les enjeux de l`approvisionnement en eau au mexique - VertigO

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les enjeux de l`approvisionnement en eau au mexique - VertigO
Hors série - VertigO
L'eau en Amérique du Nord :
facteur de coopération, outil de développement
ou enjeu de conflit ?
Les actes du colloque organisé par l'Institut Québécois des hautes études
internationales et l'Observatoire de recherches internationales sur l'eau
LES ENJEUX DE L’APPROVISIONNEMENT EN
EAU AU MEXIQUE
Carlos Díaz-Delgado, Khalidou M. Bâ, Emmanuelle Quentin et Luis Ricardo Manzano Solís,
Centro Interamericano de Recursos del Agua, Facultad de Ingeniería, Universidad Autónoma
del Estado de México (CIRA-UAEM), Cerro de Coatepec, s/n, Toluca, Estado de
México, c.p.:50130, tel/fax: +52 722 2965550/51, e-mail: [email protected]
Résumé : En 2004, la population du Mexique a dépassé les 103 millions d’habitants. Le niveau actuel du taux de
croissance démographique du pays tire son origine de la croissance rapide qu’a connue la population jusqu’aux
années soixante-dix du dernier siècle. Bien que le taux de croissance soit en baisse depuis lors, la population a
continué d’augmenter significativement en valeur absolue. La commission nationale de la population (CONAPO)
prévoit un taux de croissance moyen annuel de 1,2% entre 1995 et 2015, qui, s’il est atteint, sera inférieur au taux
actuel de 1.8%. Du point de vu urbain, en 2000, le Mexique comptait 364 villes de plus de 15 000 habitants, où
résidaient plus de 65% de la population du pays.
À titre d’exemple, on verra le cas de la région appelée Valle de Mexico (Vallée de Mexico), laquelle est située dans
un bassin de 9 600 km2 à une altitude moyenne de 2 200 m. La plus grande partie de l’eau consommée par la
population de cette ville provient d’un aquifère situé dans la région urbaine et le reste provient de bassins versants
extérieurs. Le transport de l’eau jusqu’à la ville, en plus d’être une opération peu pratique et onéreuse à cause de la
différence énorme d’altitude (> 1 km), a mis ces bassins extérieurs dans une situation alarmante (épuisement des
ressources naturelles, assèchement des cours d’eau, etc.).
D’autre part, la ville de Mexico est en train de s’enfoncer par subsidence à cause des quantités d’eau extraites de son
sous-sol. Cette région, une des plus peuplées du monde, qui fût jadis une terre fertile et parsemée de lacs a souffert
des actions néfastes de l’homme qui a drainé ses eaux et accéléré sa déforestation. Alors que la ville continue de
s’agrandir, le problème d’approvisionnement en eau s’aggrave. Elle se trouve face à un sérieux risque de manquer
d’eau ou d’accélérer un processus d’assèchement de toutes les régions qui l’entourent.
Abstract : In 2004, the population of Mexico exceeded 103 million people. The current level of demographic
growth in the country has its origin in the fast growth rate of the population, registered until the 70s of last century.
Although the growth rate has been falling since then, the population continued to increase significantly in absolute
numbers. The national commission of population (CONAPO) estimates an average annual growth rate of 1.2%
between 1995 and 2015, which, if attained, would be lower than the current rate of 1.8%. Regarding the
urbanization aspect, in 2000, Mexico counted 364 cities of more than 15 000 people, where more than 65% of the
population of the country resided.
As an example, we present the case of the Mexico Valley area (Valle de Mexico), which is located in a basin of 9
600 km2 at an average altitude of 2200 m. Most of the water used by the population of Mexico City comes from an
aquifer located in the urban area, and the remainder comes from external watersheds. Bringing water to the city,
aside from being an unpractical and expensive operation due to the enormous difference in altitude (> 1 km), has
endangered these external watersheds (exhausting natural resources, draining rivers, etc).
