les philosophes grecs antiques - Université Populaire de Philosophie

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les philosophes grecs antiques - Université Populaire de Philosophie
HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE - 2ème PÉRIODE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
LES PHILOSOPHES GRECS ANTIQUES
CYCLE DE COURS PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org
code 4303
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LES PHILOSOPHES GRECS ANTIQUES
cycle de cours par Éric Lowen
La deuxième période de la philosophie commence à Athènes avec Socrate ; succédant aux
présocratiques, elle couvre la période de l'apogée de la civilisation grecque jusqu'à l'hellénisme.
Le développement des grandes écoles philosophiques va profondément marquer l'histoire de la
pensée jusqu'au 18ème siècle et leur héritage est encore largement présent dans les pensées
actuelles. Ce cycle de cours exposera les particularités de la philosophie antique, les
principales écoles, leurs auteurs majeurs et les notions essentielles de leurs philosophies.
Chaque cours est accompagné d'un plan détaillé, de textes et d'une bibliographie.
SOMMAIRE DES COURS
PRÉSENTATION DU CYCLE DE COURS
PAGE 5
1
LA PHILOSOPHIE ANTIQUE, AUTEURS ET PRINCIPES
PAGE 6
2
PARTICULARITÉS DE LA PHILOSOPHIE ANTIQUE
PAGE 17
3
LES SOPHISTES
PAGE 25
4
PLATON ET LE PLATONICISME
PAGE 29
5
ARISTOTE ET L'ÉCOLE DU LYCÉE
PAGE 37
6
ÉPICURE ET L'ÉPICURISME
PAGE 45
7
LE STOÏCISME ET L'ÉCOLE DU PORTIQUE
PAGE 53
8
ANTISTHENE ET L'ÉCOLE CYNIQUE
PAGE 59
9
PYRRHON ET LE SCEPTICISME
PAGE 67
10
ARISTIPPE ET L'HÉDONISME (CYRÉNAÏSME)
PAGE 73
11
L'ÉCOLE DE MÉGARE ET LES SOCRATIQUES
PAGE 85
12
SOCRATE
PAGE 92
Cote enseignement : 4303, RPR : Éric Lowen, 2007
© Les philosophes grecs antiques, et ce cycle de cours sont la propriété
d’Aldéran International, N° éditeur : 2-911856.
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PRÉSENTATION DU CYCLE DE COURS
LES PHILOSOPHES ANTIQUES GRECS
Introduction à la philosophie grecque classique
I
UN CYCLE DE COURS D'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
1 - Des cours d'histoire de la philosophie (archéophilosophie)
2 - Les idées et conceptions à replacer dans leur contexte
II
EXPLICATIONS SUR L'ORGANISATION DU CYCLE DE COURS
1 - Cours d'introduction générale sur la philosophie grecque antique
2 - Études sur ses principaux représentants (et écoles)
3 - Le devenir des philosophies grecques
III
LES INTENTIONS DE CE CYCLE DE COURS
1 - Un retour aux sources de la Philosophie
2 - Montrer la cohérence philosophique et historique des philosophes grecs
3 - Mettre en valeur leur démarche philosophique et leurs enseignements
4 - L'intérêt de la philosophie grecque pour la modernité de la philosophie
5 - Comprendre le passé de la philosophie pour mieux vivre son présent
ORA ET LABORA
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PREMIER SUJET
LA PHILOSOPHIE ANTIQUE, AUTEURS ET PRINCIPES
I
LA PHILOSOPHIE ANTIQUE GRECQUE DANS L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
1 - La deuxième période de l'histoire de la philosophie
2 - Un développement à partir de l'apport des Présocratiques
3 - Un gouffre historique et culturel nous en sépare
4 - Des idées, des textes et des pratiques à comprendre dans leur cadre culturel
5 - Une nécessaire prudence et formation adaptée s'impose pour les comprendre
II
LA PÉRIODE HISTORIQUE ET SON CADRE CULTUREL
1 - La période historique : 5ème siècle, fin du 4ème siècle
2 - Le cadre historique, l'âge classique de la Grèce (5ème -4ème siècle)
3 - Le cadre politique de la Grèce de la période classique
A - Les guerres médiques (490 et 480)
B - La ligue de Délos et l’hégémonie d’Athènes
C - La prééminence d’Athènes au Vème siècle
D - La guerre du Péloponnèse (431 - 404)
E - Le IVe siècle: une crise de la cité
F - La montée en puissance de Sparte, à partir de 359
G - La domination de Philippe sur la Grèce après la bataille de Chéronée en 338
H - Alexandre se lance à la conquête de la Perse en 331
I - La guerre lamiaque et la fin de la démocratie en 322
J - La fin de la Grèce classique, le début de l’hellénisme, le temps des polis est fini
K - Au 3ème siècle, le repli d’Athènes sur elle-même
4 - Le cadre culturel essentiellement athénien : Athènes comme foyer philosophique
5 - Une ville pourtant rétive au départ à la philosophie
6 - Le développement des sophistes et la réaction "philosophique" aux sophistes
III
LES TEXTES ET LES SOURCES
1 - Des sources essentiellement indirectes
2 - Un bon nombre des livres perdus et détruits au fil de l'histoire
3 - Les causes philosophiques, pratiques et historiques de cette situation
A - Ils ont peu écrit et encore moins publié
B - Le faible nombre d'œuvres (quantitativement)
C - La propagation du christianisme
D - Le choc des invasions barbares
E - Le discrédit des valeurs culturelles de la Grèce
4 - Le rôle de l'intertexualité et des doxographies
5 - La double transmission indirecte de la philosophie grecque
6 - Les effets de cette transmission sur le contenu philosophique
7 - Le retour aux sources grecques à la Renaissance, une exigence philologique et philosophique
8 - Un important travail philologique devra être effectué, notamment au 19ème siècle
IV
LES PRINCIPAUX REPRÉSENTANTS
1 - Les principaux représentants (classés chronologiquement)
A - Les sophistes et Socrate (470-399)
B - Les autres socratiques, les petits socrates
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E - Antisthène (env. 440-370) et l'école Cynique
C - L'école de Mégare (Euclide de Mégare, 450? - 380?)
D - Aristippe (425-355?) et l'Hédonisme (école cyrénaïque)
B - Platon et le Platonicisme (Platon, 428 ou 427-348 ou 347)
C - Aristote et l'école du Lycée (385-322)
F - Pyrrhon (365-275) et le scepticisme
I - Épicure et l'épicurisme (-341, -271)
J - Le stoïcisme (Zénon de Citium, 332-264) et l'école du Portique
2 - Une pléthore de philosophes mineurs (philosophistiquement)
3 - La structuration en grandes écoles et courants de pensée
V
CONCLUSION
1 - La philosophie comme invention grecque et sa relation avec la culture grecque
2 - L'importance culturelle de la philosophie en Grèce, la Grèce façonnée par la philosophie
3 - La philosophie grecque classique, plus qu'une période : un courant philosophique
4 - Sur lequel va se constituer ultérieurement la pensée philosophique et la pensée occidentale
ORA ET LABORA
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Document 1 : Carte de la région d’Athènes où vont se situer géographiquement la plupart des philosophes
classiques.
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Document 2 : Ce n’est pas le climat ou la géographie qui a fait éclore la philosophie en Grèce mais la
culture particulière de la Grèce et par quelques individualités exceptionnelles :
La géographie n'explique pas toute l'histoire. Dans un même pays, des peuples différents
peuvent manifester des qualités diverses. Les Turcs, campés depuis cinq siècles sur les
bords de la Méditerranée orientale, n'ont jamais su profiter des facilités qu'elle offre au
commerce maritime; les barrières que la presqu'île balkanique oppose à une invasion
venue du nord n'ont pas sauvé la Grèce du plus accablant despotisme; aujourd'hui,
malgré son marbre et son argile, on ne voit pas s'y développer un art original. Mais les
deux races qui, dans l'Antiquité, se sont succédées sur les bords de la mer Égée, ont été
assez bien douées pour savoir réaliser les incitations du climat, de la mer et du sol. Les «
Minoens » ont été, dès le deuxième millénaire, les grands marins de la Méditerranée
orientale, et sont parvenus à un haut degré d'organisation économique, où s'est
développé un art charmant. Après eux, les Grecs ont été, pendant cinq siècles, les
maîtres du commerce maritime du monde ancien ; leur pays à vu naître des villes libres
et rivales où la loi respectait les droits du moindre citoyen ; les conceptions religieuses et
l'organisation politique y ont déterminé, dans des fêtes en plein air, la plus merveilleuse
floraison artistique et littéraire que l'Antiquité ait connue.
Jean Hatzfeld
Histoire de la Grèce ancienne, 1947
Document 3 : Chronologie sommaire de la Grèce Antique :
ANTIQUITÉ
Époque archaïque (-800 à -500)
- 776 : Fondation des Jeux Olympiques.
- 750 : Adoption de l'alphabet phénicien par les Grecs.
- 740 : Fondation d'une colonie grecque à Cumes (Italie).
- 737 : Première guerre connue de Sparte contre la Messénie (jusqu'en -716).
- 733 : Fondation d'une colonie grecque à Syracuse (Sicile).
- 700 : Colonisation de la Chalcidique par les Grecs.
- 695 : Les Cimériens dévastent la Phrygie.
- 683 : Chute de la monarchie à Athènes et début de la liste de archontes.
- 670 : Orthagoras, tyran de Sicyone.
- 669 : Victoire d'Argos contre Sparte à Hysiai.
- 668 : Seconde guerre de Sparte contre la Messénie (jusqu'en -654).
- 667 : Fondation de Byzance par les Mégariens.
- 664 : Défaite navale de Corinthe face aux Corcyréens.
- 657 : Cypsélos tyran de Corinthe (jusqu'en -627).
- 632 : Conspiration de de Cylon à Athènes.
- 627 : Périande succède à Cypsélos à la tête de Corinthe (jusqu'en -585).
- 621: Législation de Dracon à Athènes.
- 600: Fondation de la colonie grecque d'Apollonie.
- 598 : Fondation Marseille par les Phocéens.
- 594 : Solon devient archonte à Athènes & début des réformes en direction de la démocratie.
- 585 : Psammétique succède à Périandre à la tête de Corinthe (jusqu'en -584 ou -583).
- 561 : Crésus, roi de Lydie s'empare de l'Anatolie.
- 557 : Pisitrate tyran d'Athènes.
- 551 : Chilon, éphore à Sparte.
- 550 : Formation de la ligue Péloponnésienne par Sparte.
- 546 : Cyrus, roi de Perse bat Crésus, roi de Lydie et s'empare du royaume.
- 540 : Construction du temple d'Apollon à Corinthe.
- 535 : Victoire d'Alalia de Carthage et des Étrusques contre les Phocéens partis
coloniser la Corse.
- 533 : Polycrate devient tyran de Samos.
- 527 : Mort de Pisistrate à Athènes, ses fils Hippias et Hipparque lui succèdent.
- 520 : Cléomène Ier roi de Sparte.
- 511 : Destruction de Sybaris par Crotone.
- 510 : Chute de la tyrannie à Athènes.
- 508 : Clisthène est élu archonte, il entame la deuxième grande réforme démocratique
d’Athènes.
- 506 : Réformes de Clisthène à Athènes, avènement de la démocratie.
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Époque classique (-500 à -336)
- 500 : Début de la révolte de la Ligue ionienne (jusqu'en -494). Mouvement de révolte
des villes grecques de Ionie, à l’initiative de Milet, contre la domination Perse de
Darius.
- 499 : Prise et incendie de Sardes (sous contrôle perse) par Athènes et Érétrie. Le
général perse Artapherne remporte la victoire contre les Grecs devant Éphèse.
- 494 : Prise de Millet par les armées perses. Défaite de la Ligue ionienne au large de l'île
de Ladé.
- 490 : Expédition de Darius en Grèce.
- 490 : 13 septembre Victoire des Athéniens à Marathon contre Darius Ier (Perse).
- 483 : Victoire navale de Thémisocle (Athènes).
- 481 : Congrès panhellènique contre la menace perse.
- 480 : Deuxième guerre contre les Perses.
Défaite grecque aux Thermopyles faces aux Perses.
Bataille navale du cap Artémision entre Perses et Grecs.
Victoire de Gélon, Tyran de Syracuse à Himère contre les Carthaginois.
29 septembre Victoire grecque contre les navires perses à Salamine.
- 479 : Juin Mardonios (perse) lance une offensive sur l'Attique puis sur la Béotie.
Défaite des Perses à Platées et mort de Mardonios au combat.
Défaite navale perse au cap Mycale (Ionie).
- 478 : Formation de la ligue de Délos contre la menace Perse.
- 473 : Ostracisme de Thémistocle à Athènes.
Défaite de Tarente face aux armées autochtones.
- 472 : Révolution démocratique à Athènes.
Révolution contre Sparte dans le Péloponèse.
- 471 : Condamnation de Thémistocle (ostracisme).
- 470 : Révolte des Naxiens (Naxos) contre Athènes.
- 469 : Victoire navale de la Ligue de Délos sur les Perses à l'Eurymédon.
- 468 : Construction du temple de Zeus Olympien.
- 465 : Révolte des Thasiens (Thasos) contre Athènes.
- 464 : Révolte des Hilotes et des Messéniens contre Sparte.
- 462 : Une armée athénienne dirigée par Cimon va au secours de Sparte.
Réformes démocratiques d'Ephialtès à Athènes.
Assassinat d'Ephialtès à Athènes.
Alliance entre Athènes et Argos contre Sparte.
- 461 : Alliance entre Athènes et Mégare.
Ostracisme de Cimon à Athènes.
Assassinat d'Ephialtès à Athènes.
Périclès prend la tête d'Athènes (jusqu'en -429).
- 460 : Athènes envoie une armée pour soutenir la révolte d'Inaros en Égypte contre les
Perses.
- 459 : Guerre entre Athènes et Sparte.
Défaite des Athéniens faces aux armées Spartes & Béotiennes à Tanagra.
Victoire des Athéniens faces aux armées Spartes & Béotiennes à Oinophytas.
- 456 : Prise d'Egine par Athènes.
- 454 : L'armée Athénienne en Égypte est anéantie.
Transfert du trésor de la Ligue de Délos sur l'Acropole d'Athènes.
- 451 : Trêve de cinq ans entre Athènes et Sparte.
Loi sur le droit de cité réduisant le nombre de citoyens à Athènes.
- 449 : Paix de Callias entre Athènes et les Perses.
- 447 : Victoire des Thébains sur Athènes à Coronée.
Début de la construction du Parthénon sur l'Acropole d'Athènes.
- 446 : Traité de Paix de trente ans entre Sparte et Athènes.
- 443 : Fondation de la colonie grecque de Thurium en Lucanie (Italie).
- 441 : Révolte de Samos contre Athènes.
- 436 : Fondation d'Antipolis en Thrace par les Athéniens.
- 435 : Guerre entre Corinthe & Corcyre.
- 433 : :Alliance entre Athènes & Corcyre.
- 432 : Révolte de Potidée contre Athènes.
Révolte de Mégare contre Athènes.
- 431 : Thèbes tente de s'emparer de Platées, alliée d'Athènes.
Guerre du Péloponèse entre Potidée, Mégare, Sparte et Athènes.
- 430 : Epidémie de peste à Athènes.
- 429 : Siège de Platées par Sparte.
Mort de Périclès.
- 428 : Révolte de Mytilène (Lesbos) contre Athènes.
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- 427 : La révolte de Mytilène (Lesbos) est écrasée par les Athéniens.
Prise de Platé par Thèbes.
- 425 : Victoire des Athéniens contre les Spartiates à Sphactérie.
- 424 : Défaite des Athéniens à Délion contre les Béotiens.
- 423 : Trêve entre Athènes et Sparte.
- 421 : Traité de Nicias instaurant la paix pour cinquante ans entre Sparte et Athènes.
Construction sur l'Acropole du Temple d'Athéna Nikê et de l'Erechtéion.
- 420 : Guerre entre Athènes et Sparte.
- 418 : Défaite d'Athènes face à Sparte à Mantinée.
- 416 : Prise de Mélos qui refusait tout retour au sein de la confédération par Athènes.
- 415 : Expédition athénienne contre Syracuse.
- 413 : Échec de l'expédition athénienne contre Syracuse.
- 412 : Traité de Milet scellant l'alliance entre Sparte et la Perse.
- 411 : Révolution des Quatre-Cents et des Cinq-Mille à Athènes, mise en place d'une
oligarchie.
- 410 : Victoire d'Alcibiade (Athénien) à Cyzique. Retour de la démocratie à Athènes.
- 409 : Prise d'Himère (Sicile) par les Carthaginois.
- 407 : Défaite des Athéniens face à la flotte Spartiate à Lysandre.
- 406 : Victoire Athénienne sur Sparte aux îles Arginuses.
- 405 : Défaite des Athéniens face à la flotte Spartiate à L'Aigos Potamos.
Novembre Les Spartiates assiègent Athènes.
- 404 : Avril Prise et capitulation d'Athènes, mettant fin à la guerre du Péloponèse.
Sparte impose le régime oligarchique des trente tyrans ; début des proscriptions.
- 403 : Rétablissement de la démocratie à Athènes.
Denys, l'Ancien de Syracuse commence la conquête de la Sicile.
- 401 : Expédition des Dix-milles.
- 400 : Intervention spartiate lors de la révolte de l'Ionie.
- 399 : Procès et mort de Socrate.
Échec de la Conspiration de Cenadon à Sparte.
- 398 : Agésilas devient roi de Sparte.
- 395 : Révolte de Thèbes contre Sparte.
Début de la guerre de Corinthe.
Défaite de Sparte à Haliarte.
- 394 : Victoire d'Agésilas, roi de Sparte contre une coalition autour d'Athène à Coroné.
- 393 : Siège de Corinthe par les Spartiates.
- 386 : Paix d'Antalcidas entre Sparte et les cités révoltées.
- 379 : Révolte de Thèbes sous l'impulsion de Pélopidas.
- 378 : Guerre entre Athènes et Sparte.
- 377 : Reconstitution d'une confédération autour d'Athène contre Sparte.
- 376 : Victoire navale athénienne contre les Spartiates à Naxos.
- 371 : Victoire de Thèbes contre Sparte à Leuctres.
Paix entre Athènes et Sparte.
- 367 : Thèbes s'empare de la Thessalie.
- 362 : Victoire de Thèbes et ses alliés contre Sparte et les siens à Mantinée.
- 359 : Avènement de Philippe II de Macédoine.
- 357 : Défection de Rhodes, Chios et Kos de l'alliance avec Athène ; début de la guerre
des Alliés (jusqu'en 355).
Philippe II de Macédoine s'empare d'Amphipolis.
- 356 : 6 juillet Naissance d'Alexandre, fils de Philippe, jour de l'incendie du temple
d'Artémis à Ephèse.
- 349 : Paix de Philocratès.
- 339 : Les troupes de Philippe II de Macédoine stationnées à Élatée menacent Athènes.
- 338 : 2 août Victoire de Philippe de Macédoine contre Athènes à Chéronée.
- 337 : Formation de la ligue de Corinthe.
- 336 : Philippe II donne en mariage une de ses filles à Alexandre, roi d'Épire.
Époque hellénistique (-336 à -31)
- 336 : Assassinat de Philippe II de Macédoine à Aigai, son fils Alexandre III lui succède.
- 335 : Soulèvement thébain contre les Macédoniens.
Prise et destruction de Thèbe par Alexandre III.
Création du Lycée d'Aristote à Athènes.
- 334 : Victoire grecque sur les Perses à Granique.
- 333 : Novembre Victoire grecque sur les Perses à Issos.
- 332 : Août Prise de Tyr assiégée par Alexandre III.
Octobre Prise de Gaza par Alexandre ; la Phénicie passe sous son contrôle.
- 331 : Soulèvement des Spartiates contre les Macédoniens.
Mars Fondation d'Alexandrie par Alexandre.
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Victoire grecque sur les Perses à Tyr.
1 octobre Victoire d'Alexandre sur les Perses à Gaugamèles (Arbèles).
- 330 : Mai Prise et incendie de Persépolis par Alexandre.
Campagne d'Alexandre III contre les Satrapes (jusqu'en -327).
Juillet Assassinat de Darius III.
- 327 : Campagne d'Alexandre III en Inde (jusqu'en -325).
- 326 : Victoire d'Alexandre III sur l'Hydaspe (Inde) contre Pôros.
L'armée d'Alexandre refuse de traverser le Gange.
- 324 : Sédition d'Opis (rébellion des vétérans Médoniens).
Mars Alexandre épouse une princesse perse en même temps que 80 dignitaires de son
armé.
- 323 : 10 juin Mort d'Alexandre à Babylone.
Antipatros reçoit le gouvernement de la Macédoine et Ptolémée l'Égypte.
Révolte d'Athènes contre la Macédoine.
Platon, chassé d'Athènes se réfugie à Chalcis.
- 322 : Début de la guerre Iamiaque.
- 321 : Partage de Triparadisos sur la succession de l'Empire macédonien.
- 319 : Mort d'Antipatros relançant le problème de succession macédonien.
- 311 : Cassandre, fils d'Antipatros reçoit le gouvernement de la partie européenne de
l'empire jusqu'à la majorité d'Alexandre IV.
- 310: Cassandre fait assassiner Alexandre IV.
- 306 : Révolte de Cyrène.
- 305 : Siège de Rhodes.
- 301: Défaite et mort d'Antigone lors de la bataille d'Ipsos.
- 281 : Guerre contre Pyrrhus, roi d'Epire.
- 280 : Victoire de Pyrrhus contre les Romains à Heraclée.
- 279 : Prise de Delphes par les troupes celtes.
Victoire de Pyrrhus contre les Romains à Ausculum.
- 276 : Erastothène calcule la circonférence de la terre.
- 275 : Victoire des Romains contre les armées de Pyrrhus à Bénévent mettant fin à la
guerre.
- 267 : Guerre de Khrémonidès.
- 264 : Début de la première guerre punique (jusqu'en -241).
- 263 : Alliance entre Rome & Hieron II, roi de Syracuse.
- 262 : Victoire romaine contre Carthage à Agrigente.
- 260 : Victoire navale romaine contre Carthage, près de Myles.
- 256 : Nouvelle victoire navale romaine contre Carthage, près à Ecnome, puis
débarquement romain en Afrique.
- 255 : Défaite romaine en Afrique face aux mercenaires spartiates entraînant le retour
des armées romaines.
- 249 : Défaite romaine près de Drépane, entraÎnant la quasi destruction de la flotte
romaine.
- 241 : Mars, Rome remporte la victoire aux îles Égates contre Carthage.
Traité entre Rome et Hamilcar, marquant la fin de la Ière guerre punique et l'annexion
de la Sicile par Rome.
- 239 : Euclide énonce le principe des années bissextiles.
- 229 : Intervention romaine en Illyrie.
- 227 : Tremblement de terre provoquant la destruction de Rhodes.
- 219 : Nouvelle intervention romaine en Illyrie.
- 216 : Première guerre de Macédoine avec Rome (jusqu'en -205).
- 215 : Mort de Hieron II, roi de Syracuse ; son successeur brise l'alliance avec Rome.
Les armées romaines assiègent Syracuse.
- 212 : Mort d'Archimède la prise de Syracuse par les armées romaines.
Alliance de Rome avecPergame et avec les Etoliens.
- 211 : Claudius Marcellus s'empare de Syracuse ; mort d'Archimède.
- 200 : Deuxième guerre de Macédoine avec Rome (jusqu'en -197).
- 197 : Victoire romaine de Flamininus contre Philippe V de Macédoine à Cynoscéphales.
- 171 : Rome déclare la guerre à la Macédoine, début de la troisième guerre de la
Macédoine (jusqu'en -148).
- 168 : Victoire romaine d'Aemilius Paulus près de Pydna contre Persée (Macédonien).
- 167 : Révolte des Macchabées (jusqu'en -164).
- 147 : Rebellion des Achhéens.
- 146 : Prise et destruction de Corinthe par les armées romaines.
- 133 : Mort de Attale III, roi de Pergame qui lègue son royaume à Rome.
- 125 : Les Salyens ravagent les terres de Marseille qui demande l'aide de Rome.
Intervention de l'armée romaine de Flavius Flaccus près de Marseille.
- 88 : Mithridate VI ravage Délos et massacre la population romaine.
- 67 : Metellus (romain) s'empare de la Crète.
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- 48 : Janvier César débarque en Macédoine.
César assiège Pompée à Dyrrhachium.
Pompée brise le siège de Dyrrhachium et s'échappe.
9 août Victoire de César à Pharsale contre Pompée qui prend la fuite en Égypte.
- 41: Antoine s'installe à Alexandrie avec Cléopatre.
- 34 : Antoine donne Alexandrie à Cléopatre VII, provoquant la colère d'Octave.
- 33 : Janvier, Octave dénonce les donations faites par Antoine.
- 32 : Février, Mise en cause d'Antoine au Sénat par Octave.
Mai, Antoine s'installe à Athènes avec Cléopâtre.
