LA RÉVISION DES INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE

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LA RÉVISION DES INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE
AUDIT
L’ordonnance sur la surveillance de la révision (OSRev), entrée en vigueur le 1er septembre 2007, prévoit également une modification de l’Ordonnance relative à la loi
sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2). Malgré
l’adaptation des articles 33 et 36 al. 3 OPP 2, divers aspects nécessitent un commentaire.
BRUNO CHRISTEN
LA RÉVISION DES INSTITUTIONS
DE PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE
Quelles sont les répercussions du nouveau droit de la révision et des nouvelles dispositions du droit des obligations?
1. INTRODUCTION
L’Expert-comptable suisse (EC) 2007/10 (p. 728 ss) a déjà traité le
thème de la vérification du système de contrôle interne; des
aspects supplémentaires seront abordés dans cet article, dont
le contenu s’aligne sur la position de la Commission d’audit
de la Chambre fiduciaire et tient compte des suggestions de divers représentants.
Art. 83 b al. 3 CC (entré en vigueur le 1. 1. 2008) Conditions
A défaut de dispositions spéciales applicables aux fondations, les
dispositions du code des obligations concernant l’organe de révision
de la société anonyme sont applicables par analogie.
Art. 33 OPP 2 (entré en vigueur le 1. 1. 2008)
1
Sous réserve de l’al. 3, peuvent assumer la fonction d’organe de révision d’institutions de prévoyance professionnelle les personnes
physiques et les entreprises qui sont agréées en qualité d’expertsréviseurs conformément à la loi du 16 décembre 2005 sur la surveillance de la révision.
2
Le Contrôle fédéral des finances et les autorités cantonales de
contrôle des finances peuvent également fonctionner comme organe de contrôle s’ils remplissent la condition visée à l’al. 1.
3
Seules les entreprises agréées par l’Autorité fédérale de surveillance
en matière de révision en qualité d’entreprises de révision soumises à
la surveillance de l’Etat conformément à la loi du 16 décembre 2005
peuvent fonctionner comme organe de contrôle de fondations de placement.
Art. 36 al. 3 OPP 2 (entré en vigueur le 1. 1. 2008)
3
L’organe de contrôle est tenu d’informer immédiatement et directement l’autorité de surveillance si la situation de l’institution de
prévoyance exige une intervention rapide, si son mandat prend fin
ou si l’autorité fédérale de surveillance en matière de révision lui
retire son agrément conformément à la loi sur la surveillance de la
révision du 16 décembre 2005.
2. EFFETS DU DROIT DE LA RÉVISION
Les institutions de prévoyance professionnelle (IPP) peuvent revêtir la forme d’une fondation, d’une société coopérative ou d’une
institution de droit public (art. 48 al. 2 LPP). Une fondation – et
par analogie une institution revêtant une autre forme juridi-
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que – est soumise entièrement ou partiellement à la LPP, si
son «activité s’étend au domaine de la prévoyance vieillesse,
survivants et invalidité» (art. 89bis al. 6 du Code civil suisse, CC).
Ces institutions doivent désigner un organe de révision [1]
dont les tâches sont conformes aux dispositions du droit de
la prévoyance professionnelle (art. 53 LPP et art. 33 ss OPP 2).
Les effets du nouveau droit de la révision et les dispositions
du CO ainsi que du CC avaient été présentés dans l’EC 07/10 [2].
On peut les résumer ainsi:
1. Les nouvelles dispositions ont entraîné la révision des articles 33 et 36 al. 3 OPP 2 ainsi que l’harmonisation des conditions de base pour les organes de révision de tous les types
d’IPP. De plus, l’obligation d’informer l’Autorité de surveillance a été adaptée.
2. Toutefois, l’article 83 b al. 3 CCRev. exclut du champ d’application de certaines innovations les fondations auxquelles
s’appliquent des dispositions particulières. La LPP [3] renfermait de nombreuses dispositions particulières relatives à la
révision des IPP; la Chambre fiduciaire est d’avis que le nouveau concept de la distinction entre «contrôle ordinaire» et
«contrôle restreint» ainsi que la «dispense de l’obligation de
révision» ne sont pas applicables aux sociétés anonymes et aux
fondations classiques [4].