As another consequence, Mexico City is sinking because of the quantities of water being pumped out from beneath
its ground. The city area, now one of the most populous in the world, was formerly a fertile land of lakes, and
suffered from harmful human actions of water drainage and accelerated deforestation. While the city continues to
grow, the problem of water supply worsens. The city is confronted with a serious risk to run out of water or to
accelerate the process of draining all the surrounding areas.
VertigO, hors-série no 1
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VertigO – La revue en sciences de l'environnement, hors série no 1, septembre 2005
Resumen : En 2004, la República Mexicana ha rebasado los 103 millones de habitantes. La magnitud actual del
incremento demográfico de México se origina en el rápido crecimiento que tuvo la población hasta los años setenta
del siglo pasado. Si bien la tasa de crecimiento de la población ha disminuido desde entonces, la cantidad de
habitantes ha seguido aumentando significativamente en números absolutos. La Comisión Nacional de Población
(CONAPO) prevé una tasa de crecimiento promedio de 1,2 % anual entre 1995 y el año 2015, lo que representará
una dinámica menor al 1,8% promedio anual que se registra en la actualidad. Sin embargo, desde el punto de vista
urbano, en el año 2000, el sistema nacional de ciudades en el país indicaba ya, la presencia de 364 ciudades con más
de 15 mil habitantes, donde residían un poco más del 65 por ciento de la población nacional.
A manera de ejemplo, se muestra la evolución histórica y situación actual del valle de México. Este valle está
formado por una cuenca cerrada de 9 600 km2, con una altitud media de 2 200 metros sobre el nivel del mar. La
mayor parte del agua consumida por la ciudad es abastecida por un acuífero sedimentario de origen aluvial que
subyace en la región urbana y parte del agua es traída desde fuera de la cuenca (sistema hidrológico LermaCutzamala). El transporte de agua hacia el valle de México, además de constituir una operación poco práctica y
extremadamente costosa a causa de la enorme diferencia de altitud (> 1 km) ha llegado a colocar a las cuencas
externas que la nutren del vital líquido en una situación alarmante (agotamiento de recursos naturales, desaparición
de ríos y lagos entre otros efectos)
Por otro lado, la ciudad de México presenta subsidencias de terreno a causa de las extracciones de agua de su
acuífero. Esta región, una de las más pobladas del mundo, que fue en otros días tierra fértil y de lagos, ha venido
sufriendo las nefastas acciones del hombre que ha drenado sus zonas húmedas y acelerado su deforestación. Sin
embargo la ciudad no cesa su crecimiento, por lo que el problema de aprovisionamiento de agua se agrava
diariamente. Esta aglomeración enfrenta un serio riesgo de quedarse sin agua, o bien, de acelerar un proceso de
agotamiento de todas las regiones que la circundan.
Population, eau et urbanisation
mondiale atteindra 7,3 milliard d'habitants, voire
même (selon d’autres sources) 10,9 milliards.
La situation mondiale
En octobre 1999, la population mondiale a dépassé 6
milliards de personnes, soit une augmentation de 1
milliard en seulement 12 ans. Durant le XXième siècle,
le nombre d'habitant de la planète a quadruplé,
augmentant ainsi plus rapidement qu'en n'importe quel
autre moment de l'histoire de l'humanité.