Octobre, Octave déclare la guerre à l'Égypte.
- 31 : Décembre, fin du triumvirat.
- 31 : Mars, une tempête empêche le débarquement d'Octave à Corcyre.
2 septembre, Victoire d'Octave sur Antoine près d'Actium, désormais seul maître de
l'Empire romain.
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- Le symbolisme des mythes de Narcisse et Psyché
- L’orphisme, une religion à mystère de l’antiquité
- La médecine dans la Grèce Antique, le cas du sanctuaire d’Épidaure
- La révolution athénienne, l’invention de la démocratie à Athènes
- Les institutions de la démocratie athénienne
- La fin de la démocratie athénienne
- La grande bibliothèque d’Alexandrie
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
Quelques livres sur la Grèce Antique en général
- Les origines de la pensée grecque, Jean-Pierre Vernant (1962), PUF, 1983
- Mythe et pensée chez les Grecs. Etudes de psychologie historique, Maspero, 1965.
- L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Gallimard, 1989.
- Histoires grecques, Maurice Sartre, Seuil, 2006
- Précis d’histoire grecque, Matthieu De Durand, CERF, 1991
- Le siècle de Périclès, Jean-Jacques Maffre, PUF, 1990
- La vie en Grèce aux temps antiques, Paul Werner, Liber, 1977
- Histoire d’une démocratie : Athènes, Claude Mossé, Seuil, 1971
- La cité grecque, Gustave Glotz (1928), Albin Michel, 1968
Quelques livres sur les philosophes antiques en général
- La philosophie de la culture grecque, Jean-Marc Gabaude, L'harmattan, 2005
- Apprendre à philosopher dans l'Antiquité, Pierre Hadot, Lgf, 2004
- Les philosophes grecs, Françoise Fontanel, Editions de La Martiniere, 2003
- Etudes sur les vies de philosophes de l'antiquité tardive - Diogène Laërce, Porphyre de Tyr, Eunape de
Sardes, Richard Goulet, Vrin, 2001
- Histoire de la philosophie 1 vol. 1, sous la direction de Brice Parain, Gallimard, 1999
- Histoire de la philosophie 1 vol.2, sous la direction de Brice Parain, Gallimard, 1999
- Les grands courants de la pensée antique, France Farago, Armand Colin, 1998
- La philosophie grecque, Monique Canto-Sperber, Puf, 1998
- Éloge de la philosophie antique, Pierre Hadot , Allia, 1998
- Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Pierre Hadot, Gallimard, 1995
- La philosophie grecque, Charles Werner, Payot, 1968
Pour les philosophes antiques, ouvrage de référence
- Dictionnaire des philosophes antiques (T1 à T4), sous la direction de R. Goulet, Éditions du CNRS, 2005
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DEUXIÈME SUJET
LES PARTICULARITÉS DE LA PHILOSOPHIE ANTIQUE
I
LA PHILOSOPHIE ANTIQUE, UNE PHILOSOPHIE OU UNE CHRONOLOGIE PHILOSOPHIQUE ?
1 - Peut-on parler d'une philosophique antique au-delà du découpage chronologique ?
2 - L'illusion du philosophisme général de l'Antiquité : philosophisme n'est pas philosophie
3 - La philosophie est une communauté intellectuelle dans le monde grec
II
PHILOSOPHER DANS L'ANTIQUITÉ
1 - Qu'est-ce que philosopher dans l'Antiquité ?
2 - Philosopher, une pratique de vie vers l'idéal du Sage
3 - L'adhésion philosophique, la conversion à une école philosophique
4 - L'étrangeté des philosophes
5 - La Sagesse, un état de perfection idéal
6 - La divinisation du sage
7 - Le philosophe et les conventions sociales
8 - Les différences entre les écoles seront des divergences face à ces questions
III
LES ÉCOLES PHILOSOPHIQUES
1 - L'apparition d'écoles philosophiques organisées dès le Vème siècle
2 - Les principales écoles
3 - Les origines de ces pratiques d'écoles
4 - Le principe des écoles, les lieux d'une "paideia" supérieure
5 - Le fonctionnement des écoles
6 - Les moyens de la philosophie
7 - La pérennité des écoles, des écoles qui vont survivre à leurs fondateurs
8 - Chaque école est un monde de pensée en soi
IV
LES PRATIQUES PHILOSOPHIQUES
1 - L'adhésion à une école
2 - Les exercices philosophiques, des exercices "spirituels"
3 - La méditation philosophique des dogmes essentiels de l'école
4 - La lecture philosophique, une lecture oralistique
5 - L'enseignement philosophique et la direction de conscience
V
LES PARTICULARITÉS PHILOSOPHIQUES DE LA PHILOSOPHIE GRECQUE
1 - Le monde comme cosmos, la réalité comme nature
2 - Ces manières de penser la philosophie, le philosopher et le philosophe
3 - Le rapport au savoir
4 - La connaissance comme moyen, la théoria est au service de la praxis
5 - L'attachement à la vérité et non pas à la vraisemblance rhétorique
6 - La dimension oralistique de l'écrit
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VI
CONCLUSION
1 - Il y a bien une philosophie grecque classique, cohérente dans son unité et ses divergences
2 - Une finalité de l'activité philosophique qui fut historiquement perdue
3 - Toutes nos pratiques philosophiques actuelles sont inexistantes et contradictoires
4 - Les philosophes grecs ne cherchaient pas à innover
5 - L'importance de l'effectivité du choix de vie
ORA ET LABORA
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Document 1 :
Pour nous autres modernes (ou postmodernes), la philosophie est essentiellement un
discours, écrit ou oral, portant sur des notions ou des concepts, en quelque sorte un
discours sur le discours, donc une théorie, une construction conceptuelle ; c'est d'ailleurs,
pense-t-on, ce qu'elle a été dès l'origine, depuis les premiers penseurs de la Grèce, au
VIème siècle avant Jésus-Christ. N'est-elle pas d'ailleurs une spécificité occidentale, qui
a son origine dans le génie grec, particulièrement doué pour la spéculation, la discussion
et l'abstraction ? Toutes les philosophies de l'Antiquité et les œuvres qu'elles ont
produites ne se présentent-elles pas comme des exposés de théories et de savoirs
abstraits ?
TELLE EST DONC LA REPRÉSENTATION COURANTE que l'on se fait aujourd'hui de la
philosophie en général, et particulièrement de la philosophie antique. Mais correspondelle à la réalité ? La philosophie, au cours des âges, n'aurait elle pas oublié ses origines ?
Car des faits troublants pourraient ébranler notre tranquille assurance. Tout d'abord,
pourquoi donc un certain nombre de philosophes antiques se sont-ils volontairement
abstenus d'écrire ? Parce que, précisément, ils refusaient de construire des théories et
de les enseigner ? C'est le cas, par exemple, de Socrate, de Pyrrhon, d'Arcésilas, de
Carnéade et, en un certain sens, d'Épictète. Pourquoi surtout certains personnages qui
n'ont jamais enseigné dans une école philosophique ni écrit d'ouvrage philosophique,
mais ont été des hommes d'action, tels Dion de Syracuse ou Caton d'Utique, étaient-ils,
dans l’Antiquité, considérés comme des philosophes ? Théorie et philosophie sont-elles
alors vraiment inséparables ?
Il nous faut donc revenir sur l'origine et sur la signification du mot philosophie. Si l'on avait
dit aux premiers penseurs grecs qu'ils étaient des philosophes, ils n'auraient pas très bien
compris de quoi il s'agissait. Le mot n'existait même pas à leur époque. Mais ils auraient
accepté qu'on les nommât des “sages” (sophoi), le mot “sagesse” signifiant alors
l'habileté, l'expérience, le savoir-faire en toutes sortes de domaines. Cette sagesse, ce
savoir ou savoir faire des premiers penseurs de la Grèce est né à la périphérie du monde
grec, dans ces colonies d'Asie Mineure qui étaient en contact avec les sagesses plus
anciennes encore de l'Égypte et du Proche-Orient. Avec l'essor de la démocratie
athénienne au VIème siècle avant Jésus-Christ, cette activité intellectuelle va venir, au
moins en partie, se fixer désormais au cœur de la Grèce, à Athènes, et prendre une tout
autre forme, avec ce que l'on appelle le mouvement des sophistes. Ceux-ci se
présentaient comme des professionnels de l'enseignement de la sagesse, se déclarant
prêts, moyennant finance, à fournir à la jeunesse avide de pouvoir l'habileté à raisonner,
à parler, à convaincre et finalement à gouverner. Ce sont les premiers “professeurs”, de
notre civilisation occidentale. Le mot "philosophia", qui fait son apparition à cette époque,
a encore un sens très vague : il englobe tout ce qui se rapporte à la culture intellectuelle
et générale.
Mais un événement déterminant va se produire : c'est, dans les dernières années du
Vème siècle avant Jésus-Christ, la vie et la mort de Socrate. Grâce surtout à
l'interprétation qu'en a donnée Platon, la vie et la mort de Socrate vont devenir les
modèles de la vie et de la mort du philosophe en général, et la philosophie, se distinguant
de l'antique sagesse-savoir, va prendre conscience de son essence véritable. Dans « le
Banquet », Socrate est comparé à Éros : de même que celui-ci, privé de beauté, aime
celle-ci et cherche à l'atteindre, de même Socrate est privé de sagesse mais s'efforce de
l'atteindre. La sagesse, désormais conçue comme un mode d'être parfait, divin et
inaccessible, se distingue radicalement de la philosophie (amour ou recherche de la
sagesse), qui sera un effort sans cesse renouvelé pour vivre concrètement selon cette
norme transcendante de la sagesse. Socrate n'est pas un théoricien, il prétend ne rien
savoir, et s'il interroge les autres, c'est pour les obliger à s'examiner et à changer de vie.
Et finalement son seul véritable enseignement, c'est sa vie : « je ne cesse pas de faire
voir ce qui me paraît être juste ; à défaut de discours, je le fais voir par mes actes. »
Désormais, la vraie philosophie ne sera plus conçue comme un pur savoir, une habileté
ou une culture, mais comme une manière de vivre, une manière d'être au monde,
engageant toute la vie, un exercice de la vie et un « exercice de la mort », selon
l'expression de Platon.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de discours philosophique. Mais il n'est jamais
purement théorique, malgré apparences ; il est toujours lié et subordonné à la décision
fondamentale du philosophe de choisir un certain mode de vie, qui sera d'ailleurs très
différent s'il est platonicien, ou aristotélicien, ou cynique, ou épicurien, ou stoïcien, ou
sceptique, et qui impliquera chaque fois une certaine vision du monde. Le discours
philosophique aura pour tâche d'inviter à prendre cette décision et à la justifier, ou encore
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d'exposer la vision du monde qui lui correspond. D'une manière générale, le discours
philosophique visera moins à informer qu'à former il sera moins un exposé qu'un exercice
intellectuel ou spirituel destiné à la transformation de l'individu. C'est le cas aussi bien
des dialogues de Platon, des traités d'Aristote, des lettres d'Epicure ou des écrits de
Plotin. Par suite, dans l'Antiquité, l'école philosophique n'est pas seulement une certaine
tendance doctrinale ou théorique, mais la communauté vivante où l'on pratique un certain
mode de vie et dans laquelle, ainsi chez les épicuriens, maîtres et disciples se soucient
mutuellement de leur état intérieur. Car toutes les écoles de philosophie antiques se
présentent comme des thérapeutiques, commençant par diagnostiquer les causes de
l'état habituel de souffrance, de désordre et d'inconscience dans lequel se trouvent les
hommes et proposant ensuite une méthode de guérison.
ON ENTREVOIT LA DISTANCE QUI SÉPARE la représentation que l'on se fait de nos
jours de la philosophie comme discours théorique et abstrait et celle que s'en faisaient les
philosophes antiques. Comment un tel oubli a-t-il pu se produire ? Tout d'abord, il y aura
toujours une tendance, chez les philosophes, à se satisfaire de leur discours, sans
éprouver le besoin de passer à l'acte. Les philosophes de l'Antiquité dénonçaient déjà ce
danger, qu'ils qualifiaient de “sophistique”. Platon décelait en lui-même ce risque : «le
craignais de passer à mes yeux pour un beau parleur incapable de s'attaquer résolument
à une action. » Mais, historiquement, c'est l'essor du christianisme qui a joué un rôle
décisif. Celui-ci étant en soi un mode de vie, la philosophie n'eut plus que le rôle d'un
instrument théorique au service de la théologie et elle resta théorique, lorsqu'elle
s'émancipa, très tardivement d'ailleurs, de la tutelle chrétienne. Enfin, les institutions
universitaires, issues du Moyen Âge, ont conduit à faire de la philosophie un métier et du
philosophe un fonctionnaire formant d'autres fonctionnaires.
Oubli donc, mais qui n'est peut-être pas si profond. En fait, l'inspiration socratique de la
philosophie reste toujours vivante. Déjà au XVIIIème siècle, on entrevoit un effort pour
revenir à ce que Kant appelait l'Idée du philosophe, à laquelle, disait-il, les philosophes
antiques étaient restés fidèles plus que tous les autres. Un premier pas vers ce retour à
l'essentiel ne devrait-il pas être aujourd'hui une nouvelle éthique du discours
philosophique, qui, parce qu'il s'est pris lui-même pour fin, est devenu trop souvent une
sophistique obscure et prétentieuse ?
Pierre Hadot
Document 2 :
Socrate, qu’avons-nous fait de la philosophie ? Qu’avons nous fait de cet art de bien
vivre et de bien mourir qui mène l’homme au bonheur véritable ? N’avons nous pas
oublié qu’elle était une voie de dépassement et de transcendance de soi ? Avons-nous
oublié qu’il y a “Sophia” dans “philosophie” ? Pendant des siècles, elle fut l’esclave
intellectuel de la théologie, mais maintenant qu’elle a été libérée de ces chaînes et qu’elle
a contribué de manière décisive au mouvement de libération de l’Humanité, pourquoi
n’est-elle pas réellement libérée et restaurée ? Aurait-on peur de sa force critique et
révolutionnaire ? Pourquoi n’a-t-elle pas repris sa place en pleine lumière, au cœur de la
cité, au cœur des hommes et de leurs préoccupations ? Pourquoi l’enseignement de la
philosophie n’est-il plus aujourd’hui qu’un triste enseignement de l’histoire des idées,
réduit à la philosophistique ? Où sont les écoles du Jardin, du Lycée ou du Portique où
l’on n’enseignait pas seulement des idées philosophiques mais avant tout une éthique de
vie, à travailler sur soi pour se libérer de ses problématiques, un art de vivre, de ressentir
et d’être ? Le philosophe ne se mesurait pas seulement à son éloquence et à ses
lectures mais surtout à la qualité et à la nature de ses actions, à son éthique publique et
privée, à sa manière de réagir face à l’adversité, à sa manière d’être dans les moments
joyeux ou pénibles, face au plaisir et au devoir, dans ses relations avec les autres êtres
humains, à sa manière de cultiver l’ouverture d’esprit et un constant émerveillement et
étonnement curieux sur le monde. Pourquoi avons-nous presque rendu la philosophie
incompatible avec le restant des activités humaines ? Socrate, qu’avons-nous fait de la
philosophie ? Ce que nous appelons philosophie aujourd’hui est une ombre de
philosophie. [...]
Depuis sa création en 1969, notre association est engagée dans la Renaissance
Philosophique, ce mouvement initié à la fin du 19ème siècle qui essaye de rétablir la
philosophie dans sa plénitude, sa spécificité et sa finalité par rapport à l’individu et à la
société. Le plus souvent aujourd’hui, la philosophie est une philosophie académisée,
universitarisée, professorisée, agrégationnée; faisant du philosophe un penseur
professionnel, elle est à un tel point exclue de la vie humaine qu’en général, les gens ont
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du mal à penser que l’on puisse être philosophe sans être professeur de philosophie.
Enseignée comme une discipline technique avec examens, notes et contrôles, entre
l’histoire, la géographie et les mathématiques, la philosophie est assimilée à un jeu
rhétoricien d’idées et de concepts dont on ne voit plus trop l’intérêt. Au mieux, elle est
traitée comme un art du raisonnement et du questionnement qui vise à penser par soimême de manière plus lucide, plus rationnelle, où l’on se contente d’exposer les
différents courants philosophiques afin ensuite de choisir la philosophie qui nous
conviendrait le mieux en fonction de notre personnalité. Les notions de philosophes et
d’actions semblent aujourd’hui incompatibles, le philosophe apparaissant le plus souvent
comme planant dans un univers de concepts éthérés, métaphysiques et déconnectés de
la réalité humaine concrète; alors que sans action il n’y a pas de philosophes mais
penseurs, théoriciens, intellectuels, idéologues, sophistes ... [...]
La Renaissance Philosophique passe en premier par un retour à l’essentiel de la
philosophie, à savoir la démarche philosophique, cette quête de sagesse qui pousse à
s’améliorer, à se dépasser et à se perfectionner à travers l’ensemble des activités la vie.
En un mot à se transcender. La démarche philosophique est plus qu’une activité de
réflexion pour rechercher la meilleur voie d’agir et de penser, c’est une démarche de vie
constante qui investit en les modifiant et les qualifiant toutes les activités,
professionnelles et privées. La démarche philosophique ne consiste pas à consacrer un
moment particulier dans la semaine pour l’entretien des capacités critiques de notre
cerveau, comme on va faire un jogging ou entretenir son corps dans une salle de sport,
au contraire c’est une recherche de qualité supérieure de conscience et d’état d’être, sept
jours sur sept, dans tous les instants du quotidien, hic et nunc.
Roman Wallis
La renaissance de la philosophie
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
Quelques livres sur les philosophes antiques
- Apprendre à philosopher dans l'Antiquité, Pierre Hadot, Lgf, 2004
- Les philosophes grecs, Françoise Fontanel, Éditions de La Martinière, 2003
- Études sur les vies de philosophes de l'Antiquité tardive - Diogène Laërce, Porphyre de Tyr, Eunape de
Sardes, Richard Goulet, Vrin, 2001
- La philosophie grecque, Monique Canto-Sperber, Puf, 1998
- Éloge de la philosophie antique, Pierre Hadot , Allia, 1998
- Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Pierre Hadot, Gallimard, 1995
- La métaphysique, Aristote (4ème siècle avant JC), Presses Pocket, 1992
- Le banquet, Phèdre, Platon, GF Flammarion, 1992
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TROISIÈME SUJET
LES SOPHISTES
I
DES SOPHISMES AUX SOPHISTES, RETOUR À L'ORIGINE
1 - Un terme longtemps décrié, le sophisme comme raisonnement trompeur
2 - Derrière ce mot se cachent les sophistes
3 - Le premier courant philosophique athénien du 5ème siècle, les sophistes
4 - Les sources, la perte des textes rend difficile la reconstitution de leurs thèses
II
LEUR SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Discrédit et réhabilitation des Sophistes
2 - Principes des sophistes
3 - Des maîtres qui soulevèrent l'admiration des foules et de nombreux disciples
4 - Ils sont "sophos" et non "philosophos", ils enseignent la polymathie
5 - Un enseignement sans système unifié, mais une méthode et une approche communes
III
LA PENSÉE SOPHISTE, LES GRANDS THÈMES DE LA PENSÉE SOPHISTE
1 - Il y a bien un courant intellectuel sophiste, une pensée sophistique
2 - Une pensée centrée sur l'homme, l'homme doit être éduqué
3 - L’homme démuni (mythe d’Épiméthée), c'est son intelligence qui y pourvoira
4 - Le doute à l’égard des religions, aucun absolu de remplacement
5 - L’homme ne peut compter que sur lui-même
6 - L’homme, œuvre de l’homme par l’éducation
7 - Le langage, pouvoir suprême de l’homme
8 - La critique de l'ontologien une logologie à la place d’une ontologie
9 - Le subjectivisme et le relativisme, la réduction anthropocentrique
11 - Une éthique du calcul du plus utile
IV
LES PRINCIPAUX SOPHISTES
1 - Quelques sophistes célèbres (Article Universalis 7.0 “Les sophistes”, par Jacques Brunschwig.)
2 - Protagoras d’Abdère (immortalisé par Platon dans le dialogue du même nom)
3 - Gorgias de Léontinum (approx 483-374)
3 - Prodicos de Céos
4 - Hippias d’Élis le polymathe, un Pic de la Mirandole antique
5 - Autres sophistes : Thrasymaque, Antiphon, Lycophron, Critias, Euthydème, Dionysodore,
Isocrate ...
V
LE MOUVEMENT SOPHISTIQUE PAR RAPPORT AUX AUTRES PHILOSOPHES
1 - La très grande proximité avec les "philosophes" non-sophistiques
2 - Ce sont des professionnels de l'enseignement, eux-aussi
3 - Un enseignement itinérant et non pas fixé
4 - Une utilisation "sophistique" des voies de la raison, de la rationalité
5 - La conscience de l'importance et de la valeur de la connaissance
6 - La maîtrise de la rhétorique - l'affranchissement réalistique du langage
7 - Une formation supérieure pour qualifier l'homme
8 - Un Arrêté différent de la culture classique, une divergence quant à son contenu
9 - Une remise en cause des considérations de la culture grecque classique
10 - La tradition classique est ontologique et sur le sens, les sophistes sur le langage
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VI
LES RÉACTIONS FACE AUX SOPHISTES
1 - La confrontation sophistique, raison des orientations ultérieures de la philosophie ?
2 - Les différentes possibilités de réaction face aux sophistes :
A - La réaction du sens commun
B - La réaction des sceptiques
C - La réaction socratique, celle de la vertu (mais Socrate est sophiste lui-même)
D - La réaction platonicienne, la restitution ontologique
E - La réaction logicienne, ou réaction aristotélicienne
VII
CONCLUSION
1 - L'autonomie des sophistes dans la philosophie antique, une pensée inclassable
2 - L'influence des sophistes
3 - L'anathème platonicien, acte fondateur de la conscience philosophique
4 - Leur influence au-delà de l'Antiquité, des échos récurrents
ORA ET LABORA
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
Quelques livres sur les philosophes antiques
- Les grands sophistes dans l'Athènes de Périclès, Jacqueline de Romilly, Lgf, 2004
- Les sophistes, Gilbert Romeyer-Dherbey, Puf, 2002
- Isocrate contre les sophistes, Collectif, Presses Universitaire Limoges, 2002
- Le mouvement sophistique, G.B. Kerferd, Vrin, 2000
- Les Sophistes: Protogoras Gorgias Prodicus Hippias, Eugène Dupreel, Éditions du Griffon, 1995
Œuvres de Platon traitant des sophistes
- Gorgias
- Protagoras
- Hippias mineur
- Hippias majeur
- Euthydème
- Théétète
Œuvres d'Aristote traitant des sophistes
- Les réfutations sophistiques, Aristote, trad. et commentaires Louis-André Dorion, Vrin, 1995
Œuvres d'Aristophane traitant des sophistes
- Théâtre complet, Aristophane (2 tomes), présentation Victor-Henry Debidour, Gallimard, 1998
- Les nuées d'Aristophane, F. Boussard, Éditions Bertrand Lacoste, 1995
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QUATRIÈME SUJET
PLATON ET LE PLATONICISME
“La métaphysique est de fond en comble platonique.”
Martin Heidegger (1889-1976)
Introduction à la métaphysique
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Sa situation dans la période
2 - Ses relations avec les autres écoles
3 - Durée historique, à la fois école et courant de pensée
4 - Son importance en son temps
5 - Ses représentants : Platon, Héraclite du Pont, Speusippe, Xénocrate
II
SON FONDATEUR, PLATON (428 env.-347 env. av. J.-C.)
1 - Le mythe Platon, un personnage étonnant
2 - Les sources sur la vie de Platon
3 - Ses origines
4 - Éléments biographiques : de la rencontre de Socrate à l'Académie
5 - Son œuvre philosophique : une oeuvre considérable et l'Académie
6 - Ses ouvrages : la postérité des Dialogues
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE, DE L'ACADÉMIE
1 - Les lieux de l'école, fondée vers 387
2 - L'organisation de l'école
3 - L'organisation des études
4 - Histoire du mouvement, une école continue jusqu'en 529 (édit de Justinien)
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - Le projet philosophique de la philosophie platonicienne
2 - Conceptions naturelles : le monde des idées
3 - Épistémologie : de la dialectique à contemplation, la réminiscence
4 - L'anthropologie : sa théorie de l’âme - sôma est séma
5 - Son idée de la sagesse et du sage : la figure idéalisée de Socrate
6 - La voie de la sagesse, la voie vers le "souverain Bien" grâce à Eros
7 - Politique : la cité idéale de la République
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V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement
A - La permanence des idées platoniciennes durant toute l'Antiquité
B - La continuité de l'Académie durant toute l'Antiquité, jusqu'en +529
1 - L’Académie ancienne
2 - L’Académie moyenne (Arcésilas)
3 - L’Académie nouvelle (Carnéade)
4 - L’Académie tardive (néoplatonicienne)
2 - Son héritage
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Buste de Platon :
Document 2 : Liste des ouvrages de Platon.
