Pourquoi le ciel est-il bleu et pourquoi les nuages - Vizille

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Pourquoi le ciel est-il bleu et pourquoi les nuages - Vizille
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Pourquoi le ciel est-il bleu quand il fait beau ?
Le ciel est éclairé par le soleil. Les molécules d’azote et d’oxygène renvoient dans toutes les
directions une partie de la lumière du soleil. On dit qu’elles la diffusent. Si nous regardons le
ciel, nous voyons la lumière diffusée par les molécules.
La lumière que nous envoie le soleil comporte toutes les couleurs visibles, dont le mélange
fait de la lumière blanche. Elle comporte aussi des longueurs d’onde invisibles, notamment de
la radiation ultraviolette dont la plus grande partie est heureusement absorbée par l’ozone de
la stratosphère.
La couleur bleue du ciel est due au fait que les molécules d’azote et d’oxygène diffusent
beaucoup plus la couleur bleue que le rouge ou le jaune. L’efficacité de la diffusion est
inversement proportionnelle à la puissance 4 de la longueur d’onde. Ainsi, une radiation bleue
de longueur d’onde 0,48 m est bien mieux diffusée qu’une radiation rouge de longueur
d’onde 0,68 m ; le rapport des efficacités est (0,68/0,48)4, soit 4. Si une molécule est éclairée
par une lumière rouge et une autre par une lumière bleue de même puissance, la deuxième
molécule diffuse 4 fois plus d’énergie que la première.
A vrai dire, la lumière violette est encore mieux diffusée que la lumière bleue. L’œil qui
regarde le ciel reçoit un mélange très riche en violet, riche en bleu, moins riche en vert, moins
encore en jaune, pauvre en rouge, et le signal qu’il envoie au cerveau se trouve être à peu près
le même que si toute la lumière reçue avait la longueur d’onde 0,68 m.
Pourquoi les nuages sont-ils blancs ?
Figure 1. Claude Monet : Régates à Sainte-Adresse. Les nuages blancs ne cachent pas tout le ciel bleu
(bien qu’on soit en Normandie !).
Les nuages sont faits de gouttes d’eau liquide ou solide de taille très supérieure à la longueur
d’onde de la lumière (en général plus d’une centaine de m). Pour de telles gouttes, la
diffusion n’est plus proportionnelle à la puissance 4 de la longueur d’onde. Elle est
indépendante de la longueur d’onde. Mais voyons, c’est évident ! Tous les rayons lumineux
qui frappent une goutte sont déviés, c’est-à-dire diffusés. Si une goutte sphérique a un rayon
R, la quantité de lumière qu’elle intercepte est proportionnelle à l’aire d’un grand cercle, soit
R2. Elle est indépendante de la longueur d’onde …. Sauf pour de très petites gouttes, de
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rayon R<. Car alors des phénomènes propres à l’optique ondulatoire (diffraction) entrent en
jeu.
Ainsi, la lumière diffusée par une grosse goutte contient les mêmes proportions de couleurs
que la lumière incidente, celle du soleil. Et puisque la lumière incidente est blanche, la
lumière diffusée est blanche.
Mais la couleur de la lumière diffusée n’est pas la seule chose à considérer. On peut aussi se
demander pourquoi on voit le soleil dans un ciel sans nuages, alors qu’un nuage peu épais
suffit masquer le soleil.
Figure 2. Energie reçue par le sommet de l’atmosphère aux diverses longueurs d’onde (courbe noire).
En rouge, énergie reçue au niveau de la mer. En jaune : énergie diffusée ou absorbée. Dans le
« spectre » visible (entre 400 et 750 nm) il s’agit surtout d’énergie diffusée sans variation de longueur
d’onde. Aux coutres longueurs d’onde (ultra violet) il s’agit d’absorption par l’ozone. Aux grandes
longueurs d’onde (infrarouge) il s’agit surtout d’absorption par l’eau.