De plus, en 2003, presque la moitié des habitants de la
Terre était âgée de moins de 25 ans, c'est pourquoi
même si le taux de croissance démographique décroît
grâce à la diminution du taux de natalité,
l'augmentation annuelle d'habitants reste encore trop
près de son maximum historique. A ce sujet, il faut
souligner que plus de 95% de la croissance
démographique se produit dans les dits "pays en
développement", plus particulièrement en Afrique
subsaharienne et dans des régions d'Asie méridionale
et occidentale. En contrepartie, la croissance
démographique s'est arrêtée ou est devenue beaucoup
plus lente en Europe, en Amérique du Nord et au
Japon. En revanche, aux Etats-Unis, du fait du haut
niveau d’immigration, les chiffres continuent de
refléter de grandes augmentations de population, ce
qui les place comme le troisième pays le plus peuplé
du monde, après la Chine et l'Inde. Selon les
projections faites d’ici à l'an 2050, la population
VertigO, hors-série no 1
La transition démographique qui équivaut au passage
de hauts taux de natalité et de mortalité à une situation
opposée est à expliquer ici. Ce changement, qui a pris
150 ans sur le continent européen a eu lieu très
rapidement dans presque tous les pays en
développement. Pour ce qui concerne la mortalité,
particulièrement infantile, l'amélioration est due à un
plus grand accès aux services de santé et d'éducation.
Selon l'Organisation des Nations Unies (ONU), à
l’avenir, (Guía Mundial, 2003), malgré les progrès
technologiques, une grande partie de la population des
pays en développement va continuer à souffrir de la
faim, un quart à ne pas avoir accès aux services
comme l'eau potable, et un tiers vivra encore dans la
pauvreté absolue.
En terme d’urbanisation, aujourd’hui près de 45% de
la population mondiale vit dans des villes et le taux de
croissance urbaine de la période 1995-2000 a été de
2,5% par an. Toutefois, le rythme d'urbanisation
présente lui aussi des différences notables entre les
nations pauvres et riches. Dans les pays développés,
73% de la population vit dans des villes et le taux de
croissance urbaine est de 0,9% par an, tandis que dans
les pays pauvres la population urbaine représente à
peine 35% du total mais augmente approximativement
de 3,7% annuellement. Mais dans le futur, les chiffres
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VertigO – La revue en sciences de l'environnement, hors série no 1, septembre 2005
indiquent que 75% de l'accroissement de population
sera concentrée dans les zones urbaines des pays en
développement.
62,2 millions de personnes, soit 65% de la population
nationale. La distribution de ces concentrations
urbaines est présentée à la Figure 1.
Enfin au cours des quatre dernières décennies la
croissance urbaine par migration vers les villes s'est
produite à un rythme accéléré. Le nombre de mégavilles (celles de plus de 10 millions d'habitants) est
passé de 1 (New York) en 1950 à 2 en 1960, et à 17 en
1999. On estime qu'en 2015, il y aura 26 méga-villes
dont 22 se trouveront dans des pays en développement.
Comme la majeure partie de ces méga-villes s’est
formée par l'union de plusieurs villes plus petites, on
peut parler de répercussion spatiale considérable,
surtout pour la fourniture de services comme celui de
l'eau potable.
La situation au Mexique
Le total d'habitants de la République Mexicaine
dépasse 103 millions (CONAPO, 2004). L'ampleur
actuelle de l'accroissement démographique du
Mexique provient de la rapide croissance qu'a connue
la population jusqu'aux années soixante-dix du siècle
dernier. Ainsi, tandis que le taux de croissance naturel
annuel de la population a diminué durant les quarante
dernières années de 3,3% a 1,54%, la population est
passée de 39,7 à 103 millions d'habitants pendant cette
même période, c'est-à-dire que le nombre d'habitants
du pays a augmenté de plus du double.
Les perspectives démographiques pour les prochaines
années indiquent que le dynamisme de l'accroissement
de population continuera à diminuer en termes relatifs,
au moins jusqu'en 2040, année où la population
atteindra 132 millions de personnes et aura tendance à
décroître jusqu'en 2050. Du point de vue urbain, en
2000, le Système National des Villes de la République
Mexicaine indiquait la présence d'environ 364 villes de
plus de 15 000 habitants, où résidaient un peu plus de
Figure 1. Distribution des zones urbaines et
distribution spatiale des précipitation au Mexique.
