Robertson Davies La Trilogie de Cornish

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Robertson Davies La Trilogie de Cornish
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Robertson Davies
La Trilogie de Cornish
La profusion de détails satiriques
sur le fonctionnement de la vie universitaire, les ressorts d’une petite
ville de province ou l’organisation
de manifestations culturelles se glisse
au cœur de débats plus philosophiques. Directement nourries des
expériences de Robertson Davies,
acteur à Londres après une thèse à
Oxford sur Shakespeare, puis à son
retour au Canada en 1940, critique
littéraire, éditeur du journal de la
petite ville de Peterborough, propriétaire de journaux, professeur de
littérature au Trinity College de l’université de Toronto et cofondateur du
Stratford Shakespearean Festival of
Canada, ces parenthèses imagées
allègent la tonalité parfois doctrinale
du récit et témoignent de l’habileté
du romancier à faire vibrer dans une
même phrase la recherche de la
sagesse et l’appétence pour des plaisirs plus modestes.
Paris, Éditions de l’Olivier, 2013,
1 417 p., 28 €
La parution en un seul volume
des trois romans de cette trilogie, les
Anges rebelles, Un homme remarquable et la Lyre d’Orphée, initialement publiés au Canada dans les
années 1980, invite à un retour sur
l’univers foisonnant de Robertson
Davies.
Autour de la mort d’un étrange et
excentrique patron des arts, Francis
Cornish, et de l’exécution de son testament, des universitaires du collège
Spook – des spécialistes de Rabelais
ou du Moyen Âge, un ancien footballeur célèbre pour ses travaux sur
le lien entre défécation et types
humains –, des prêtres défroqués, des
Tziganes, des faussaires, des génies
musicaux, des voleurs, des financiers,
des espions, des militants politiques
se croisent, contraints à une collaboration souvent ambivalente.
Tout en maniant dérision,
humour et sérieux, les héros s’affrontent en des échanges virulents
autant qu’élaborés sur la pérennité
des modèles anciens, le caractère
immuable de la nature humaine, la
capacité de l’art à proposer un système cohérent d’interprétation du
monde. Bousculés par l’irruption
d’événements insolites – un meurtre,
un larcin, une escroquerie, une infidélité, une trahison – dans un quotidien qu’ils veulent sous contrôle, ils
inventent alors, chacun en leurs
termes, des discours maladroits qui
révèlent la face irrationnelle de leur
vécu.
Robertson Davies excelle dans la
construction d’une intrigue complexe.
Comme c’est le cas pour ses trilogies
précédentes, The Salterton Trilogy1,
qui décrit avec humour la vie dans
une petite ville de l’Ontario, et The
Deptford Trilogy2 qui raconte comment une boule de neige, lancée sans
atteindre le jeune garçon visé et frappant une femme enceinte, bouleverse
la vie de toute une communauté,
1. Robertson Davies, Tempest-Tost, Toronto,
Clarke, Irwin & Company, 1951 ; Leaven of
Malice, Toronto, Clarke, Irwin & Company,
1954 ; A Mixture of Frailties, Toronto, Macmillan, 1958.
2. Id., l’Objet du scandale, Paris, Payot,
1989 (Fifth Business, Toronto, Macmillan,
1970) ; le Manticore, Paris, Payot, 1989 (The
Manticore, Toronto, Macmillan, 1972) ; le
Monde des merveilles, Paris, Payot, 1990 (World
of Wonders, Toronto, Macmillan, 1975).
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