introduction
À l'origine, dans le système britannique, le Roi concentre tous les pouvoirs. Ceux-ci lui échappent successivement.
Les événements politiques, économiques et sociaux de l'histoire ont forgé les institutions actuelles à travers un
ensemble de coutumes, de conventions, d'accords politiques, de textes législatifs, de décisions judiciaires que l'on
appelle aujourd'hui la Constitution.
Chacun des trois grands pouvoirs jouit maintenant au sein de l'État de formes particulières de reconnaissance
constitutionnelle sans bénéficier, comme dans les constitutions américaine ou française, d'une séparation de
principe.
1.2.2 Le pouvoir législatif
a) Les origines historiques du Parlement
Sans remonter aux origines germaniques des Angles, des Jutes et des Saxons, arrivés en Angleterre lors des
grandes invasions du Ve siècle, on peut rappeler que, juste avant la conquête normande de 1066, le Roi convoque
régulièrement son Witan, sorte de conseil des grands du royaume que le roi n'avait nulle obligation de convoquer
et dont il n'était pas obligé de suivre les avis. La coutume veut cependant que sa réunion précède les décisions
royales et il se réunit généralement à Noël, à Pâques et à la Pentecôte.
Après la conquête, le Witan se transforme en Magnum Concilium. Il se féodalise et les barons anglo-normands y
sont attachés du fait de leur contrat de vassalité. Y participent également quelques comtes anglo-saxons ralliés,
certains hauts dignitaires ecclésiastiques. Ses fonctions sont multiples et mal connues. Son approbation n'est pas
nécessaire à la validation des décrets royaux mais il est régulièrement consulté. C'était moins un législateur,
fonction royale, qu'une cour de justice et un forum de discussion et de formation de consensus se réunissant trois
fois l'an.
« HIC EXEUNT CABALLI DE NAVIBUS . ET HIC MILITES FESTINAVERUNT HESTINGHAM UT CIBUM RAPERENTUR »
Ici les chevaux débarquèrent des navires. Et ici les soldats se hâtèrent vers Hastings pour y réquisitionner de la nourriture.
La tapisserie de Bayeux retrace par l'image, comme une bande dessinée, l'histoire de la conquête de l'Angleterre
par Guillaume, duc de Normandie, devenu Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre après la célèbre bataille de
Hastings en 1066. Historiquement, le Parlement a affirmé ses pouvoirs et ses immunités à l'encontre du pouvoir
royal. (Voir Joliffe, The Constitutional History of Medieval England, 450 ss.)
Mais le gouvernement quotidien finit par n'être exercé que par une fraction du Grand Conseil, formée de ceux des
barons et autres dignitaires qui sont attachés à la Cour du Roi et y résident. Ils forment la Curia Regis. Ils sont
une quinzaine dont font partie les serviteurs immédiats du Roi (chambellan, constable, maître d'hôtel, ...) dont
certains deviendront réellement des hommes d'État comme le chancelier, gardien du sceau royal et maître des
écritures, le justicier, qui gouverne le royaume pendant que le Roi retourne en Normandie et devint par la suite le
Chief Justice, et le trésorier, qui très vite cède la place à la Cour de l'Échiquier, comme maître des comptes et
gardien des revenus du royaume.
Petit à petit, l'accord des barons pour toute décision royale d'envergure devient politiquement nécessaire,
particulièrement pour lever les impôts nécessaires au financement des guerres. En 1100, Le serment de
couronnement d’Henri Ier contient la promesse de ne pas changer le droit sans l'accord des barons : c'est la
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Chapitre 1
Coronation Charter. Henri II, Roi d'Angleterre de 1154 à 1189, père de Richard-Coeur-de-Lion et de Jean-sansTerre, fonde le pouvoir royal absolu de la dynastie angevine des Plantagenêt.
Il prend le premier le titre de "King by the Grace of
God" DEI GRATIA REX et estime n'avoir de
comptes à rendre qu'à Dieu. Mais au siècle
suivant, Bracton énonce toutefois sa maxime selon
laquelle le Roi est au-dessus des hommes mais
soumis à Dieu et au droit : Dieu et mon droit est
encore
aujourd'hui
la
devise
figurant sur les armoiries de la
maison royale de Grande-Bretagne.
La question est donc désormais de
savoir qui dit le droit qui s'imposera
au Roi. Au XIIIe siècle, les
successeurs d'Henri II cèdent du terrain aux
barons. Les articles 12 et 14 de la Magna Carta de
1215 stipulent que le Roi Jean doit prendre conseil
de tout le royaume.
‰
La Magna Carta (1215)
La Grande Charte est un contrat de féodalité (réglant les rapports entre un suzerain et
ses vassaux) entre les barons et le roi Jean sans Terre, instable caractériel notoire qui
s'est mis à dos successivement son frère -- dont il a volé la Couronne d'Angleterre --,
puis le Roi de France Philippe-Auguste -- qui lui confisque toutes ses terres françaises
(Bretagne, Normandie, Touraine et Anjou), et enfin le Pape qui l'excommunie. La
dynastie angevine avait imposé en Angleterre une forme d'absolutisme royal qui fut la
source de nombre d'abus, particulièrement dans les relations féodales entre le roi et ses
vassaux, à cause principalement des nombreuses guerres à financer.
La défaite de Jean en France en 1214, dans une vaine mais coûteuse tentative de
reconquérir ses possessions françaises, fut l'occasion pour les barons d'occuper Londres
et de l'obliger à signer à Runnymead une charte prévoyant un meilleur respect de leurs
droits féodaux. Beaucoup d'articles ont un caractère fiscal -- limitant les impôts à ceux
fixés par la tradition, tout impôt extraordinaire devant être approuvé par le Grand
Conseil du Royaume -- ou para-fiscal comme la fixation de poids et mesures. Plusieurs
articles traitent de l'administration de la justice, obligeant le Roi à n'arrêter personne
sauf en conformité d'un jugement légal, préfiguration de l'habeas corpus.
Sean Connery interprète
le rôle de Richard-Coeur-de-Lion,
dans le film
« Robin Hood Prince of Thieves »
Cette charte est certes importante, mais comme plusieurs autres chartes féodales du même style. Elle n'a acquis
son importance symbolique qu'au XVIIe siècle quand Sir Edward Coke l'invoqua contre le despotisme des Stuart.
Depuis lors, on la cite comme le document juridique fondateur de la protection des droits et libertés et de la
démocratie en Angleterre.
En 1236, pour la première fois, une réunion du Grand Conseil des barons prend le nom de Parlement.
‰
Les Provisions of Oxford, (1258)
Arrachées au Roi Henri III par Simon de Montfort, elles prévoient officiellement la convocation trisannuelle de
parlements. En 1265, en plus des barons et des ecclésiastiques, Simon de Montfort invite des chevaliers et des
représentants des villes, préfiguration de la Chambre des Communes.
‰
L'effritement de la royauté absolue et la montée du Parlement
En 1295, Édouard Ier Plantagenêt convoque le Model Parliament, composé des deux archevêques, de 18 évêques,
67 abbés, des chefs des trois ordres militaires, de 7 comtes et 41 châtelains, de plusieurs membres du bas clergé,
de deux chevaliers pour chacun des 37 comtés et de deux représentants (Burgesses) pour chacune des 110 villes.
Le Parlement sert alors de haute cour de justice et entend des pétitions individuelles. Il est une source de droit
mais plus comme cour de justice fixant, comme tout tribunal, la common law que comme législateur proprement
dit comme l'est le roi. Le Parlement consent aux nouveaux impôts directs et c'est là son rôle le plus important au
plan politique : le Roi a en effet besoin d'un consensus social s'il ne veut pas déclencher une révolte fiscale. Ce
pouvoir demeurera le plus important levier de pouvoir du Parlement contre l'absolutisme royal.
