2014_AAC DDS_Bioagresseurs_Effet du réchauffement

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2014_AAC DDS_Bioagresseurs_Effet du réchauffement
Direction générale déléguée à la Recherche et à la Stratégie
Demande d’allocataire de recherche
APPEL D’OFFRES DOCTORANTS DU SUD 2014
UPR 106, Bioagresseurs
Proposé par : Régis Babin, Fabienne Ribeyre, Bernard Dufour, Jacques Avelino et Christian Cilas
Intitulé du sujet
Effet du réchauffement climatique sur la régulation des insectes ravageurs par leurs parasitoïdes. Cas
du scolyte du café Hypothenemus hampei et de ses principaux parasitoïdes dans les systèmes
agroforestiers de caféiers arabica au Kenya.
Contexte et justification
Changement climatique et réseaux trophiques au sein des agrosystèmes
Le changement climatique est aujourd’hui une réalité à prendre en compte dans l’évaluation du risque
et la gestion des bioagresseurs des cultures. Depuis plus de vingt ans, de nombreux travaux ont
montré que l’élévation de la température atmosphérique contribue à modifier la distribution et
l’abondance des insectes ravageurs sur les cultures (Cammel et Knight, 1992). L’une des raisons
invoquées est le bouleversement des systèmes trophiques associant les plantes cultivées, les
insectes ravageurs et leurs ennemis naturels. Les hyménoptères parasitoïdes occupant les niveaux
supérieurs du système trophique, sont particulièrement affectés par les changements climatiques
(Hance et al., 2007). Ainsi, une conséquence du réchauffement climatique pourrait être la rupture des
équilibres trophiques ravageurs/ennemis naturels au sein des agrosystèmes, affectant la capacité de
ces derniers à contenir les pullulations de ravageurs. Le réchauffement climatique pourrait remettre en
cause les stratégies de lutte biologique de conservation et de manière plus générale la valorisation
des services écosystémiques liés aux ennemis naturels dans les agrosystèmes (Harrington et al.,
2001).
Modèle d’étude : le scolyte du café et ses parasitoïdes
Le scolyte, Hypothenemus hampei, est le principal insecte ravageur du café à l’échelle mondiale. Il est
présent partout où le café est cultivé, à quelques exceptions près et il affecte ainsi la production
d’environ 20 millions de planteurs dans le monde (Vega, 2003 ; Dufour, 2013). Dès les années 1980,
la lutte biologique au moyen de lâchers inoculatifs d’hyménoptères parasitoïdes d’origine Africaine a
été engagée en Amérique latine (Moore et Prior, 1988). Trois espèces, Prorops nasuta,
Cephalonomia stephanoderis (Bethylidae) et Phymastichus coffea (Eulophidae) ont été rapidement
introduites à grande échelle. Malgré des taux de parasitisme élevés dans leur environnement
d’origine, et bien que ces espèces se soient effectivement établies dans les différents pays
d’Amérique latine, leur impact sur les populations du scolyte s’est avéré très limité. Les nombreuses
études qui ont traité de ce sujet n’ont pu établir définitivement la cause de cet échec (Jaramillo et al.,
2006). Certaines études récentes ont porté sur l’effet de la température sur le cycle biologique du
scolyte (Jaramillo et al., 2009 ; Rodríguez et al., 2013), mais très peu se sont penchées sur la
thermobiologie de ses parasitoïdes, en particulier dans leur environnement d’origine.
Les systèmes agroforestiers face au changement climatique
Le café est une plante ombrophile et les systèmes agroforestiers ont d'abord été adoptés, par la
majorité des petits producteurs de café de par le monde, pour fournir l’ombrage nécessaire à un bon
équilibre entre productivité et durabilité, sans un recours systématique à l’irrigation ou aux engrais
(Mouen Bedimo et al., 2012). Mais aujourd’hui, les systèmes agroforestiers sont aussi considérés
comme des systèmes agricoles susceptibles à la fois d’atténuer les effets néfastes des changements
climatiques par une meilleure capacité à séquestrer le carbone notamment, et d’améliorer la résilience
des systèmes de cultures face aux aléas climatiques et aux bioagresseurs, par le biais des services
écosystémiques qu’ils fournissent (Verchot et al., 2007, Tscharntke et al. 2011).