Le taux de croissance de la population en zones
urbaines pendant la période 1990-2000 a été de l'ordre
de 2,3%, supérieur au pourcentage de croissance de la
population totale du pays, qui a été de 1,9% (Tableau
1), mais en même temps, cette croissance urbaine est
inférieure à celle des décennies 1970 à 1990 qui
atteignait 4%(Tableaux 2 et 3).
Population
1990
81 249 645
50 629 952
République Mexicaine
Total urbain (364 villes)
1995
91 158 290
58 448 196
2000
97 483 412
63 234 553
Taux de croissance (%)
19901995- 19901995
2000
2000
2,1
1,6
1,9
2,6
1,9
2,3
Tableau 1. Population et taux de croissance (1990-2001).
Total
National
VertigO, hors-série no 1
Population
1970
1990
48 225 238
81 249 645
TMAC
1970-1990
2,6
3
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Urbain
22 321 583
49 439 993
4,0
Tableau 2. Population urbaine et Taux Moyen Annuel de Croissance (TMAC) au Mexique pour 1970-1990
(CONAPO, 2004).
Zone Métropolitaine (ZM)
ZM Ville de Mexico
ZM Guadalajara
ZM Monterrey
ZM Toluca
Population
1970
1990
8 623 157
15 047 685
1 480 472
2 987 194
1 242 558
2 573 527
114 079
827 163
TMAC
1970-1990
2,6
3,4
3,6
4,0
Tableau 3. Population urbaine et Taux Moyen Annuel de Croissance (TMAC) 1970-1990 des zones métropolitaines
les plus significatives du Mexique (CONAPO, 2004).
Concernant la disposition de l’eau, les aspects à considérer de manière fondamentale sont (1) la quantité d'eau
disponible par rapport à la quantité de population qui la demande et (2) la distribution spatiale de cette eau par
rapport à celle de la population. Le résultat d'une mauvaise combinaison de ces deux perspectives provoque des
situations qui malheureusement reflètent l'inégalité de disponibilité dans une région.
Eau et santé humaine
En l'an 2000, dans le monde, 2,4 milliards de personnes manquaient d'accès à des services améliorés
d'assainissement. Parmi elles, 81% se trouvaient en zones rurales. En plus, pour la même année, 1,1 milliard de
personnes manquaient d'accès à des services améliorés d'approvisionnement en eau dont 86% de ces personnes se
trouvaient en zones rurales. Puis, suite aux paragraphes précédents, Il est important de souligner, que les
communautés les plus pauvres, localisés dans les zones rurales et les taudis urbains et périurbains, demeurent en
retard tant pour l'amélioration de l'approvisionnement en eau que pour l’assainissement.
Le thème des désastres naturels est un aspect fondamental pour la santé humaine puisque durant la dernière décennie
du XXème siècle, ceux-ci affectèrent presque 2 milliards de personnes. Parmi elles, 86% ont souffert des
conséquences des inondations et des sécheresses, augmentant ainsi la menace continue pour la santé que représentent
la contamination des systèmes d'eau potable, les service d'assainissement inadéquats, les déchets industriels et les
décharges d'ordures. Les sécheresses sont la principale cause de mauvaise santé et de morbidité car elles provoquent
et exacerbent la malnutrition et la faim en même temps qu'elles privent d'un accès adéquat à un approvisionnement
convenable en eau. Le contrôle de situations d'urgence requiert une série d'activités comme la prévention, la
préparation, la réponse aux urgences, le secours et la récupération.
Dans les pays en développement, plus de 95% des eaux usées domestiques et 70% des déchets industriels sont rejetés
sans traitement dans les eaux de surface, contaminant ainsi cette eau. Néanmoins, la situation dans les pays
développés n'est pas meilleure, en raison des rejets chimiques, des résidus de fertilisants et de pesticides dont le
traitement requiert des coûts élevés pour les processus de filtration et de dépuration qui consomment de grandes
quantités d'énergie.