Au XIVe et XVe siècles, le Parlement prend une grande importance. Le Parlement se réunit une fois l'an. Le
gouvernement commence à s'appeler The King in Parliament, car le Roi en est le pivot : en effet, il le convoque et
lui donne son ordre du jour. Les grands du royaume commence à s'organiser et se déclarent Pairs du royaume par
principe héréditaire : le contrat féodal disparaît. Le Roi peut également créer des pairies : duc, marquis, comtes,
vicomte, baron, et il existe aussi des Lords Spirituals : les deux archevêques, 18 évêques, et les principaux abbés
et prieurs.
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Chapitre 1
En 1332, les knights et les burgesses, représentants élus des comtés et des villes, s'assemblent pour la première
fois séparément des Lords spirituals and temporals. Cette séparation est définitive et en 1372, leur assemblée
prend le nom de House of Commons, dont le premier président, le Speaker of the House, est élu en 1376. Cette
Chambre des Communes prend le contrôle des taxes indirectes en 1362 et tente par la suite de contrôler les
dépenses royales.
Au milieu du XIVe siècle, les Communes ont acquis le droit de présenter des pétitions mais le Roi peut refuser son
consentement. Les Communes commencent à refuser d'approuver les levées d'impôt jusqu'à ce que le Roi
approuve leurs pétitions. Au XVe siècle, le pouvoir législatif du Parlement est ainsi établi. Le Roi ne le reconnaît pas
encore puisque, forcé de donner son consentement, il n'hésite pas à annuler la législation du Parlement après sa
dissolution en vertu de sa prérogative et il invoque son pouvoir, en cas d'injustice potentielle, de se dispenser de
son application dans les cas individuels ou même de suspendre son application pour un temps indéfini.
Dès le milieu du XVe siècle, la procédure parlementaire en matière législative est acquise et les pétitions du
Parlement sont devenues de véritables Public Bills. Et les privilèges parlementaires sont acquis à la fin du XVe
siècle: le pouvoir de rejeter certains conseillers du Roi (Impeachment), la liberté de parole, le libre accès au Roi par
la voie de son Speaker, l'inviolabilité des membres des Communes. Et l'on combat encore les fraudes électorales
par des textes dont l'efficacité n'est cependant pas certaine.
Au XVIe siècle, la dynastie Tudor fait perdre au Parlement une grande partie de ses pouvoirs. Il est peu convoqué
et irrégulièrement, l'agenda est préparé par les conseillers du Roi qui dirigent également les débats. Les Tudor font
tout pour éviter le contrôle financier du Parlement et édictent de nouvelles formes de taxation : ils inventent ainsi
l'impôt sur le revenu, et continuent d'obtenir de prêts forcés et d'exiger des services féodaux de plus en plus
scandaleux.
Toutefois, le rôle du Parlement dans la légalisation de la rupture avec Rome et de la Réforme et son rôle législatif
de plus en plus affirmé le rendent incontournable. Même Élizabeth Ière avec laquelle le Parlement est en constant
conflit n'arrive pas à réduire son influence.
Au XVIIe siècle, sous la dynastie Stuart, le Parlement prend définitivement l'avantage sur le souverain, par un
contrôle accru de la prérogative royale, grâce à divers textes, dont la Petition of Rights, le Bill of Rights et le Act of
Settlement.
‰
Le Petition of Rights (1628)
Charles Ier a pour principal conseiller le duc de Buckingham et le Parlement craint pour son existence, car les
parlements continentaux sont tous tombés en désuétude : Louis XIII et Richelieu règnent en France. De plus,
l'Angleterre se retrouve par sa faute en guerre à la fois avec la France et avec l'Espagne. Charles a levé une armée
qu'il avait cantonnée chez l'habitant et dont les villes côtières ont dû assurer le transport vers le continent. Charles
a aussi lancé un emprunt forcé et certains membres du Parlement ont été emprisonnés pour refus de le payer. Tout
le pays est en ébullition, mais Charles a en quelque sorte besoin du Parlement pour calmer le jeu. Sir James
Wentworth propose alors au Parlement l'élaboration d'une nouvelle Magna Carta. Ce n'est pas une loi car Charles
aurait refusé sa signature. C'est une pétition que Charles accepte puis renie. Elle interdit l'imposition arbitraire, la
détention arbitraire sans habeas corpus, la loi martiale et le cantonnement privé des troupes.
‰
Le Bill of Rights (1689) et le Constitutional Settlement
Après la révolution britannique de 1649, la dictature de Cromwell, la restauration de Charles II en 1660, Jacques II
Stuart, roi en 1685, veut par la force restaurer le catholicisme en Angleterre : il mate durement certaines
rébellions, nomme des Catholiques à des postes clefs en contravention de la loi du Test, prétend pouvoir se passer
du Parlement et gouverne par proclamations. L'aristocratie protestante invite Guillaume d'Orange, époux de la fille
de Jacques II, à envahir l'Angleterre et restaurer le protestantisme. Jacques II fuit en 1688. L'accession au Trône
de William III (Guillaume d'Orange) et Mary II (Stuart), fille de Jacques II, en 1689 met un terme à la révolution
anglaise, mais le Parlement y mit une condition : l'acceptation du Constitutional Settlement. Une série de lois vont
limiter sévèrement la prérogative royale. Dont le Bill of Rights qui déclare que
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
le Roi ne peut suspendre les lois validement promulguées par le Parlement,
la prérogative royale ne peut s'exercer que dans les limites prévues par des lois du Parlement,
le serment de couronnement contient la promesse de respecter les lois du Parlement,
l'élection des membres du Parlement doit être libre de toute interférence royale,
le Parlement doit être convoqué régulièrement,
toute personne a le droit d'adresser une pétition au Roi sans risquer des sanctions pénales,
sont illégaux :
tous les tribunaux spéciaux -- particulièrement ecclésiastiques -- créés par les prédécesseurs de William and
Mary,
9. tout impôt qui n'a pas reçu l'approbation du Parlement,
10. toute levée d'armée en temps de paix sans l'approbation du Parlement.
11. Le Bill of Rights contient aussi des dispositions en matière d'administration de la justice.
Pour la première fois, le Parlement a "fait" le roi et lui a dicté les limites de son pouvoir.
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Chapitre 1
Le Act of Settlement (1701)
Mary est morte en 1694 et William est mourant. Ils n'ont pas d'enfant. Jacques II, puis son fils Jacques le
prétendant, restent les plus proches parents, mais le Parlement décide d'attribuer la Couronne, d'abord à Anne
Stuart, soeur de Mary, puis à l'arrière-petit-fils de Jacques Ier, le Grand Électeur de Hanovre George 1er qui fonde
l'actuelle dynastie qui prendra le nom de Windsor en 1917 (après la séparation des couronnes de Hanovre et
d'Angleterre en 1837 à l'accession au trône de la reine Victoria). Donc le Parlement fait le Roi. De plus, le Act of
Settlement prévoit :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
que tout futur Monarque doit être protestant, conjoint de protestant et membre de l'Église anglicane,
que le Roi ne peut engager une guerre étrangère sans le consentement du Parlement,
que toutes les délibérations sur la conduite de l'État doivent se tenir au sein du Privy Council (pour éviter
les cabinets secrets),
que les membres de ce dernier doivent être britanniques,
que le roi ne peut nommer personne à la Chambre des Communes.
que les juges sont nommés "during good behaviour" et non "during good pleasure of the Crown" et que
leur salaire est fixé et établi: l'inamovibilité et la sécurité financière des juges, conditions de leur
indépendance, sont instaurées.
Cette loi incorpore tout les gains démocratiques de la souveraineté parlementaire (le régime des partis va naître :
les Tories et les Whigs existent déjà) et de l'indépendance du judiciaire.
Le Roi conserve un large domaine de prérogative, qui ira en s'amenuisant avec les siècles, mais la structure
constitutionnelle de l'Angleterre est enfin clairement une monarchie limitée et contrôlée par un Parlement
souverain. C'est le régime constitutionnel actuel du Canada.
