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SES. Terminale Dissertation Durée: 2 heures. Sujet: Peut-on encore parler de classe sociale en France aujourd'hui ? Consignes: vous ne ferez que le plan détaillé et l'introduction permettant de répondre au sujet. ---------------------------------------Document 1: Evolution de revenu annuel moyen (hors revenus du patrimoine) en France, 2004-7. Les « hauts revenus » désignent les 10% des personnes aux plus hauts revenus, sauf le pourcent le plus riche, divisé en trois groupes: « les plus aisés » (les 0,01% des personnes aux plus hauts revenus); les « très aisés » (les 0,09% suivants); les « aisés » (le dernier centile de revenus, soit les 0,9% suivants). Les « autres personnes » sont les 90% restants. Source : DGFiP, exhaustif fiscal 2004 à 2007, calculs Insee. Document 2: Evolution du sentiment d'appartenance à une classe sociale en France. Source: G.Michelat et M.Simon « Le peuple, la crise et la politique », La pensée numéro hors série, supplément au n°368 Document 3: Les néo-rallyes. Ils dépoussièrent le protocole. Faste assumé, flyers déjantés, DJ branchés… Les rallyes d’aujourd’hui pratiquent l’ouverture, la jeunesse dorée change d’étiquette. Huit commandements régissent ces soirées très sélects. Les rallyes à l’ancienne ont la vie dure : ils sont toujours le fait de la bourgeoisie de l’Ouest parisien, soucieuse de cultiver l’entre-soi. Quant aux rallyes huppés de l’aristocratie, ils n’hésitent pas à frayer avec une catégorie émergente : les néo-rallyes. Parisiens, délurés, show-off, ces derniers sont plus perméables au monde extérieur et mixent volontiers vieilles souches et nouveaux riches. Un vent de libéralisme a soufflé sur le protocole de ces soirées chics : les aboyeurs en frac ont cédé la place aux agents de sécurité, les DJ ont succédé aux orchestres… Les néo-rallyes prennent l’apparence de fêtes démesurées qui n’ont rien à envier aux soirées parisiennes branchées. Être ou ne pas être sur la liste des invités? Après avoir montré patte blanche, ce qui compte, c’est de s’oublier dans la fête et d’entretenir son réseau. Si les branchés ont emprunté à la bonne société sa passion de l’entre-soi, les jeunes des beaux quartiers ont contracté le goût de la nuit… sous surveillance toutefois. Voici les huit commandements qui régissent les nuits sélectes de la jeunesse dorée. 1. UN RÉSEAU TU ENTRETIENDRAS Autrefois, les rallyes étaient l’occasion de se marier dans son milieu. Aujourd’hui, ils servent surtout à créer un réseau social et professionnel futur. Les plus importantes soirées réunissent jusqu’à huit cents personnes : membres inscrits et invités triés sur le volet. [...] 2. DISPENDIEUX TU TE MONTRERAS Le comble du mauvais goût pour un organisateur de rallye : rationner ! Le buffet doit être abondant et le champagne couler à flots. Mais lorsqu’il s’agit de recevoir huit cents personnes, la dépense est loin d’être insignifiante : les tarifs vont de 3 000 à 8 000 euros la soirée par famille organisatrice et peuvent dans certains cas aller bien au-delà. La somptuosité de ces soirées contribue à renforcer le sentiment de caste. « Je veux inscrire mes enfants dans un rallye pour leur transmettre ce goût des belles choses », explique une jeune mère trentenaire. 3. LA PARITÉ TU INSTAURERAS [...] 4. GLAM TU SERAS [...] 5. ATYPIQUE TU CHERCHERAS À ÊTRE [...] 6. ROCK TU LA JOUERAS [...] 7. TA PLAYLIST TU SOIGNERAS [...] 