Ainsi, actuellement, les problèmes qui affligent les sociétés concernant l'utilisation de l'eau découlent aussi de sa
distribution inégale à la surface de la Terre, de sa configuration temporelle et, depuis la moitié du siècle passé de sa
qualité peu satisfaisante du fait des activités humaines. Les grandes villes sont celles qui consomment un volume
plus grand d'eau (Antón et Díaz, 2002) que elles ne peuvent gérer adéquatement et qu'elles contaminent plus
fortement. Or Si on considère que la croissance urbaine est la tendance pour les années à venir, alors il devient
évident qu'il faut créer des stratégies de prévention et de gestion adéquate des ressources hydriques.
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VertigO – La revue en sciences de l'environnement, hors série no 1, septembre 2005
Les eaux usées urbaines non traitées produisent une série d'altérations dans les rivières et les lacs, en raison des
divers produits qu'elles contiennent, de la capacité d’assimilation limitée des zones réceptrices et de la capacité
d'auto-épuration d'une masse d'eau de même limitée. Ainsi, le déversement des résidus qu'elle reçoit ne connaît pas
de frein. Pour les rejets dans les zones marines, le problème est similaire. La mer a une capacité d'auto-épuration
limitée, c’est pourquoi les côtes finissent par être saturées de polluants.
L'implantation d'industries et la concentration de la population dans de grands noyaux urbains pour une part, et la
création de logements situés de façon anarchique d'autre part, provoquent aussi une situation critique, certes des
solutions du point de vue technologique existent mais elles s’avère extrêmement coûteuses.
Sans aucun doute, l'eau et la vie sont des concepts inséparables. L'eau est un facteur important qui influe sur la santé.
Les agents pathogènes biologiques de l'environnement humain, principalement dans l'eau, constituent le problème
environnemental le plus sérieux en santé, provocant des maladies et infections reliées avec son usage, soit la
consommation directe, la préparation et cuisson des aliments et l'hygiène personnelle avec de l'eau contaminée, des
eaux stagnantes ou d'autres milieux non salubres.
Les maladies produites par l'eau, considérées comme des maladies contagieuses, contribuent de manière importante à
la mortalité infantile. Parmi les maladies reliées ou causées par l'eau, communes dans les zones urbaines des pays en
développement, on peut mentionner les filarioses et vers intestinaux, lesquelles causent un affaiblissement progressif
des personnes, bien que seule une petite portion en meure. Selon les données de l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) (Díaz et al., 2003), en Amérique Latine les services d'approvisionnement et d'assainissement d'eau sont très
déficients, seulement un habitant sur cinq a accès à un approvisionnement en eau sûre.
Au Mexique, les effets que provoquent l'eau contaminée sur la santé de la population sont graves : on a rapporté
quelques types de maladies reliées à la consommation d'eau qui ne respecte pas les paramètres de qualité pour la
consommation humaine, comme le choléra, la dysenterie, la fièvre typhoïde, l'hépatite virale A, le rotavirus, la fièvre
jaune, les diarrhées infantiles, la salmonellose, l'abcès hépatique amibien et l'amibiase intestinale. Selon les
statistiques du Ministère de la Santé, parmi les cinq principales causes de décès dans le pays, figurent les infections
gastro-intestinales des enfants de moins de cinq ans, et ce dans toutes les entités fédératives de la nation (Díaz et al.,
2003). L’OMS (en Díaz et al., 2003) calcule que la morbidité et la mortalité dérivées des maladies plus graves
associées avec l'eau diminueraient de 20% a 80% si étaient garanties sa potabilité et une canalisation adéquate.
Dans le pays, malheureusement la distribution spatiale et temporelle de l'eau (surtout de la pluie) est très hétérogène,
et cela provoque et aggrave la situation de la demande en eau. Malgré les indicateurs annuels qui placent le pays
comme étant un territoire humide, il faut souligner les variations temporelles et géographiques (figure 2). De plus la
variabilité de la pluie tout au long de l'année est extrême puisque 77% de la précipitation a lieu durant la période de
juin à octobre, et 23% est répartie sur les 7 autres mois.