Intégration dans les projets en cours au Kenya
Actuellement, plusieurs projets impliquant des chercheurs du Cirad s’intéressent aux systèmes
agroforestiers de caféiers Arabica dans les hautes terres d’Afrique de l’Est. En premier lieu, le projet
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"Climate Change Impacts on Ecosystem Services and Food Security in Eastern Africa” (CHIESA) a
pour objectif d’améliorer notre connaissance de l’impact du changement climatique sur les services
écosystémiques. Le projet est hébergé à l’icipe et R. Babin coordonne les activités sur les insectes
ravageurs du caféier et leurs ennemis naturels. Le présent projet de thèse s’inscrit totalement dans la
thématique du projet CHIESA et bénéficiera des dispositifs mis en place et des nombreuses données
déjà collectées dans le cadre de ce projet. R. Babin est également impliqué dans deux autres projets
dont les thématiques sont proches : le projet EuropeAid ASF4Food « Agroforestry for Food Security »,
l’ATP SAFSÉ « Recherche de compromis entre productions et services écosystémiques fournis par
les systèmes agroforestiers ».
Résumé du travail proposé
Objectifs :
L’objectif global de notre étude est d’évaluer l’impact du réchauffement climatique sur le contrôle des
insectes ravageurs par leur parasitoïdes. Nous souhaitons également évaluer l’intérêt des systèmes
agroforestiers comparés aux cultures pures, pour atténuer les effets néfastes d’une élévation de la
température. Ce sujet de thèse s’inscrit donc parfaitement dans l’axe stratégique du CIRAD intitulé «
Contribuer à inventer une agriculture écologiquement intensive pour nourrir le monde » et
particulièrement dans la composante qui préconise de « s’appuyer sur les processus et fonctionnalités
écologiques pour lutter contre les parasites et pathogènes ». Il s’inscrit également dans l’un des
objectifs scientifiques de l’UR 106 : la gestion agroécologique des bioagresseurs des cultures
pérennes.
Nous nous intéresserons particulièrement à l’impact de la température sur la biologie et l’écologie du
scolyte et de ses principaux parasitoïdes dans les systèmes agroforestiers de caféiers Arabica au
Kenya, avec pour objectifs spécifiques : 1) une meilleure connaissance de la distribution et de la
dynamique des populations du scolyte et de ses parasitoïdes dans les systèmes agroforestiers
localisés à différentes altitudes et avec différentes conditions d’ombrage, 2) la construction de
modèles phénologiques fondés sur la température pour le scolyte et au moins deux de ses
parasitoïdes (un modèle phénologique est un modèle de croissance de l’insecte prenant en compte
les différents stades de développement : œuf, stades larvaires, stade nymphal et adulte, et intégrant
la survie et la fécondité), 3) la construction de modèles prédictifs de distribution du scolyte et de ses
parasitoïdes en fonction de la température, de l’altitude et de l’ombrage.
Questions de recherche :
1) Comment sont distribuées les populations du scolyte et de ses parasitoïdes et comment évoluentelles dans des parcelles agroforestières de caféiers arabica localisées sur un gradient d’altitude ?
2) Quel est l’impact de la température sur le développement du scolyte et de ses principaux
parasitoïdes ? Un changement de température peut-il induire la désynchronisation des cycles
biologiques ?
3) Quelle serait la distribution de ces différentes espèces dans le cas des scénarios de réchauffement
climatique envisagés ?
4) Comment l’ombrage pourrait-il affecter ces prévisions de distribution ?
Hypothèses de recherche :
Hypothèse 1 : la distribution et la dynamique des populations du scolyte et de ses parasitoïdes varient
en fonction de l’altitude et de l’ombrage des plantations
Hypothèse 2 : une élévation de la température impacte de manière différente les cycles biologiques
du scolyte et de ses parasitoïdes et par conséquent entraîne une désynchronisation du système
trophique scolyte/parasitoïdes
Hypothèse 3 : parce qu’ils atténuent les variations de température au sein des plantations, les arbres
d’ombrage limitent le déséquilibre du système trophique scolyte/parasitoïdes.
Approche méthodologique :
L’étudiant sera chargé principalement de l’expérimentation au laboratoire et du travail de modélisation.
Pour les observations sur le terrain, il pourra s’appuyer sur les données collectées dans le cadre des
projets en cours à l’icipe (notamment CHIESA et ATP SAFSE).