8. AUX PARENTS TU NE RÉSISTERAS PAS ! [...] Marie Coureau, paru le 27.03.2009, http://madame.lefigaro.fr/enfants/en-kiosque/1970-dans-le-circuit-des-neo-rallyes/3 Document 4: De quelques caractéristiques des PCS. Patrimoine Niveau de vie Espérance de vie moyen (€ moyen (€ à 60 ans des 2010) 2010) hommes, 2000-8 Agriculteurs exploitants 845 000 25880 Taux de chômage (% 2010) Sortie au cinéma au moins 1 fois en 2009 (%) 22,3 0,8 38 22,2 4 53 Artisans, commerçants, chefs d'entreprises 642800 Cadres et professions intellectuelles supérieures 415300 36020 24 4 80 Professions intermédiaires 208400 24880 22,3 4,9 71 Employés 118100 19890 21 9,5 59 Ouvriers qualifiés 122300 Ouvriers non qualifiés 67900 13,5 18090 19,6 19,6 47 Source: INSEE SES. Terminale Dissertation: Corrigé Sujet: Peut-on encore parler de classe sociale en France aujourd'hui ? Introduction: « Actually, there’s been class warfare going on for the last 20 years, and my class has won. » Cette déclaration de W.Buffet, opérée le 30/06/2011 lors d'une interview à CNN, par le troisième homme le plus riche de la planète est surprenante. Elle tend à cautionner (partiellement, en l'occurence pas sur le dénouement puisque selon Marx le prolétariat devait renverser la bourgeoisie) l'analyse marxienne de l'histoire économique, qui ne serait que l'histoire de la lutte des classes. Et pourtant, pour nombre de sociologues (dont H.Mendras), les sociétés modernes (dont la France) auraient connu au cours des années d'après guerre un processus de moyennisation, se traduisant par le gonflement des catégories intermédiaires et donc la disparition des classes sociales. Que s'est-il donc passé depuis ? Dans quelle mesure peut-on encore considérer, en France en 2012, qu'il existe des individus suffisamment semblables objectivement et se sentant suffisamment d'intérêts communs pour se mobiliser et les défendre face à une classe antagoniste ? Tous les groupes sociaux sont-ils capables de passer du statut de classe en soi à classe pour soi ? Nous démontrerons que si objectivement il est encore possible de parler de la société française actuelle comme d'une société de classes, cela semble moins vrai subjectivement. I- Si objectivement il est encore possible de parler de la société française actuelle comme d'une société de classes... A- Malgré la moyennisation des 30 glorieuses, de forts clivages demeurent... A1- Si le processus décrit par H.Mendras s'est traduit par une réduction des inégalités... - Moyennisation de la seconde révolution Française (1965-84) est caractérisé par 3 processus : 1- fin du monde indépendant et montée de la salarisation, 2- diminution des inégalités de revenus et de patrimoine, 3- l'embourgeoisement des ouvriers. - Conduisant à un gonflement des catégories moyennes qui constituent le groupe de référence pour un grande partie de la population française, tant du point de vue du sentiment d'appartenance (*3 entre 1966 et 2010, doc.2) que des références culturelles (culture moyenne). A2- … Elles n'ont pas disparu, alimentant toujours une logique de distinction. - La logique de distinction n'a pas disparu: les groupes sociaux cherchent toujours à se distinguer par leurs consommation, leur pratique culturelle (cf.Doc4: probabilité d'accès au cinéma deux fois moindre chez les ONQ que chez les acdres), lieux d'habitation... - Même si la distinction culturelle est différente (la culture populaire est devenue transclasse) et semble aujourd'hui davantage opposée omnivore et univore (Lahire). B- ...voire s'accentuent, ce qui justifie de parler de classes en soi, .... B1- Le processus de réduction des inégalités semblent s'inverser depuis une quinzaine d'années... - Les groupes sociaux restent clivés du point devue de leur patrimoine (rapport de 1 à 6 entre les acdres et les ONQ), de leur risque face au chômage (rapport de 1 à 5 entre les acdres et les ONQ)... - Les inégalités de revenus et de patrimoine se creusent à nouveau (Cf.doc 1: les revenus des plus aisés ont augmenté quatre fois plus vite que ceux du reste de la population) → classe en soi. (ou au sens de Weber) demeurent B2- … alimentant les antagonismes de classes. - Les raisons de la lutte des classes n'ont donc pas disparu: partage de la richesse, mobilité sociale. C- … même si celles-ci évoluent. C1- Les classes populaires sont toujours aussi nombreuses mais plus hétérogènes. - Si numériquement on assiste bien à un déclin des ouvriers, leurs caractéristiques communes (conditions de travail difficiles, niveau