Pourquoi le ciel bleu est-il transparent alors que les nuages sont opaques ?
Le ciel bleu est transparent parce qu’une molécule isolée diffuse très peu la lumière.
Autrement dit, la lumière qu’elle diffuse est celle d’une sphère de très petit rayon R, qui
intercepterait la lumière qu’elle reçoit et la diffuserait. Le rayon de cette sphère, ou mieux
l’aire R2 de son grand cercle, caractérise le pouvoir diffusant de la molécule. La quantité R2
s’appelle section efficace. Pour une molécule, la section efficace est de l’ordre de 10–30 m2
pour la lumière bleue. Très grossièrement, on peut assimiler l’atmosphère à une couche d’air
de 10 000 m contenant en moyenne 3.1025 molécules par mètre cube. Une colonne de 10 km
de haut et d’un m2 de section contient donc 3.1029 molécules, ce qui (en multipliant par 10–30)
représente une aire de 0,3 m2. Un rayon lumineux a donc une probabilité 0,3 d’être dévié.
C’est l’ordre de grandeur correct, même si l’atténuation n’est que de 0,1 environ (figure 2).
Voyons maintenant le cas des nuages. Nous allons voir qu’une goutte d’un million de
molécules diffuse bien plus qu’un million de molécules isolées. Considérons d’abord une très,
très petite goutte, de rayon R très inférieur à la longueur d’onde  de la lumière. Sa section
efficace est proportionnelle au carré du nombre N de molécules, c'est-à-dire à R6. C’est dire
qu’elle augmente très, très vite avec R. On pourrait s’attendre à ce que la section efficace soit
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proportionnelle à N, c'est-à-dire à R3. En fait c’est le champ électromagnétique diffusé qui est
proportionnel à N, et il est inversement proportionnel à 1/2. Mais l’intensité diffusée, donc la
section efficace , est proportionnelle au carré du champ électromagnétique diffusé, donc à
N2/4 ou V2/4, ou R6/4 pour une goutte sphérique. On a introduit le volume V, égal à 4R3/3
pour une goutte sphérique. La formule est
=k V2/4
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où, si je ne me suis pas trompé, la constante k vaut (243/n2) ( n2–1) 2/(n2+2)2, n étant
l’indice de réfraction de l’eau.
Le facteur V2 implique qu’une goutte d’un million de molécules diffuse un million de
fois plus qu’un million de molécules isolées…. Avec une bonne approximation car le
rayon R de cette goutte est petit par rapport à la longueur d’onde .
Et une goutte d’un milliard de molécules ? Elle diffuse beaucoup plus qu’un milliard de
molécules isolées, mais pas un milliard de fois plus. La raison est qu’il y a des
interférences entre le champ électromagnétique diffusé par les différentes molécules.
Pour R>>, on s’attend, d’après ce qui a été vu précédemment, à ce que la section
efficace d’une goutte sphérique de rayon R soit =R2. Eh bien non, c’est le double !
=2R2
(2)
Le physicien Léon Brillouin a consacré un assez gros article à ce facteur 2. Nous en
parlons au paragraphe suivant. Quand R est de l’ordre de , les deux quantités (1) et
(2) ont à peu près la même valeur. Toutefois, quand R varie, la section efficace a des
oscillations dont l’explication est donnée dans un gros article assez compliqué de
l’allemand Gustav Mie en 1908.
Figure 3. Section efficace de diffusion de la lumière (divisée par R2) par des gouttes d’eau de
différents rayons en fonction de la longueur d’onde . Le rayon a été choisi très petit pour
montrer : a) que la diffusion est très faible pour R<<. b) qu’il y a des oscillations au voisinage
de R=. Pour R>>. La section efficace est égale à 2R2 conformément à la relation (2).
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Le facteur 2.
Nous avons vu que l’expression (2) est deux fois plus grande que ce qu’on attend.