Au sujet de la disponibilité en eau de surface au Mexique, la Figure 2 met en évidence que pratiquement la moitié du
pays (le nord et la péninsule de Yucatán) ne dispose pas de ce type de source d'approvisionnement, c'est seulement
au sud du pays que se concentrent les zones de haute disponibilité du liquide. Ainsi, presque 70% de la superficie du
territoire dispose d’un un très petit volume d'eau de surface du total de la nation (< 20%) et la grand majorité de ce
volume est concentrée dans une superficie de terrain relativement petite. Pareillement on constate que sur 50% de la
superficie du pays, on trouve moins de 5% d'eau.
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VertigO – La revue en sciences de l'environnement, hors série no 1, septembre 2005
Figure 2. Distribution de zones urbaines et disponibilité d'eau de surface au Mexique.
Un cas similaire à ce qui a été discuté dans les paragraphes précédents concerne l'eau souterraine : sa disponibilité est
pratiquement nulle dans le nord du pays, tandis qu'au sud et sud-est, sa présence est marquée par des valeurs élevées.
Prenant en compte toutes les sources possibles d'approvisionnement en eau, et considérant une évaluation temporelle
de la demande, on obtient qu'en 1950 la disponibilité en eau était très supérieure à la pression démographique
(Tableau 4), mais en 1995 cette tendance s'était inversée.
Figure 3. Distribution des zones urbaines et aquifères
surexploités au Mexique.
1950
1995
2025
Population
(millions)
27
91
126
Disponibilité d'eau per capita
(m³ par an)
12 885
3 921
2 740
Tableau 4. Évolution de la disponibilité d'eau per capita au Mexique (Ángeles et al., 2003).
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La population du pays a augmenté de manière démesurée, à tel point qu'on considère que le phénomène d'explosion
démographique s'est manifesté au Mexique, surtout à partir de 1950. Il est évident que la population est passée
graduellement des zones rurales aux zones semi urbaines, avec la finalité de s'établir dans un site urbain (Figure 4).
100%
80%
60%
40%
20%
0%
1
1950
2
1970
Population urbaine
3
1990
4
1995
Population semiurbaine
5
2000
Population rurale
Figure 4. Évolution de la population au Mexique (modifié
de Ángeles et al., 2003).
La vallée de Mexico
La Vallée de Mexico est un bassin fermé de 9 600 km2, au cœur d'une ceinture néo-volcanique soulevée par des
forces géologiques à plus de 2 200 m d'altitude. Depuis approximativement 700 000 ans l'obstruction du drainage par
matériels volcaniques a provoqué la formation de plusieurs lacs dans le fond de la vallée (Antón, 1996). L'aire totale
lacustre était de quelques 2 000 km2 et durant les périodes de crue, les différents lacs étaient interconnectés. Trois
d'entre eux (les lacs de Mexico, Chalco et Xochimilco) étaient constitués par de l'eau douce, alors que les lacs de
Texcoco, Zumpango et Ecatepec étaient d'eau saumâtre.
La zone possède un climat sous-humide. Actuellement, il y a une précipitation annuelle de l'ordre de 600 mm dans le
fond de la vallée et de 1 200 dans les montagnes qui l'entourent. Les températures moyennes sont relativement basses
pour une latitude sous-tropicale, oscillant entre 8 et 15° C en fonction de l'altitude.
D'un autre côté, il est difficile d’évaluer le changement qui a eu lieu en peu de siècles après la conquête de Mexico
par les espagnols commencée en 1521. Aujourd'hui, l'orgueilleuse Tenochtitlán a disparue et à sa place on a construit
le centre de la ville de Mexico.