La liste suivante est une liste d’ouvrages de Platon qui sont certainement de sa main.
Cette liste correspond à l'ordre dans lequel ils ont été publiés à partir de 1920 dans la
collection Budé, qui se voulait “chronologique”, c'est à dire dans l'ordre supposé dans
lequel ils auraient été écrits par Platon. (L'édition Budé, nom abrégé de la “Collection des
Universités de France” publiée sous le patronage de l'Association Guillaume Budé par la
Société d'édition “Les Belles Lettres”, est une collection de référence qui propose, pour
de nombreux auteurs anciens grecs et latins, une édition critique du texte original et une
traduction en français en pages vis-à-vis, ainsi qu'une introduction et un apparat critique.
- Hippias mineur
- Alcibiade
- L'apologie de Socrate
- Euthyphron
- Criton
- Hippias majeur
- Charmide
- Lachès
- Lysis
- Protagoras
- Gorgias
- Menon
- Phédon
- Le Banquet
- Phèdre
- Ion
- Ménéxène
- Euthydème
- Cratyle
- La République
- Parménide
- Théétète
- Le Sophiste
- Le Politique
- Philèbe
- Timée
- Critias
- Les Lois
- Épinomis (ou supplément aux lois)
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Document 3 : Les ouvrages attribués à Platon considérés comme apocryphes.
À la première liste, il faut ajouter les ouvrages suivants, qui sont très probablement
apocryphes, écrits par des disciples de Platon.
- Second Alcibiade
- Hipparque
- Minos
- Les Rivaux
- Théagès
- Clitophon
- Du Juste
- De la Vertu
- Démodocos
- Sisyphe
- Eryxias
- Axiochos
- Les Définitions et la plupart des Lettres
(avec la probable exception de la VIIème)
Document 4 : Organisation classique des ouvrages de Platon en tétralogie par Thrasylle.
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
Euthyphron, L'apologie de Socrate, Criton, Phédon
Cratyle, Théétète, Le Sophiste, Le Politique
Parménide, Philèbe, Le Banquet, Phèdre
Alcibiade, 2ème Alcibiade, Hipparque, Les Rivaux
Théagès, Charmide, Lachès, Lysis
Euthydème, Protagoras, Gorgias, Menon
Hippias majeur, Hippias mineur, Ion, Ménéxène
Clitophon, La République, Timée, Critias
Minos, Les Lois, Épinomis, Lettres
Document 5 : Diogène Laërce mentionne aussi un groupement en trilogies (groupes de trois) qu'il attribue à
Aristophane de Byzance (IIIème siècle avant J.C.) mais qui ne reprend qu'une partie des dialogues. Cet
arrangement est le suivant :
1.
2.
3.
4.
5.
La République, Timée, Critias
Le Sophiste, Le Politique, Cratyle
Les Lois, Minos, Épinomis
Théétète, Euthyphron, L'apologie de Socrate
Criton, Phédon, Lettres
Document 6 : L'allégorie de la caverne.
Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine en forme de caverne, dont
l'entrée, ouverte à la lumière, s'étend sur toute la longueur de la façade; ils sont là depuis
leur enfance, les jambes et le cou pris dans des chaînes, en sorte qu'ils ne peuvent
bouger de place, ni voir ailleurs que devant eux; car les liens les empêchent de tourner la
tête; la lumière d'un feu allumé au loin sur une hauteur brille derrière eux; entre le feu et
les prisonniers il y a une route élevée; le long de cette route figure-toi un petit mur, pareil
aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent entre eux et le public et audessus desquelles ils font voir leurs prestiges.
- Je vois cela, dit-il.
- Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des ustensiles de
toute sorte, qui dépassent la hauteur du mur, et des figures d'hommes et d'animaux, en
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pierre, en bois, de toutes sortes de formes; et naturellement parmi ces porteurs qui
défilent, les uns parlent, les autres ne disent rien.
- Voilà, dit-il, un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
- Ils nous ressemblent, répondis-je. Et d'abord penses-tu que dans cette situation ils aient
vu d'eux-mêmes et de leurs voisins autre chose que les ombres projetées par le feu sur
la partie de la caverne qui leur fait face?
- Peut-il en être autrement, dit-il, s'ils sont contraints toute leur vie de rester la tête
immobile?
- Et des objets qui défilent, n'en est-il pas de même?
- Sans contredit.
- Dès lors, s'ils pouvaient s'entretenir entre eux, ne penses-tu pas qu'ils croiraient
nommer les objets réels eux-mêmes, en nommant les ombres qu'ils verraient?
- Nécessairement.
- Et s'il y avait aussi un écho qui renvoyât les sons du fond de la prison, toutes les fois
qu'un des passants viendrait à parler, crois-tu qu'ils ne prendraient pas sa voix pour celle
de l'ombre qui défilerait?
- Si, par Zeus, dit-il.
- il est indubitable, repris-je, qu'aux yeux de ces gens-là la réalité ne saurait être autre
chose que les ombres des objets confectionnés.
- C'est de toute nécessité, dit-il.
- Examine maintenant comment ils réagiraient, si on les délivrait de leurs chaînes et
qu'on les guérit de leur ignorance, et si les choses se passaient naturellement comme il
suit. Qu'on détache un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser soudain, à tourner
le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière, tous ces mouvements le feront souffrir,
et l'éblouissement l'empêchera de regarder les objets dont il voyait les ombres tout à
l'heure. Je te demande ce qu'il pourra répondre, si on lui dit que tout à l'heure il ne voyait
que des riens sans consistance, mais que maintenant plus près de la réalité et tourné
vers des objets plus réels, il voit plus juste; si enfin, lui faisant voir chacun des objets qui
défilent devant lui, on l'oblige à force de questions à dire ce que c'est: ne crois-tu pas qu'il
sera embarrassé et que les objets qu'il voyait tout à l'heure lui paraîtront plus véritables
que ceux qu'on lui montre à présent?
- Beaucoup plus véritables, dit-il.
- Et si on le forçait à regarder la lumière même, ne crois-tu pas que les yeux lui feraient
mal et qu'il se déroberait et retournerait aux choses qu'il peut regarder, et qu'il les croirait
réellement plus distinctes que celles qu'on lui montre?
-Je le crois, fit-il.
- Et si, repris-je, on le tirait de là par force, qu'on lui fit gravir la montée rude et escarpée,
et qu'on ne le lâchât pas avant de l'avoir traîné dehors à la lumière du soleil, ne penses-tu
pas qu'il souffrirait et se révolterait d'être ainsi traîné, et qu'une fois arrivé à la lumière, il
aurait les yeux éblouis de son éclat, et ne pourrait voir aucun des objets que nous
appelons à présent véritables?
- Il ne le pourrait pas, dit-il, du moins tout d'abord.
- Il devrait en effet, repris-je, s'y habituer, s'il voulait voir le monde supérieur. Tout d'abord
ce qu'il regarderait le plus facilement, ce sont les ombres, puis les images des hommes
et des autres objets reflétés dans les eaux, puis les objets eux-mêmes; puis élevant ses
regards vers la lumière des astres et de la lune, il contemplerait pendant la nuit les
constellations et le firmament lui-même plus facilement qu'il ne ferait pendant le jour le
soleil et l'éclat du soleil.
- Sans doute.
- À la fin, je pense, ce serait le Soleil, non dans les eaux, ni ses images reflétées sur
quelque autre point, mais le soleil lui-même dans son propre séjour qu'il pourrait regarder
et contempler tel qu'il est.
- Nécessairement, dit-il.
- Après cela, il en viendrait à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui produit les
saisons et les années, qu'il gouverne tout dans le monde visible et qu'il est en quelque
manière la cause de toutes ces choses que lui et ses compagnons voyaient dans la
caverne.
- il est évident, dit-il, que c'est là qu'il en viendrait après ces diverses expériences.
- Si ensuite il venait à penser à sa première demeure et à la science qu'on y possède, et
aux compagnons de sa captivité, ne crois-tu pas qu'il se féliciterait du changement et qu'il
les prendrait en pitié?
- Certes si.
- Quant aux honneurs et aux louanges qu'ils pouvaient alors se donner les uns aux
autres, et aux récompenses accordées à celui qui discernait de l'œil le plus pénétrant les
objets qui passaient régulièrement les premiers ou les derniers, ou ensemble, et qui par
là était le plus habile à deviner celui qui allait arriver, penses-tu que notre homme en
aurait envie, et qu'il jalouserait ceux qui seraient parmi ces prisonniers en possession des
honneurs et de la puissance? Ne penserait-il pas comme Achille dans Homère, et ne
préférerait-il pas cent fois n'être qu'un valet de charrue au service d'un pauvre laboureur
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et supporter tous les maux possibles plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et de
vivre comme il vivait ?
- Je suis de ton avis, dit-il: il préférerait tout souffrir plutôt que de revivre cette vie-là.
- Imagine encore ceci, repris-je; si notre homme redescendait et reprenait son ancienne
place, n'aurait-il pas les yeux offusqués par les ténèbres, en venant brusquement du
soleil?
- Assurément si, dit-il.
- Et s'il lui fallait de nouveau juger de ces ombres et concourir avec les prisonniers qui
n'ont jamais quitté leurs chaînes, pendant que sa vue est encore confuse et avant que
ses yeux se soient remis et accoutumés à l'obscurité, ce qui demanderait un temps assez
long, n'apprêterait-il pas à rire et ne diraient-ils pas de lui que, pour être monté là-haut, il
en est revenu les yeux gâtés, que ce n’est même pas la peine de tenter l'ascension; et, si
quelqu'un essayait de les délier et de les conduire en haut, et qu'ils pussent le tenir en
leurs mains et le tuer, ne le tueraient-ils pas?
- Ils le tueraient certainement, dit-il.
- Maintenant, repris-je, il faut, mon cher Glaucon, appliquer exactement cette image à ce
que nous avons dit plus haut: il faut assimiler le monde visible au séjour de la prison, et la
lumière du feu dont elle est éclairée à l'effet du soleil; quant à la montée dans le monde
supérieur et à la contemplation de ses merveilles, vois-y la montée de l'âme dans le
monde intelligible, et tu ne te tromperas pas sur ma pensée, puisque tu désires la
connaître. Dieu sait si elle est vraie; en tout cas, c'est mon opinion, qu'aux dernières
limites du monde intelligible est l'idée du bien, qu'on aperçoit avec peine, mais qu'on ne
peut apercevoir sans conclure qu'elle est la cause universelle de tout ce qu'il y a de bien
et de beau; que dans le monde visible, c'est elle qui a créé la lumière et le dispensateur
de la lumière; et que dans le monde intelligible, c'est elle qui dispense et procure la vérité
et l'intelligence, et qu'il faut la voir pour se conduire avec sagesse soit dans la vie privée,
soit dans la vie publique.
Platon (vers 420-340 av. J.-C.)
La République
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
Quelques livres sur Platon
- Lire Platon, Luc Brisson et F. Fronterotta, PUF, 2006
- Platon, Léon Robin, PUF, 2003
- Vie de Platon, Diogène Laërce (Alain Segonds), Les Belles Lettres, 1999
- Platon, François Châtelet, Gallimard, 1989
- Les grandes philosophies, Dominique Folscheid (1988), PUF, 1994
- Platon, une introduction à la vie de l’esprit, Véron Robert, Les Belles Lettres, 1987
- Platon et l'académie, Jean Brun, PUF, 1986
- Platon, Alain (1939), Flammarion, 2005
- Introduction à la lecture des dialogues de Platon, Friedrich Nietzsche, Éditions de l’Éclat, 1998
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CINQUIÈME SUJET
ARISTOTE ET L'ÉCOLE DU LYCÉE
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Sa situation dans la période : le 4ème siècle
2 - Ses relations avec les autres écoles
3 - Durée historique
4 - Son importance en son temps
5 - Ses représentants : Aristote, Théophraste, Dicéarque de Messine, Aristoxène de Tarente,
Démétrios de Phalère (le fondateur de la Bibliothèque d’Alexandrie)
II
SON FONDATEUR, ARISTOTE (environ 385-322)
1 - Le personnage d'Aristote, génie méconnu et mal connu
2 - Les sources sur la vie d'Aristote
3 - Éléments biographiques
4 - Son œuvre philosophique : une oeuvre immense, de recherche et d'écrits
5 - Ses ouvrages : le corpus aristotélicien
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE, LE LYCÉE
1 - Les lieux de l'école, fondée en 335
2 - L'organisation de l'école
3 - L'organisation des études
4 - Histoire du mouvement
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - Le projet philosophique de la philosophie aristotélicienne
2 - Conceptions naturelles : l’unité du monde, les 5 éléments, la substance
3 - Épistémologie : logique et empirisme, un idéal scientifique
4 - L'anthropologie : un animal politique, la théorie hylémorphique
5 - Son idée de la philosophie, de la sagesse et du sage
6 - La voie vers le "souverain Bien" : le bonheur ou la vie contemplative
7 - L'éthique aristotélicienne : l’amitié et la vie raisonnable (L'éthique à Nicomaque)
8 - Politique : la première des sciences, ou l’anti-République
V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement dans l'Antiquité
2 - Son héritage philosophique
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : L’image habituelle d’Aristote.
Document 2 : Le plus récent buste découvert d’Aristote (en octobre 2006) au pied de l’Acropole.
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Document 3 : Les œuvres d’Aristote, dans l’ordre traditionnel de l’édition d’Andronicos de Rhodes (Cet
ordre a été repris par Bekker dans la grande édition de l’Académie de Berlin (vol. I et II, 1831). Les œuvres
marquées d'un ou deux astérisques sont celles qui sont les plus importantes du point de vue de l'histoire de
la philosophie et le plus souvent étudiées dans cette discipline (2 astérisques signifient une importance
capitale).
1. Les traités de logique ou Organon:
Catégories *
De l'interprétation *
Premiers Analytiques (deux livres) *
Seconds Analytiques (deux livres) *
Topiques (huit livres) *
Réfutation sophistiques *
2. Philosophie théorique:
Physique (huit livres) **
Traité Du Ciel (quatre livres) *
De la Génération et de la Corruption (deux livres) *
Météorologiques (quatre livres)
Traité De l'Âme (trois livres) **
Petits traités d'histoire naturelle :
Du sens et des sensibles
De la mémoire et de la réminiscence
Du sommeil et de la veille
Des songes
De l'interprétation des songes
De la longévité et de la brièveté de la vie
De la jeunesse et de la vieillesse
De la vie et de la mort
De la respiration
Histoire des animaux (dix livres)
Des parties des animaux (quatre livres)
Du mouvement des animaux
De la marche des animaux
De la génération des animaux (cinq livres)
Problèmes (trente-huit livres)
Sur Xénophane, Mélissos et Gorgias
Métaphysique (quatorze livres) **
3. Philosophie pratique:
Éthique à Nicomaque (dix livres) **
Grande Morale (deux livres)
Éthique à Eudème (quatre livres) *
Politique (huit livres) **
Économiques (deux livres)
Rhétorique (trois livres) *
Poétique *
Constitution d'Athènes *
Des vertus et des vices
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Document 4 : l’organisation de la philosophie selon Aristote :
philosophie théorique
philosophie pratique
philosophie poétique
théologie
mathématique
physique
éthique
politique
art
Document 5 : La philosophie sous l’égide de la curiosité et des voies de la raison.
C'est, en effet, l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux
spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se
présentaient les premières à l'esprit ; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur
exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux
du Soleil et des étoiles, enfin la genèse de l'Univers. Or, apercevoir une difficulté et
s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance.
Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se
livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la
seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s'est passé en réalité en fournit
la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bienêtre et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une
discipline de ce genre.
Aristote (384-322 av. J. C.)
Métaphysique, trad. J. Tricot,Vrin
Document 6 : Aristote et les sciences, le père de la zoologie.
En toutes les parties de la Nature il y a des merveilles; on dit qu'Héraclite, à des visiteurs
étrangers qui, l'ayant trouvé se chauffant au feu de sa cuisine, hésitaient à entrer, fit cette
remarque: « Entrez, il y a des dieux aussi dans la cuisine. » Eh bien, de même, entrons
sans dégoût dans l'étude de chaque espèce animale: en chacune, il y a de la nature et
de la beauté. Ce n'est pas le hasard, mais la finalité qui règne dans les œuvres de la
nature, et à un haut degré; or, la finalité qui régit la constitution ou la production d'un être
est précisément ce qui donne lieu à la beauté.
Et si quelqu'un trouvait méprisable l'étude des autres animaux, il lui faudrait aussi se
mépriser lui-même, car ce n'est pas sans avoir à vaincre une grande répugnance qu'on
peut saisir de quoi se compose le genre Homme, sang, chair, os, veines, et autres parties
comme celles-là.
De même, quand on traite d'une partie ou d'un organe quelconques, il faut garder dans
l'esprit qu'on ne doit pas seulement faire mention de la matière et voir là le but de la
recherche, mais qu'on doit s'attacher à la forme totale; ainsi considère-t-on une maison
tout entière et non pas seulement les briques, le mortier, les bois. Pareillement, dans
l'étude de la Nature, c'est la synthèse, la substance intégrale qui importent, et non des
éléments qui ne se rencontrent pas séparés de ce qui fait leur substance.
Aristote (384-322 av. J. C.)
Traité sur les parties des animaux
Document 7 : Le bien propre à l'homme est l'activité de l'âme.
Pour le joueur de flûte, le statuaire, pour toute espèce d'artisan et en un mot pour tous
ceux qui pratiquent un travail et exercent une activité, le bien et la perfection résident,
semble-t-il, dans le travail même. De toute évidence, il en est de même pour l'homme, s'il
existe quelque acte qui lui soit propre. Faut-il donc admettre que l'artisan et le cordonnier
ont quelque travail et quelque activité particuliers, alors qu'il n'y en aurait pas pour
l'homme et que la nature aurait fait de celui-ci un oisif ? Ou bien, de même que l'œil, la
main, le pied et en un mot toutes les parties du corps ont, de toute évidence, quelque
fonction à remplir, faut-il admettre pour l'homme également quelque activité, en outre de
celle que nous venons d'indiquer ? Quelle pourrait-elle être ? Car, évidemment, la vie est
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commune à l'homme ainsi qu'aux plantes ; et nous cherchons ce qui le caractérise
spécialement. Il faut donc mettre à part la nutrition et la croissance. Viendrait ensuite la
vie de sensations, mais, bien sûr, celle-ci appartient également au cheval, au bœuf et à
tout être animé. Reste une vie active propre à l'être doué de raison. Encore y faut-il
distinguer deux parties : l'une obéissant, pour ainsi dire à la raison, l'autre possédant la
raison, et s'employant à penser. Comme elle s'exerce de cette double manière, il faut la
considérer dans son activité épanouie, car c'est alors qu'elle se présente avec plus de
supériorité. Si le propre de l'homme est l'activité de l'âme, en accord complet ou partiel
avec la raison ; si nous affirmons que cette fonction est propre à la nature de l'homme
vertueux, comme lorsqu'on parle du bon citharède et du citharède accompli et qu'il en est
de même en un mot en toutes circonstances, en tenant compte de la supériorité qui,
d'après le mérite, vient couronner l'acte, le citharède jouant de la cithare, le citharède
accompli en jouant bien ; s'il en est ainsi, nous supposons que le propre de l'homme est
un certain genre de vie, que ce genre de vie est l'activité de l'âme, accompagnée
d'actions raisonnables et que chez l'homme accompli tout se fait selon le Bien et le Beau,
chacun de ces actes s'exécutant à la perfection selon la vertu qui lui est propre. À ces
conditions, le bien propre à l'homme est l'activité de l'âme, en conformité avec la vertu ;
et si les vertus sont nombreuses, selon celle qui est la meilleure et la plus accomplie. Il
en va de même dans une vie complète. Car une hirondelle ne fait pas le printemps, non
plus qu'une seule journée de soleil ; de même ce n'est ni un seul jour ni un court
intervalle de temps qui font la félicité et le bonheur.
Aristote (384-322 av. J. C.)
Éthique à Nicomaque
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Epicure et le plaisir, par Yves Belaubre
- Avicenne, par Dominique Urvoy
Conférences sur l’histoire des sciences par Éric Lowen (code 1000)
- L’invention de la Science et des sciences
- La révolution galiléenne
- La révolution copernicienne
- La révolution biologique
Conférences sur Alexandre le grand (code 1000)
- L'épopée d’Alexandre Le Grand
- La montée de l’étoile macédonienne, de Philippe à Alexandre
- L'œuvre d’Alexandre, Alexandre le créateur
- Les grandes batailles d’Alexandre
- Le destin de l’empire d’Alexandre
- L'impact d’Alexandre sur le monde antiqueI
- La légende d’Alexandre à travers l’histoire
- Aristote et Alexandre
- La grande bibliothèque d’Alexandrie
Quelques livres sur Aristote
- La philosophie d’Aristote; Collectif : A. Jaulin , M.-H. Gauthier-Mullec, F. Wolff, R. Bodéüs, PUF, 2003
- Aristote, le philosophe et les savoirs, Michel Crubellier et Pierre Pellegrin, Éditions Points, 2002
- Le goût du bonheur : au fondement de la morale avec Aristote, Jean Vanier, Presses de la Renaissance,
2000.
- Aristote, A. Cauquelin, Seuil, 1994
- La prudence chez Aristote, P. Aubenque, PUF, 1993
- Aristote et le lycée, Jean Brun, PUF Coll. Que sais-je ?, 1992
- Le problème de l'Être chez Aristote, P. Aubenque, PUF, 1990
- Histoire de la philosophie, I. Antiquité et Moyen Âge, É. Bréhier, PUF, 1987
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SIXIÈME SUJET
ÉPICURE ET L'ÉPICURISME
À propos de chaque désir, il faut se poser cette question :
quel avantage en résultera-t-il si je ne le satisfais pas ?
Épicure
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Sa situation dans la période
2 - Ses relations avec les autres écoles
3 - Durée historique
4 - Son importance en son temps
5 - Ses représentants
II
SON FONDATEUR, ÉPICURE (341-270)
1 - Origine
2 - Éléments biographiques
3 - Son œuvre philosophique
4 - Un texte essentiel : la lettre à Ménécée
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE DU JARDIN
1 - Les lieux de l'école, fondée en 306
2 - L'organisation de l'école
3 - L'organisation des études
4 - Histoire du mouvement
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - Épistémologie : une philosophie sensualiste
2 - Conceptions naturelles (physique et cosmologie) : atomes et agrégats
3 - L'anthropologie épicurienne, une anthropologie matérialiste
4 - Son idée de la sagesse et du sage, l’harmonie avec la nature
5 - La voie de la sagesse : le tetrapharmakos
6 - Politique, ou apolitisme ?
V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement
2 - Son héritage
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Buste d’Épicure (Musée du Louvre).
Document 2 : Carte du monde grec en relation avec Épicure.
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Document 3 : Classification des désirs selon Épicure.
1 - Désirs naturels
A - Nécessaires :
Pour le bonheur (ataraxie)
Pour la tranquillité du corps (protection)
Pour la vie (nourriture, sommeil)
B - Simplement naturels :
Variation des plaisirs
recherche de l'agréable
2 - Désirs vains
A - Artificiels : richesse, gloire
B - Irréalisables : désir d'immortalité
Document 4 :
Épicure à Ménécée, salut.
Que nul, étant jeune, ne tarde à philosopher, ni, vieux, ne se lasse de la philosophie. Car il
n'est, pour personne, ni trop tôt ni trop tard, pour assurer la santé de l'âme. Celui qui dit que
le temps de philosopher n'est pas encore venu ou qu'il est passé, est semblable à celui qui
dit que le temps du bonheur n'est pas encore venu ou qu'il n'est plus. De sorte que ont à
philosopher et le jeune et le vieux, celui-ci pour que, vieillissant, il soit jeune en biens par la
gratitude de ce qui a été, celui-là pour que, jeune il soit en même temps un ancien par son
absence de crainte de l'avenir. Il faut donc méditer sur ce qui procure le bonheur, puisque,
lui présent, nous avons tout, et, lui absent, nous faisons tout pour l'avoir.
Ce que je te conseillais sans cesse, ces enseignements-là, mets-les en pratique et méditeles, en comprenant que ce sont là les éléments du bien vivre. En premier lieu, regardant le
dieu comme un vivant incorruptible et bienheureux, conformément à la notion commune du
dieu tracée en nous, ne lui attribue rien d'opposé à son incorruptibilité ni d'incompatible
avec sa béatitude ; mais tout ce qui est capable de lui conserver la béatitude avec
l'incorruptibilité, pense qu'il le possède. Car les dieux sont: en effet la connaissance qu'on
en a est évidente. Mais ils ne sont pas tels que la foule se les représente ; car la foule ne
garde pas intacte la notion qu'elle en a. L'impie n'est pas celui qui rejette les dieux de la
foule, mais celui qui attache aux dieux les opinions de la foule. Car ce ne sont pas des
prénotions mais des présomptions fausses que les assertions de la foule au sujet des
dieux. À partir de là viennent des dieux les plus grands dommages et les plus grands
avantages. Car, adonnés continuellement à leurs propres vertus, ils accueillent leurs
semblables, considérant comme étranger tout ce qui n'est pas tel.