Pour les curieux, donnons l’explication de ce facteur 2. Nous envoyons un faisceau de
lumière parallèle sur une boule transparente. Le champ électromagnétique est la somme
de trois termes :
a) Le champ électromagnétique incident (celui qui existerait en l’absence de
boule).
b) Le champ électromagnétique correspondant aux rayons lumineux qui ont
traversé la sphère.
c) Le champ électromagnétique qu’il faut retrancher du champ électromagnétique
incident.
Si le rayonnement diffusé ne comportait que la composante (b) la section efficace serait
R2. La composante (c) correspond à la diffraction par une boule opaque, ou encore (au
signe près) à la diffraction par un trou percé dans un écran. L’angle d’ouverture du
faisceau diffracté est de l’ordre de /R. Il est très petit pour R grand, mais la section
efficace est toujours 4R2, et comme il faut ajouter la composante (b), on obtient la
formule (2).

Figure 4. Diffraction de la lumière par une boule opaque. La zone d’ombre (en gris)
n’est pas un cylindre, mais un cône dont l’ouverture a est de l’ordre de /R.
Autres couleurs dans le ciel.
Au coucher ou au lever du soleil, le ciel est rouge. En effet la diffusion des autres
couleurs devient considérable. A midi, la lumière n’a à traverser qu’une couche d’air
relativement mince (environ 10 000 mètres, avons-nous dit). Mais quand les rayons
solaires deviennent tangents à la terre l’épaisseur à traverser devient grande, et seule la
lumière rouge n’est pas trop diffusée.
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Les nuages épais, vus de dessous, nous semblent noirs ou gris. En effet la lumière du
soleil est tellement diffusée par les gouttes qu’elle n’arrive pas à les traverser.
L’arc en ciel. Il résulte de la diffusion par des gouttes d’eau sphériques. Nous avons dit
que la section efficace est indépendante de la longueur d’onde ; mais il s’agit de la
section efficace totale. La distribution angulaire de la diffusion par une goutte dépend de
la longueur d’onde. Remarquons que l’apparition de l’arc en ciel nécessite que les
rayons solaires n’aient été déviés que par une goutte. La lumière qui a traversé un nuage
a subi de la diffusion multiple et ne peut être que blanche.
La nuit le ciel est noir. Cela peut sembler évident, mais on peut penser qu’il y a un
nombre infini d’étoiles, et que le ciel nocturne devrait être très brillant (pas infiniment,
car les étoiles font écran à celles qui sont derrière). C’est ce qu’on appelle le paradoxe
d’Olbers, bien que Kepler (1571-1630) l’ait énoncé bien avant Olbers (1758-1840).
Kepler voyait là une preuve que l’Univers est fini. De nos jours encore on n’est pas sûr
que l’Univers soit infini, mais on est à peu près sûr que les étoiles ne sont pas infiniment
vieilles, de sorte que si elles sont trop éloignées, leur lumière ne nous est pas encore
parvenue. Les étoiles se sont en effet formées après le big bang, donc il y a moins de 3,8
milliards d’années.
Il n’y a pas que le ciel…
La blancheur des nuages n’est pas la seule illustration de la diffusion de la lumière par
des gouttes. Nos torrents et nos cascades engendrent aussi des gouttes et leur écume est
donc blanche. Le pastis devient blanchâtre quand on y verse de l’eau parce que les
molécules d’anéthol se groupent en gouttelettes qui forment une suspension ou
« émulsion ». Le lait, autre émulsion, est blanc aussi. Et aussi l’écume de la bière, faite
de petites bulles de gaz carbonique séparées par du liquide qui, lui aussi, diffuse la
lumière.
Jacques Villain
Bibliographie :
A. Rigamonti, A. Varlamov, J. Villain. Le kaléidoscope de la physique (Belin 2014)
R. Moreau. L’air et l’eau. (edp sciences 2014, collection Grenoble Sciences)
B. Valeur, Sons et lumière (Belin, 2008).