‰
La souveraineté parlementaire moderne
Aux XVIIIe et XIXe siècles, le Parlement acquiert le contrôle du gouvernement par la formation de gouvernements
de cabinet responsables devant la Chambre.
Wellington, en 1829, fait voter une loi affranchissant les Catholiques du serment du test, ce qui leur permet
d'accéder au Parlement et à toute la fonction publique. Lord Grey, en 1832, entreprend une grande réforme
parlementaire qui consacre la suprématie de la Chambre des Communes alors dominée par la bourgeoisie
industrielle. En 1867, le cens est diminué de moitié. En 1884, il est pratiquement supprimé. En 1918, les femmes
obtiennent le droit de vote.
Résultat : le Canada est une monarchie constitutionnelle de droit divin possédant un régime politique de
démocratie parlementaire.
b) Les coutumes et les conventions constitutionnelles
Les pratiques sont excessivement importantes dans ce domaine. Le Canada est une monarchie de droit divin : c'est
par la pratique devenue règle coutumière que le Parlement a son mot à dire dans la conduite des destinées du
Royaume.
Également, le principe du gouvernement responsable est une convention constitutionnelle qui démontre que le
principe de la séparation des pouvoirs ne fait pas partie des dogmes fondateurs de notre système constitutionnel :
officiellement, le législatif contrôle l'exécutif.
De même, mais à l'inverse, la pratique parlementaire de la solidarité ministérielle et partisane veut que seuls les
projets de lois présentés par le gouvernement puissent être adoptés : en fait, l'exécutif contrôle le législatif.
c) Les textes constitutionnels canadiens sur le pouvoir législatif
De nombreuses dispositions de nos lois constitutionnelles traitent du pouvoir législatif.
1.
2.
3.
4.
5.
Pour le Québec, les arts. 71-87 LC 1867.
Pour le Sénat, les arts. 21-36 LC 1867.
Pour la Chambre des Communes, les arts. 37-57 LC 1867.
Il faut y ajouter le partage des compétences : art. 91-95
Et l'art. 133 sur les langues officielles qui limitent la souveraineté de la législature québécoise et du
Parlement.
d) Le pouvoir de modifier la constitution interne
La législature provinciale et le Parlement ont d'abord compétence respectivement sur la constitution interne de la
province et sur la constitution interne du gouvernement fédéral.
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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Chapitre 1
Juridiction
Les législatures provinciales et le Parlement ont le pouvoir d'aménager les institutions politiques de chaque ordre
de gouvernement
1.
2.
9.
Ce sont désormais les arts. 44 et 45 LC 1982 qui l’autorisent.
Les règles relatives à la constitution de l'assemblée législative du Québec sont aux arts. 81-87 LC 1867, ce
dernier article renvoyant aux arts. 44-49 fixant le mode de fonctionnement de la Chambre des
Communes.
Ces règles sont aménageables par notre Assemblée :
Ainsi l'Assemblée législative a changé son nom et aboli le Conseil législatif en 1968 : Loi concernant le
Conseil législatif, SQ 1968 c. 9. Aujourd'hui, l'art. 2 de la Loi sur l'Assemblée nationale, LRQ c. A-23.1,
déclare que le Parlement du Québec se compose du lieutenant-gouverneur et de l'Assemblée nationale et
que ce Parlement assume tous les pouvoirs attribués à la législature du Québec.
De même, elle a abrogé l'art. 80 LC 1867 protégeant certains comtés : Loi concernant les districts
électoraux, SQ 1970 c. 7.
En conséquence, l'art. 71 LC 1867 est en partie caduc et les arts. 72 à 80 le sont complètement.
De même, les arts. 83, 84 et 85 LC 1867 sont aujourd'hui caducs en vertu des dispositions précises de la
Loi sur l'Assemblée nationale.
Ainsi, la durée du mandat de l'Assemblée avait été portée à cinq ans par la Loi sur l'Assemblée nationale
(art. 6). Elle est aujourd'hui limitée à cinq ans maximum par l'art. 4(1) CCDL.
De même, les lois électorales fédérale et québécoise ont aménagé l'exercice de ce droit démocratique.
‰
Limites
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Les arts. 3, 4 et 5 CCDL viennent aujourd'hui limiter les pouvoirs des assemblées en matière de droit de vote,
d'éligibilité, de mandat maximal des assemblées et du nombre annuel minimal des séances. Mais ces limitations
correspondent à la pratique politique et ne viennent rien changer en fait.
1.
2.
Dans l'ordre fédéral, le Parlement ne peut seul toucher
1. aux garanties linguistiques : art 133 LC 1867 et 43 LC 1982,
2. au sénat : art. 42(c) LC 1982,
3. à la cour suprême : art. 41(d) et 42(d) LC1982,
4. aux frontières des provinces : art. 42(e) et (f) et 43 LC 1982.
Dans l'ordre provincial, la législature ne peut toucher seule :
1. aux
garanties
linguistiques
:
art
133
LC
1867
et
art.
43
LC
1982,
(On en a vu un exemple dans l'affaire du Re The Initiative and Referendum Act [1919] AC 935)
2. à la charge de lieutenant-gouverneur : art. 41 LC 1982. (On en a vu un exemple dans l'affaire
du Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba [1985] 1 RCS 721)
e) Les pouvoirs et immunités des parlements
Historiquement, le Parlement britannique a cherché à faire contrepoids à la tentation absolutiste du pouvoir royal.
Pour pouvoir efficacement jouer ce rôle, pour que son action soit libre de toute entrave arbitraire, le Parlement
avait besoin d'une certaine marge de manoeuvre. Il a donc progressivement imposé l'existence d'un certain
nombre de pouvoirs et d'immunités destinés à protéger ses travaux d'une ingérence extérieure. Ces privilèges sont
collectifs, bénéficiant au Parlement comme corps, ou individuels, protégeant chaque parlementaire.
‰
Pour le Parlement fédéral,
L'art. 18 LC 1867 prévoit qu'il a tous les privilèges, immunités et pouvoirs possédés par la Chambre des
Communes britannique en 1867, de même que tous ceux qu'une loi du Parlement canadien peut définir sous
réserve que ceux-ci n'excèdent pas ceux que la Chambre des Communes britanniques possède à l'adoption de
cette loi. La Loi sur le Parlement fédéral reprend cette formule. En fait, en vertu de son pouvoir de modifier la
constitution interne de l'ordre fédéral de gouvernement, le Parlement peut s'attribuer tous les privilèges,
immunités et pouvoirs qu'il souhaite, sauf à respecter la Constitution.
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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Chapitre 1
Pour l'Assemblée nationale du Québec,
La LC 1867 est silencieuse. Mais on a vu que le Privy Council
estimait qu'une législature provinciale est souveraine et
égale, dans son champ de compétence aux parlements
fédéral et impérial. Aussi le Privy Council a-t-il interprété
l'art. 92(1) LC 1867 comme autorisant les législatures
provinciales à légiférer sur leurs privilèges. Dans l'arrêt
Fielding c. Thomas, [1896] AC 600, le Privy Council a déclaré
valide une loi provinciale établissant une immunité civile au
profit de députés ayant voté l'emprisonnement d'un individu
qu'ils avaient reconnu coupable d'outrage à la législature.
L’Assemblée législative du Québec au XVIIème siècle
Mais sans une disposition habilitante du style de celle de l'art. 4 de la Loi sur le Parlement, une législature n'a que
les privilèges qui lui sont accordés statutairement. D'ailleurs, la Loi sur l'Assemblée Nationale du Québec procède
en énumérant les privilèges détenus par l'Assemblée. Et la tradition parlementaire québécoise est assez ancienne
pour suppléer aux éventuelles lacunes.
En matière de privilège parlementaire, un tribunal n'interviendra que si plusieurs conditions sont réunies :
1.
2.
3.