Au laboratoire, l’impact de la température sur la phénologie du scolyte et de deux de ses principaux
parasitoïdes, Prorops nasuta et Cephalonomia stephanoderis, sera modélisé à l’aide d’analyses de
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tables de vie à 5 températures différentes 18°C, 21°C, 24°C, 27°C et 30°C. La plateforme de
modélisation des cycles de vie des insectes (ILCYM - version 3.0) disponible sur internet
(https://research.cip.cgiar.org/confluence/display/ilcym/Home) sera utilisée pour ces analyses. Une
analyse de tables de vie en conditions semi-contrôlées (conditions extérieures) sera menée pour
chaque espèce dans le but de valider les modèles phénologiques obtenus au laboratoire.
La distribution et les variations saisonnières des populations du scolyte et de ses parasitoïdes seront
décrites pour deux années complètes, à l’aide d’observations et d’échantillonnages mensuels menés
au sein de 50 parcelles agroforestières de café Arabica, localisées le long d’un transect altitudinal
allant de 1200 à 1700 mètres et présentant un gradient d’ombrage allant d’une culture plein soleil, à
un fort degré d’ombrage. Ce transect sera délimité dans la région de Murang’a, au Kenya. Des
mesures de température et d’humidité relative seront réalisées au sein des parcelles à l’aide
d’enregistreurs automatiques et l’ombrage sera caractérisé à l’aide de photographies hémisphériques.
La distribution des différentes espèces sera modélisée selon l’approche de l’entropie maximum pour
la modélisation des habitats d’espèces. Le logiciel Maxent (version 3.3.3k) disponible sur internet
(http://www.cs.princeton.edu/~schapire/maxent/) sera utilisé à cette fin. Ce logiciel utilise un ensemble
de données environnementales, telles que l’altitude et les données climatiques, ainsi que des
données géoréférencées d’occurrence des espèces, pour produire un modèle de distribution des
espèces étudiées.
En dernier lieu, un modèle général de prévision de la distribution du scolyte et de ses principaux
parasitoïdes en fonction de la température et prenant en compte les données d’ombrage sera
développé sur la base des résultats obtenus.
Liste de publications de l’équipe
Avelino J., Romero-Gurdián A., Cruz-Cuellar H.F., Declerck F.A.J. 2012. Landscape context and
scale differentially impact coffee leaf rust, coffee berry borer, and coffee root-knot nematodes.
Ecological Applications, 22: 584-596.
Babin R., Ten Hoopen G.M., Cilas C., Enjalric F., Yédé M., Gendre P., Lumaret J.P. 2010. Impact of
shade on the spatial distribution of Sahlbergella singularis in traditional cocoa agroforests.
Agricultural and Forest Entomology, 12: 69-79.
Babin R., Anikwe J.C., Dibog L., Lumaret J.P. 2011. Effects of cocoa tree phenology and canopy
microclimate on the performance of the mirid bug Sahlbergella singularis. Entomologia
Experimentalis et Applicata, 141: 25-34.
Dufour B. 2013. Le scolyte des baies du caféier, Hypothenemus hampei (Ferr.), présent en
Martinique. Cahiers Agricultures, 23: 575-578.
Mouen Bedimo J.A., Dufour B., Cilas C., Avelino J. 2012. Effets des arbres d'ombrage sur les
bioagresseurs de Coffea Arabica. Cahiers Agricultures 21: 89-97.
Terrains et partenaires
L’étudiant sera principalement accueilli dans les locaux du département « Santé des Plantes » à
l’icipe, à Nairobi au Kenya, où Régis Babin est en poste depuis juin 2013. Les travaux de laboratoire
seront menés au « laboratoire pour les insectes du café », dirigé par R. Babin. Les observations de
terrain seront menées dans la région de Murang’a, sur les contreforts du massif des Aberdare, à une
centaine de kilomètres de Nairobi. Plusieurs projets dans lesquels des agents Cirad sont engagés
sont actuellement menés sur ce terrain et un réseau de parcelles agroforestières d’observation est sur
pied depuis plusieurs années.
Par ailleurs, un séjour d’au moins trois mois est prévu à l’UR 106 pour un appui aux analyses de
distribution spatiale et à la modélisation.
Ecole doctorale d’inscription
Nous prévoyons une double inscription : la première à l’Université de Nairobi (au Kenya) et la
deuxième à l’école doctorale SIBAGHE de Montpellier Supagro, contactée par Christian Cilas.
