Fibres alimentaires : leurs intérêts nutritionnels chez la truie ?
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Fibres alimentaires : leurs intérêts nutritionnels chez la truie ?
Fibres alimentaires : leurs intérêts nutritionnels chez la truie ? CRAB Outre leur impact sur le transit digestif, les fibres alimentaires présentent une diversité de propriétés influençant le fonctionnement digestif des animaux. Au niveau de la digestibilité, il faut jongler entre deux phénomènes : les fibres apportent des nutriments ; mais limitent l’assimilation par le porc des autres nutriments de la ration. Toutes les fibres ne se valent pas et une diversification des sources est nécessaire. Depuis longtemps, éleveurs et nutritionnistes apportent des fibres pour favoriser le transit des truies. Aujourd’hui, on connaît de mieux en mieux le rôle des fibres sur la physiologie porcine. Mais de quoi parle-t-on? Qu’apportent ces fameuses fibres? Derrière le terme de «fibres alimentaires» se cachent différentes définitions selon la discipline que l’on considère : nutrition, botanique ou encore chimie (voir encadré). Les deux critères les plus utilisés en formulation sont le taux de cellulose brute (CB) et le NDF (Neutral Detergent Fiber : hémicelluloses + cellulose + lignine). Selon les constituants pariétaux qui les composent et les matières premières dont elles proviennent, les fibres présentent une grande diversité de propriétés. Parmi ces propriétés, on peut notamment citer la capacité de gonflement, déterminée par le volume occupé par l’aliment dans un solvant (de l’eau par exemple). L’utilisation de fibres à forte capacité de gonflement entraîne une distension gastrointestinale, mécanisme favorisant la satiété de la truie. Les capacités d’absorption et de rétention d’eau (très élevées pour la pulpe de betterave par exemple) se traduisent par un ralentissement du transit, mais également par une diminution de la digestibilité de la ration. La diversité des propriétés mécaniques des fibres et de leurs impacts zootechniques (positifs ou négatifs) explique la complexité de formuler des aliments enrichis en fibres. IIUn impact très variable sur le transit Les fibres ralentissent la vidange de la fraction liquide du contenu gastrique. En revanche, leurs effets sur la vitesse de vidange de la fraction solide sont controversés : sa durée de rétention peut être réduite, inchangée ou rallongée par un enrichissement en fibres. En réalité, l’effet des fibres sur le transit digestif dépend du type de fibres considéré (notamment de leur solubilité), de leur taux d’incorporation dans l’aliment et des caractéristiques de l’animal (âge et poids vif ). Tech Porc Septembre - Octobre 2012 - n° 7 Les fibres ne sont pas dépourvues de valeur nutritionnelle. Une partie des fibres peut être digérée dans l’estomac ou dans l’iléon, le segment final de l’intestin grêle. Mais le site majeur de digestion des fibres est le gros intestin, où ont lieu des fermentations anaérobies. Les acides gras Figure 1 : Matières premières riches en fibres (source : logiciel de formulation Porfal) g/kg 800 CB NDF 700 600 500 400 300 200 100 0 sd Lu es ze ar r rn as e To dé in ur s hy tea d ud rat ée Pu et He lpe ou r rn be de es dé be ol sh tte yd rav r a tée ed és hy dr até e So Av nd o ine eb Re mo lé ten ula dr ge e de Gl blé ut en du fee r dd eb Dr èc lé he sd eb lé Or ge © Alimentation Co sse 32 Le rapport cellulose brute / NDF est très variable d’une matière première à l’autre. Lors de la formulation d’un aliment, une diversification des sources de fibres permet d’apporter différentes fractions des parois végétales. Alimentation IILes fibres : diverses définitions Les différentes fractions fibreuses en fonction de leur solubilité et de la méthode d’analyse Malgré l’apport énergétique que peuvent représenter les fibres, celles-ci sont également responsables d’une diminution de la digestibilité de la matière sèche, de la matière organique, des protéines brutes, de la matière grasse et de l’énergie lors d’un enrichissement en fibres de l’aliment. Différents phénomènes entrent en jeu. On peut notamment citer une réduction de l’accessibilité des enzymes digestives ou encore une baisse de l’absorption (transfert des nutriments du tube digestif vers la circulation sanguine). Afin de prendre en compte cet impact des fibres sur la digestibilité des aliments, il