4.
le privilège est prévu par une loi,
l'exercice du privilège affecte des tiers,
la sanction du privilège n'est pas exclusivement laissée à l'assemblée (art. 82 LAN),
la sanction du privilège par le tribunal n'a pas pour effet de contraindre l'assemblée, seule maîtresse de ses
procédures (ex. : on ne peut la contraindre de déclencher une élection).
‰
Les principaux privilèges parlementaires sont :
1.
Tout député bénéficie de la plus absolue liberté de parole et d'une immunité pénale absolue contre
les poursuites prises en vertu des paroles prononcées en chambre. Ce fut, on l'a vu, une des conquêtes de
la Chambre des Communes au cours du XVe siècle. Cette liberté, violée de trop nombreuses fois, est
réaffirmée à l'art. 9 du Bill of Rights de 1689. Au fédéral, elle découle des privilèges de la Chambre des
Communes britannique. Au Québec, elle est prévue à l'art. 44 de la Loi sur l'Assemblée nationale.
Ce privilège s'étend maintenant à la personne qui publie les débats de l'assemblée qui est protégée
contre toute poursuite. Ce principe ne résulte pas d'une coutume politique datant du XVe siècle, mais de
la loi. En effet, une importante décision de la Court of Queen's Bench britannique dans les affaires
Stockdale v. Hansard (1839) 9 A&E 1 (Dicey, 55-58) et R. v. Sheriff of Middlesex (1840) 11 A&E 273. 3
o Hansard est imprimeur du Parlement et a été chargé par une résolution de la Chambre de publier un
certain rapport, la résolution établissant le caractère privilégié de la publication. La publication est
jugée être un libelle et il est condamné pour cela, la Cour déclarant qu'un privilège doit être reconnu
en common law ou statutairement et ne peut être étendu par simple résolution de la Chambre : le
document ne cesse donc pas d'être un libelle par la seule vertu d'une résolution de la Chambre. Par la
suite, le Sheriff, comme il en a le devoir, exécute le jugement et saisit les biens de Hansard. Le
Speaker de la Chambre émet un mandat contre le Sheriff qui est emprisonné sur ordre de la Chambre
pour outrage à la Chambre. Le Sheriff obtient un bref d'habeas corpus, mais les juges de la Court of
Queen's Bench ne peuvent le faire relâcher, estimant qu’ils ne peuvent s'immiscer dans une question
d'outrage à la Chambre, laquelle relève du privilège parlementaire.
o Le Parlement ne porta pas l'affaire en appel mais vota une loi (Parliamentary Papers Act, 1840) par
laquelle toute personne publiant un document sur ordre d'une des deux chambres est protégée contre
toute poursuite. Le Parlement a reconnu par le fait même que cette protection n'existait pas en
common law. Au fédéral, les arts. 7-9 de la Loi sur le Parlement prévoit ce cas. Au Québec, elle est
aujourd'hui prévue à l'art. 48 de la Loi sur l'Assemblée nationale.
Tout député a droit à la liberté de mouvement. Il s'agit là d'une conquête du XVe siècle : le droit de
n'être pas arrêté tant que le Parlement est en séance. Ce qui n'inclut pas une protection contre les
poursuites. Au Québec, cette liberté est aujourd'hui prévue aux arts. 44 à 46 de la Loi sur l'Assemblée
nationale.
Le principe des élections libres est d'abord affirmé au XVe siècle lors de la montée en influence du
Parlement sous la dynastie des Lancaster. Les fraudes électorales sont alors fréquentes et on tente de les
combattre. Avec un succès mitigé puisque l'art. 8 du Bill of Rights de 1689 doit réaffirmer que l'élection
des membres du Parlement doit être libre de toute interférence royale.
o Traditionnellement, la contestation d'élections, les qualités requises pour être parlementaire, la
suspension ou l'expulsion d'un parlementaire sont des matières réservées au Parlement lui-même,
2.
3.
4.
3
Pour un compte rendu plus complet voir http://www.hansard.ca/defam_fr.html
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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6.
7.
8.
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sauf si une loi en confie le contentieux à un tribunal. Au Québec aujourd'hui, la Loi sur la
représentation électorale (LRQ c. R-24.1) garantit ce principe et institue des mécanismes de lutte
contre la fraude électorale.
Une assemblée peut qui a droit de siéger et peut frapper d'exclusion un de ses membres qui contrevient
à ses règles de fonctionnement. Le Parlement fédéral peut expulser toute personne indésirable (ce fut la
cas pour Louis Riel en 1874 et 1875). Au Québec, l'art. 136 de la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit la
sanction des cas de vacances, d'incompatibilité et de conflits d'intérêts.
Une assemblée a plein contrôle sur la procédure parlementaire. Le Parlement fédéral a les plus larges
pouvoirs de régie interne : il peut se saisir de toute question, faire enquête, assigner et contraindre des
témoins à comparaître et à produire des pièces et les interroger sous serment (art. 10-13 Loi sur la
Parlement). La procédure d'adoption des lois est également couverte par ce privilège et les tribunaux ne
contrôlent que les conditions externes de validité telles qu'elles apparaissent dans les registres
parlementaires : vote des deux chambres et sanction royale. L'Assemblée nationale a les mêmes pouvoirs
: art. 9 et 51-53 Loi sur l'Assemblée nationale.
Lorsqu'un privilège est atteint ou lorsque l'assemblée s'estime outragée par un de ses membres ou par un
tiers, elle a le droit d'instituer des procédures punitives et de condamner l'intéressé.
o Le Parlement fédéral a hérité de ce pouvoir de la Chambre des Communes britannique : ainsi dans
l'affaire R. c. Sheriff of Middlesex (1840) 11 A&E 273 que nous allons examiner. L'affaire Fielding c.
Thomas [1896] AC 600 (supra), confirme ce droit pour les législatures provinciales. L'art. 137 de la
Loi sur l'Assemblée nationale déclare explicitement le droit de l'assemblée de sévir contre un député.
Les tiers ne peuvent donc être poursuivis que devant les tribunaux ou par une loi spéciale de
l'assemblée (comme cela s'est vu en 1922 : Brun/Tremblay, 314).
Notons enfin le droit d'entendre des pétitions individuelles qui existe en common law et qui est
confirmé, pour l'Assemblée nationale du Québec, par l'art. 21 CDLPQ, lequel est une réminiscence du Bill
of Rights de 1689.
En 2005 la Cour suprême a rendu une rare décision portant sur les privilèges parlementaires Canada
(Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30, la CSC. Vaid, le chauffeur du président des Communes,
a été congédié. Il a intenté un recours devant la Commission canadienne des droits de la personne
invoquant discrimination. La Chambre et son président ont contesté la compétence du tribunal des droits
de la personne, affirmant que le pouvoir du président d’embaucher, de gérer et de congédier les employés
était
protégé
par
un
privilège
et
échappait
à
tout
examen
externe.
Dans cet arrêt la cour a énoncé les critères devant servir à décider de l’existence ou non d’un
privilège parlementaire. Pour décider si un privilège dont jouiraient le Sénat ou la Chambre des
communes existe, il faut déterminer si la catégorie et l'étendue du privilège ont été établies
péremptoirement soit au Canada ou à la Chambre des communes de Westminster. Si oui, ce privilège doit
être reconnu. Si non, il faut déterminer si le privilège réclamé satisfait au critère de nécessité — qui
sert d’assise à tout privilège parlementaire. Il faudra alors démontrer que la sphère d’activité à l’égard de
laquelle le privilège est revendiqué est si étroitement et directement liée à l’exécution de leurs fonctions
d’assemblée législative et délibérante, qu’une intervention externe saperait l’autonomie dont l’assemblée
ou le membre ont besoin pour accomplir leur travail dignement et efficacement. Une fois le privilège
établi, la Cour ne doit pas se prononcer sur le bien-fondé de son exercice dans un cas particulier. La CSC
a décidé que le privilège invoqué n’existait ni en droit canadien, ni en droit anglais et qu’il ne répondait
pas au critère de nécessité.