Habitue-toi à penser que la mort n'est rien par rapport à nous ; car tout bien - et tout mal est dans la sensation : or la mort est privation de sensation. Par suite la droite
connaissance que la mort n'est rien par rapport à nous, rend joyeuse la condition mortelle
de la vie, non en ajoutant un temps infini, mais en ôtant le désir de l'immortalité. Car il n'y
a rien de redoutable dans la vie pour qui a vraiment compris qu'il n'y a rien de redoutable
dans la non-vie. Sot est donc celui qui dit craindre la mort, non parce qu'il souffrira
lorsqu'elle sera là, mais parce qu'il souffre de ce qu'elle doit arriver. Car ce dont la
présence ne nous cause aucun trouble, à l'attendre fait souffrir pour rien. Ainsi le plus
terrifiant des maux, la mort, n'est rien par rapport à nous, puisque, quand nous sommes,
la mort n'est pas là, et, quand la mort est là, nous ne sommes plus. Elle n'est donc en
rapport ni avec les vivants ni avec les morts, puisque, pour les uns, elle n'est pas, et que
les autres ne sont plus. Mais la foule fuit la mort tantôt comme le plus grand des maux,
tantôt comme la cessation des choses de la vie. Le sage, au contraire, ne craint pas de
ne pas vivre : car ni vivre ne lui pèse ni il ne considère comme un mal de ne pas vivre. Et
comme il ne choisit pas du tout la nourriture la plus abondante mais la plus agréable, de
même ce n'est pas le temps le plus long dont il jouit mais le plus agréable. Celui qui
exhorte le jeune à bien vivre et le vieillard à bien mourir est niais, non seulement à cause
de l'agrément de la vie, mais aussi parce que c'est une même étude que celle de bien
vivre et celle de bien mourir. Bien pire encore celui qui dit qu'il est beau de « n'être pas
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né », mais, « si l'on naît, de franchir au plus tôt les portes de l'Hadès ». Car, s'il est
convaincu de ce qu'il dit, comment se fait-il qu'il ne quitte pas la vie ? Cela est tout à fait
en son pouvoir, s'il y est fermement décidé. Mais s'il plaisante, il montre de la frivolité en
des choses qui n'en comportent pas.
Il faut encore se rappeler que l'avenir n'est ni tout à fait nôtre ni tout à fait non nôtre, afin
que nous ne l'attendions pas à coup sûr comme devant être, ni n'en désespérions
comme devant absolument ne pas être.
Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres vains,
et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres naturels seulement.
Parmi les désirs nécessaires, les uns le sont pour le bonheur, les autres pour l'absence
de souffrances du corps, les autres pour la vie même. En effet, une étude de ces désirs
qui ne fasse pas fausse route, sait rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps et
à l'absence de troubles de l'âme, puisque c'est là la fin de la vie bienheureuse. Car c'est
pour cela que nous faisons tout : afin de ne pas souffrir et de n'être pas troublés. Une fois
cet état réalisé en nous, toute la tempête de l'âme s'apaise, le vivant n'ayant plus à aller
comme vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher autre chose par quoi rendre
complet le bien de l'âme et du corps. Alors, en effet, nous avons besoin du plaisir quand,
par suite de sa non-présence, nous souffrons, « mais quand nous ne souffrons pas »,
nous n'avons plus besoin du plaisir.
Et c'est pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et la fin de la vie bienheureuse.
Car c'est lui que nous avons reconnu comme le bien premier et connaturel, c'est en lui
que nous trouvons le principe de tout choix et de tout refus, et c'est à lui que nous
aboutissons en jugeant tout bien d'après l'affection comme critère. Et parce que c'est là le
bien premier et connaturel, pour cette raison aussi nous ne choisissons pas tout plaisir,
mais il y a des cas où nous passons pardessus de nombreux plaisirs, lorsqu'il en découle
pour nous un désagrément plus grand; et nous regardons beaucoup de douleurs comme
valant mieux que des plaisirs quand, pour nous, un plaisir plus grand suit, pour avoir
souffert longtemps. Tout plaisir donc, du fait qu'il a une nature appropriée « à la nôtre »,
est un bien : tout plaisir, cependant, ne doit pas être choisi ; de même aussi toute douleur
est un mal, mais toute douleur n'est pas qu'elle doive toujours être évitée. Cependant,
c'est par la comparaison et l'examen des avantages et des désavantages qu'il convient
de juger de tout cela. Car nous en usons, en certaines circonstances, avec le bien
comme s'il était un mal, et avec le mal, inversement, comme s'il était un bien.
Et nous regardons l'indépendance « à l'égard des choses extérieures » comme un grand
bien, non pour que absolument nous vivions de peu, mais afin que, si nous n'avons pas
beaucoup, nous nous contentions de peu, bien persuadés que ceux-là jouissent de
l'abondance avec le plus de plaisir qui ont le moins besoin d'elle, et que tout ce qui est
naturel est facile à se procurer, mais ce qui est vain difficile à obtenir. Les mets simples
donnent un plaisir égal à celui d'un régime somptueux, une fois supprimée toute la
douleur qui vient du besoin ; et du pain d'orge et de l'eau donnent le plaisir extrême,
lorsqu'on les porte à sa bouche dans le besoin. L'habitude donc de régimes simples et
non dispendieux est propre à parfaire la santé, rend l'homme actif dans les occupations
nécessaires de la vie, nous met dans une meilleure disposition quand nous nous
approchons, par intervalles, des nourritures coûteuses, et nous rend sans crainte devant
la fortune.
Quand donc nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons pas des plaisirs des
gens dissolus et de ceux qui résident dans la jouissance, comme le croient certains qui
ignorent la doctrine, ou ne lui donnent pas leur accord ou l'interprètent mal, mais du fait,
pour le corps, de ne pas souffrir, pour l'âme, de n'être pas troublée. Car ni les beuveries
et les festins continuels, ni la jouissance des garçons et des femmes, ni celle des
poissons et de tous les autres mets que porte une table somptueuse, n'engendrent la vie
heureuse, mais le raisonnement sobre cherchant les causes de tout choix et de tout
refus, et chassant les opinions par lesquelles le trouble le plus grand s'empare des âmes.
Le principe de tout cela et le plus grand bien est la prudence. C'est pourquoi, plus
précieuse même que la philosophie est la prudence, de laquelle proviennent toutes les
autres vertus, car elle nous enseigne que l'on ne peut vivre avec plaisir sans vivre avec
prudence, honnêteté et justice, « ni vivre avec prudence, honnêteté et justice » sans vivre
avec plaisir. Les vertus sont, en effet, connaturelles avec le fait de vivre avec plaisir, et le
fait de vivre avec plaisir en est inséparable.
Qui, alors, estimes-tu supérieur à celui qui a sur les dieux des opinions pieuses, qui, à
l'égard de la mort, est constamment sans crainte, qui s'est rendu compte de la fin de la
nature, saisissant d'une part que la limite des biens est facile à atteindre et à se procurer,
d'autre part que celle des maux est ou brève dans le temps ou légère en intensité, qui se
« moque » de ce que certains présentent comme le maître de tout, « le destin, disant, lui,
que certaines choses sont produites par la nécessité », d'autres par le hasard, d'autres
enfin par nous-mêmes, car il voit que la nécessité est irresponsable, le hasard instable,
mais que notre volonté est sans maître, et qu'à elle s'attachent naturellement le blâme et
son contraire (mieux vaudrait, en effet, suivre le mythe sur les dieux que de s'asservir au
destin des physiciens : car, avec l'un, se dessine l'espoir de fléchir les dieux en les
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honorant, mais l'autre ne comporte qu'une inflexible nécessité), qui ne regarde le hasard,
ni comme un dieu, ainsi que la foule le considère (car rien n'est fait par un dieu d'une
façon désordonnée), ni comme une cause inefficace (car il ne croit pas que le bien et le
mal, qui font la vie bienheureuse, soient donnés aux hommes par le hasard, mais
pourtant qu'il leur fournit les éléments de grands biens et de grands maux), qui croit qu'il
vaut mieux être infortuné en raisonnant bien que fortuné en raisonnant mal - le mieux,
dans nos actions, étant de voir ce qui est bien jugé favorisé aussi par le hasard. Ces
choses-là, donc, et celles qui leur sont apparentées, médite-les jour et nuit en toi-même
et avec qui est semblable à toi, et jamais, ni en état de veille ni en songe, tu ne seras
sérieusement troublé, mais tu vivras comme un dieu parmi les hommes. Car il ne
ressemble en rien à un vivant mortel, l'homme vivant dans des biens immortels.
Épicure
Lettre à Ménécée
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
- Avicenne, par Dominique Urvoy
Quelques livres sur Épicure
- Atome et nécessité : Démocrite, Épicure, Lucrèce, Pierre-Marie Morel, PUF, 2000
- Autour d'Épicure, Philippe Paraire, Le Temps Des Cerises, 1999
- Démocrite Épicure Lucrèce - les matérialistes de l'Antiquité, Paul Nizan, Arlea, 1999
- Épicure et ses dieux, André-Jean Festugière, Puf, 1997
- Épicure et son école, Geneviève Rodis-Lewis, Gallimard, 1993
- Épicure et les épicuriens (1961), PUF, 1991
- L’Épicurisme, Jean Brun (1959), PUF, 1988
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SEPTIÈME SUJET
LE STOÏCISME ET L'ÉCOLE DU PORTIQUE
En toutes affaires, quand elles sont passées, comment que ce soit, j’y ai peu de regret.
Car cette imagination me met hors de peine, qu’elles devraient ainsi passer ;
les voilà dans le grand cours de l’Univers et dans l’enchaînure des causes stoïques ;
votre fantaisie n’en peut, par souhait et imagination, remuer un point,
que tout l’ordre des choses ne renverse, et le passé, et l’avenir.
Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592)
Du repentir
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Sa situation dans la période
2 - Ses relations avec les autres écoles
3 - Durée historique
4 - Son importance en son temps
5 - Ses représentants : Zénon, Cléanthe et Chrysippe
II
SON FONDATEUR, ZÉNON DE CITIUM (332-262)
1 - Les sources sur Zénon et le stoïcisme
2 - Éléments biographiques
3 - Son œuvre philosophique
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE
1 - Les lieux de l'école
2 - L'organisation de l'école
3 - L'organisation des études
4 - Histoire du mouvement
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - Une philosophie globale, pas seulement une éthique
2 - Épistémologie : sensualisme et importance de la logique
3 - Conceptions naturelles (physique et cosmologie) : matière et logos
4 - L'anthropologie : le logos dans l’homme
5 - Son idée de la sagesse et du sage
6 - La voie de la sagesse stoïcienne, la voie vers le "souverain Bien"
7 - Politique : un apolitisme engagé
V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement
2 - Son héritage, sa résurgence de la Renaissance
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : À gauche, un des rares bustes antiques de Zénon de Citium (Museo Nazionale, Naples), et à
droite, Chrysippe (buste au British Museum, Londres).
Document 2 : L’organisation stoïcienne de la philosophie.
Les Stoïciens et quelques autres disent qu’il y a trois parties dans la philosophie : la
logique, la physique et l’éthique; ils commencent l’enseignement par la logique, bien qu’il
y ait beaucoup de dispute sur le problème de savoir par où il faut commencer.
Sextus Empiricus (160-210 ap. J.C.)
Hyp. Pyrrh., 11-13
Document 3 : Le stoïcisme et la négativité du plaisir.
Ajoutez encore que le plaisir s'arrange de l'existence la plus honteuse, mais que la vertu
ne consent pas a une vie mauvaise ; il y a des malheureux à qui le plaisir ne fait pas
défaut, et même dont le plaisir cause le malheur, ce qui n'arriverait pas si le plaisir était
mélangé à la vertu, mais la vertu existe souvent sans le plaisir et n'a jamais besoin de lui.
Pourquoi rapprocher des choses si dissemblables et même si opposées ? La vertu est
chose élevée, sublime, royale, invincible, inépuisable; le plaisir est chose basse, servile,
faible, fragile qui s'établit et séjourne dans les mauvais lieux et les cabarets. Vous
trouverez la vertu au temple, au forum, à la curie, elle tient bon devant les remparts,
couverte de poussière, le teint hâlé et les mains calleuses ; le plaisir habituellement se
cache et recherche les ténèbres, il est aux abords des bains, des étuves et des endroits
qui redoutent la police ; il est amolli, sans force, humide de vin et de parfums, pâle ou
fardé, embaumé d'onguents comme un cadavre. Le souverain bien est immortel, il ne sait
point s'en aller, il ne connaît ni satiété ni regret ; en effet une âme droite ne change
jamais, elle n'éprouve point de haine pour elle-même, elle n'a rien à modifier à sa vie qui
est la meilleure. Mais le plaisir arrivé à son plus haut point s'évanouit ; il ne tient pas une
grande place, c'est pourquoi il la remplit vite ; puis vient l'ennui, et après un premier élan
le plaisir se flétrit. Ayant son essence dans le mouvement, il est toujours indéterminé.
Rien ne peut exister de substantiel en ce qui vient et passe si vite, et se trouve destiné à
périr de par son propre usage ; le plaisir en effet aboutit à un point où il cesse, et dès son
début il regarde vers sa fin. Que dire du fait que le plaisir n'existe pas moins chez les fous
que chez les méchants et que les êtres bas prennent autant de plaisir dans leurs infamies
que les honnêtes gens dans leurs belles actions ? Aussi les Anciens ont prescrit de
rechercher la vie la plus vertueuse et non la plus agréable, de façon que le plaisir soit
non pas le guide mais le compagnon d'une volonté droite et bonne.
Sénèque (4 av. J.C.-65 ap. J.C.)
De la vie heureuse
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Document 4 : La conception organique et holiste du cosmos selon les stoïciens :
Qu'on ait affaire à des atomes ou à une nature, posons d'abord que je suis partie de
l'univers régi par la nature, ensuite que j'ai une certaine affinité avec les parties qui me
sont semblables. Me souvenant de cela, en tant que partie, je ne serai mécontent de rien
de ce que l'univers m'a assigné car rien de ce qui est utile au tout n'est nuisible à la
partie ; or, le tout ne contient rien qui ne lui soit utile. Toutes les natures ont cela en
commun mais celle du monde, en plus, a reçu l'impossibilité d'être contrainte, par aucune
cause extérieure, engendrer quelque chose qui lui soit nuisible. En ayant présent à
l'esprit que je fais partie d'un tel univers, je serai satisfait de tout ce qui arrive. Et comme
j'ai une certaine affinité avec les parties qui me sont semblables, je ne ferai rien
d'asocial ; je me tournerai plutôt vers mes semblables ; je dirigerai tous mes efforts vers
l'intérêt commun en les détournant de ce qui lui est contraire. Si je réalise cela, ma vie
aura nécessairement un cours heureux, comme celle d'un homme qui passerait la sienne
en actions profitables à ses concitoyens, accueillant de bonne grâce le lot que la cité lui
assigne.
(...)
La joie de l'homme, c'est de faire le propre de l'homme. Le propre de l'homme, c'est la
bienveillance envers son semblable, le mépris des sensations, la sélection des idées
justes et la contemplation de la nature universelle avec les événements qu'elle
détermine.
Marc Aurèle (121-180 ap. J.C.)
Pensées pour moi-même
Document 5 : La liberté selon les stoïciens, la liberté c’est d’accepter ce qui doit être.
Puisque l'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un fou, je veux
aussi que tout m'arrive comme il me plaît. Eh ! Mon ami, la folie et la liberté ne se
trouvent jamais ensemble. La liberté est une chose non seulement très belle, mais très
raisonnable, et il n'y a rien de plus absurde ni de plus déraisonnable que de former des
désirs téméraires et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées.
Quand j'ai le nom de Dion à écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel
qu'il est, sans y changer une seule lettre. Il en est de même dans tous les arts et dans
toutes les sciences. Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutes les
choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la fantaisie. Non, mon ami : la
liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles
arrivent.
Épictète (50-125/130 ap. J.C.)
Entretiens
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
- Sénèque et le stoïcisme romain
- Pensées pour moi-même, de Marc-Aurèle
- Montaigne et l’Humanisme de la Renaissance
Quelques livres d’auteurs stoïciens
- Pensées pour moi-même, suivies du manuel d'Épictète, Marc Aurèle, Flammarion, 1992
- Dialogues, Dialogues, De la vie heureuse, De la brièveté de la vie, Sénèque, Belles Lettres, 1972
- De la vieillesse, de l’amitié, des devoirs, Cicéron, trad. par Charles Appuhn, Garnier Flammarion, 1967
Quelques livres sur le stoïcisme
- La philosophie stoïcienne de l’art, Zagdoun Mary-Anne, CNRS, 2000
- La citadelle intérieure, introduction aux pensées de Marc-Aurèle, Fayard, 1997
- La conception stoïcienne de la causalité, Jean-Jacques Duhot, Vrin, 1989
- La morale stoïcienne, Geneviève Rodis-Lewis, PUF, 1970
- Le stoïcisme et son influence, Alain Bridoux, Vrin, 1966
- Les stoïciens : Diogène Laërce, Plutarque, Cicéron, Sénèque, Épictète, Marc Aurèle, P.-M. Schuhl et É.
Bréhier, Coll. La Pléiade, Gallimard, 1962
- Les stoïciens, Collectif, PUF, 1957
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HUITIÈME SUJET
ANTISTHÈNE ET L'ÉCOLE CYNIQUE
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Une école particulièrement mal connue, et même non-reconnue
2 - Sa situation dans la période : la deuxième période
3 - Ses relations avec les autres écoles : des Socrate furieux !
4 - Durée historique
5 - Son importance en son temps
6 - Ses représentants : Antisthène, Diogène, Monime de Syracuse, Onésicrite,
Cratès de Thèbes le laid, Hipparchia, Métroclès, Ménippe, Ménédème, Bion de Borysthène
II
SON FONDATEUR, ANTISTHÈNE (455-360)
1 - Éléments biographiques
2 - Son parcours philosophique : d'abord sophiste puis socratique
3 - Ses œuvres philosophiques
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE
1 - Les lieux de l'école, le cynosarge
2 - L'organisation de l'école
3 - L'organisation des études
4 - Histoire du mouvement
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - Une philosophie en acte et de l'anti-discours
2 - Épistémologie : l’impossibilité du savoir, négation du discours
3 - Conceptions naturelles (physique et cosmologie) : aucune !
4 - L'anthropologie : l'état de nature contre la civilisation
5 - Leur idée de la sagesse et du sage : Héraclès comme modèle
A - La philosophie n'est qu'éthique, seule comptent vertu et sagesse
B - Leur idée de la vertu, qui suffit au bonheur du sage
C - Le sage est celui qui vit dans l'atuphia, l'absence de vanité
D - Leur modèle du sage : Héraclès
E - La tension avec le monde : une philosophie du conflit
6 - La voie de la sagesse, la voie vers le "souverain Bien"
A - La quête de la vertu, simplicité naturelle et moralité
B - La liberté, étape nécessaire à la vertu et à la sagesse
C - Se rapprocher de la nature, de l'état de nature
D - Le mépris des conventions, culture de la provocation et pensée subversive
E - La culture de l'impertinence
F - Le renoncement volontaire, une éthique ascétique (un anti-hédoniste)
G - Attachement à l’individuel, à rien ni personne - une anti-philia
H - Cynisme n’est pas immoralisme, la reconnaissance de l’altérité d’autrui
I - Une éthique individuelle, une éthique auto-référentielle
7 - Politique : un antipolitisme
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V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement
2 - Son héritage
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Les socratiques (ou petits Socrate), l’autre descendance de Socrate :
Socrate
Cynisme
Antisthène
Diogène de Sinope
Monime
Onésicrite
Cratès de Thèbes
Hipparchia
Métroclès
Ménippe
Ménédème
Bion
Cercidas
Cyrénaïsme
Aristippe de Cyrène
Ptolémée d'Éthiopie
Antipatros de Cyrène
Théodore l’Athée
Hégésias
École mégarique
Euclide de Mégare
Diodore Cronos
Ichthyas
Pasiclès
Thrasymaque
Clinomaque
Eubulide
Stilpon
Apollonios Cronos
Euphante
Bryson
Alexinus
École d'Élis
Phédon d'Élis
Ménédème d'Érétrie
Document 2 : Buste hellénistique d'Antisthène (British Museum).
Document 3 : Antisthène selon Diogène Laërce.
Antisthène, fils d’Antisthène, était athénien mais non de race grecque [1]. Quand on lui
reprochait son origine, il répondait : « La mère des dieux est bien phrygienne ! ». La
sienne passait pour être originaire de Thrace, et c’est ce qui fit dire à Socrate, après les
exploits de ce philosophe à Tanagra, que deux Athéniens n’auraient pu faire naître un
homme aussi brave. Lui-même, se moquant des Athéniens qui se gonflaient d’orgueil en
vantant leur origine, disait qu’ils n’étaient pas plus nobles que les sauterelles ou les
escargots [2].
Il fut d’abord élève de l’orateur Gorgias, dont il imita le style oratoire dans ses dialogues
et surtout dans ses livres intitulés la Vérité et le Protreptique. Hermippe raconte qu’à
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l’occasion des Jeux Isthmiques, il avait eu l’intention d’aller applaudir ou siffler les
Athéniens, les Thébains et les Lacédémoniens, mais qu’il changea d’idée en voyant la
foule qui s’y rendait venant de ces villes. Un peu plus tard, il s’attacha à Socrate, et tira
tant de profit de son enseignement qu’il invitait les jeunes gens à venir avec lui étudier
chez Socrate. Habitant au Pirée, chaque jour il faisait ses quarante stades [3] pour venir
écouter Socrate. Il imita sa patience et son endurance, et devint ainsi le premier chef de
l’école cynique. Il démontrait que la souffrance est un bien par l’exemple d’Hercule et de
Cyrus, tirant ainsi ses preuves à la fois des Grecs et des Barbares. Il est le premier à
avoir défini le concept en ces termes : « Le concept est ce qui exprime l’essence durable
des choses. ». Il aimait à dire : « J’aimerais mieux devenir fou que sensible », et encore :
« Il faut n’avoir commerce qu’avec les femmes qui vous en sauront gré. » A un jeune
homme du Pont qui voulait le fréquenter et lui demandait de quoi il avait besoin pour
suivre son enseignement, il répondit : « D’un livre neuf, d’un stylet neuf, et d’une tablette
neuve [4]. » (Il insistait ainsi sur le mot « kainou », qui a le même son que l’expression «
kai nou », en deux mots, « et d’esprit, ce dont tu manques ».) Un autre lui demandait
quelle femme il devait épouser, il lui dit : « Si elle est belle, elle sera infidèle ; si elle est
laide, elle te fera de la peine [5]. » Apprenant que Platon médisait de lui, il s’écria : «
C’est le sort des rois d’être critiqués quand ils agissent bien ! » Se faisant initier un jour
aux mystères de l’orphisme [6], il entendit le prêtre dire que les gens initiés seraient
récompensés dans les enfers par de grands avantages : « Pourquoi tardez-vous à
mourir ? » lui dit-il.
On lui reprochait une fois de n’être pas né de deux parents libres tous deux, il répondit : «
Mes parents n’étaient pas non plus lutteurs, tous les deux, et pourtant je le suis ! » On
s’étonnait de lui voir peu de disciples : « C’est que je les chasse avec un bâton d’argent
», dit-il. On lui demandait la raison de sa sévérité pour ses disciples : «Les médecins,
répondait-il, sont bien durs pour leurs malades !» Voyant un débauché qui s’exilait, il lui
dit : « Malheureux, ne pouvais-tu pas éviter ce danger pour une obole ? » A l’en croire, il
valait mieux [7] tomber parmi des freux [corbeaux] que parmi des flatteurs [8] ; les
premiers mangent les morts, mais les seconds mangent les vivants.