est indispensable de raisonner la formulation ainsi que le plan d’alimentation en énergie nette. Cet impact des fibres explique également que l’on considère, pour une même matière première, des valeurs énergétiques différentes pour la truie et le porc charcutier. Les matières premières sources de fibres sont variées (figure 1). L’orge est utilisée de longue date en aliment truie pour son impact sur le transit. Le tourteau de tournesol présente quant à lui l’avantage d’apporter de la matière azotée en plus de la fibre. La pulpe de betterave est une source de fibres particulièrement intéressante. En effet, ses fibres présentent une bonne digestibilité (> 80 %) et influencent positivement la satiété NSP Fibres alimentaires totales TDF ADL ADF Cellulose de Weende NDF Cellulose TDF : total dietary fibre NSP : non-strach polysaccharides NDF : neutral detergent fibre ADF : acid detergent fibre ADL : acid detergent lignine d’après Le Goff (2001) Lignine Les deux critères les plus utilisés en formulation sont la cellulose brute et le NDF. Seule la cellulose brute est obligatoire sur les étiquettes d’aliment. Figure 2 : Valeur cellulosique des aliments distribués aux truies gestantes logées en petits groupes Enquête réalisée en 2010 auprès de 39 éleveurs, dont 14 fabriquant leurs aliments. 16 FAF 14 Achat 12 Nombre d'élevages volatils ainsi produits sont utilisés comme source d’énergie. Cette dégradation des parois végétales va dépendre de leur nature, du taux d’incorporation dans l’aliment, mais aussi de leur degré de lignification. A noter que la fibre est utilisée de manière bien plus efficace chez la truie que chez le porc en croissance. Hémicelluloses Fibres insolubles Les chimistes distinguent différentes fractions de fibres par leurs solubilités dans l’eau et leurs méthodes de dosage. La méthode de Weende est l’analyse la plus ancienne (1860). Elle permet de déterminer le taux de cellulose brute d’une matière première, c’est-à-dire une fraction de la cellulose, de la lignine et des hémicelluloses. Cette méthode d’analyse est critiquée, car elle ne permet de mesurer que des fractions variables de ces trois constituants des parois végétales. Elle reste malgré tout une méthode simple à mettre en œuvre, encore très utilisée en alimentation animale. Des méthodes d’analyse plus récentes ont été développées par Van Soest depuis les années soixante. Par des traitements successifs à l’aide de détergents, on obtient les fractions NDF, ADF et ADL. Substances pectiques Fibres solubles Les nutritionnistes définissent les fibres alimentaires comme des constituants alimentaires résistant à la digestion par les enzymes du tube digestif. Pour les botanistes, les fibres correspondent aux différents constituants des parois végétales : la lignine, la cellulose, les hémicelluloses et les substances pectiques. 33 10 8 6 4 2 0 < 50 50-60 60-70 70-80 ≥ 80 Taux de cellulose brute (g/kg) Bien que la tendance soit à une augmentation du taux de cellulose brute des aliments gestante, il existe une forte disparité sur ce critère. Les aliments les moins fibreux sont ceux des fafeurs. Tech Porc Septembre - Octobre 2012 - n° 7 34 Alimentation La cellulose brute : une conséquence plutôt qu’un objectif de formulation La pratique des firmes service et fabricants d’aliment Tech PORC : « Comment intégrez-vous la question des fibres dans la formulation des aliments truies ? » Nicolas COTTAIS - MG2 Mix : « Nous formulons les aliments truies enrichis en fibres sur le nutriment NDF et sur les taux d’incorporation des sources de fibres. Le nutriment NDF est préféré à la cellulose brute car il représente une plus grande partie des fibres : la cellulose, les hémicelluloses et la lignine. Il traduit l’aspect nutritionnel et mécanique de la source de fibres. Pour diversifier les sources de fibres, nous imposons des taux minimaux d’incorporation pour les matières premières riches en fibres (pulpe de betterave, coques de soja, son de blé, tourteau de tournesol non décortiqué, lin…) en tenant compte de leurs propriétés zootechniques (capacité de gonflement et de solubilisation, absorption et rétention d’eau, viscosité du bol alimentaire, stimulation mécanique). On peut également jouer sur la présentation des matières premières : par exemple incorporer de l’orge aplatie plutôt que broyée pour augmenter l’encombrement de l’aliment, et ajouter des additifs