1.2.3 Le pouvoir exécutif.
a) Définition des termes
Copié sur le Conseil privé britannique, le Conseil privé canadien existe en vertu de l'art. 11 LC 1867. C'est un
organisme d'une centaine de personnes nommées à vie qui ne se réunit qu'une ou deux fois par année
protocolairement et n'a pas de fonction officielle réelle sauf à servir de réservoir de conseillers aux membres du
gouvernement. Il comprend tous les ministres et anciens ministres fédéraux, les présidents des deux chambres, le
juge en chef du Canada, les premiers ministres provinciaux.
Seule une fraction du Conseil privé exerce la réalité du pouvoir : le
Cabinet. Son existence n'est prévue par aucune loi. Il est composé de
l'ensemble des ministres en exercice et il est dirigé par le premier
ministre. Le Cabinet constitue ce que l'on appelle, en langage courant, le
gouvernement. À l'intérieur du Cabinet, un Comité des priorités réunit le
Premier ministre et les ministres les plus importants.
Le pouvoir exécutif est officiellement exercé par le Gouverneur général
en Conseil. Pour respecter la lettre et l'esprit de cette formule, le
gouvernement fait signer de nombreux documents par le Gouverneur
général et le Cabinet est constitué en comité du Conseil privé.
Cabinet de William Gladstone (c. 1881)
Au Québec, le Cabinet s'appelle le Conseil exécutif qui avait été créé par l'Acte constitutionnel de 1791 et son
existence est aujourd'hui prévue à l'art. 63 LC 1867. Cet article prévoit quels en sont les membres, mais, en vertu
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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du pouvoir de modifier sa constitution interne, le parlement du Québec a pu modifier cette composition (encore
qu'en substance, les personnes qui y sont nommées s'y retrouvent aujourd'hui) qui est désormais prévue à la Loi
sur l'exécutif. Il existe en son sein, comme au fédéral, un Comité des priorités. Le Conseil des ministres est la
réunion hebdomadaire du Conseil exécutif.
b) Les origines historiques du gouvernement.
C'est le Act of Settlement de 1701 qui consacre le rôle du Parlement; le régime des parties commence puisque les
Whigs et les Tories existent déjà. On cherche alors à lutter contre les conseillers occultes qui dirigent sans être
membres du Privy Council : les cabinets sont suspects. Pourtant ils sont inévitables, tant le Privy Council est une
institution lourde à manier. Plutôt que leur suppression, on cherchera, au XVIIIe siècle, leur contrôle.
Le XVIIIe siècle est en effet celui de l'institutionnalisation du régime parlementaire que nous connaissons
aujourd'hui. Le XIXe siècle est celui de l'effacement progressif de la Couronne et de la réduction de sa prérogative.
Dès 1717, George Ier, Roi depuis 1715, cesse d'assister aux réunions de son cabinet : il ne parle pas anglais et ne
comprend rien. Ses successeurs n'y assisteront plus que rarement. Walpole devient First Lord of the Treasury en
1720 et il développe les quatre principes du cabinet governement : la solidarité ministérielle, le privilège du
gouvernement sur les propos tenus en réunion du cabinet, la direction unique du cabinet par celui que l'on
appellera plus tard le Premier ministre, et dont il inaugure le pouvoir à partir de sa position de contrôleur financier,
et finalement la confiance de la Chambre, ce qui suppose, depuis l'avènement des partis, que les ministres soient
issus du parti majoritaire en Chambre. En 1742, il démissionne car il n'a plus la confiance de la Chambre des
Communes. C'est la première fois, et désormais le premier ministre doit commander tant la confiance de la
Chambre que celle du roi (jusqu'à ce que celle-ci soit superflue).
Lord North, First Lord of the Treasury en 1770, soutient la politique autoritaire de George III qui déclenche la
Révolution américaine, soulève les Irlandais, et provoque une crise économique. À sa démission en 1782, le Roi
doit accepter une réduction de l'influence royale dans les affaires du gouvernement : une paix est signée avec les
États-Unis, les Irlandais retrouvent une certaine autonomie, ... Mais surtout le Cabinet prend désormais seul des
décisions qu'il met en oeuvre seul. Le roi proteste contre cette nouvelle pratique, mais elle s'impose.
Suite à une longue bataille parlementaire et électorale, William Pitt devient First Lord of the
Treasury en 1784 à 24 ans et le reste, avec une interruption de trois ans, jusqu'en 1806. Il
est considéré comme le Premier ministre moderne. Il réorganise l'État en créant, dans tous
les ministères, des commissions d'enquête dont il suit les avis. Il invente le Fonds consolidé
du Revenu qui regroupe tous les revenus de l'État et à partir duquel toutes les dépenses
sont payées : cela nous sert encore aujourd'hui.
Tous les First Lords of the Treasury qui lui succéderont (Liverpool, Wellington, Grey, Peel)
continueront d'accorder beaucoup d'importance à la cohésion du Cabinet et du parti
majoritaire sous la direction d'un chef unique et incontesté, sans y parvenir toujours.
William Pitt
Le premier ministre est donc toujours celui qui contrôle la Chambre. Mais le roi conserve la prérogative de nommer
le premier ministre, et en cas d'incertitude, il nomme encore parfois qui bon lui semble (comme Gladstone en
1880). Ce n'est que plus tard, au tournant XXème du siècle, lorsque les partis se figent dans leur discipline, qu'une
convention constitutionnelle vient restreindre définitivement le choix du Roi au chef du parti majoritaire.
D'ailleurs, le parti qui n'est pas au gouvernement prend le nom d'Opposition et la phrase "Her Majesty's Loyal
Opposition" apparaît en 1826. L'existence du shadow cabinet date d'environ 1870.
Après la mort de George III en 1820, les rois et reines n'interviennent plus ouvertement dans la politique
gouvernementale. Le rôle modéré joué par Victoria, reine de 1837 à 1901 et modèle de bourgeoisie conservatrice,
est un important facteur de stabilisation institutionnelle : désormais le monarque est un conseiller du
gouvernement, conseiller parfois écouté.
C'est en 1905 que le First Lord of the Treasury devient officiellement le Premier Ministre. Mais son existence n'est
statutairement reconnue qu'en 1937, par le Ministers of the Crown Act, qui consacre la fonction traditionnelle et le
nouveau titre.
c) les caractéristiques du gouvernement
De cette introduction historique, on peut tirer les caractéristiques du gouvernement moderne.
‰
Monarchie constitutionnelle
•
Le monarque n'agit qu'avec l'avis et le consentement de son cabinet. C'est le rôle assigné au "Gouverneur
général en Conseil".
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‰
Gouvernement responsable devant le Parlement : il doit avoir sa confiance.
1.
2.
3.
Les ministres doivent être choisis dans le Parlement.
Le gouvernement doit démissionner s'il est battu sur une question de confiance.
Cette responsabilité est collective. La solidarité ministérielle exige que tout le ministère démissionne.
‰
Exercice de la prérogative royale (résiduaire).
d) Les privilèges et immunités du gouvernement
‰
En chambre
1.
2.
3.
4.
Il a la conduite des affaires et décide de l'ordre du jour et du menu législatif
Il a seul l'initiative des projets de loi à implications financières (art. 54 LC 1867)
en cabinet
Le principe de la solidarité ministérielle implique le secret des délibérations du cabinet. Seule est
transmise au public l'information qui a l'approbation de l'ensemble du cabinet. Les ministres sont donc
invités, par le serment qu'il prête avant d'entrer en fonction, à taire leurs états d'âme ou à démissionner.
Le principe du secret des délibérations commande aussi une immunité judiciaire en faveur des
documents gouvernementaux.
5.