On lui demandait ce que l’homme pouvait faire de mieux : « Mourir heureux », disait-il. Il
répondit à un de ses amis, qui se lamentait d’avoir perdu ses notes, qu’il aurait mieux fait
de les écrire dans sa tête que sur des tablettes. Il soutenait que l’envie ronge les envieux
comme la rouille ronge le fer. Il conseillait à ceux qui voulaient devenir immortels de vivre
plutôt pieusement et justement. Il assurait que les villes courent à leur perte, quand on ne
peut plus y distinguer les bons citoyens des mauvais. Loué par des méchants, il s’écria :
« J’ai dû faire quelque sottise ! » Il soutenait que l’amitié solide de deux frères était plus
forte qu’un rempart, et aimait à répéter qu’on ne devait emporter en voyage, quand on
allait sur mer, que des bagages qui pussent surnager si le bateau sombrait. On lui
reprocha un jour de fréquenter des hommes de mauvaise vie, il répondit : « Voyez les
médecins, ils fréquentent bien les malades et n’attrapent pas pour cela la fièvre. » Il
trouvait étrange, puisque l’on sépare le bon grain de l’ivraie, et qu’on renvoie des armées
les soldats sans courage, qu’en politique, au contraire, on n’écartât pas du gouvernement
les mauvais citoyens. Le profit qu’un sage retirait de la philosophie était selon lui de vivre
en société avec lui-même. Un convive lui dit un jour après boire : « Antisthène, chantenous quelque chose ! », il répliqua : « Joue donc de la flûte. » Diogène voulait une
tunique, il lui dit : « Relève ton manteau et tu en auras une. » A qui lui demandait quelle
science est la plus utile, il répondait : « Celle qui permet de ne pas oublier ce qu’on a
appris. » Il conseillait de recevoir les calomnies avec plus de calme que les cailloux. Il se
moqua de Platon qu’il trouvait trop vaniteux. Voyant dans une fête un cheval se dandiner,
il lui jeta : « Tu aurais bien fait, Platon, en cheval qui se pavane ! » Une autre fois où il
était venu lui rendre visite pendant une maladie, il dit en regardant le vase où Platon avait
vomi : « Je vois bien de la bile, mais ton orgueil, je ne vois pas que tu l’aies vomi ! »
Il conseilla un jour aux Athéniens d’appeler les chevaux des ânes, et comme ils le
croyaient devenu fou, il leur répliqua qu’ils appelaient bien stratèges sur un simple décret
des gens qui étaient totalement ignorants. Quelqu’un lui dit : « Beaucoup de gens te
louent. » — « Quel mal ai-je donc encore fait ? » demanda-t-il[9]. Un jour où il montrait
aux passants les trous de son manteau, Socrate qui l’aperçut lui dit : « Je vois ta vanité à
travers ton manteau. » On lui demanda un jour[10] comment on pouvait devenir un
honnête homme : « En demandant aux gens qui te connaissent bien quels sont tes
défauts. » Quelqu’un vantait la mollesse : « Puissent les fils de tes ennemis vivre ainsi »,
dit-il. À un jeune homme qui s’efforçait de ressembler à une statue, il dit : « Le bronze a-til une voix dont il tire gloire ? » Et comme l’autre répliquait : « Non, mais il a sa beauté »,
« N’as-tu pas honte, lui dit-il, de vouloir ressembler à une chose inanimée ? » Un jeune
homme du Pont lui promettait de le payer quand son bateau arriverait au port avec sa
cargaison de salaisons. Il s’en alla alors avec lui, prit un sac vide, vint trouver une femme
qui vendait de la farine, remplit son sac et s’en alla. Comme elle réclamait son argent : «
Ce jeune homme vous le donnera, dit-il, quand son navire de salaisons sera rentré à bon
port. » Il semble avoir été responsable de l’exil d’Anytos et de la mort de Mélitos, car
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ayant rencontré des jeunes gens du Pont qui venaient trouver Socrate à cause de sa
réputation, il les conduisit à Anytos, en le prétendant bien plus sage que Socrate. Les
assistants en furent si indignés qu’ils le chassèrent. Rencontrait-il dans la rue une femme
richement parée, il allait chez elle trouver son mari, et conseillait à celui-ci de donner à sa
femme un cheval et des armes. Avec cela, disait-il, elle pourra aller à sa guise, car elle
aura les moyens de se défendre. Sinon, il vaut mieux lui enlever sa parure.
Voici ses principales sentences : La vertu peut être enseignée [11]. Ceux-là sont nobles
qui sont vertueux. La vertu suffit à donner le bonheur, sans qu’elle nécessite autre chose
que la force d’un Socrate. Elle consiste dans l’action et non pas dans les paroles ni les
doctrines. Le sage se suffit à lui-même, car il a en lui tout ce qui appartient aux autres.
L’obscurité du nom est un bien égal à la souffrance. Le sage ne vit pas d’après les lois de
sa patrie, mais d’après la vertu. Il prendra femme pour avoir des enfants, et il aimera, car
seul le sage sait quelles femmes il faut aimer. Dioclès lui attribue encore les sentences
suivantes : Au sage, rien n’est étranger, rien ne cause d’embarras. L’homme de bien est
digne d’être aimé. Il faut prendre des amis vertueux. Il faut prendre pour alliés ceux qui
ont l’âme noble et juste. La vertu est une arme qu’il faut toujours garder sur soi. Il vaut
mieux attaquer tous les coquins du monde avec une poignée de braves gens qu’une
poignée de braves gens avec une assemblée de coquins. Il faut surveiller ses ennemis,
car ils voient les premiers nos défauts. Il faut estimer un homme de bien plus qu’un
parent. Pour l’homme et pour la femme la vertu est la même. Ce qui est bien est beau, ce
qui est mal est laid. Tout ce qui est injuste, il faut le considérer comme devant nous être
étranger. La prudence est le plus sûr des remparts, car jamais il ne tombe, et jamais il
n’est livré par trahison. Il nous faut construire dans nos âmes des remparts
inexpugnables.
Il faisait ses discours dans un gymnase appelé Cynosarge, tout près des portes de la
ville ; de là vient, dit-on, le nom de cynique que porta sa secte. Lui-même se surnommait
« vrai chien » [12]. Il fut le premier à faire doubler son manteau, selon Dioclès, et portait
ce seul vêtement. Il prit aussi le bâton et la besace [13]. Néanthe atteste lui aussi qu’il fit
doubler son manteau le premier. Par contre Sosicrate [14] dit que ce fut Diodore
d’Aspendos ; et il ajoute qu’il portait la barbe, le bâton et la besace.
C’est le seul des disciples de Socrate que Théopompe ait loué, disant qu’il était
étrangement fort, et d’une extrême douceur de parole, si bien qu’il captivait quiconque
l’écoutait. On le voit bien d’ailleurs à ses écrits et dans le Banquet de Xénophon. Il
semble bien aussi qu’il fut le fondateur de cette secte la plus austère des Stoïciens, d’où
Athénée, auteur d’épigrammes, écrivit sur lui les vers suivants :
Ô savantes paroles stoïciennes, excellentes
Théories par vous inscrites sur des tablettes sacrées :
Seule la vertu de l’âme est un bien ; seule en effet
Elle donne la force aux hommes et aux villes ;
Mais les jouissances de la chair, recherchées des hommes,
Une seule des filles de la Mémoire[15] les loue.
Antisthène est responsable de l’insensibilité de Diogène, de la continence de Cratès et
de la force d’âme de Zénon. Il jeta les fondements de leur secte. Xénophon, d’autre part,
dit qu’il avait une conversation des plus agréables et qu’il était très sobre. La tradition
conserve le souvenir de dix livres de lui le premier, où il traite de la diction et des figures,
un Ajax ou le discours d’Ajax ; un Ulysse ou sur Ulysse, une Apologie d’Oreste ou des
Plaidoiries, une Isographé, ou Lysias et Isocrate, un second tome, où il traite de la Nature
des animaux, de la Procréation, un Traité de l’Amour dans le mariage, et de la
Physiognomonique des Sophistes, de la Justice et du Courage en trois discours persuasifs
et de Théognis ; un troisième tome a pour sujets du Bien, du Courage, de la Loi ou de la
Constitution, de la Loi ou du Beau et du Juste, de la Liberté et de l’Esclavage, de la Foi, de
l’Exhortation ou de la Confiance, de la Façon d’obtenir la victoire ; le quatrième tome
contient un Cyrus, un Héraclès le Grand ou de la Force ; le cinquième tome contient un
Cyrus ou de la Royauté, une Aspasie ; le sixième tome : un Discours sur la Vérité, une
Réponse sur l’art du dialogue, un Sathon ou de la contradiction (trois livres), et un Traité du
dialecte ; le septième tome traite de l’Education ou des Noms (cinq livres), de l’emploi des
termes dans la discussion, de la Demande et de la Réponse, de l’Opinion et de la Science
(quatre livres), de la Mort, de la Vie et de la Mort, des Enfers, la Nature (deux livres), une
Question sur la nature (deux), des Opinions ou de l’Eristique, et des Problèmes sur le
savoir ; le huitième tome a pour sujets : de la Musique, des Interprètes, Homère, de
l’Injustice et l’Impiété, sur Chalchas, de l’Espionnage, et du Plaisir ; le neuvième tome traite
de l’Odyssée, de la Baguette, d’Athéna ou de Télémaque, d’Hélène et de Pénélope, de
Protée, du Cyclope ou de l’Odyssée, de l’Usage, du Vin ou de l’Ivresse ou du Cyclope, de
Circé, d’Amphiaraos, d’Ulysse et de Pénélope et du Chien ; le dixième et dernier tome
contient un Héraclès ou Midas, un Héraclès ou de la Sagesse et de la Force, un Cyrus ou
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de l’Aimé, un Cyrus ou des Espions, un Ménéxène ou du Pouvoir, un Alcibiade, un
Archélaos ou de la Royauté. Voilà la liste de ses ouvrages. Timon lui en a reproché la
longueur et l’a appelé conteur de fariboles.
Il mourut de maladie. Diogène l’alla voir un jour et lui demanda s’il avait besoin d’un ami ;
il avait apporté avec lui son poignard. Antisthène vint à crier : « Ah ! qui donc me délivrera
de mes maux ? » — « Ceci », dit Diogène, en montrant son couteau. « J’ai dit de mes
maux », rectifia alors Antisthène, je n’ai pas dit de la vie [16] ». Il sembla d’ailleurs
supporter son mal en patience, par philosophie. J’ai fait sur lui cette épigramme :
Tu as vécu comme un chien, Antisthène,
Mais tu ne mordais qu’en paroles, et non avec les dents.
Tu mourus de phtisie. Et l’on dira peut-être :
Il faut bien que quelqu’un nous conduise aux Enfers.
Il y eut trois autres Antisthène : un disciple d’Héraclite, un Éphésien, et un historien de
Rhodes. Tout comme j’ai passé en revue les disciples d’Aristippe et de Phédon, il me faut
bien citer dans l’ordre ceux qui, Stoïciens ou Cyniques, furent les disciples d’Antisthène.
Diogène Laërce
Traduction Robert Genaille, 1933
[1] Il était fils d’un père athénien et d’une esclave thrace, et comme bâtard,
n’avait ni le titre ni les droits du citoyen. On a fait remarquer quelquefois que les
Cyniques étaient recrutés dans les classes inférieures ou chez des gens ayant
une situation misérable ou irrégulière. Antisthène était bâtard, Diogène avait eu
maille à partir avec la justice, Monime et Ménédème étaient esclaves, et Cratès
était affreux. Le cynisme prendrait ainsi la figure d’une théorie révolutionnaire,
opposant par surcroît à l’immoralité grecque une doctrine morale austère.
[2] Autrement dit : il n’y a pas à se vanter d’être autochtone,
car les sauterelles et les escargots le sont aussi.
[3] Soit à 8 kilomètres.
[4] Jeu de mots déjà fait plus haut par D.L.
[5] Autre jeu de mots sur kalên, koinên, poinên,
qui avait déjà été cité par D.L. dans la vie de Bion.
[6] Les mystères orphiques se rattachaient au légendaire Orphée de Thrace.
Ce personnage était fils du roi de Thrace Oedagre et de la Muse Calliope, ou,
selon une autre tradition, de Clio et d’Apollon. Il était père de Musée et disciple
de Linos, dont D.L. fait dans son introduction les premiers philosophes grecs.
Musicien et poète fameux, initié aux mystères de Bacchus, il descendit aux
enfers chercher Eurydice et l’on sait comment il la perdit pour s’être retourné
trop tôt. Il passe pour avoir introduit en Grèce des mystères ou cérémonies
religieuses secrètes et réservées à des initiés, analogues aux mystères de
Déméter à Éleusis, et aux mystères cabiriques de Samothrace. A la différence
de ceux d’Éleusis, les initiés à l’orphisme avaient une doctrine philosophique
secrète sur l’homme, voisine de celle de Pythagore (lutte du principe de vie
contre le principe de mort, lutte du bien et du mal, migration des âmes). Les
associations orphiques étaient privées et indépendantes de l’État. La doctrine
ne semble pas avoir pénétré la masse, mais elle a influencé les écrivains.
[7] cf. Ecaton, des Usages.
[8] Jeu de mots sur deux paronymes grecs, corbeaux et flatteurs.
[9] Répétition sous une forme à peine différente de ce qui a été dit
quelques lignes plus haut : « Loué par des méchants,
il s’écria je crains d’avoir fait quelque sottise. »
[10] cf. Phanias, des Socratiques.
[11] Pensée reprise de Socrate.
[12] Le cynosarge (chien agile) était un gymnase
situé aux portes d’Athènes, près du temple d’Hercule.
[13] La besace, le bâton, le tribon, ou manteau doublé porté hiver comme été,
voilà les attributs devenus légendaires des philosophes cyniques.
Les prendre, c’est devenir cynique.
[14] Successions, liv. III
[15] Ces filles de Mnémosyne (la Mémoire), ce sont les Muses.
[16] Cette dérobade d’Antisthène fait songer à cette phrase de Montaigne
(Essais, II, 37) : « Tant les hommes sont accoquinez à leur être misérable,
qu’il n’est si rude condition qu’ils n’acceptent pour s’y conserver. »
C’est un exemple qui peut donner raison aux Stoïciens voyant (cf. livre VII)
dans l’instinct de conservation la fin vers laquelle tendent tous les êtres.
Cf. encore La Fontaine (I, 16) : la Mort et le Bûcheron :
...elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu’il faut faire.
— C’est, dit-il, afin de m’aider
À recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
Le trépas vient tout guérir,
Mais ne bougeons d’où nous sommes.
Plutôt souffrir que mourir,
C’est la devise des hommes.
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur la Grèce Antique par Éric Lowen (code 1000)
- Le mythe d’Héraclès
- La montée de l’étoile macédonienne, de Philippe à Alexandre (pour la rencontre entre Diogène et
Alexandre)
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
Livres antiques sur le cynisme
- Plutarque, Vie parallèles
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, VI
Quelques livres sur le cynisme
- Les cyniques grecs, Lettres de Diogène et Cratès, traduit du grec ancien par Georges Rombi et Didier
Deleule, Lecture de Didier Deleule, Éditions Babel, 1998
- Le cynisme ancien et ses prolongements, M.-O. Goulet-Cazé, R. Goulet éditeurs, PUF, 1993
- Cynismes : Portrait du philosophe en chien, Michel Onfray, Grasset, 1990
- L'Ascèse cynique, Un commentaire de Diogène Laërce VI, 70-71, Vrin, 1986
- Les cyniques grecs, fragments et témoignages, Léonce Paquet (1975), Le livre de poche, Lgf , 1992
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NEUVIÈME SUJET
PYRRHON ET LE SCEPTICISME
"Comment, Pyrrhon, as-tu réussi à te dégager des opinions
des sophistes et à briser les liens de l’erreur ? Tu ne t’es pas
soucié, en effet, de te demander quel air entoure la Grèce,
ni d’où viennent les choses, ni où elles vont."
Timon de Phlionte (vers 325 av. J.-C.-235 av. J.-C.)
Pyton
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Les quiproquos sur le pyrrhonisme
2 - Sa situation dans la période
3 - Ses relations avec les autres écoles
4 - Durée historique (du 3ème siècle avant JC au troisième siècle après JC)
5 - Son importance en son temps
6 - Ses représentants : Pyrrhon, Timon de Phlionte, Ænésidème, Sextus Empiricus
II
SON FONDATEUR, PYRRHON D'ÉLIS (360- 270)
1 - Les sources antiques
2 - Éléments biographiques
3 - Son action philosophique : l'enseignement du "pyrrhonisme"
4 - La vie légendarisée de Pyrrhon et de ses disciples
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE
1 - Pyrrhon le fondateur, Timon le théorisateur
2 - Une école non-formalisée et non-structurée
3 - Un mouvement de pensée plus qu'une école
4 - Histoire du mouvement : le pyrrhonisme ancien et le néopyrrhonisme
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - L’aboutissement d’une longue tradition d’interrogation sur le savoir
2 - Épistémologie pyrrhoniste : acatalespie, epokhè et tropes de l'inconnaissance
3 - Conceptions naturelles (physique et cosmologie) : le phénomène l'emporte sur tout
4 - L'anthropologie
5 - Son idée de la sagesse et du sage : ataraxie, apathie et aphasie
6 - La voie de la sagesse, la voie vers le "souverain Bien"
7 - Politique : un apolitisme conventionnalisme et normaliste
V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement
2 - Son héritage et ses influences
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Les dix tropes d'Ænésidème, ou arguments logiques en faveur de la suspension du
jugement :
Le premier [trop] se fait d'après la variété des animaux, le deuxième d'après la différence
entre les humains, le troisième d'après les différentes constitutions des organes des
sens, le quatrième d'après les circonstances extérieures, le cinquième d'après les
positions, les distances et les lieux, le sixième d'après les mélanges, le septième d'après
la quantité et la constitution des objets, le huitième d'après le relatif, le neuvième d'après
le caractère continu ou rare des rencontres, le dixième d'après les modes de vie, les
coutumes, les lois, les croyances aux mythes et les suppositions dogmatiques.
Sextus Empiricus (160-210 ap. J.C.)
Esquisses pyrrhoniennes, livre I, 36–37,
traduction P. Pellegrin
1. Diversité des animaux
« Qu'il y a des choses utiles ou nuisibles à nos vies. Mais pour chaque créature, ce qui
est nuisible ou utile diffère. La caille s'engraisse avec la ciguë, laquelle est mortelle à
l'homme. »
2. Différences entre les hommes
« Que la nature est un continuum traversant toutes les créatures. Mais Démophon, le
maître d'hôtel d'Alexandre le Grand, se réchauffait à l'ombre et grelottait de froid au soleil.
Aristote nous apprend qu'Andron d'Argos pouvait traverser le désert sans boire d'eau. »
3. Diversité des sens
« Que la perception est totale. Mais nous voyons le jaune d'une pomme, respirons son
parfum, goûtons sa douceur, sentons son poli, sentons son poids dans notre main. »
4. Circonstances
« Que la vie est uniforme et le monde toujours le même. Mais le monde d'un homme
malade ne ressemble pas à celui d'un homme robuste. Notre état d'esprit est différent
selon que nous dormons ou que nous sommes éveillés. La joie et le chagrin changent
tout pour nous. Le jeune homme s'avance dans un monde différent de celui du vieillard.
Le courage connaît des routes que la timidité ne peut deviner. Les affamés voient un
monde inconnu des bien nourris. Périclès avait un esclave qui marchait sur le faîte des
toits dans son sommeil sans jamais tomber. Dans quel monde vivent les fous, les avares,
les malveillants ? »
5. Situations, distances, lieux
« Que les objets dans l'espace sont évidents quant à leur position et leur distance. Mais
le soleil, ce feu suffisamment grand pour chauffer la terre entière, paraît petit du fait de sa
distance. Un cercle vu de biais est un ovale, de profil, une ligne. Des montagnes
déchiquetées et grises paraissent, vues de loin, bleues et douces. La lune à son lever est
beaucoup plus grande que la lune au zénith, pourtant elle n'a pas changé de taille. Un
renard dans les broussailles ne ressemble pas du tout à un renard dans un champ. Qui
pourrait décider de la forme d'un cou de colombe ? Toute chose est perçue comme une
figure sur un fond, ou pas du tout. »
6. Mélanges
« Que les choses ont des identités en elles-mêmes. Mais toute chose varie selon le
contexte. La pourpre n'a pas la même teinte près du rouge et près du vert, dans une
pièce et en plein soleil. Une pierre est plus légère dans l'eau que hors de l'eau. Et la
plupart des choses sont des mélanges dont nous ne pourrions pas reconnaître les
éléments constitutifs. »
7. Quantités ou compositions
« Que la quantité et la qualité ont des propriétés qui peuvent être connues. Mais le vin,
bu avec modération, fortifie, consommé avec excès, affaiblit. La rapidité est relative à
d'autres vitesses. La chaleur et le froid ne sont connus que par comparaison. »
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8. Relation
« Que les relations entre les choses peuvent être énoncées. Mais la droite et la gauche,
l'avant et l'arrière, le haut et le bas, dépendent d'une infinité de variables, et la nature du
monde est que tout est toujours changeant. La relation d'un frère à une sœur n'est pas la
même que d'un frère à un frère. Qu'est-ce qu'une journée ? Tant d'heures ? Tant de
lumière solaire ? Le temps entre deux minuits ? »
9. Fréquence et rareté
« Qu'il y a des choses étranges et rares. Mais les tremblements de terre sont fréquents
dans certaines parties du monde, la pluie est rare dans d'autres. »
10. Coutumes, lois, opinions
« Qu'il n'y a pas de réalité au-delà des conventions, de la loi, de la religion et de la
philosophie. Mais chaque ensemble de croyances et d'attitudes voit les mêmes choses
innocentes avec des yeux totalement différents. Un Perse peut en toute bienséance
épouser sa fille, les Grecs considèrent qu'il s'agit du pire des crimes. Les Massagètes
mettent toutes leurs femmes en commun. Les Égyptiens embaument leurs morts dans
les épices et le goudron, les Romains brûlent les leurs, les Grecs les enterrent. »
Document 2 : Les 8 tropes relatifs à la causalité d'Ænésidème rapportés par Sextus Empiricus (I, 181–185).
[181] Il dit que le premier est le mode selon lequel le genre de l'explication causale, qui se
meut dans le domaine des choses obscures, ne reçoit pas de ce qui est apparent une
confirmation sur laquelle on soit d'accord.
Le second est celui selon lequel, souvent, alors qu'il est très facile que ce que l'on cherche
soit expliqué causalement de plusieurs façons, certains ne l'expliquent que d'une seule
façon.
[182] Le troisième est celui selon lequel aux choses ordonnées ils assignent des causes qui
ne manifestent aucun ordre.
Le quatrième est celui selon lequel, quand ils ont saisi les choses apparentes comme elles
arrivent, alors que les choses cachées se réalisent peut-être de la même manière que les
choses apparentes, mais peut-être pas de la même manière mais d'une manière qui leur
est propre.
[183] Selon le cinquième, tous, pour ainsi dire, expliquent causalement selon leurs
hypothèses propres concernant les éléments, mais pas selon les approches communes et
admises.
Le sixième est celui selon lequel ils acceptent souvent ce qui est découvert par leurs
propres principes, mais rejettent ce qui s'y heurte et qui a pourtant la même vraisemblance.
[184] Le septième est celui selon lequel ils assignent souvent des causes qui contredisent
non seulement les choses apparentes, mais aussi leurs propres hypothèses. Le huitième
est celui selon lequel souvent, les choses qui semblent être apparentes et celles qui sont
l'objet de recherche étant également objet d'aporie, ils expliquent ce qui est objet d'aporie à
partir de ce qui est également objet d'aporie.
[185] Mais Ænésidème dit aussi qu'il n'est pas impossible que certains aient manqué leur
but dans les explications causales aussi en vertu de certains modes mixtes dérivés de ceux
dont on vient de parler.
Sextus Empiricus (160-210 ap. J.C.)
Esquisses pyrrhoniennes, livre I, 181–185, traduction P. Pellegrin
Document 3 : Les cinq tropes d'Agrippa. Ces tropes sont exposés par Sextus Empiricus, Esquisses
pyrrhoniennes, livre I, 164 et suivant, mais c'est Diogène Laërce (IX, 88) qui les attribut à Agrippa.
- le désaccord
- le progrès à l'infini
- la relation
- l'hypothèse
- le diallèle
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[165] Celui qui part du désaccord est celui par lequel nous découvrons qu'à propos de la
chose examinée il s'est trouvé, aussi bien dans la vie quotidienne que parmi les
philosophes, une dissension indécidable qui nous empêche de choisir quelque chose ou
de le rejeter, nous menant finalement à la suspension du jugement.
[166] Celui qui s'appuie sur la régression à l'infini est celui dans lequel nous disons que
ce qui est fourni en vue d'emporter la conviction sur la chose proposée à l'examen a
besoin d'une autre garantie, et celle-ci d'une autre, et cela à l'infini, de sorte que, n'ayant
rien à partir de quoi nous pourrons commencer d'établir quelque chose, la suspension de
l'assentiment s'ensuit.
[167] Le mode selon le relatif, comme nous l'avons dit plus haut, est celui dans lequel
l'objet apparaît tel ou tel relativement à ce qui juge et à ce qui est observé conjointement,
et sur ce qu'il est selon la nature nous suspendons notre assentiment.
[168] Nous avons le mode qui part d'une hypothèse quand les dogmatiques étant
renvoyés à l'infini, ils partent de quelque chose qu'ils n'établissent pas mais jugent bon de
prendre simplement et sans démonstration, par simple consentement.
[169] Le mode du diallèle arrive quand ce qui sert à assurer la chose sur laquelle porte la
recherche a besoin de cette chose pour emporter la conviction ; alors n'étant pas capables
de prendre l'un pour établir l'autre, nous suspendons notre assentiment sur les deux.
Sextus Empiricus (160-210 ap. J.C.)
