« Nul n`est prophète en son pays ». L`expression populaire reprend

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« Nul n`est prophète en son pays ». L`expression populaire reprend
Homélie du 14ème dimanche du temps ordinaire B, 8 Juillet 2012 Lambersart, Sainte Thérèse et St Calixte. « Nul n’est prophète en son pays ». L’expression populaire reprend le propos de Jésus dans l’Evangile que nous venons d’entendre. Elle a perdu toute connotation religieuse et réduit le prophète à celui qui voit clair, dérange, bouscule les situations acquises et l’enfermement dans des façons de faire dont beaucoup se sont accommodés. En cela elle est assez fidèle à la conception biblique du prophète. Elle omet cependant de dire que le prophète parle au nom de Dieu, qu’il ne cesse d’avoir en perspective le projet de Dieu. Voilà ce que les lectures de ce dimanche nous rappellent avec force : le prophète authentique n’est pas à son compte, pas davantage à la solde d’un roi ou des puissants de ce monde, confortant les options dominantes et justifiant au nom de Dieu des décisions bien contestables. Le prophète est un homme libre, saisi par Dieu, bouleversé par la Parole qu’il transmet à temps et à contre temps. Dans l’écoute et la prière, le prophète s’est laissé façonner par Dieu ; il a épousé les vues de Dieu, acquis une intelligence des événements qui lui permet de discerner la volonté de Dieu. Voilà pourquoi le prophète est souvent dans une situation inconfortable. Gênant, impertinent, le prophète dérange, conteste l’ordre établi, déstabilise les pouvoirs en place. Voilà pourquoi, il est souvent menacé, persécuté, parfois même tué. Jésus s’inscrit volontiers dans la lignée des prophètes. Sa parole fait autorité. Elle manifeste une sagesse qui étonne ses compatriotes. Elle se voit confirmée par de grands miracles qui se réalisent par ses mains. Néanmoins, l’origine divine de sa mission n’apparaît pas clairement. « D’où lui cela lui vient‐il ? Cette sagesse, cette autorité, ce pouvoir de guérir ? Jésus étonne, plus encore, il choque et lui‐même est étonné du manque de foi qu’il rencontre. Car elle est bien là la clé qui permet de comprendre la vocation insolite du prophète, dans le lien privilégié qu’il entretient avec Dieu, un lien si fort qu’il lui permet de passer outre les oppositions auxquelles il doit faire face et même de ne pas opposer de résistance à la persécution qui le conduira à la Croix. L’apôtre Paul fait la même expérience: « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse….Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Frères et sœurs, ces belles histoires de prophètes ne concernent pas seulement Ezékiel, Paul ou Jésus. Elles nous concernent tous aujourd’hui. Ne sommes‐
nous pas volontiers comme les compatriotes de Jésus. N’avons‐nous pas accommodé la foi à notre convenance ? Ne l’avons‐nous pas expurgée de ce qui nous dérangeait un peu trop ? Nos appartenances familiales, sociales, politiques peut‐être, ne déterminent‐elles pas davantage nos choix que notre foi au Christ Seigneur ? Qu’est‐ce qui guide nos choix ? La volonté de Dieu et la perspective de son Royaume ou la recherche de nos intérêts et la préservation de nos avantages acquis ? Par notre baptême, nous sommes devenus des prophètes à l’image de Jésus, des hommes et des femmes libres dont la patrie est déjà la cité de Dieu, la Jérusalem nouvelle descendue du Ciel. Notre foi n’est pas seulement une sagesse pour bien vivre au quotidien, elle nous offre d’anticiper dans le quotidien le Royaume de Dieu qui nous est offert en Jésus Christ. Passés par la mort avec le Christ, nous vivons de la vie nouvelle des enfants de Dieu. Nous n’avons plus rien à craindre et nous pouvons prendre des risques pour aimer comme lui‐même nous aime. Or, trop souvent les préoccupations légitimes pour vivre confortablement relèguent la perspective du Royaume de Dieu au rang des utopies lointaines. « Cherchez le Royaume de Dieu et tout le reste vous sera donné par surcroît. » dit Jésus. Interrogeons‐
nous. Quelle appartenance importe le plus dans nos décisions et nos choix de vie ? L’attachement à une famille ? A une catégorie sociale ? A une nation ? Un continent ? Ou la foi au Christ Jésus et la liberté acquise par sa Pâque ? Je m’arrête là car la parole prophétique dérange et je ne souhaite pas déclencher en vous des réactions de défense. Interrogeons‐nous en vérité. La foi au Christ est‐elle pour nous source d’une vraie liberté ? Nourrit‐elle notre regard sur le monde ? Détermine‐t‐elle nos options et nos orientations de vie ? Nous le demandons chaque jour dans le Notre Père : « Que ton Règne vienne ! Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! » Mais sommes‐nous déjà des citoyens du Ciel, des marcheurs d’espérance qui se réjouissent dans le Seigneur ? Posons‐nous la question en ce dimanche et pourquoi pas plus tard cet été en vacances dans un temps plus prolongé de silence et de prière ? Père Bruno CAZIN, vicaire épiscopal, président‐recteur délégué de l’Université Catholique de Lille. 

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