•
Dans une série d'arrêts des années 1980, la Cour suprême du Canada a posé les limites de cette
immunité, en précisant que le tribunal doit juger dans chaque cas de l'existence de l'immunité en se
fondant sur les facteurs suivants : la pertinence des documents aux fins de la cause, l'importance du
niveau gouvernemental impliqué, l'importance relative de l'intérêt public à protéger par rapport à l'intérêt
privé en cause, l'exclusion automatique, sans que le tribunal en prenne connaissance, des documents
relatifs à la sécurité nationales ou aux relations diplomatiques, ... Voir : Smallwood c. Sparling, [1982] 2
RCS 686, Carey c. Ontario [1986] 2 RCS 637, Nouvelle-Écosse (procureur général) c. Nouvelle-Écosse
(Royal Commission into Marshall Prosecution) [1989] 2 RCS 788. Au Québec, l'art. 308 CPC entérine cette
jurisprudence. Au fédéral, l'art. 39 de la Loi sur la preuve au Canada oblige le tribunal à se soumettre à
une décision d'un ministre ou du greffier du Conseil privé sur la confidentialité d'un "renseignement
confidentiel du Conseil privé" auquel ne s'applique pas la Loi sur l'accès à l'information (voir son art. 69).
‰
Dans la conduite des affaires de l'État
"The King can do no wrong" -- Voir le chapitre sur la primauté du droit.
1.2.4 Le pouvoir judiciaire.
a) Les origines historiques des tribunaux
Les anglo-saxons, avant 1066, ont un système judiciaire déjà élaboré. Ainsi la règle selon laquelle la charge de
la preuve pèse sur celui qui affirme existe. Celui qui ne se présente pas au tribunal est déclaré "outlaw" et il peut
être tué par quiconque. Les procès par ordalie sont fréquents Le Witan peut entendre les plaintes qui lui sont faites
par les grands du royaume. Le roi peut gracier.
Les Normands, après l'invasion de Guillaume le conquérant de 1066, respectent et développent ce système. La
Curia Regis reprend les fonctions du Witan. Mais le roi est désormais considéré comme la source de toute justice
"the Fountain of Justice". Et on peut faire appel d'une décision locale ou seigneuriale à la Curia Regis, car le Roi a le
devoir d'assurer la justice. Ce devoir est pour lui une source de contrôle des faits et gestes de chacun dans un
Royaume où les troubles sont fréquents : par une fiction juridique pré-normande, tout criminel peut être accusé,
en plus du crime précis, d'avoir brisé la paix du Roi, ce qui donne alors compétence à la justice royale.
Le Roi commence également à envoyer des juges itinérants pour rendre justice dans tout son royaume. Cette
pratique trouve son origine dans des enquêtes concernant la propriété des terres, dont le Domesday Book est le
plus célèbre exemple. Elles se développent en véritables commissions d'enquêtes, auxquelles se joindront des jurys
pour les transformer en véritables cours d'assises.
Les tribunaux d'avant la conquête demeurent : la cour seigneuriale ou locale pour les litiges privés ou locaux, la
cour de comté lorsque sont impliqués des ressortissants de plusieurs seigneuries. Cette cour de comté est présidée
par le Sheriff qui est aussi l'agent du roi dans le comté (le préfet de région).
À la fin du XIIe siècle, Henri II effectue des réformes qui sont à l'origine de pratiques judiciaires courantes
encore aujourd'hui.
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Chapitre 1
Il généralise l'usage du writ, qui est seulement un ordre du roi et qu'il vend aux particuliers contre paiement
d'une taxe pour que ceux-ci puisse convoquer l'autre partie en cour : le writ devient rapidement le meilleur
moyen d'obtenir justice et il nous sert encore, le plus connu étant le writ d'habeas corpus.
Il généralise aussi l'usage du jury pour remplacer l'ordalie, le jugement par les pairs devenant rapidement
synonyme de protection des libertés civiles.
Il établit encore des circuits parcourus par des juges itinérants, circuits qui se fixent au XIIIe siècle.
La justice criminelle est entièrement devenue justice royale du fait du bris de la paix du Roi dont chacun
doit pouvoir jouir. Les éléments institutionnels fondateurs de la common law sont en place.
À la fin du XIIe siècle encore, alors que la Exchequer Court, chargé du contentieux fiscal, est déjà presque
indépendante, la Curia Regis donne naissance à des sous-comités spécialisés dans l'audition des affaires juridiques,
qui se transforment, vers 1234, en Court of Common Pleas et en Court of King's Bench, dotée chacune vers 1270
d'un juge en chef. La première est chargée d'entendre les questions de propriétés entre particuliers et les actions
personnelles non criminelles, et supervise de plus les county courts et les tribunaux locaux. La seconde est
responsable des questions comportant atteinte à un intérêt royal, donc tout le contentieux criminel, et il agit en
cassation des décisions des deux autres cours, particulièrement sous la forme des prerogative writs : habeas
corpus, prohibition, quo warranto, mandamus, certiorari.
Ces trois cours de common law et les procédures qui leur sont attachées demeureront quasi inchangées jusqu'au
XIXe siècle et de nombreux traits en sont encore présents dans le droit canadien.
Au XVe siècle, la High Court of Parliament devient la Cour d'appel général, au dépend du Conseil du Roi. Mais
surtout la Court of Chancery commence à juger en equity, comme cour de conscience jugeant chaque cas selon
son mérite sans se préoccuper, au départ, des précédents, et permet donc d'éviter les common law courts qui se
sont ossifiés sur leurs formalités procédurales initiales et provoquent de nombreuses injustices. Ainsi, à côté du
système de droit de propriété que la common law garde jalousement, la Chancery accepte de reconnaître les
hypothèques et les ancêtres des trusts, des fiducies. De même, à côté des dommages-intérêts qui est la seule
compensation en common law, la Chancery invente l'injonction. Ou encore, elle permet la convocation et l'audition
orale de témoins et utilise l'anglais courant pour ses procédures.
De même, les pouvoirs des juges de paix datent de cette époque. Volontaires bénévoles, ils deviennent
progressivement les gardiens de la paix, de l'ordre et du droit dans leur localité, et se voient reconnaître une large
compétence, tant judiciaire qu'administrative, dans toutes les matières locales et de peu d'importance. Dans les
villes, par la suite, un Recorder sera nommé pour faire office de juge de paix. On les appellera aussi magistrates
courts.
L'enquête préliminaire en matière criminelle, qui existe toujours, date de deux lois de 1554 et 1555.
‰
L' Act of Settlement de 1701 et l'indépendance des juges
Cette loi prévoit que les juges sont nommés "during good behaviour" et non
"during good pleasure of the Crown" : l'inamovibilité des juges, condition de
leur indépendance, est instaurée. Cette protection a pour effet de procurer à la
profession judiciaire la confiance et l'indépendance nécessaires à un exercice
consciencieux de ses tâches : le XVIIIe siècle est celui des premières garanties
judiciaires en faveur des libertés individuelles.
Au XIXème siècle, les grandes réformes judiciaires surviennent. Les juges de
paix se voient enfin préciser leurs fonctions, qui se limitent au système
judiciaire criminel de petite importance. La Court of Chancery s'est rigidifiée
depuis cinq siècles qu'elle existe : les faits de la cause importent moins que les
précédents, les contrats qu'elle autorisait sont appliqués à la lettre, quelles que
soient les circonstances particulières de l'affaire, ... Et deux systèmes
judiciaires appliquant deux systèmes juridiques aux mêmes causes coexistent.
Ce qui paraît absurde.