Esquisses pyrrhoniennes, livre I, 36 - 37, traduction P. Pellegrin
Document 4 : Ces deux tropes de Sextus empiricus synthétisent les tropes précédentes : rien ne peut être
saisi ni par soi-même ni par autre chose, donc il faut suspendre son jugement :
[178] [...] puisque tout ce que l'on saisit semble l'être soit par lui-même, soit par autre chose,
<en nous suggérant que rien n'est saisi par soi-même ni par quelque chose d'autre>, ils
semblent introduire l'aporie sur toutes choses. Que rien ne soit saisi par soi-même est clair
d'après, je pense, le désaccord qui s'est élevé parmi les physiciens à propos de tous les
sensibles et de tous les intelligibles ; désaccord qui est indécidable, étant donné que nous
sommes incapables d'utiliser un critère sensible ou intelligible, parce que tout critère, quel que
soit celui que nous prenions, ayant été objet de désaccord n'emporte pas la conviction.
[179] Voici pourquoi ils ne consentent pas que l'on puisse appréhender quelque chose
par quelque chose d'autre. Si, en effet, ce par quoi quelque chose est saisi aura luimême toujours besoin de quelque chose d'autre par quoi être saisi, ils nous amènent au
mode du diallèle ou à celui de la régression à l'infini. Et si l'on voulait poser que ce par
quoi quelque chose d'autre est saisi est saisi par soi-même, on se heurterait au fait que,
d'après ce qu'on a dit auparavant, rien ne peut être saisi par soi-même.
Sextus Empiricus (160-210 ap. J.C.)
Esquisses pyrrhoniennes, livre I, 178 - 179, trad. P. Pellegrin
Document 5 : Représentation de Sextus Empiricus.
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
Cycle de cours sur la Grèce Antique (code 4000)
- 41041 - Cycle “Alexandre le grand et l’hellénisme” :
. L’épopée d’Alexandre le grand
. L’œuvre d’Alexandre le grand, Alexandre le créateur
. Les conséquences des conquêtes d’Alexandre sur le monde antique
Sources antiques sur le pyrrhonisme
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustre (livre IX)
- Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, traduction, P. Pellegrin, Seuil, 1997
- Sextus Empiricus, Contre les professeurs, trad. P. Pellegrin et Alli, Seuil, 2002
- Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, XIV (pour Enesidème)
- Photius, Myriobiblion (pour Enesidème)
Sur les influences postérieures du pyrrhonisme
- Montaigne, Apologie de Raimond Sebond
- David Hume, Dialogues sur la religion naturelle
- Histoire du scepticisme d'Érasme à Spinoza, Richard H. Popkin, PUF, 1995
Livres sur le pyrrhonisme
- Dogmatisme et scepticisme, L’héraclitisme d’Enésidème, Brigitte Pérez, Presses Universitaires du
Septentrion, 2005
- Les philosophes hellénistiques, tome I : "Pyrrhon, L'épicurisme" et tome 3 : "Les Académiciens. La
Renaissance du pyrrhonisme", Long et Sedley, Flammarion, 2001
- Le scepticisme, Thomas Bénatouil, Flammarion, 1997
- Pyrrhon ou l'apparence, Marcel Conche, PUF, 1994
- Le scepticisme et le phénomène, J.-P. Dumont, Vrin, 1972
- Les sceptiques grecs, textes choisis, J.-P. Dumont, PUF, 1966
- Pyrrhon et le scepticisme grec, Léon Robin, PUF, 1944
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DIXIÈME SUJET
ARISTIPPE ET L'HÉDONISME
L'ÉCOLE CYRÉNAÏQUE
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - La perception de cette école
2 - Sa situation dans la période
3 - Ses relations avec les autres écoles
4 - Durée historique
5 - Son importance en son temps
6 - Ses représentants : Arété, Aristippe Metrodidactos, Hêgésias Péisithanatos,
Annicèris, Théodore l'athée
II
SON FONDATEUR, ARISTIPPE DE CYRÉNE
1 - Aristippe de Cyrène (425-355)
2 - Éléments biographiques : presque rien
3 - Son œuvre philosophique
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE
1 - Les lieux de l'école
2 - L'organisation de l'école
3 - L'organisation des études
4 - Histoire du mouvement
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - La question du plaisir dans les autres philosophies
2 - Épistémologie : un subjectivisme radical
3 - Conceptions naturelles (physique et cosmologie) : l’inconnaissabilité
4 - L'anthropologie : une anthropologie du plaisir
5 - Son idée de la sagesse et du sage
6 - La voie de la sagesse, la voie vers le "souverain Bien" : le plaisir
7 - Politique : un apolitisme
V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement, les évolutions doctrinales
2 - Son héritage, une influence sur les autres courants de l’Antiquité
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Illustration d'Aristippe :
Document 2 : Une des principales sources sur Aristippe, celle de Diogène Laërce :
DIOGÈNE LAËRCE
ARISTIPPE (Socrate et ses disciples)
Traduction Robert Genaille, 1933
Aristippe était originaire de Cyrène [1] et vint à Athènes selon Eschine attiré par la
renommée de Socrate. Faisant profession de sophiste (cf. Phanias d’Érèse,
péripatéticien), il fut le premier des Socratiques qui se fit payer et envoya de l’argent à
son maître [2]. Comme il lui avait envoyé un jour vingt mines, Socrate les lui retourna
aussitôt, en disant que son démon ne lui permettait pas de les recevoir. C’était en effet
une chose qui lui déplaisait. Xénophon n’aimait pas Aristippe, et c’est pourquoi il fit de
son discours contre la volupté une adresse de Socrate à Aristippe. Théodore aussi, dans
son livre des Sectes, l’a maltraité, et Platon, dans son Traité de l’âme, comme nous
l’avons dit ailleurs.
Il savait s’adapter au temps, au lieu, aux personnes et répondre de la meilleure façon en
toutes circonstances : c’est pourquoi Denys l’estima plus que tous les autres, parce qu’il
s’adaptait toujours bien à chaque circonstance imprévue. Il savait jouir du bonheur
présent, il ne se donnait pas de peine pour jouir de biens qu’il n’avait pas. Diogène
l’appelait le chien royal. Timon raille son excessive délicatesse : Comme la nature molle
d’Aristippe qui manie le mensonge...
On raconte qu’un jour, il ordonna à son domestique d’acheter une perdrix cinquante
drachmes ; quelqu’un lui en fit reproche ; il répondit : « Vous n’y mettriez sans doute pas
une obole ? » L’autre ayant acquiescé : « Une obole et cinquante drachmes, dit-il, c’est
pareil pour moi. » Denys, un jour, lui donna à choisir entre trois filles de joie. Il répondit
qu’il les emmènerait toutes les trois, « car Pâris lui-même s’était mal trouvé de n’en avoir
pris qu’une » . Toutefois, on dit qu’après les avoir menées jusqu’à sa porte, il les renvoya,
tant il était enclin aussi bien à prendre qu’à laisser [3].
C’est pourquoi Straton, d’autres disent Platon, lui disait : « Tu es le seul homme capable
de porter avec indifférence un riche manteau ou des haillons. » Denys lui ayant craché au
visage, il ne s’en irrita pas, et comme on l’en blâmait : « Voyons, dit-il, les pêcheurs, pour
prendre un goujon, se laissent bien mouiller par la mer, et moi qui veux prendre une
baleine, je ne supporterais pas un crachat ? »
Diogène [4], qui lavait des légumes, le vit passer un jour et le railla ainsi : « Si tu avais
appris à manger ces herbes, tu ne fréquenterais pas les cours des tyrans ! » « Et toi, lui
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répliqua Aristippe, si tu avais appris à vivre en compagnie, tu ne laverais pas tes
légumes ! ». On lui demandait quel profit il avait retiré de la philosophie : « Celui de
pouvoir parler librement à tout le monde. » On lui reprochait de vivre avec trop de
mollesse : « Si c’était mal, dit-il, pourquoi le faisait-on lors des fêtes des dieux ! » On lui
demandait quel avantage avaient les philosophes : « Si les lois disparaissaient, notre vie
n’en serait point changée [5]. »
Denys lui demandait un jour pourquoi les philosophes hantaient les maisons des riches,
et pourquoi les riches ne hantaient pas celles des philosophes : « C’est, lui dit-il, que les
premiers savent ce qui leur manque, et que les autres l’ignorent. » Platon lui ayant
reproché sa vie trop molle, il lui demanda s’il croyait Denys homme de bien, et comme
Platon en convenait, il lui dit : « Eh bien ! mais Denys vit d’une façon bien plus dissolue,
rien ne m’empêche donc de bien vivre de cette façon. » On lui demandait la différence
entre les gens savants et les ignorants : « La même qu’entre un cheval dompté et un
cheval qui ne l’est pas. » Il entra un jour dans la maison d’une prostituée, et l’un des
jeunes gens qui l’accompagnaient se mit à rougir. « Ce n’est pas y entrer, dit-il, qui est
honteux, c’est ne pouvoir en sortir [6]. » Quelqu’un lui ayant proposé une énigme à
deviner : « Pourquoi voulez-vous, dit-il, sot que vous êtes, que je délie ce qui même lié
nous donne du souci ? » Il prétendait qu’il valait mieux être sans le sou que sans savoir,
car dans le premier cas, on ne manque que d’argent, dans le second, on manque de ce
qui fait l’homme.
Un jour où on l’injuriait, il s’en alla, et comme son insulteur lui demandait la raison de sa
fuite, il répondit : « Si tu peux dire des injures, moi, je ne puis pas en entendre. »
Quelqu’un lui disait qu’il voyait toujours les philosophes aux portes des riches ; il
répondit : « Tout comme les médecins sont toujours aux portes des malades, et pourtant
il n’en résulte pas que l’on préfère être malade. » Un jour qu’il naviguait vers Corinthe, la
tempête s’élevant soudain, comme quelqu’un le raillait et disait : « Nous autres, gens
ordinaires, n’avons point peur, et vous, messieurs les philosophes, vous vous affolez ! » ,
il répondit : « La vie à laquelle nous tenons a plus de valeur que la vôtre. » À quelqu’un
qui se glorifiait de savoir beaucoup de choses, il répondit : « Ce ne sont pas ceux qui
mangent le plus qui sont en bonne santé, mais ceux qui mangent ce qui leur convient, de
même les savants ne sont pas ceux qui ont un vaste savoir, mais ceux qui savent les
choses utiles [7]. Un logographe avait plaidé pour lui et gagné son procès. Il demandait à
Aristippe après cela : « En quoi vous a servi Socrate ? » Il répondit : « À rendre
véridiques les paroles que vous avez dites pour ma défense. »
Il élevait sa fille Arété dans d’excellents principes, l’exerçant à mépriser le superflu. Un
père lui demandait un jour quel profit son fils retirerait de l’étude. « À défaut d’autre, dit-il,
tout au moins celui-ci, qu’allant au théâtre, il ne sera pas une pierre assise sur une autre
pierre. » Une autre fois, il demanda cinquante drachmes à un homme qui voulait lui
confier son fils, et comme l’autre protestait, et disait : « Mais pour ce prix, j’achèterais un
esclave ! » « Achetez-le donc, lui dit-il, vous en aurez deux. »
Il disait que s’il acceptait de l’argent de ses amis, ce n’était pas pour s’en servir lui-même,
mais pour leur montrer comment eux devaient s’en servir. On lui reprochait, un jour où il
avait un procès, d’avoir loué un avocat. « Mais, répondit-il, quand j’ai un repas, je prends
bien un cuisinier. » Denys lui ordonna un jour de lui dire un mot des questions
philosophiques.
Aristippe répliqua : « Ce serait une chose ridicule que tu veuilles apprendre de moi l’art
de parler, quand tu m’enseignes, toi, le moment où il convient de parler ! » Et comme làdessus, Denys, en colère, l’avait fait asseoir au dernier lit, « Tu as donc voulu en faire
une place d’honneur » , lui dit-il. Un autre se vantait d’être un bon nageur. « Tu n’as pas
honte, lui dit-il, de tirer gloire d’une qualité qui est celle des dauphins ? » On lui
demandait la différence entre le savant et l’ignorant. « Envoyez-les tous deux à quelqu’un
qui ne les connaît pas et vous le saurez. » Un autre se vantait de pouvoir boire beaucoup
sans s’enivrer : « Le mulet en fait autant » , lui répondit-il. Un autre lui reprochait de vivre
avec une fille de joie. Aristippe lui demanda [8] : « Voyez-vous une différence entre une
maison qui a eu beaucoup de locataires, et une qui n’a jamais été habitée ? — Non. —
Entre un bateau qui a porté des milliers de gens et un où personne n’est jamais monté ?
— Non. — Pourquoi donc y aurait-il une différence entre coucher avec une femme qui a
beaucoup servi, et coucher avec une femme intacte ? » On lui reprochait encore de se
faire payer, lui, un disciple de Socrate. « Oui, je le fais, dit-il, et j’ai bien raison. À Socrate,
on envoyait du pain et du vin ; s’il en prenait peu pour lui, c’est qu’il avait pour intendants
les grands d’Athènes. Moi, je n’ai qu’Euthykidès, un pauvre que j’ai acheté. »
Il fréquentait aussi la fameuse courtisane Laïs (cf. Sotion, Successions, livre II). Aux gens
qui l’en blâmaient, il avait coutume de dire : « Je possède Laïs, mais je n’en suis pas
possédé [9], et j’ajoute que s’il est beau de vaincre ses passions et de ne pas se laisser
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dominer par elles, il n’est pas bon de les éteindre tout à fait. » Il ferma la bouche à un
homme qui lui reprochait sa gourmandise, en lui disant : « Tu n’achèterais sans doute
pas ces bonnes choses pour trois sous ? — Bien sûr ! — Bon, dit-il, eh bien ! je suis
moins gourmand que tu n’es avare ! » Simos, l’intendant de Denys, lui montrait un jour de
riches appartements et de beaux pavés (c’était un Phrygien sans valeur morale). Notre
philosophe lui lança un beau crachat à l’oeil, et comme Simos se mettait en colère : « Il
n’y avait pas dans ta maison, dit-il, d’autre endroit où je pusse cracher. »
Charondas, ou, selon d’autres, Phédon, ayant demandé : « Mais qui donc s’est
parfumé ? », il répondit : « C’est moi ce débauché, et le roi des Perses l’est encore plus
que moi, mais prends garde qu’il n’en soit de l’homme comme des autres animaux, qui
n’acceptent aucune injure, et que ne périssent les infâmes débauchés qui nous
reprochent d’être si bien parfumés ! »
On lui demandait comment était mort Socrate : « Comme j’aimerais mourir » , dit-il. Un jour,
le sophiste Polyxène vint le voir. Aristippe avait des femmes et une table richement servie,
et Polyxène lui en fit le reproche. Le philosophe le laissa dire, et soudain : « Ne peux-tu
pas, lui demanda-t-il, rester avec nous aujourd’hui ? » Polyxène accepta. « Pourquoi me
blâmais-tu, alors, dit Aristippe, ce que tu critiquais, ce me semble, ce n’est pas le festin,
mais la dépense. »
Son valet portait un jour de l’argent, en voyage, et était accablé sous le poids (cf. Bion,
Diatribes) : « Jette ce qui est en trop, lui dit-il, et ne porte que ce que tu pourras porter. »
Un jour où il naviguait, il s’aperçut qu’il était sur un bateau de pirates. Prenant alors son
argent, il se mit à le compter, puis, comme par accident, il le laissa tomber à la mer, et se
mit à pousser des cris. On ajoute qu’il déclara préférable de voir son argent périr pour
sauver Aristippe, à voir Aristippe mourir pour sauver son argent. Denys lui demandait
pourquoi il venait chez lui. « Pour vous faire part de ce que j’ai, et pour recevoir ce que je
n’ai pas. » Selon d’autres auteurs, il répondit : « Quand j’avais besoin de sagesse, je suis
allé trouver Socrate. Aujourd’hui, j’ai besoin d’argent, je viens vous voir. » Il reprochait
aux hommes d’examiner avec soin les objets qu’ils achètent dans les boutiques, et,
quand il s’agit des gens, de les juger sur l’apparence. Ce mot est parfois attribué à
Diogène. Une fois, après boire, Denys avait invité chaque convive à mettre une robe de
pourpre et à danser. Platon [10] refusa en disant :
Je ne pourrais porter une robe de femme.
Aristippe au contraire la revêtit sans façon, et, se mettant à danser, il dit très finement :
N’est-il pas vrai qu’aux fêtes de Bacchus
Une âme sage n’est pas corrompue ?
Il demandait un jour à Denys une faveur pour un ami. Ne l’obtenant pas, il se jeta aux
pieds du tyran. On lui en fit reproche. « Ce n’est pas ma faute, dit-il, c’est la faute de
Denys : il a les oreilles aux pieds. » Comme il séjournait en Asie, il fut pris par le satrape
Artapherne. On lui demanda s’il n’avait point peur, il répondit : « Comment pourrais-je
avoir peur, imbécile, puisque je vais parler à Artapherne ? » Selon lui, les gens instruits
dans les arts libéraux, mais ignorant la philosophie, étaient comme les prétendants de
Pénélope : ceux-ci ont à leur gré Mélantho, Polydora et les autres servantes, mais ils ne
peuvent pas épouser la maîtresse. On rapporte le même mot d’Ariston, sous une forme
un peu différente : à l’en croire, Ulysse, descendu aux enfers, avait bien vu à peu près
tous les morts, et leur avait parlé, mais il n’avait pas vu leur reine. Je reviens à Aristippe.
On lui demandait ce qu’il fallait apprendre aux beaux enfants, il répondit : « Apprenez-leur
ce qui leur servira quand ils seront grands. »
On lui reprochait d’avoir quitté Socrate pour aller chez Denys. « Mais, dit-il, je suis allé
chez Socrate pour m’instruire, et chez Denys pour rire. » Quand il se fut enrichi par ses
leçons, Socrate lui demanda : « D’où vient que vous avez tant d’argent ? » « D’où vient
que vous en avez si peu ? » répliqua-t-il. Une courtisane lui dit qu’elle était grosse de lui.
« Comment peux-tu le savoir ? dit-il. Si tu avais marché sur un cent d’épingles, pourraistu me dire laquelle t’a piquée ? » On l’accusait de s’être débarrassé de son fils comme s’il
n’était pas de lui. « La pituite aussi et les poux, dit-il, sortent de nous, nous le savons
bien, et pourtant, comme ils sont inutiles, nous nous hâtons de nous en débarrasser. »
Denys avait donné de l’argent à Aristippe et un livre à Platon. Quelqu’un en fit grief à
Aristippe, qui répliqua : « Platon avait besoin de livres, et moi j’avais besoin d’argent. »
On lui demandait : D’où vient que Denys vous critique ? » Il répliquait : Est-ce que tout le
monde ne le critique pas ? » Il demandait de l’argent à Denys : « Mais tu me disais,
répond l’autre, que le sage ne manque de rien. » — « Donne toujours, dit Aristippe, nous
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discuterons après. » Denys lui donne de l’argent. « Tu vois bien, dit Aristippe, que je ne
manque de rien. »
Denys lui dit une autre fois :
Qui est venu chez un tyran,
Fût-il venu libre, en est esclave.
Il répondit : « Il n’est pas esclave s’il est venu libre. » C’est du moins ce que dit Dioclès
(Vie des Philosophes), car on attribue d’ordinaire le mot à Platon.
Brouillé avec Eschine, Aristippe lui dit un jour : « N’allons-nous pas nous réconcilier, et
cesser nos folies ? Attendrons-nous qu’on nous réconcilie à table après boire ? » — «
Réconcilions-nous, je veux bien », dit Eschine. « Souvenez-vous donc, dit Aristippe, que
je suis venu vers vous le premier, bien que je sois le plus âgé. » « Bravo ! dit Eschine,
vous avez raison, morbleu ! et vous êtes bien meilleur que moi, car je suis la cause de
notre querelle, et vous êtes la cause de notre réconciliation. » Voilà ce qu’on raconte
d’Aristippe.
Il y eut quatre Aristippe : celui dont je viens de parler, un second, qui écrivit l’histoire
d’Arcadie, un troisième, petit-fils du premier par sa mère, et élevé par elle, et un
quatrième, qui fit partie de la Nouvelle Académie.
D’Aristippe de Cyrène, on connaît trois livres d’histoire de la Libye, dédiés à Denys, un
recueil de vingt-cinq dialogues, en dialecte attique et en dorien, et qui sont : Artabaze,
pour les naufragés, pour les exilés, pour le mendiant, pour Laïs, pour Poros, pour Laïs
sur son miroir, Erméias, le Songe, pour le président du Banquet, Philomèle, pour les
domestiques, pour ceux qui lui reprochent d’avoir acheté du vieux vin et des
courtisanes,pour ceux qui lui reprochent de bien banqueter, lettre à sa fille Arété, Pour
celui qui s’exerçait aux jeux olympiques, Question, Autre question, Prière à Denys, Prière
sur une statue, Sur la fille de Denys, Pour celui qui croyait être déshonoré, Le donneur de
conseils. Les uns disent qu’il écrivit six dissertations, Sosicrate de Rhodes dit qu’il n’en
écrivit point. Suivant Sotion (livre II) et selon Panétios, il écrivit : De l’Education, De la
Vertu, le Donneur de Conseils, Artabaze, les Naufragés, les Exilés, six dissertations, trois
prières : à Laïs, à Poros, à Socrate, Sur la fortune. Enfin il démontra que le but de la vie
est un mouvement doux accompagné de sensation [11].
Maintenant que j’ai écrit la vie d’Aristippe, je vais passer en revue les philosophes
cyrénaïques, ses disciples, qui s’appelèrent les uns Hégésiaques, les autres Annicériens,
les autres Théodoriens, et aussi les disciples de Phédon, dont les plus illustres sont les
Erétriens. Voici la succession de ces philosophes : à Aristippe succédèrent Arété sa fille,
Ptolémée d’Ethiopie, Antipatros de Cyrène ; à Arété succédèrent Aristippe le
Matrodidacte [12], Théodore, surnommé d’abord l’Athée, puis le Divin ; à Antipatros
succédèrent Epiménide de Cyrène, Parébate, Hégésias, qui conseillait le suicide, et
Annicéris, qui délivra Platon.
Ceux qui s’en tinrent aux enseignements d’Aristippe et qui prirent le nom de Cyrénaïques
professaient les opinions suivantes : « Il y a deux états de l’âme : la douleur et le plaisir ;
le plaisir est un mouvement doux et agréable, la douleur un mouvement violent et
pénible. Un plaisir ne diffère pas d’un autre plaisir, un plaisir n’est pas plus agréable qu’un
autre [13]. Tous les êtres vivants recherchent le plaisir et fuient la douleur. Par plaisir, ils
entendent celui du corps, qu’ils prennent pour fin (cf. Panétios, Des Sectes), et non pas le
plaisir en repos, consistant dans la privation de la douleur et dans l’absence de trouble,
dont Epicure [14] a pris la défense, et qu’il donne comme fin. Ils croient d’autre part que
la fin est différente du bonheur : car elle est un plaisir particulier, tandis que le bonheur
est un ensemble de plaisirs particuliers, parmi lesquels il faut compter les plaisirs passés
et les plaisirs à venir. Ils pensent encore que le plaisir particulier est en soi une vertu et
que le bonheur ne l’est pas par soi, mais par les plaisirs particuliers qui le composent. La
preuve que la fin est le plaisir est que dès l’enfance et sans aucun raisonnement, nous
sommes familiarisés avec lui, que quand nous l’avons obtenu, nous ne désirons plus
rien ; au contraire, nous ne fuyons rien comme la douleur, qui est l’opposé du plaisir. Ils
pensent encore que le plaisir est un bien, même s’il vient des choses les plus honteuses
(cf. Hippobotos, Des Sectes) : l’action peut être honteuse, mais le plaisir que l’on en tire
est en soi une vertu et un bien. Quant à l’absence de la douleur, que prône Epicure [15],
ils déclarent qu’elle n’est pas un plaisir, pas plus que l’absence de plaisir ne leur paraît
une douleur. Tous les deux, en effet, consistent dans le mouvement ; or ni l’absence de
douleur, ni l’absence de plaisir ne sont des mouvements : être sans douleur, c’est être
comme dans l’état d’un homme qui dort. Ils avouent qu’il se peut faire que des gens, par
perversion, ne recherchent pas le plaisir. Ils ajoutent que tous les plaisirs et toutes les
douleurs de l’âme ne naissent pas d’affections semblables du corps. Voir sa patrie
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prospère crée en l’homme un plaisir semblable à celui qu’il prend à se savoir heureux. Ils
soutiennent encore, au contraire d’Epicure, que le souvenir ou l’attente d’événements
heureux ne constitue pas un plaisir, car le temps affaiblit et détruit le mouvement de
l’âme. Ils ajoutent même que le plaisir ne vient pas simplement de la vue ou de l’ouïe,
puisque nous prenons plaisir à écouter ceux qui imitent des lamentations, et que nous
souffrons quand nous en entendons de véritables [16]. Aussi donnent-ils à l’absence de
plaisir et de peine le nom d’états intermédiaires. Les plaisirs du corps leur paraissent
supérieurs à ceux de l’âme [17], et les souffrances du corps plus pénibles que les peines
de l’âme (ne châtie-t-on pas les coupables corporellement ?).