3. ENTRÉE EN VIGUEUR DES NOUVELLES
DISPOSITIONS DE L’OPP 2
L’OSRev est entrée en vigueur le 1er septembre 2007 (art. 52
al. 1 OSRev). Le Conseil fédéral a fixé la mise en application
des modifications de l’OPP2 y relatives au 1er janvier 2008
(art. 52 al. 4 OSRev). C’est pourquoi les conditions d’agrément
pour les organes de révision d’IPP s’appliquent sans exception
à la révision de tous les comptes annuels arrêtés le 1er janvier
2008 ou plus tard. On pourrait toutefois déduire des dispositions d’entrée en vigueur pour les sociétés anonymes que la
révision des comptes annuels 2007 n’est pas touchée par les
nouvelles dispositions. Il n’en est toutefois pas ainsi car les
autorités de surveillance LPP exigent dès à présent de faire
appel à des entreprises et à des experts-réviseurs agréés.
L’organe de gestion d’une IPP doit donc s’assurer immédiatement que l’organe de révision actuel et futur est une
entreprise de révision ou un expert-réviseur agréé. Dans le
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AUDIT
cas de l’organe de révision d’une fondation de placement,
il doit s’agir d’une entreprise de révision sous surveillance
de l’État. Le site www.revisionsaufsichtsbehoerde.ch permet d’accéder aisément au registre et de s’assurer de l’agrément de
personnes physiques et morales. Comme toujours, le respect
«L’organe de gestion de l’IPP
doit donc veiller, d’entente
avec son organe de révision, à ce que
les activités effectuées auprès
de filiales soient, conformément
aux prescriptions, intégrées
dans le contrôle.»
des exigences sera attesté par l’organe de révision dans l’attestation. En cas d’imprécisions, il est recommandé de
prendre immédiatement contact avec les autorités de surveillance.
4. PAS DE «CONTRÔLE ORDINAIRE» –
LA RÉVISION SELON LA LPP SUBSISTE
Le contenu de la révision selon le droit de la société anonyme
et celui de la révision de la prévoyance professionnelle sont et
restent distincts. Les principales différences résident dans les
objets de contrôle supplémentaires prévus par la LPP, à savoir:
«légalité de la gestion», «principe de loyauté dans la gestion
de fortune» et «légalité du placement de la fortune». Par
ailleurs, le mandat de révision selon la LPP ne prévoit pas de
confirmation formelle de l’existence d’un SCI.
Sous le mot-clé «Réforme structurelle», le législateur discute divers compléments du mandat de révision selon la LPP.
Il faut s’attendre à une distinction encore plus poussée des
tâches de révision selon le droit de la société anonyme et de
celles de révision selon le droit de la prévoyance professionnelle. C’est pourquoi, dans le domaine de la prévoyance professionnelle, la Chambre fiduciaire recommande de parler
exclusivement de «révision selon la LPP» et d’éviter le terme
de «contrôle ordinaire».
5. SCI ET IPP
Dans l’EC 2007/10 [5], il avait été précisé en détail la raison pour
laquelle les dispositions relatives au SCI (art. 728 a et 728 b CO)
ne peuvent pas être appliquées aux IPP et pourquoi l’organe
de révision n’a aucune obligation de révision ni d’attestation.
Selon la Chambre fiduciaire, cette non-application se réfère toutefois uniquement aux nouveaux critères formels. De
nombreuses dispositions du droit de la prévoyance professionnelle obligent aujourd’hui déjà une IPP à s’organiser de
façon adéquate et à offrir la garantie que les prescriptions de
la loi, de l’acte de fondation (ou des statuts, etc.) et des règlements soient respectées. Une IPP est ainsi tenue de mettre en
place un système de contrôle approprié.
L’organe de révision vérifie la légalité de la gestion ainsi que
l’exactitude des comptes annuels. En conformité avec les Nor-
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mes d’audit suisses, il s’appuie si possible sur un SCI implémenté et documenté systématiquement. Comparée à une
approche purement axée sur les résultats, cette approche axée
sur les processus génère habituellement un gain d’efficacité
considérable.
6. DEVOIR DE ROTATION POUR LES PERSONNES
QUI DIRIGENT LA RÉVISION
La rotation obligatoire des personnes qui dirigent la révision
est stipulée à l’article 51 OSRev. Ces dispositions s’appuient
sur l’article 730 a al. 2 CO:
«En matière de contrôle ordinaire, les personnes qui dirigent la
révision ne peuvent exercer ce mandat que pendant cinq ans au plus.
Elles ne peuvent reprendre le même mandat qu’après une interruption de trois ans.»