Court of Common Plea Westminster
Hall(1808)
En 1832, un writ unique est adopté pour toutes les actions personnelles pour les trois cours de common law. Il est
adressé au défendeur et non au sheriff et l'absence du défendeur ne le rend plus outlaw. En 1860, ce writ est
rendu applicable aux actions réelles. En 1852,1854 et 1860, la procédure de common law est considérablement
simplifiée et débarrassée de toutes les fictions archaïques qui s'étaient accumulées et cette réforme commence à
permettre aux cours de common law d'accorder les recours disponibles en equity, comme l'injonction, et de
recourir aux moyens de preuve disponibles en équité, comme l'interrogatoire de témoins ou le dépôt de
documents. En matière civile, il est désormais permis au juge de common law de siéger seul sans jury, comme en
Chancery, ce qui devait devenir la règle. Entre 1830 et 1850, le processus inverse se produit pour la Chancery, qui
se voit accorder le droit de condamner à des dommages, ou celui d'utiliser des jurys, ... En 1846, un système
général de county courts est instauré avec compétence sur toutes les questions civiles et locales de peu
d'importance.
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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PIERRE MACKAY
‰
JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007
Chapitre 1
Les Judicature Acts de 1873 et 1875:
Ces lois vont tout changer. Les cours de common law, la Chancery et de nombreux autres tribunaux mineurs sont
fondus en une seule Supreme Court of Judicature divisée en une High Court et une Court of Appeal. Les divisions
administratives de la High Court continuent de s'appeler, par commodité, Chancery, Queen's Bench, (qui regroupe
en plus les compétences des anciennes Exchequer et Common Pleas) et Probate, Divorce and Admiralty (Cour
jugeant des questions gouvernées par le droit civil ou le droit canon plus que par la common law : wills, wives and
wrecks -- héritages, épouses, épaves). Et la Court of Queen's Bench devient le grand tribunal de première
instance, chargé de plus de la surveillance des tribunaux inférieurs et administratifs.
Et les règles de common law et d'equity sont fondues en un seul corps, disponibles
devant tous les tribunaux. Les juges doivent choisir celles qui sont les plus appropriées
à la cause et les règles d'equity ont prépondérance en cas de conflit.
La procédure est considérablement simplifiée. Ainsi, par exemple, le writ d'introduction
d'instance devient un simple formulaire que l'on obtient contre paiement d'une petite
taxe et n'est qu'un ordre de la Reine fait au défendeur de se présenter devant le
tribunal dans les huit jours.
En 1876, le Appellate Jurisdiction Act maintient la House of Lords comme tribunal
d'appel ultime, mais professionnalise son personnel en créant des postes de Law Lords,
qui sont nommés à vie et non de façon héréditaire. Tout appel est sur permission, la
cause devant soulever une question de droit d'intérêt général. Cette loi complète
également la réforme, commencée en 1833, des attributions judiciaires du Judicial
Committee of the Privy Council, reste de la prérogative royale en matière judiciaire.
Juges et avocats au Judicial
Committee of the Privy Council
avec Earl of Marlsbury (c. 1891)
De cette structure est issue celle de nos tribunaux canadiens et québécois contemporains. Les noms des anciennes
cours nous sont parvenus, leur procédure est encore en vigueur malgré de nombreuses simplifications, la
protection et l'importance sociale des juges demeurent.
b) Les caractéristiques contemporaines du système judiciaire canadien
‰
Les arts. 96 à 101 LC 1867 traitent de la judicature, soit de notre système
judiciaire. Ils prévoient :
1.
2.
la nomination par le gouvernement fédéral des juges des cours supérieures et de comté,
que ces juges seront choisis parmi les membres du Barreau de chaque province, particulièrement au
Québec,
que les juges restent en fonction durant bonne conduite, sauf adresse des deux chambres du Parlement et
retraite à 75 ans,
que la rémunération des juges est fixée par le Parlement,
que le Parlement peut créer une cour générale d'appel et des tribunaux additionnels.
3.
4.
5.
L'art. 92.14 LC 1867 prévoit pour sa part que la législature provinciale a compétence sur l'administration de la
justice, "y compris la création, le maintien et l'organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant
juridiction civile et criminelle". La province peut donc créer des tribunaux inférieurs.
‰
Unicité et intégration du système judiciaire
1.
2.
Aucune division fonctionnelle entre justice constitutionnelle, pénale, administrative et civile.
Aucune division fédérative selon les frontières de la répartition des compétences législatives. Une seule
cour d'appel ultime entend les appels de tous les tribunaux : la Cour suprême du Canada. Et, sauf pour les
affaires affectant la Couronne fédérale, un seul tribunal de première instance juge des affaires de droit
provincial et fédéral.
‰
La distinction entre cour supérieure et tribunal inférieur
Cette distinction est fondée sur les attributions du tribunal. Si la common law accorde au tribunal une compétence
générale résiduaire et le pouvoir de surveillance des tribunaux inférieurs, c'est une cour supérieure. Si le tribunal
n'a qu'une compétence d'attribution déterminée par une loi, c'est une cour inférieure.
Au Québec, les cours supérieures sont :
1.
la Cour supérieure,
2.
la Cour d'appel et
3.
la Cour suprême du Canada.
Les principales cours inférieures sont
1. la Cour fédérale
2. la Cour du Québec (chambres
jeunesse et expropriation) et
3. les Cour municipales
civile,
criminelle,
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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PIERRE MACKAY
‰
1.
2.
3.
JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007
Chapitre 1
Les caractéristiques d'une cour supérieure sont
Une cour supérieure a un pouvoir de réforme et de surveillance sur les tribunaux inférieurs et sur leurs
décisions. Il faut noter que les cours supérieures des provinces n'ont pas un pouvoir de surveillance sur les
décisions de la Cour fédérale en raison du principe fédéral et du partage des compétences législatives.
Les cours supérieures ont des pouvoirs inhérents : juger de la constitutionnalité des lois et règlements, se
prononcer sur les outrages au tribunal hors cour, ...
La Cour supérieure relève des deux ordres de gouvernement par les arts. 92(14) et 96 LC 1867 et aucun ne
saurait seul l'abolir. La Cour suprême est aussi désormais protégée par les arts. 41 et 42 LC 1982.
L'arrêt Sobeys est le plus récent d'une longue liste de décisions portant sur les tentatives provinciales de
rationaliser le système judiciaire et administratif dans des domaines sociaux complexes, comme les relations de
travail (Crevier : tribunal des professions du Québec) ou le logement (Grondin : Régie du logement du Québec).
Mais les cours ont toujours tenté de protéger la compétence des cours supérieures, seules à voir leur indépendance
institutionnelle constitutionnellement enchâssée, des empiétements trop flagrants des tribunaux inférieurs, dont les
conditions d'indépendance ne sont pas aussi protégées.
Ces principes ont été exposés et appliqués dans l’arrêt Sobeys Stores c. Yeomans [1989] 1 RCS 238. À retenir :
‰
Les étapes du raisonnement judiciaire (test de l'arrêt Sobeys):
A. Volet historique. La compétence du tribunal provincial correspond-elle généralement à une compétence -étroitement interprétée -- exercée par les cours supérieures, de district ou de comté au moment de la
Confédération?
1.
2.
3.
Il faut d'abord définir étroitement la compétence des cours supérieures de 1867 sur laquelle il pourrait être
empiété.
Il faut déterminer ensuite si cette compétence des cours supérieures de 1867 était exclusive ou quasiexclusive. Elle ne sera partagée que si les tribunaux provinciaux de 1867 possédaient un engagement général
partagé dans le domaine de compétence, selon des limitations géographiques, matérielles ou pécuniaires.
Il faut enfin, pour évaluer ces compétences, se placer en 1867 dans les provinces qui ont adhéré initialement
au pacte confédératif, et, à défaut de conclusions claires, au Royaume-Uni à la même époque.
B. Volet judiciaire. La fonction du tribunal provincial, dans son cadre institutionnel, est-elle une fonction
judiciaire?
1.
2.
Le tribunal est-il appelé à trancher un litige privé?
En fonction d'un ensemble reconnu de règles et d'une manière conforme à l'équité et à l'impartialité?
C. Volet institutionnel. En examinant la fonction globale du tribunal provincial afin d'évaluer, dans tout son
contexte institutionnel, la fonction attaquée, les pouvoirs judiciaires sont-ils simplement complémentaires ou
accessoires aux fonctions administratives générales attribuées au tribunal ou nécessairement inséparables de la
réalisation des objectifs plus larges de la législature?