Considérant que la douleur est pénible et que le plaisir nous est plus familier, ils
recherchaient de préférence le plaisir. De la même façon, bien que le plaisir fût de soi une
vertu, ils se refusaient des plaisirs présentant un côté pénible. Ainsi réaliser un ensemble
de plaisirs créant le bonheur leur paraissait une tâche délicate. Le sage n’a donc pas une
vie tout entière agréable, pas plus que l’ignorant [18] n’a une vie entièrement pénible ;
c’est une affaire de proportion ; au reste, il suffit, pour être heureux, d’avoir rencontré un
plaisir. La sagesse est un bien, mais elle n’est pas par elle-même une vertu, elle l’est par
ses effets. Il faut, disent-ils, avoir un ami pour son utilité, puisque les parties du corps
elles-mêmes ne sont agréables que dans la mesure où elles sont utiles. On trouve
quelquefois des vertus même chez les fous. Le sport n’est pas inutile à l’acquisition de la
vertu. Le sage ne cède ni à l’envie, ni au désir, ni à la superstition, qui proviennent tous
d’une illusion. Ces philosophes sont pourtant sensibles au chagrin et à la crainte : ces
maux viennent de la nature. La richesse, qui n’est pas de soi une vertu, crée pourtant du
plaisir. Selon ces philosophes, on peut saisir la nature des passions, mais non leur
origine. Ils ne se souciaient pas de métaphysique, parce que, de toute évidence, on ne
peut rien savoir ; par contre, ils étudiaient la logique, science utile. Toutefois, Méléagre
(Opinions, liv. II) et Clitomaque (Sectes, liv. I) affirment qu’ils jugeaient ces deux sciences
également inutiles. Point n’est besoin en effet de la dialectique pour bien parler, pour
éviter la superstition, pour échapper à la crainte de la mort : il suffit de connaître la raison
du bien et du mal. D’ailleurs rien n’est par nature, juste, beau, ou laid ; c’est l’usage et la
coutume qui en décident. Le philosophe, toutefois, se gardera de commettre un crime,
par principe, et non pas par souci des châtiments ou des récompenses établis, mais
parce qu’il est sage. Il n’y a pas de progrès. Ces philosophes disent encore que tout le
monde n’est pas également sensible à la douleur et que les sens ne donnent pas
toujours des sensations justes.
Les philosophes nommés Hégésiaques [19] ont sur le plaisir et sur la douleur les mêmes
théories. Ils nient la reconnaissance, l’amitié, le bienfait, parce qu’on ne fait nulle chose
pour elle-même, on la fait pour les avantages qu’elle procure : si l’effet disparaît, la cause
ne nous intéresse plus. Le bonheur parfait est impossible, car le corps est sujet à cent
maladies, l’âme souffre avec le corps, et par là-dessus viennent les coups du sort, qui
ruinent nos plus belles espérances. En fin de compte, le bonheur parfait n’est pas
réalisable [20]. La vie et la mort sont également désirables. Rien n’est, de sa nature,
agréable ou désagréable : la rareté, la nouveauté, l’abondance des biens, plaisent aux
uns, déplaisent aux autres. Etre riche ou être pauvre, pour le plaisir, c’est tout un, et, de
même, être esclave ou libre, noble ou roturier, illustre ou obscur. L’ignorant trouve la vie
agréable, le sage la voit indifférente. Le sage ne recherche que son intérêt personnel, il
est convaincu qu’il vaut mieux que tout le monde ; jouirait-il des plus grands biens, c’est
encore moins qu’il ne mérite. Les sens ne donnent pas une connaissance certaine. Il faut
faire tout ce qui paraît raisonnable. Il faut pardonner aux coupables : ils ne sont pas
pleinement responsables, c’est la passion qui les fait agir. Il faut chercher à instruire les
gens, et non les haïr. Le sage recherche moins à obtenir du plaisir qu’à fuir la douleur : il
a pris pour fin une vie exempte de souci, elle s’obtient par une saine indifférence à l’égard
des causes de plaisir.
Les philosophes Annicériens [21] ne diffèrent des précédents qu’en ceci : ils conservent à
l’amitié, à la reconnaissance, au respect filial, au dévouement patriotique, une valeur
dans la vie. Ainsi, pour eux, le sage, même chargé de soucis, peut être heureux avec son
tout petit bagage de joies. Toutefois le bonheur résultant de l’amitié n’est pas de soi une
vertu, car on ne peut pas sentir pour autrui. La raison, d’autre part, n’est pas si puissante
qu’elle puisse nous donner tant de confiance, ou nous élever au-dessus des opinions du
vulgaire, et nous devons nous accoutumer à résister à notre disposition naturelle et
invétérée à mal faire. Il faut se faire un ami, non pas seulement par nécessité, car, celle-ci
cessant, il pourrait devenir notre ennemi, mais aussi par l’effet d’une bienveillance
naturelle, qui nous fasse au besoin souffrir pour lui. Ces philosophes, s’ils prennent le
plaisir pour fin et s’ils sont fâchés d’en être privés, consentent toutefois volontiers à
souffrir pour un ami.
Les philosophes nommés Théodoriens [22] prirent leur nom de Théodore que j’ai nommé
plus haut, et suivirent sa théorie. Ce Théodore ruina toutes les opinions qu’on avait sur
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les dieux. J’ai lu de lui un livre intitulé les Dieux, et qui n’est pas négligeable. On dit
qu’Epicure en a tiré la plupart de ses arguments. Ce Théodore fut disciple d’Annicéris et
de Denys le dialecticien, comme nous l’apprend Antisthène dans ses Successions de
philosophes. Il prenait pour termes des choses la satisfaction et la peine. L’une venait de
la sagesse, l’autre de la sottise. Il pensait que la sagesse et la justice étaient des biens,
que les habitudes contraires étaient des maux, que le plaisir et la douleur étaient des
intermédiaires entre les deux catégories. Il nie aussi l’amitié, parce qu’on ne la voit ni
chez les sots ni chez les sages. Chez les sots, elle s’évanouit dès que la nécessité qui
l’avait amenée disparaît, et les sages, se suffisant à eux-mêmes, n’ont pas besoin d’amis.
Il disait qu’il était raisonnable que le sage ne s’exposât pas pour sa patrie, car il ne faut
pas s’exposer à perdre sa sagesse à cause de l’utilité des sots, et qu’au surplus, la patrie
du sage, c’est le monde. Le sage pouvait aussi à l’occasion commettre un vol, un
adultère, un sacrilège, car aucun de ces actes n’est laid par nature, si l’on enlève
l’opinion vulgaire qui résulte de la réunion des sots. Le sage peut encore, en toute liberté
et sans scrupules, avoir des mignons. Il usait de ces arguments spécieux : « Est-ce
qu’une femme savante ne serait pas utile en tant que savante ? — Oui. — Et un enfant et
un jeune homme savants ne seraient-ils pas utiles en tant que savants ? — Oui. — Une
femme belle ne serait-elle pas utile en tant qu’elle est belle, et un bel enfant et un beau
jeune homme ne le seraient-ils point aussi en tant qu’ils sont beaux ? — Oui. — Et
maintenant, le bel enfant et le beau jeune homme ne seraient-ils pas utiles à ce en vue
de quoi ils sont beaux ? — Oui. — Ils sont donc utiles pour faire l’amour. » Ceci accordé,
il poursuivait en conclusion : « Par conséquent, si on les aime en tant qu’ils sont utiles, on
ne commet aucune faute, pas plus qu’on n’en commettrait si on se servait de la beauté
en tant qu’elle est utile. » Voilà le genre d’arguments par quoi il étayait son raisonnement.
On l’appela « dieu » , semble-t-il, pour la raison suivante : Stilpon lui demanda un jour : «
Dis-moi, Théodore, es-tu bien réellement ce que ton nom dit que tu es ? » Et comme
Théodore disait oui : « Tu es donc dieu, dit-il [23]. » Il le prit en très bonne part et
répliqua : « Mais, malheureux, par ce raisonnement, tu avouerais que tu es un geai, ou
tel autre oiseau brillant [24] ! »
Ce Théodore étant assis un jour à côté du hiérophante [25] Euryclide. « Dis-moi donc,
Euryclide, lui demanda-t-il, quels sont les impies envers les mystères ? » L’autre ayant
répondu : « Ceux qui les dévoilent aux non-initiés. » « Tu es donc toi-même un impie,
puisque c’est à des non-initiés que tu les dévoiles ! »
Il s’en fallut de peu toutefois qu’il ne fût traîné lui-même en justice devant l’Aréopage, et
c’eût été chose faite sans Démétrios de Phalère. Amphicrate, dans son livre des Hommes
illustres, dit qu’il fut condamné et qu’il but la ciguë.
Séjournant auprès de Ptolémée [26], fils de Lagus, il fut envoyé un jour par lui en
ambassade vers Lysimaque, et comme il lui parlait avec trop de liberté, Lysimaque lui dit :
« Dis-moi, Théodore, n’est-ce point toi qui fus chassé d’Athènes ? » et l’autre : « En effet,
la cité des Athéniens, ne pouvant pas me supporter, m’a rejeté comme Sémélé rejeta
Denys. » Là-dessus Lysimaque lui ayant dit : « Tâche de ne plus revenir chez nous » — «
Certes non, je n’y reviendrai pas, dit-il, si Ptolémée ne m’y renvoie plus. » Et Mythros, le
trésorier de Lysimaque, présent à l’entretien, ayant ajouté : « Il me semble que tu ne
connais pas mieux les dieux que les rois » — « Comment ignorerais-je ce qu’ils sont,
quand je sais que tu es l’ennemi des dieux ? » On raconte aussi qu’un jour, il vint à
Corinthe avec un assez grand nombre de ses disciples, et que Métroclès le Cynique, qui
lavait ses légumes, lui dit : « Dis donc, toi le sophiste, tu n’aurais pas besoin de tant
d’élèves si tu lavais tes légumes. » Théodore de lui répondre du tac au tac : « Et toi, si tu
savais vivre en société, tu n’userais pas de ces légumes ! » Le même mot est attribué à
Diogène et à Aristippe, comme je l’ai dit plus haut.
Voilà ce qui en est de Théodore et comme je l’ai appris. On dit enfin qu’étant allé à
Cyrène auprès de Maga, il fut très honoré de lui tant qu’il y vécut. Comme on l’avait
chassé une première fois, il eut un mot savoureux : « Vous faites bien, gens de Cyrène,
de me chasser de Libye pour m’exiler en Grèce ! »
Il y eut vingt Théodore. Le premier, un Samien, fils de Roicos, conseilla de mettre du
charbon aux soubassements du temple d’Ephèse, car l’endroit étant humide, il affirma
que le charbon, n’ayant pas les propriétés du bois, serait tout à fait imperméable à l’eau.
Un deuxième, originaire de Cyrène, était géomètre et maître de Platon. Le troisième était
notre philosophe. Le quatrième passe pour l’auteur d’un livre remarquable sur le Moyen
d’exercer sa voix. Le cinquième fit un traité sur les législateurs, en commençant par
Terpandre. Le sixième était stoïcien. Le septième écrivit une histoire romaine. Le
huitième, originaire de Syracuse, fit un traité d’art militaire. Le neuvième, un Byzantin, fit
des ouvrages politiques. Le dixième a été cité par Aristote pour son abrégé des orateurs.
Le onzième était un sculpteur thébain, le douzième un peintre athénien, cité par
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Polémon, le treizième encore un peintre athénien, cité par Ménodote ; le quatorzième un
peintre d’Ephèse, cité par Théophane dans son livre sur la peinture ; le quinzième un
poète auteur d’épigrammes, le seizième, auteur d’un livre sur les poètes, le dix-septième,
médecin, disciple d’Athénée, le dix-huitième, philosophe stoïcien de Cos, le dixneuvième, Milésien, lui aussi philosophe stoïcien, et le vingtième, poète tragique.
[1]Aristippe vécut vers ~435~356. Cyrène, colonie grecque sur la côte de
l’Afrique. Pays riche pour l’élevage des chevaux (récolte du sylphium,
plante fourragère), point d’arrivée des caravanes d’Afrique, amenant le sel
et l’ivoire. Ce fut de bonne heure une cité luxueuse, de vie facile,
touchée de la mollesse orientale, et cette origine a pu avoir
une influence sur les idées d’Aristippe.
[2] Ceci est raconté par Xénophon (Mémorables, II, I, 8-9).
[3] Ce détachement et cette maîtrise de soi, qui font un côté si séduisant du
caractère d’Aristippe, sont loués par Horace, Épitres, I, i, vers 18-19 : Nunc
in Aristippi furtim praecepla relabor,/Et mihi res, non me rébus, subjungere
conor (J’en reviens aux principes d’Aristippe, et j’essaye
de me soumettre les choses au lieu de leur être soumis).
[4] Cf. vie de Diogène et vie de Théodore.
[5] Toutes ces sentences plus ou moins authentiques, et qui s’accordent
assez difficilement avec l’ensemble de la doctrine d’Aristippe, tant elles
indiquent une conception élevée de la philosophie,
marquent l’influence de Socrate sur son disciple.
[6] Phrase qui se rapporte à ce qui a été dit plus haut du détachement
d’Aristippe (ne jamais être esclave de ses passions ni des choses, rester
libre). Xénophon, qui s’attaque souvent à Aristippe, montre dans les
Mémorables, par un dialogue entre ce philosophe et Socrate, que
quiconque recherche le plaisir dépend forcément des hommes et des
choses. La conception d’Aristippe fait penser à l’attitude assez voisine
qu’aura parfois Montaigne. Cf. Essais, III, 9 : « Moi qui le plus souvent
voyage pour mon plaisir, s’il fait laid à droite, je prends à gauche...
Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi, j’y retourne,
c’est toujours mon chemin... tout m’est un. »
[7] Aristippe soulève ici l’éternel débat entre les partisans
d’une instruction intensive, reposant sur la mémoire,
et ceux d’une instruction assimilée, reposant sur la réflexion.
« Savoir par cœur n’est pas savoir », dit Montaigne.
[8] Réponse comique, qui montre en Aristippe un disciple des Sophistes
au moins autant que de Socrate.
[9] Le sage ignore donc la passion. La courtisane Laïs avait suivi le
philosophe de Corinthe à Athènes. Citons à propos de cette phrase une
remarque savoureuse de M. Bénard (La philosophie ancienne) :
« Là-dessus, il faudrait interroger la courtisane ! »
[10] Cette opposition entre l’attitude d’Aristippe et celle de Platon chez
Denys est reprise au livre III. M. Robin (La pensée grecque, p. 204) estime
que « tout ce qu’on a raconté des flagorneries d’Aristippe à l’égard de
Denys n’est peut-être que fable destinée à mettre son attitude
en contraste avec celle de Platon ».
[11] Cf. Cicéron (de Offic, III, 33) : « Ab Aristippo Cyrenaici atque Annicerii
philosophi nominati omne bonum in voluptate posuerunt. »
[12] Élevé par sa mère.
[13] Cette phrase prouve, contrairement à l’opinion vulgaire, qu’Aristippe ne
préfère pas les plaisirs des sens. Il aime Laïs, les courtisanes, les bons
repas, l’argent, la fréquentation des tyrans, mais il aime également les
plaisirs intellectuels et plus délicats, parce que « tous les plaisirs se valent
».
[14] Cf. plus haut : « Le but de la vie est un mouvement doux » (influence
d’Héraclite) ; par là il diffère d’Épicure. D.L. y revient au livre X : « Les
Cyrénaïques n’admettent pas qu’il y ait du plaisir dans le calme et dans le
repos, ils en voient la source dans le mouvement, Épicure au contraire. »
[15] Le plaisir est quelque chose de positif : cf. Cicéron, de Finibus, II, 6.
[16] C’est ce que J.-J. Rousseau (Lettre à d’Alembert sur les spectacles)
traduit ainsi : « Si, selon la remarque de Diogène Laërce, le cœur s’attendrit
plus volontiers à des maux feints qu’à des maux véritables, si les imitations
du théâtre nous arrachent quelquefois plus de pleurs que ne ferait la
présence même des objets imités..., c’est parce que ces émotions
sont pures et sans mélange d’inquiétude pour nous-mêmes. »
L’auteur y transforme la phrase de Diogène Laërce. Il ne s’agit pas
de s’attendrir plus à des maux feints qu’à des maux véritables,
il s’agit de trouver du plaisir à voir des souffrances sur le théâtre,
alors qu’on pleure quand on voit des souffrances réelles.
[17] Cette théorie est encore opposée à celle d’Épicure, cf. liv. X :
« Le corps ne souffre que de la douleur présente,
l’âme souffre dans le passé, dans le présent et dans l’avenir,
les plaisirs de l’âme sont aussi plus intenses. »
[18] Par ignorant, il faut entendre le profane, celui qui n’est pas philosophe.
[19] Les Hégésiaques ont pris ce nom de leur chef de file, Hégésias,
philosophe cyrénaïque qui enseignait à Alexandrie, sous les Ptolémées.
[20] La doctrine d’Hégésias introduit donc une nuance de pessimisme. M.
Guyau (La Morale d’Épicure, p. 119) y voit : « Une synthèse inconsciente
des idées bouddhistes et des idées cyrénaïques. » M. Robin (op. cit., p.
208) y voit plus simplement la constatation que le « calcul capable de
réaliser un plaisir exempt de toute peine, est d’avance voué à l’insuccès ».
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[21] Ce sont les disciples d’Annicéris, qui semble avoir vécu vers 300 et
enseigné à Alexandrie. Il a réagi contre les excès de la doctrine cyrénaïque,
et forme la transition entre Aristippe et Épicure.
[22] Disciples de Théodore, contemporain de Ptolémée
et de Démétrios de Phalère.
[23] Jeu de mots : dans Théodore, il y a Théos : Dieu.
[24] Autre jeu de mots : le nom de Stilpon est pris dans son sens concret
de nom commun.
[25] C’est le président des mystères. Après une cérémonie préparatoire,
l’initiation se faisait dans une salle obscure, sous la forme d’un drame sacré
expliqué par le hiérophante. La plaisanterie du philosophe s’explique par un
sophisme : les mystères, étant secrets, ne devaient pas être dévoilés par
les initiés, mais aux initiés il fallait bien les dévoiler, et sans sacrilège.
C’était le rôle du hiérophante.
[26] Ptolémée Lagide, devenu ensuite Ptolémée Sôter, fonda en 305 le
royaume des Lagides, lors du démembrement de l’empire d’Alexandre, et
abdiqua en 285 en faveur de son fils.
Document 3 : Liste des dialogues attribués à Aristippe, selon Diogène Laërce :
- Artabaze
- Pour les naufragés
- Pour les exilés
- Pour le mendiant
- Pour Laïs
- Pour Poros
- Pour Laïs sur son miroir
- Erméias
- Le Songe
- Pour le président du Banquet, Philomèle
- Pour les domestiques
- Pour ceux qui lui reprochent d’avoir acheté du vieux vin et des courtisanes
- Pour ceux qui lui reprochent de bien banqueter
- Lettre à sa fille Arété
- Pour celui qui s’exerçait aux jeux olympiques,
- Question
- Autre question
- Prière à Denys
- Prière sur une statue
- Sur la fille de Denys
- Pour celui qui croyait être déshonoré
- Le donneur de conseils
- De l’Éducation
- De la Vertu
- Le Donneur de Conseils
Document 4 : La dérive pessimiste d'Hêgêsias
« Le bonheur est chose absolument impossible, car le corps est accablé de nombreuses
souffrances, l’âme qui participe à ces souffrances du corps en est aussi troublée, enfin la
Fortune empêche la réalisation de bon nombre de nos espoirs, si bien que pour ces
raisons le bonheur n’a pas d’existence réelle. »
Diogène Laërce
Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, II, 94
Document 5 : Pour comprendre la dimension radicale des thèses cyrénaïques, examinons la manière dont
les rapports entre le plaisir et la vertu, le plaisir (fugitif et éphémère) et le bonheur étaient pensés dans
l’Antiquité à travers les deux textes suivants, celui de Démocrite et celui de Sénèque.
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Tous ceux qui tirent leurs plaisirs de l'estomac et qui franchissent la limite de l'opportunité
en nourriture, en boisson et en amour ne connaissent que des plaisirs fugitifs et
temporaires, limités à l'instant où ils mangent et boivent, mais assortis de nombreuses
peines. Car le désir se présente sans cesse pour les mêmes choses, et lorsqu'on a
obtenu ce qu'on désirait, le plaisir se dissipe aussitôt, et ceux qui en ont joui n'en tirent
qu'un bref instant de contentement ; après quoi le besoin des mêmes objets se fait sentir
de nouveau.
Démocrite d’Abdère (460-370 av. J.C.)
Ajoutez encore que le plaisir s'arrange de l'existence la plus honteuse, mais que la vertu
ne consent pas a une vie mauvaise ; il y a des malheureux à qui le plaisir ne fait pas
défaut, et même dont le plaisir cause le malheur, ce qui n'arriverait pas si le plaisir était
mélangé à la vertu, mais la vertu existe souvent sans le plaisir et n'a jamais besoin de lui.
Pourquoi rapprocher des choses si dissemblables et même si opposées ? La vertu est
chose élevée, sublime, royale, invincible, inépuisable; le plaisir est chose basse, servile,
faible, fragile qui s'établit et séjourne dans les mauvais lieux et les cabarets. Vous
trouverez la vertu au temple, au forum, à la curie, elle tient bon devant les remparts,
couverte de poussière, le teint hâlé et les mains calleuses ; le plaisir habituellement se
cache et recherche les ténèbres, il est aux abords des bains, des étuves et des endroits
qui redoutent la police ; il est amolli, sans force, humide de vin et de parfums, pâle ou
fardé, embaumé d'onguents comme un cadavre. Le souverain bien est immortel, il ne sait
point s'en aller, il ne connaît ni satiété ni regret ; en effet une âme droite ne change
jamais, elle n'éprouve point de haine pour elle-même, elle n'a rien à modifier à sa vie qui
est la meilleure. Mais le plaisir arrivé à son plus haut point s'évanouit ; il ne tient pas une
grande place, c'est pourquoi il la remplit vite ; puis vient l'ennui, et après un premier élan
le plaisir se flétrit. Ayant son essence dans le mouvement, il est toujours indéterminé.
Rien ne peut exister de substantiel en ce qui vient et passe si vite, et se trouve destiné à
périr de par son propre usage ; le plaisir en effet aboutit à un point où il cesse, et dès son
début il regarde vers sa fin. Que dire du fait que le plaisir n'existe pas moins chez les fous
que chez les méchants et que les êtres bas prennent autant de plaisir dans leurs infamies
que les honnêtes gens dans leurs belles actions ? Aussi les Anciens ont prescrit de
rechercher la vie la plus vertueuse et non la plus agréable, de façon que le plaisir soit
non pas le guide mais le compagnon d'une volonté droite et bonne.
Sénèque
De la vie heureuse
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Socrate, totem de la philosophie
- Aristote et l’Éthique, Introduction à la lecture de l’Éthique à Nicomaque
- L’Atlantide, histoire d’un mythe platonicien
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
Sources antiques sur le cyrénaïsme
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres (II, « Vie d'Aristippe »)
- Sextus Empiricus, Contre les Professeurs (VII, 190-200)
- Plutarque, Contre Colotes (1120c-1121e)
- Xénophon, Mémorables (II,1 ; III,6)
- Eusèbe de Césarée, Praeparatio evangelica (XIV, 18)
Livres sur le cyrénaïsme
- Hédonismes, penser et dire le plaisir dans l'Antiquité, L. Boulegue, C. Lévy, Presses Universitaires Du
Septentrion, 2007
- Théodore de Cyrène, dit l'Athée, puis le Divin, Sylvain Guillo, Harmattan, 2006
- Aristippe de Cyrène, Pour une éthique du plaisir et de la liberté, Pierre Gouirand, Maisonneuve Et Larose,
2004
- L'invention du plaisir, Suivi de Fragments cyrénaïques, Michel Onfray, Lgf, 2002
- Les écoles présocratiques, Jean-Paul Dumont, Gallimard, 1991
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ONZIÈME SUJET
L'ÉCOLE DE MÉGARE
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - L'école de Mégare, l'école des disputeurs (les éristiques)
2 - Sa situation dans la période : la troisième période
3 - Ses relations avec les autres écoles
4 - Durée historique : approximativement un siècle
5 - Son importance en son temps
6 - Ses représentants : Euclide de Mégare, Eubulide, Diodore de Cronos, Stilpon
II
SON FONDATEUR, EUCLIDE DE MÉGARE
1 - Euclide de Mégare (approx. 450-380)
2 - Éléments biographiques
3 - Son action philosophique
4 - Le mégarisme, une fusion de l'éléatisme et du socratisme
III
L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE
1 - Les lieux de l'école
2 - L'organisation de l'école
3 - L'organisation des études
4 - Histoire du mouvement
IV
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - Une problématique unique de type éléate : la question de l'être
2 - Épistémologie : logique et dialectique de l'absurde
3 - Conceptions naturelles (physique et cosmologie) : l'être est, il n'y a que l'être
4 - L'anthropologie : pas d'affirmation possible
5 - Son idée de la sagesse et du sage : l’impassibilité
6 - La voie de la sagesse, la voie vers le "souverain Bien"
7 - Politique : pas d'affirmation possible
V
CONCLUSION
1 - La portée du mouvement
2 - Son héritage dans d’autres courants philosophiques antiques
3 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Le livre II de Diogène Laërce parle d’Euclide de Mégare (traduction Robert Genaille, 1933).