de salaire faible, forte exposition au risque de chômage, forte homogamie…) permettent de les rassembler avec les employés → prolétariat reste stable à environ 60% de la PA. - Le retour des inégalités entre classes sociales s'accompagne d'un développement des inégalités à l'intérieur des groupes (cf.doc4. Hétérogénéité croissante du prolétariat). C2- « Tout changer pour que rien ne change ». - La bourgeoisie reste caractérisée par la possession d’un patrimoine d’autant plus élevé qu’il est familial (ce sont des héritiers), multiforme (économique, symbolique, social et culturel) et cumulatif (le fort capital culturel permet l’accès aux positions sociales les plus enviées, très rémunératrices, et grandes pourvoyeuses de prestige et de capital social). - Elle a toutefois évolué et s'est adaptée à un contexte normatif nouveau (cf.doc3: l'exemples des néorallyes illustre bien la diffusion de la culture populaire -le rock- aux milieux favorisés). II- … cela semble moins vrai subjectivement. A- Seule la bourgeoisie demeure une classe pour soi. A1- La bourgeoisie reste mobilisée et déploie des stratégies nombreuses... - Consciente de ses intérêts (elle a beaucoup à perdre), la bourgeoisie est très mobilisée et met en œuvre des stratégies de reproduction sociale qui passe par l’entre-soi résidentiel, l’homogamie (via les rallyes), le cosmopolistisme… - Ces stratégies sont collectives et notamment familiales. Le monde bourgeois n’est en rien un monde où domine l’individualisme. A2-... car elle a beaucoup à préserver (et donc à perdre). - Sa domination reste économique: la bourgeoisie reste la classe économiquement dominante. - et symbolique. (proche des lieux de pouvoirs est parvient à faire passer la défense de ses intérêts comme relevant de la défense des intérêts collectifs: travauxdes Pinçon-Charlot sur les châteaux et le patrimoine architectural national associé au patrimoine des catégories dominantes). B- Les classes populaires ont perdu leur capacité de mobilisation. B1- Le déclin des catégories populaires est également symbolique... - L'appartenance au monde ouvrier est de plus en plus vécue négativement (honte): doc.4: division par 4 du sentiment d'appartenance à la classe ouvrière depuis 1966. - Perte de projet mobilisateur et de porte parole (désyndicalisation) → repli sur des revendications defensives. B2- … même s'il convient de le nuancer. - Ouvriers et employés s'expriment collectivement : il est possible de discriminer un vote « bourgeois » (gauche et droite « centristes ») et un vote populaire (plus radical ou porté aux extrêmes ou l'abstention). - Lorsque d'autres catégories de classement (« le peuple », les « petits ») sont proposés lors des enquêtes, les catégories populaires ont plus facilement tendance à s'y ranger. C- La montée de l'individualisme et la recherche de singularité renforcent cette moindre identité de classe. C1- Dans une société des « individus », les appartenances revendiquées sont plurielles. - Les sociétés modernes sont caractérisées par la montée de l'individualimse. Dans la société antérieure (holiste), l’individu était plus dépendant de son groupe social d’origine qui était unique et plus visible, et donc davantage contraignant. Dans la société actuelle (des individus, Elias), l’individu accepte moins de se voir dicter ses choix - L’individu moderne a du mal à s’identifier à un groupe social particulier. Il revendique sa « singularité » à l’intérieur de son groupe social, ne se sent jamais totalement « ceci » ou « cela » à cause de la multiplicité des réseaux sociaux auquel il appartient. C2- … de manière toutefois inégalitaire. - Certains groupes sociaux peuvent être qualifiés d'Invisibles: peu dotés en ressources (scolaires, économiques, administratives...) ou contraint à vivre cachés, ils sont « parlés » par les autres, qui en offrent une vision d'autant plus stigmatisante que ces populations sont fragiles et font l'objet de mépris, et servent de repoussoir.