Directeur et comité de thèse
Le directeur de thèse proposé est le Professeur Paul Ndegwa de l’Université de Nairobi. Le
codirecteur de thèse proposé est Christian Cilas, chef de l’UR Bioagresseurs. L’équipe d’encadrement
sera composée de chercheurs de l’UR Bioagresseurs : Régis Babin, encadrant principal, Fabienne
Ribeyre, pour la partie analyses de distribution et modélisation, et Bernard Dufour, pour la partie
biologie et écologie du scolyte et de ses parasitoïdes, et également de chercheurs de l’icipe,
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principalement Henri Tonnang, spécialiste de la modélisation des cycles biologiques chez les
insectes.
Le comité de thèse pourrait être composé des chercheurs suivants : Joan van Baaren et/ou Philippe
Vernon, Equipe Impact des Changements Climatiques de Université de Rennes 1 (UMR 6553-CNRS),
Alain Roques, Unité de Zoologie Forestière, INRA d’Orléans, Subramanian Sevgan, Département de
Santé des Plantes, icipe, Anaïs Chailleux, UPR Hortsys, Cirad, Daniel Rodríguez, Universidad Militar
Nueva Granada, Bogotá, Colombia, Peter Baker, CABI, Royaume-Uni, Francisco Barrera, Ecosur,
Mexique.
Une sélection sera réalisée dans cette liste ultérieurement suivant l’intérêt et la disponibilité de
chacun.
Financement de la recherche
Le projet CHIESA assurera le financement des activités de laboratoire et de terrain pour la première
année de thèse (2015). Le projet ASF4Food et l’ATP SAFSE apporteront une contribution financière
aux activités de terrain pour la première année. Le projet AFD-AOC (Appellation d’Origine Contrôlée
pour le café) qui devrait démarrer en juillet 2014, assurera la suite du financement des activités de
terrain dans la région de Murang’a. Un projet sur l’impact du changement climatique sur les services
écosystémiques, qui devrait prendre la suite du projet CHIESA, est en cours de construction à l’icipe,
pour une soumission au Dfid/NERC (Department for International Development/Natural Environment
Research Council) au Royaume-Uni.
Références
Cammell M., Knight J. 1992. Effects of climatic change on the population dynamics of crop pests.
Advances in Ecological Research 22: 117-162.
Dufour B. 2013. Le scolyte des baies du caféier, Hypothenemus hampei (Ferr.), présent en
Martinique. Cahiers Agricultures 23: 575-578.
Hance T., van Baaren J., Vernon P., and Boivin G. 2007. Impact of extreme temperatures on
parasitoids in a climate change perspective. Annual Review of Entomology 52: 107-126.
Harrington R., Fleming R.A., Woiwod I.P. 2001. Climate change impacts on insect management and
conservation in temperate regions: can they be predicted? Agricultural and Forest Entomology
3: 233-240.
Jaramillo J., Borgemeister C., Baker P. 2006. Coffee berry borer Hypothenemus hampei (Coleoptera :
Curculionidae): searching for sustainable control strategies. Bulletin of Entomological
Research 96: 223-233.
Jaramillo J., Chabi-Olaye A., Kamonjo C., Jaramillo A., Vega F.E., Poehling H.M., Borgemeister C.
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Moore D., Prior C. 1988. Present status of biological control of the coffee berry borer Hypothenemus
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Mouen Bedimo J.A., Dufour B., Cilas C., Avelino J. 2012. Effets des arbres d'ombrage sur les
bioagresseurs de Coffea Arabica. Cahiers Agricultures 21: 89-97.
Rodríguez D., Cure J.R., Gutierrez A.P., Cotes J.M., Cantor F. 2013. A coffee agroecosystem model:
II. Dynamics of coffee berry borer. Ecological Modelling 248: 203-214.
Tscharntke T., Clough Y., Bhagwat S.A., Damayanti B., Faust H., Hertel D., Holscher D., Juhrbandt J.,
Kessler M., Perfecto I., Scherber C., Schroth G., Veldkamp E., Wanger T.C. 2011.
Multifunctional shade-tree management in tropical agroforestry landscapes - a review. Journal
of Applied Ecology 48: 619-629.
Vega F.E., Rosenquist E., Collins W. 2003. Global project needed to tackle coffee crisis. Nature 425:
343-343.
Verchot L., Noordwijk M., Kandji S., Tomich T., Ong C., Albrecht A., Mackensen J., Bantilan C.,
Anupama K.V., Palm C. 2007. Climate change: linking adaptation and mitigation through
agroforestry. Mitigation and Adaptation Strategies for Global Change 12: 901-918.
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