LIVRE II - EUCLIDE
[106] Euclide naquit à Mégare, ville voisine de l'isthme, ou à Géloüs, comme dit, entre
autres écrivains, Alexandre, dans ses Successions. II prit beaucoup de goût pour les
œuvres de Parménide. C'est de lui que les philosophes mégariens prirent leur nom. On
les appela ensuite disputeurs, jusqu'à ce qu'on leur donna le nom de dialecticiens. Denys
de Carthage leur donna le premier cette qualité, parce qu'ils composaient leurs discours
et leurs autres ouvrages par demandes et par réponses. Hermodore raconte qu'après la
mort de Socrate, Platon et les autres philosophes, craignant la cruauté des tyrans, se
retirèrent à Mégare auprès d'Euclide. II n'admettait qu'un seul bien qui reçoit différents
noms, tantôt celui de sagesse, tantôt celui de dieu, celui d'esprit, ou d'autres pareils. II
n'admettait point comme réelles les choses contraires à ce bien, et niait qu'elles
existassent.
[107] Ses démonstrations consistaient principalement à tirer des conclusions. Il ôta
l'usage des comparaisons dans les disputes, disant que, si elles convenaient au sujet, il
valait mieux s'occuper du sujet même que de sa ressemblance, et que, si elles n'y
convenaient point, elles n'étaient d'aucun usage. Cela donna occasion à Timon de
l'attaquer, lui et les autres sectateurs de Socrate, en disant qu'il ne se souciait point de
ces disputeurs, ni d'aucun d'eux en particulier; qu'il « s'embarrassait peu de Phédon,
quelqu'il pût être, aussi bien que du pointilleux Euclide, qui avait inspiré aux Mégariens la
fureur de disputer. »
[108] II a fait six dialogues, intitulés le Lampria, l'Eschine, le Phénise, le Criton, l'Alcibiade
et l'Amoureux. À Euclide succéda Eubulide de Milet, qui inventa, dans la dialectique,
plusieurs sortes de questions syllogistiques, appelées, à cause de la manière dont elles
étaient conçues [01], menteuses, trompeuses, électres, enveloppées, sorites, cornues,
chauves, par où il fournit matière à la plume des poètes comiques :
« Eubulide, qui interroge injurieusement, et éblouit les rhéteurs par des expressions
ampoulées, les trompant par des mensonges méthodiques. »
[109] Selon toute apparence, Démosthène fut son disciple; et comme il prononçait
difficilement la lettre R, il vint à bout de corriger ce défaut. Eubulide haïssait Aristote, et il
parla mal de lui à plusieurs égards. Entre ceux qui ont étudié sous ce philosophe, on
compte Alexinus d'Élée, violent disputeur ; ce qui lui fit donner le nom de critique. Il était
ennemi de Zénon. Hermippe rapporte qu'il vint d'Élée à Olympie, et qu'il s'y érigea en
philosophe; que, ses disciples lui ayant demandé pourquoi il s'arrêtait dans ce lieu, il
répondit qu'il se proposait d'y former une secte qu'il nommerait olympique. Mais ses
disciples désertèrent son école, à cause de la disette qui régnait dans cet endroit, et du
mauvais air qui altérait leur santé. Il continua cependant d'y demeurer avec un
domestique; enfin, s'étant allé baigner dans la rivière d'Alphée, il fut blessé par un
roseau, et mourut de cet accident.
[110] J'ai pris, de cette circonstance de sa mort, le sujet de l'épigramme que j'ai faite pour
lui :
Ce n'est pas un faux bruit, que quelqu'un s'est perce le pied en nageant. Alexinus,
pendant qu'il passe à la nage d'une rive à l'autre, rencontre un roseau et s'ensevelit dans
les eaux de l'Alphée.
On a quelques ouvrages d'Alexinus, outre des lettres à Zénon le philosophe, et à Éphore
l'historien. Un autre sectateur d'Eubulide est Euphante d'Olynthe, qui a fait l'histoire de
son temps et plusieurs tragédies fort approuvées. II fut chargé de l'éducation du roi
Antigone, à qui il dédia un traité sur la royauté, aussi curieux qu'utile. Euphante mourut
de vieillesse.
[111] Il eut un grand nombre de condisciples, entre autres Apollonios Cronos. Diodore
d'lasus, fils d'Amène, fut surnommé Cronos, ce qui donna occasion à Callimaque de le
tourner en ridicule.
Momus lui-même, dit-il dans ses épigrammes, n'a pas manqué d'afficher aux carrefours
que Cronos est doué de sagesse.
Quelques uns croient que ce dialecticien inventa la manière d'argumenter qu'on appela
cornue et embarrassante. Dans le temps qu'il vivait à la cour de Ptolémée Soter, Stilpon
lui proposa quelques difficultés dans la dialectique, dont il ne put donner la solution sur-
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le-champ. Le roi, à qui il avait déplu sur quelque autre chose, lui en témoigna du
mécontentement, et l'appela Cronos [02] par moquerie.
[112] Diodore quitta là-dessus la compagnie, se mit a écrire sur la proposition de Stilpon,
et prit la chose si à cœur, qu'il en mourut de chagrin. Voici l'épigramme que j'ai faite pour
lui :
Diodore Cronos, quel esprit malin te porte à abréger tes jours? Tu hésites sur les
énigmes de Stilpon. On te blâme d'être vaincu sur la doctrine et tu te laisses vaincre à la
douleur. Cronos, tu es à juste titre ce que signifie ton nom, si on en ôte les lettres C et R
[03].
De l'école d'Eubulide sortirent encore Ichthias, fils de Métallus et homme de mérite, à qui
Diogène le cynique adressa un dialogue ; Clinomaque de Thurium, qui écrivit le premier
des propositions, des prédicames et des autres parties de la logique ; Stilpon de Mégare,
célèbre philosophe, dont nous allons donner la vie.
[01] Comme tout cela ne sont que des propositions captieuses, nous
n'avons point cru devoir charger cet endroit d'une longue explication de
ces noms qui se trouve dans les notes de Ménage.
[02] Cronos en grec signifie le temps ; c'était pour lui reprocher qu'il lui
en fallait beaucoup pour répondre.
[03] En ôtant du mot Cronos le C et le R. Il reste Onos qui signifie âne,
et qui était une épithète qu'on donnait à ceux, qui, à un certain jeu de
boule, ne sautaient pas assez légèrement. Voyez le Thrésor d'Estienne.
Document 2 : Diogène Laërce dans son livre II parle de Stilpon (traduction Robert Genaille, 1933).
LIVRE II - STILPON
[113] Stilpon, natif de Mégare, ville de Grèce, fut disciple de quelques philosophes
sectateurs d'Euclide. On dit même qu'il eut Euclide pour maître, et après lui Thraymaque
de Corinthe, l'ami d'Ichthias, selon Héraclide. II était si inventif et si éloquent, qu'il
surpassa tous ses compagnons d'étude, et peu s'en fallut que toute la Grèce ne fût
surnommée Mégarienne. Philippe le Mégarien parle de lui à peu près en ces termes : « II
enleva à Théophraste Métrodore, ce grand contemplateur, et Timagoras de Géloüs; à
Aristote de Cyrène, Clitarque et Simmias ; aux dialecticiens, Poeonius, qu'il détacha
d'Aristide, et Diphile de Bosphore, avec Myrmex d'Exénête, qu'il ôta à Euphante. Ils
vinrent disputer dans son école et s'attachèrent à lui. »
[114] Il attira aussi Phrasidème, péripatéticien et habile physicien, ainsi qu'Alcime, le plus
fameux des orateurs grecs de son temps, Cratès, Zénon de Phénicie, et plusieurs autres.
Stilpon était naturellement honnête et obligeant. Onétor dit aussi que, quoiqu'il fût marié,
il entretenait une concubine nommée Nicarète. Il eut une fille de peu de vertu, qu'il maria
avec Simmias de Syracuse, son ami. Quelqu'un l'ayant averti qu'elle le déshonorait par
sa conduite, il répondit qu'il lui procurait plus d'honneur qu'elle ne pouvait lui causer de
honte.
[115] On rapporte que Ptolémée Soter le reçut avec de grands témoignages de respect et
d'estime, et qu'après avoir réduit sous sa puissance la ville de Mégare; qui était la patrie
du philosophe, il lui donna de l'argent et le pria de s'embarquer avec lui pour l'Égypte;
mais que Stilpon n'accepta qu'une petite partie de ce présent, en priant le roi de le
dispenser de ce voyage, et qu'il se retira à Égine, où il resta jusqu'au départ de ce prince.
Dans une autre occasion, Démétrius, fils d'Antigone, ayant aussi pris Mégare, ordonna
non seulement qu'on épargnât sa maison, mais aussi qu'on lui restituât ce qu'ou lui avait
enlevé ; et afin que tout lui fût rendu, il voulut se faire donner une liste de ce qu'il avait
perdu. On ne m'a rien pris, répondit Stilpon ; on n'a point touché à ce qui m'appartient; je
possède encore mon éloquence et ma science.
[116] Et à cette occasion, il exhorta le roi à se montrer généreux envers les hommes ; ce
qu'il fit avec tant de force, que Démétrius se conduisit en tout par ses conseils.
On dit qu'en parlant de la Minerve de Phidias, il demanda à quelqu'un si Minerve, fille de
Jupiter, n'était pas un dieu. Et celui-là ayant répondu que oui, il répliqua : Or cette
Minerve n'est pas la Minerve de Jupiter, mais de Phidias. De quoi l'autre étant encore
convenu, il en tira cette conséquence : Donc elle n'est point un dieu. Cela fut cause qu'on
le mena à l'aréopage, où, bien loin de se rétracter, il soutint qu'il avait raisonné juste,
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puisque Minerve n'est pas un dieu, mais une déesse. Ce jeu de mots ne diminua pourtant
point la sévérité des juges, qui le condamnèrent à sortir de la ville. Théodore, celui qu'on
surnommait Théos, demanda par dérision comment Stilpon savait que Minerve était une
déesse, et s'il l'avait vue pour en pouvoir juger. Ces deux philosophes étaient d'un
caractère bien différent : Théodore affectait une grande hardiesse; Stilpon, au contraire,
avait beaucoup de modestie et était d'une humeur enjouée.
[117] Cratès lui ayant demandé si les prières étaient agréables aux dieux : Imprudent, lui
dit-il, ne me fais point de pareilles questions en public; attends que nous soyons seuls.
On dit aussi que Bion lit cette réponse à un homme qui lui demandait s'il y avait des
dieux :
Malheureux vieillard, écarte la foule, si tu veux que je t'en instruise.
Stilpon était d'un caractère simple et exempt de dissimulation, pouvant s'accommoder à
l'esprit le plus commun. Un jour qu'il parlait à Cratès le cynique, celui-ci, au lieu de lui
répondre, lâcha un vent. Je me doutais bien, lui dit-il, que tu ferais toute autre réponse
que celle qu'il fallait faire.
[118] Un autre jour, Cratès lui ayant présenté une figue en lui adressant la parole, il la
mangea d'abord. J'ai perdu ma figue, lui dit là-dessus Cratès; à quoi Stilphon repartit : Et
aussi votre demande, dont cette figue était le gage. Ils se rencontrèrent une fois pendant
l'hiver, et comme Stilpon vit l'autre à moitié mort de froid : Cratès, lui dit-il, il me semble
que vous auriez besoin d'un manteau neuf; lui donnant à entendre qu'il avait autant
besoin d'esprit que d'habillements (01). Cette raillerie rendit le cynique confus, et lui fit
faire cette réponse :
« Autrefois, étant à Mégare où habitait Typhée, j'ai vu Stilpon, en proie à mille maux,
disputer au milieu d'une foule de jeunes gens, et ne leur enseigner d'autre science qu'une
sagesse superficielle. »
[119] On dit qu'étant à Athènes, il gagna tellement l'affection de tout le monde, que
chacun sortait de sa maison pour le voir ; quelqu'un lui dit là-dessus : On vous admire
comme un animal de rare espèce: Point du tout, reprit-il; on me regarde seulement parce
que je soutiens bien la qualité d'homme.
Il était subtil dans la dispute, et il en bannit l'usage des espèces, se fondant sur cette
raison, que celui qui parle de l'homme en général ne parle de personne, puisqu'il ne
désigne point d'individu. Il alléguait encore cet autre exemple : l'herbe fut il y a mille ans;
donc cette herbe qu'on montra n'est pas l'herbe en général. On dit qu'étant en
conversation avec Cratès, il se hâtait de la finir pour aller acheter du poisson, et que
l'autre ayant voulu le retenir, sous prétexte qu'il rompait le fil du discours, Stilpon
répondit : Non, non, je l'emporte avec moi, c'est vous que je quitte; le sujet de nos
discours reste, mais les provisions se vendent et s'emportent.
[120] Il a laissé neuf dialogues, mais écrits avec peu de grâce; ils sont intitulés le
Moschus, l'Aristippe ou le Callias, le Ptolémée, le Choerécrate, le Métrocle, l'Anaximène,
l'Épigène, l'Aristote. Enfin celui qui est adressé à sa fille, Héraclide nous apprend qu'il fut
maître de Zénon , chef de la secte stoïcienne. Hermippe dit qu'il mourut fort vieux, et qu'il
prit du vin pour accélérer sa mort. Voici l'épitaphe que je lui ai faite :
Vous connaissez sans doute Stilpon de Mégare, qui, étant affligé de vieillesse
et de maladie, a trouvé dans le vin un conducteur habile qui l'a délivré
de cet attelage incommode.
Sophile, poète comique, a repris Stilpon dans une de ses pièces intitulée les Noces, où il
l'accuse d'avoir puisé sa doctrine dans les discours de Charinus.
[01] Cela est fondé sur un jeu de mots qu'on ne saurait rendre en français.
Document 3 : Raisonnements célèbres d’Eubulide de Milet visant à montrer l’insuffisance de la
connaissance empirique et du langage commun.
- Le paradoxe du menteur : soit un menteur qui se reconnaît comme tel et affirme "je
mens". S'il ment cette phrase est fausse. Mais alors il ne ment pas et ce qu'il dit est vrai
etc. Bref, il est à la fois menteur et non menteur.
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- Le voilé : à un homme qui affirme connaître son père, on présente un homme voilé et
on lui demande : "connais-tu cet homme ?" Il répond négativement. Or l'homme voilé
était son père. Il le connaît donc tout en ne le connaissant pas.
- Le tas : Deux grains de blé ne constituent pas un tas de grains, pas plus que trois
grains. À partir de combien de grains considérer qu'il y a un tas ?
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences sur des philosophes antiques par Éric Lowen (code 1000)
- Héraclite, philosophe du devenir
- Démocrite et l’atomisme
Sources antiques sur les mégariques
- Théétète et le Parménide, de Platon
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, II
- Aristoclès, histoire des philosophes et de leurs opinions, Fragments conservés par Eusèbe de Césarée sa
Préparation évangélique.
- Épictète, Entretiens, II, XIX, sur Diodore Chronos
- Sextus Empiricus, Adversus mathematicos, X, 85
Livres sur le mégarisme
- Socrate et les socratiques, Gilbert Romeyer-Dherbey Jean-Baptiste Gourinat, Vrin, 2001
- Les Écoles présocratiques, Jean-Paul Dumont, Gallimard, 1991
- Introduction à la pensée des megariques, R. Müller, Vrin, 1988
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DOUZIÈME SUJET
SOCRATE
I
SA SITUATION DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE CLASSIQUE
1 - Socrate, le cas Socrate
2 - Sa situation dans la période : fin de la première période de la philosophie athénienne
3 - Ses relations avec les autres écoles, présocratiques et sophistes
II
SOCRATE
1 - Les sources sur Socrate (Aristophane, Xénophon, Platon, Aristote)
2 - Socrate l'athénien (environ 469-399)
3 - Sa formation philosophique, ses influences entre présocratiques et sophistes
4 - Sa vie d’homme : métier, hoplite, mariage, son refus d'obéissance sous les Trente
5 - Une personnalité haute en couleur et étonnante
6 - Son action philosophique, un enseignement contre-sophiste pour éduquer ses concitoyens
7 - Le procès de Socrate, au-delà de l’image d’Epinal
8 - La mort volontaire de Socrate
9 - La cité se réveille trop tard, après la mort de Socrate
III
SES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS
1 - Le socratisme - peut-on parler d'une philosophie socratique ?
2 - Épistémologie : "Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien"
3 - Conceptions naturelles (physique et cosmologie) : le désintérêt de la physique
4 - L'anthropologie : Connais-toi toi-même - "Gnothi seauton"
5 - Son idée de la sagesse et du sage : l'homme vertueux selon l'esprit de la Polis
6 - La voie de la sagesse, la voie vers le "souverain Bien" : apprendre à écouter son daïmon
7 - La méthode socratique pour accéder à la sagesse, ou Maïeutique
8 - Politique : la Polis grecque
IV
LES DISCIPLES DE SOCRATE, LA POSTÉRITÉ FORMELLE DU SOCRATISME
1 - Un maître et des disciples
2 - Les disciples socratiques, disciples de l'enseignement socratique (écoles socratiques)
3 - Les disciples non-socratiques, disciples de l'exemple socratique : Platon
4 - Les non-socratiques, mais inspirés par Socrate : presque toutes les écoles antiques
V
SOCRATE ET LA PHILOSOPHIE
1 - La novation socratique, la mise en avant de la dimension éthique
2 - L'explicitation de la méthodologie rationnelle et démonstrative de la pensée philosophique
3 - Socrate, partagé entre la tradition de la sophia hellénique et la philosophie
4 - La rupture socratique, une rupture à l’égard de la philosophie présocratique
5 - Le rétablissement philosophique de Platon et Aristote, l’impasse des écoles socratiques
VI
LA PHILOSOPHIE ET SOCRATE
1 - La mythologisation de Socrate, essentiellement par Platon
2 - Le faux père de la philosophie
3 - L'enfermement de la philosophie dans les images du mythe socratique
4 - Socrate idéalisé, héros tragique de la philosophie - une fascination attractive
5 - La réinterpellation constante de la figure socratique, jusqu'à Lacan !
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VII
CONCLUSION
1 - La portée de sa pensée
2 - Son apport à l'histoire des idées et de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Buste de Socrate.
Document 2 : À la bataille de Potidée, pendant la guerre du Péloponèse, Socrate sauva son disciple favori,
Alcibiade.
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Document 3 : La mort de Socrate.
Je me suis souvent demandé par quels arguments les accusateurs de Socrate ont
persuadé les Athéniens qu'il méritait la mort comme criminel d'État. L'accusation portée
contre lui était à peu près ainsi conçue : “Socrate est coupable de ne pas reconnaître les
dieux reconnus par l'État et d'introduire des divinités nouvelles ; il est coupable aussi de
corrompre les jeunes gens.”
Xénophon
Mémorables
Document 4 : Savoir qu'on ne sait pas : le début de la vraie sagesse pour Socrate.
SOCRATE. — [...] Je vous conjure, Athéniens, de ne pas vous émouvoir si ce que je vais
vous dire vous paraît d'une arrogance extrême ; car je ne vous dirai rien qui vienne de
moi, et je ferai parler devant vous une autorité digne de votre confiance; je vous donnerai
de ma sagesse un témoin qui vous dira si elle est, et quelle elle est; et ce témoin c'est le
dieu de Delphes. Vous connaissez tous Chérephon, c'était mon ami d'enfance; il l'était
aussi de la plupart d'entre vous; il fut exilé avec vous, et revint avec vous. Vous savez
donc quel homme c'était que Chérephon, et quelle ardeur il mettait dans tout ce qu'il
entreprenait. Un jour, étant allé à Delphes, il eut la hardiesse de demander à l'oracle (et
je vous prie encore une fois de ne pas vous émouvoir de ce que je vais dire ) ; il lui
demanda s'il y avait au monde un homme plus sage que moi : la Pythie lui répondit qu'il
n'y en avait aucun. À défaut de Chérephon, qui est mort, son frère, qui est ici, pourra
vous le certifier. Considérez bien, Athéniens, pourquoi je vous dis toutes ces choses,
c'est uniquement pour vous faire voir d'où viennent les bruits qu'on a fait courir contre
moi.
Quand je sus la réponse de l'oracle, je me dis en moi-même : “Que veut dire le dieu ?
Quel sens cachent ses paroles ? Car je sais bien qu'il n'y a en moi aucune sagesse, ni
petite ni grande. Que veut-il donc dire, en me déclarant le plus sage des hommes ? Car
enfin, il ne ment point; un dieu ne saurait mentir.” Je fus longtemps dans une extrême
perplexité sur le sens de l'oracle, jusqu'à ce qu'enfin, après bien des incertitudes, je pris
le parti que vous allez entendre pour connaître l'intention du dieu.
J'allai chez un de nos concitoyens, qui passe pour un des plus sages de la ville; et
j'espérais que là, mieux qu'ailleurs, je pourrais confondre l'oracle, et lui dire : “Tu as
déclaré que je suis le plus sage des hommes, et celui-ci est plus sage que moi.”
Examinant donc cet homme, dont je n'ai que faire de vous dire le nom, il suffit que c'était
un de nos plus grands politiques, et m'entretenant avec lui, je trouvai qu'il passait pour
sage aux yeux de tout le monde, surtout aux siens, et qu'il ne l'était point. Après cette
découverte, je m'efforçai de lui faire voir qu'il n'était nullement ce qu'il croyait être; et voilà
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déjà ce qui me rendit odieux à cet homme et à tous ses amis, qui assistaient à notre
conversation. Quand je l'eus quitté, je raisonnai ainsi en moi-même : “Je suis plus sage
que cet homme. Il peut bien se faire que ni lui ni moi ne sachions rien de fort merveilleux;
mais il y a cette différence que lui, il croit savoir, quoiqu'il ne sache rien; et que moi, si je
ne sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu'en cela du moins je
suis un peu plus sage, que je ne crois pas savoir ce que je ne sais point.” De là, j'allai
chez un autre, qui passait encore pour plus sage que le premier; je trouvai la même
chose, et je me fis là de nouveaux ennemis.
Cependant je ne me rebutai point ; je sentais bien quelles haines j'assemblais sur moi;
j'en étais affligé, effrayé même. Malgré cela, je crus que je devais préférer à toutes
choses la voix du dieu, et, pour en trouver le véritable sens, aller de porte en porte chez
tous ceux qui avaient le plus de réputation; et je vous jure, Athéniens, car il faut vous dire
la vérité, que voici le résultat que me laissèrent mes recherches : ceux qu'on vantait le
plus me satisfirent le moins, et ceux dont on n'avait aucune opinion, je les trouvai
beaucoup plus près de la sagesse.
Apologie de Socrate, 20e-22a,
traduction Victor Cousin (1822).
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen -
Conférences la Grèce Antique (code 1000)
- L’instauration de la démocratie à Athènes
- Les institutions de la démocratie athénienne
- Le sanctuaire d’Épidaure, sanctuaire d’Asclépios
Sources antiques sur Socrate
- Le banquet, apologie de Socrate, Xénophon, Gallimard, 1994
- Principaux dialogues de Platon autour de Socrate : Ion, Protagoras, Hippias, Criton, Phédon, Lachès, Le
Banquet, Théétète, Euthyphron, Apologie de Socrate
- Théâtre complet, Aristophane (2 tomes), présentation Victor-Henry Debidour, Gallimard, 1998
- Les nuées d'Aristophane, F. Boussard, Éditions Bertrand Lacoste, 1995
Livres sur Socrate
- Socrate et les socratiques, Gilbert Romeyer-Dherbey et Jean-Baptiste Gourinat, Vrin, 2001
- Philosophie, raison, vérité, connaissance, Michel LAROCQUE et Vincent ROWELL, Éditions Études
Vivantes, 1996
- Socrate, Ironie et philosophie morale, G. Vlastos, Aubier, 1994
- Les écoles présocratiques, Jean-Paul Dumont, Gallimard, 1991
- Le procès de Socrate, Claude Mossé, Complexe.
- Histoire de la philosophie, 1. La philosophie païenne, François Chatelet, Hachette, 1972.
- Socrate et les petits socratiques, Jérôme Humbert, PUF, 1967
- Socrate, A.J. Festugière, Flammarion, 1934
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