nutritionnels (fructo-oligosaccharides). Afin de prendre en compte l’impact des fibres sur la digestibilité de l’aliment, nous formulons sur l’énergie nette. Nos aliments riches en fibres dépassent 23 % de NDF pour un aliment truie gestante et 18 % pour un aliment allaitante répondant à des soucis de constipation chez les truies. » Gwénola RAMONET - Coopérative Le Gouessant : « Pour nous, la cellulose brute constitue une résultante et non une contrainte de formulation. C’est un critère quantitatif, qui ne représente qu’un tiers environ de l’apport en fibres. Nous avons développé deux critères qualitatifs qui caractérisent l’effet physiologique des fibres : l’indicateur de flore et l’indicateur de transit. Chaque matière première utilisée dans nos aliments est caractérisée par ces deux critères. Les matières premières à indicateur de flore élevé contiennent des fibres qui favorisent le développement de bactéries lactiques dans le gros intestin : pulpe de betterave, tourteau de palmiste, orge, avoine, par exemple. L’indicateur de transit entraîne un apport de fibres qui augmentent l’encombrement, pour favoriser la satiété des truies, et accélèrent la vitesse de transit, pour réduire la constipation. Les matières premières répondant à l’indicateur de transit sont par exemple le tourteau de tournesol non décortiqué, le son de blé, les coques de soja. Ces critères de formulation sont utilisés pour l’ensemble des aliments truies. » Thierry MENER - Cooperl Arc Atlantique : « Nous avons augmenté ces dernières années la teneur en fibres de nos aliments pour mieux réguler le transit, et agir favorablement sur le bien-être des truies. La teneur en cellulose brute varie entre 7,5 % et 8,5 % pour nos aliments gestantes, 5,5% et 6,5% pour nos aliments allaitantes. Aujourd’hui, en formulation, nous nous appuyons sur des critères nutritionnels. Ceux-ci quantifient et qualifient au mieux la valeur fibre des matières premières, en y intégrant leurs propriétés physiques, mécaniques et fermentaires. Pour ce faire, nous dissocions les fractions soluble et insolubles. La partie soluble agit sur la régulation du transit en ralentissant la vidange gastrique. Les fractions insolubles jouent le rôle de lest, favorisent la motricité intestinale et réduisent ainsi le risque de constipation. Elles ont des capacités à retenir fortement l’eau, à gonfler et agissent donc sur la satiété et le bien-être de la truie. Pour une bonne gestion du transit, nous nous appuyons sur des matières premières qui intègrent ces paramètres telles que l’orge, l’avoine, le son de blé, la pulpe de betterave et le tourteau de tournesol. » et le transit de la truie. En revanche, son taux d’incorporation doit rester limité (10 % au maximum) sous peine d’obtenir des caillebotis particulièrement glissants. Le rapport cellulose brute/NDF est très variable d’une matière première à l’autre. Ainsi, afin d’apporter différents constituants pariétaux, il est important de diversifier les sources de fibres lors de la formulation d’aliments destinés aux truies gestantes. II60 à 80 g de cellulose brute /kg Une enquête réalisée en 2010 auprès de 39 éleveurs conduisant leurs truies en petits groupes a montré que deux tiers des éleveurs nourrissaient leurs truies gestantes avec un aliment répondant aux recommandations (Ifip, 2008) : 60 à 80 g de cellulose brute /kg. La médiane de l’échantillon se situait à 72 g CB/kg, indiquant une tendance à l’enrichissement en fibres des aliments gestantes. Mais les disparités entre élevages Tech Porc Septembre - Octobre 2012 - n° 7 restent fortes (figure 2). Les aliments les moins riches en fibres se retrouvent surtout chez les fafeurs, pour qui la diversification des sources de fibres est plus complexe à mettre en place. L’incorporation de fibres dans la ration des truies n’est pas chose aisée. Outre leur coût, les propriétés des différentes sources de fibres et leur impact sur la digestibilité sont des facteurs à prendre en compte. Une diversité de sources est nécessaire pour cumuler les effets positifs sur les animaux. Rappelons que la réglementation européenne impose la présence de fibres dans l’alimentation des truies gestantes, sans pour autant en donner une définition. Une modification dans la formulation des aliments destinés aux truies est déjà en marche. Sarah HEUGEBAERT Chambres d’agriculture de Bretagne [email protected]