La base est donc donnée par le «contrôle ordinaire» qui,
comme cela a été présenté ci-dessus, se réfère seulement au
cas où l’étendue de la révision est définie selon la taille de l’entreprise. Cela ne vaut pas pour les IPP.
Presque simultanément à l’entrée en vigueur de la révision
de l’OPP 2 le 1er janvier 2008, le Conseil fédéral a soumis au
Parlement, dans son Message «Réforme structurelle», des
propositions relatives à une refonte complète de la LPP [6].
Selon le Message, il reviendra à la nouvelle Commission de
haute surveillance de définir les critères d’agrément pour les
organes de révision et les experts en prévoyance professionnelle. On comprendra alors que le Conseil fédéral ne voulait
pas créer de précédent avec une mesure isolée telle que l’obligation de rotation.
7. LA RÉVISION DE PETITES FILIALES
Les IPP elles aussi gèrent des filiales sous la forme de sociétés
anonymes, telles que des sociétés immobilières. Celles-ci sont
soumises sans réserve aux nouvelles dispositions du CO et du
droit de la révision. Le conseil d’administration et l’assemblée
«Le contenu de la révision
selon le droit de la société anonyme
et celui de la révision de la
prévoyance professionnelle sont
et restent distincts.»
générale de ces filiales doivent définir l’étendue du contrôle
selon les nouvelles règles. On relèvera cependant que le droit
de la prévoyance professionnelle soumet dès à présent les IPP
et les organes de révision aux obligations suivantes (art. 35
al. 4 OPP 2):
«Lorsque la gestion ou l’administration de l’institution de prévoyance est confiée à un tiers, entièrement ou en partie, cette activité du tiers doit faire aussi l’objet d’un contrôle conforme.»
L’organe de gestion de l’IPP doit donc veiller, d’entente avec
son organe de révision, à ce que les activités effectuées auprès
de filiales soient, conformément aux prescriptions, intégrées
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AUDIT
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dans le contrôle. Il est possible de faire appel au soutien professionnel d’un autre réviseur.
Si une partie de l’administration (p. ex. tenue de la comptabilité des titres) est confiée à un tiers (qui n’est pas une filiale), une formulation correspondante du mandat pourra
servir à transposer l’article 35 al. 4 OPP 2. Cela n’a rien de nouveau et n’a pas été modifié par les nouvelles dispositions du
CO et du droit de la révision.
8. CONCLUSION
La révision d’une IPP n’est guère concernée par l’introduction
des nouvelles dispositions du CO et du droit de la révision. La
révision s’effectue toujours selon la LPP; ni la catégorisation
du contrôle selon la taille, ni les prescriptions en matière de
contrôle de l’existence d’un SCI, ni l’obligation de rotation
pour les personnes qui dirigent la révision n’entrent en ligne
de compte. Ces constatations valent pour toutes les IPP, indépendamment de leur forme juridique. Les dispositions révisées de l’OPP 2 exigent que les organes de révision de l’IPP
remplissent, dès le 1er janvier 2008, les conditions d’enregis-
Notes: 1) Dans une future révision de la LPP, le
terme d’organe de contrôle devrait être remplacé
par le terme d’organe de révision. Dans son article, l’auteur utilise déjà la nouvelle terminologie.
3 | 2008 L’E X P E R T- C O M P TA B L E S U I S S E
trement en qualité d’entreprise de révision ou d’expert-réviseur qui leur sont applicables. Les autorités de surveillance
LPP exigent une application immédiate. Les exigences en ma-
«La révision d’une IPP
n’est guère concernée par
l’introduction des nouvelles
dispositions du CO et
du droit de la révision.»
tière d’enregistrement doivent dès lors être remplies dès à
présent afin de permettre la poursuite des activités de révision auprès des IPP. Les organes de gestion endossent la coresponsabilité de la désignation d’un organe de révision agréé.
Le site www.revisionsaufsichtsbehoerde.ch fournit toutes les informations nécessaires sur l’agrément des entreprises de révision et des experts-réviseurs.
n
2) Markus Schneeberger in l’EC 2007/10, p. 728 ss.
3) Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle
vieillesse, survivants et invalidité. Dispositions
sur la révision: art. 53 LPP et art. 33 ss OPP 2.
4) Markus Schneeberger in l’EC 2007/10, p. 728 ss.
5) Markus Schneeberger in l’EC 2007/10, p. 728 ss.
6) Message du 15 juin 2007 sur la réforme structurelle de la prévoyance professionnelle.
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