1.
Le contexte social a-t-il évolué depuis la Confédération?
2.
Le cadre administratif global est-il très différent de la pratique des cours?
Sur cette question il faut remarquer que Juge Dickson, dans le Renvoi sur la location résidentielle, cite Hogg pour
affirmer que la séparation institutionnelle des pouvoirs n'est pas un principe constitutionnel canadien (mauvaise
traduction : bien que les deux versions soient considérées comme originales ayant la même valeur, voir la version
originelle anglaise). La claire dissidence de trois juges, non sur le fond, mais sur la méthode, sur l'application du
test : la compétence en cause est trop différente de tout ce qu'une cour pouvait faire en 1867, car la philosophie
sociale et politique est trop éloignée.
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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PIERRE MACKAY
JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007
Chapitre 1
Les faits ont pris naissance dans un magasin de la chaîne de
supermarchés Sobey’s de Nouvelle-Écosse, lorsque M. Yeomans,
employé congédié, a porté plainte au Directeur des normes du travail
de la Nouvelle-Écosse pour congédiement "sans cause juste" aux
termes du Labour Standards Code.
‰
Le test de l’arrêt Sobeys
non
1. VOLET HISTORIQUE : le pouvoir exercé par le tribunal
appartenait -il exclusivement à la Cour supérieure en 1867?
oui
2. VOLET JUDICIAIRE : la fonction exercée par le tribunal
est-elle un fonction judiciaire ?
2.1 Le tribunal juge -t-il un litige privé entre des parties?
oui
2.2 La décision est -elle fondée sur l’application de règles
connues (plutôt qu’une décision d’opportunité)
non
non
oui
2.2 La décision doit -elle rendue conformément à l’équité et
l’imparti alité?
non
oui
3. VOLET INSTITUTIONNEL : les pouvoirs du tribunal dans le
con texte institutionnel, sont -ils simplement complémentaires
ou accessoires de ses fonctions administratives générales
(i.e. inséparables de la réalisation de ses objectifs plus larges)?
T
R
I
B
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N
A
L
T
R
I
B
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A
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V
A
L
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I
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V
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L
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oui
non
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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PIERRE MACKAY
JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007
Chapitre 1
L'indépendance des juges
1.
2.
3.
Cette indépendance est assurée par leur nomination "durant bonne conduite" et leur rémunération par le
Parlement et non par le gouvernement.
L'indépendance des juges est désormais un principe constitutionnel formel puisque l'art. 11(d) CCDL exige
que tout inculpé soit jugé par un tribunal indépendant et impartial et que l'art. 7 CCDL exige que le droit à
la vie, la sécurité et la liberté ne puisse être atteint qu'en conformité avec les principes de justice
fondamentale, au nombre desquelles l'impartialité du tribunal figure.
Leur sécurité financière est un élément de cette indépendance. Les juges des cours supérieures sont payés
à même le trésor fédéral ou le fonds consolidé du revenu provincial et non à partir d'une enveloppe
budgétaire et la révision de leur traitement est effectuée triennalement (Loi sur les Juges, LRC c. J-1, art.
26, 53; Loi sur les tribunaux judiciaires, LRQ T-16, art. 115, 124, 127).
Les affaires Valente et Beauregard ont bien traité de cette question. De l’arrêt Valente c. La Reine [1985] 2 RCS
673 il faut retenir:
•
•
Distinction indépendance individuelle (inamovibilité, sécurité financière) et indépendance institutionnelle
(contrôle des décisions administratives affectant directement l'exercice des fonctions judiciaires).
Il faut à la fois être indépendant et être perçu comme indépendant : Justice must not only be done, it
must be seen to be done.
Confiance manifeste envers les juges.
‰
Stérilisation politique des juges
•
c) Les privilèges et immunité des juges de la magistrature
‰
Immunités de common law
1.
Immunité contre toute poursuite civile d'un juge pour un acte posé dans l'exercice de ses fonctions.
Immunité absolue. Valable pour les juges des cours inférieures, puisque l'art. 1 de la Loi sur les privilèges
des magistrats, LRQ c. P-24, le stipule.
Les juges ne peuvent être contraints de témoigner des raisons de leurs décisions.
Mais les Conseils canadien et québécois de la magistrature peuvent enquêter (Art. 63(2) Loi sur les juges;
Art. 263-266 Loi sur les tribunaux judiciaires)
2.
3.
‰
1.
2.
3.
Droit de condamner pour outrage au tribunal
Le pouvoir de condamner pour outrage au tribunal relève de la compétence inhérente des cours
supérieures,
Tout autre tribunal statutaire doit se les voir conférer expressément par la loi et la plupart des tribunaux
administratifs ou quasi judiciaires ne sont pas habilités à exercer cette forme de contrainte.
Toutefois, la jurisprudence a reconnu qu'un tel tribunal peut demander l'aide d'une cour supérieure qui,
elle, a compétence pour assigner le témoin devant le tribunal administratif.
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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PIERRE MACKAY
1.3
JUR2515 DROIT CONSTITUTIONNEL édition 2006-2007
Chapitre 1
LES RELATIONS ENTRE LES TROIS POUVOIRS
Les grands pouvoirs identifiés par Montesquieu, le législatif, l’exécutif et le judiciaire entretiennent au Canada
des relations complexes, marquées par leur évolution historique.
1.3.1 La domination de fait et de droit de l'exécutif.
a) Le gouvernement contrôle le chef de l'État qui n'agit qu'avec son avis et son
consentement.
b) Le gouvernement contrôle le législatif
VOIR Dawson, R.M., The Government of Canada, p. 13 et ss
•
•
•
Gouvernement responsable et discipline de parti
Initiative des projets de loi et contrôle de la procédure
Accroissement de la législation déléguée en faveur du gouvernement
c) Le gouvernement exerce une forte influence sur le judiciaire
•
•
•
•
•
•
•
au niveau institutionnel, les gouvernements créent les tribunaux par les lois qu'ils font voter.
au niveau judiciaire
nomination directe des juges par l'exécutif : pratiques partisanes (Voir Bouthiller et Ouellette, Sur la
stérilisation politique des juges, 1973-74 RJT).
pressions possibles sur les juges "récalcitrants"
au niveau administratif
nomination et destitution selon "bon plaisir"
pratiques douteuses et arbitraires
1.3.2 Le contrôle judiciaire de la légalité des actes législatifs et exécutifs
Voir le chapitre 6
1.4
CONCLUSION : L'émergence de nouveaux pouvoirs.
Les trois grands pouvoirs identifiés par Montesquieu, le législatif, l’exécutif et le judiciaire n’épuisent
évidemment pas la liste de tous les pouvoirs qui existent au sein d’une société. Ces trois pouvoirs constituent
l’essentiel des pouvoir juridiques qui s’exercent dans un État de droit moderne, mais de nombreux autres
pouvoirs existent dans la société civile, dont plusieurs ont une influence déterminante. Pensons en particulier
aux pouvoirs de la Presse et des moyens de communication dont l’existence même est garantie par l’article 2
de la Loi constitutionnelle de 1982 :
2.
Chacun a les libertés fondamentales suivantes :…
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression,
y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication
Les phénomènes de mondialisation et les développements du droit international, en particulier par les grands
traités et les grandes organisations à caractère économique, tel l’ALÉNA, la Banque mondiale et l’OMC limitent
aussi effectivement la souveraineté interne traditionnelle des États et modifient parfois les règles du droit
interne, sans l’intervention des institutions démocratiques constitutionnelles.
SUITE au CHAPITRE 2
AVERTISSEMENT : le présent texte constitue les notes de cours du professeur Pierre Mackay, destinées à l'usage exclusif des étudiants inscrits à ses cours et ne doivent pas être citées ni utilisées à d'autres fins sans sa permission.
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