Le lac de Mexico a aussi disparu et a été remplacé par des constructions urbaines. Il s'est passé quasiment le même
phénomène avec les lacs de Chalco et de Xochimilco. De tout le système lacustre du sud de la vallée, seuls restent
quelques rares canaux et petits lacs. Les trois lacs situés au nord ont eux aussi été drainés. Le fond de ce qui fut
autrefois le lac Texcoco est actuellement une vaste plaine où pousse une végétation clairsemée à cause de la forte
alcalinité des sols (Antón, 1996).
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Évaporation
15 m3/s
Sources externes
Cutzamala 13 m3/s
Lerma 6 m3/s
Total = 19 m3/s
ZMVM
62 m3/s
Aquifère ZMVM
Puits urbains 43 m3/s
Puits industriels 2 m3/s
Puits d'irrigation 5 m3/s
Total = 50 m3/s
28 m3/s
8 m3/s
Approvisionnement urbain 38 m3/s
Recharge naturelle de
l'aquifère 25 m3/s
25 m3/s
7 m3/s
3
14 m /s
3
Pertes 24 m /s
30 m3/s
44 m3/s
5 m3/s
39 m3/s
3 m3/s
Recharge aquifère
Réutilisation
non domestique
39 m3/s
Irrigation
Surexploitation de l'aquifère de la Zone Métropolitaine de la Vallée de Mexico (ZMVM) = 50-28= 22 m3/s
Figure 5. Situation actuelle de l'eau dans la Zone Métropolitaine de la Vallée de Mexico (ZMVM)
Les sources naturelles qui fournissaient de l'eau aux
populations riveraines ont aussi disparu. Aujourd'hui il
existe plus de 5 000 puits avec une capacité
d'extraction supérieure à 50 m3/s et une profondeur
moyenne supérieure à 150 m. Cet intense pompage a
pour effet la diminution graduelle de l'eau de l'aquifère
avec un taux moyen de 1 m/an. Le sur-pompage et la
compaction des states supérieures de sédiments
argileux a provoqué une subsidence généralisée. Dans
certains endroits, la superficie a baissé de quelques
mètres, localement plus de six mètres en continuant
son déplacement vertical négatif. Ce phénomène a
augmenté du fait de la fréquente activité sismique de la
région.
La majeure partie de l'eau consommée par la ville est
fournie par un aquifère sédimentaire d'origine alluviale
sous-jacent à une grande partie de la région urbaine.
Une autre fraction de l'eau consommée provient de
l'extérieur du bassin (système hydrologique LermaCutzamala), bien que cet apport représente moins d'un
VertigO, hors-série no 1
cinquième du total. Il faut mentionner que la
population des bassins fournisseurs a rendu publique
son désaccord avec le transfert d'eau, ce qui a généré
un conflit social très important. D'un autre côté, le
Gouvernement de l'État du Mexique lui-même a
amené jusqu'en Cour Suprême de Justice de la Nation
une plainte contre le Gouvernement Fédéral pour les
dommages provoqués par le transfert d'eau au District
Fédéral, plainte encore en processus d'analyse. Ainsi
donc le transport d'eau vers la Vallée de Mexico est
devenu une opération peu pratique et très coûteuse. En
effet, les ressources hydriques du bassin LermaCutzamala ont dépassé leur seuil d'exploitation
d'équilibre rationnel depuis longtemps souffrant alors
d'une surexploitation. L'utilisation potentielle des eaux
de la rivière Balsas ou de son affluent Amacuzac,
phase suivante du projet d'approvisionnement,
impliquerait de pomper cette ressource à plus de 1 200
m de dénivellation par de longues conduites et
construire des réservoirs et des infrastructures
complémentaires de coût élevé. La situation actuelle
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de l'eau dans la Zone Métropolitaine de la Vallée de
Mexico (ZMVM) est montrée à la Figure 5.
Conclusion
La situation de l'approvisionnement en eau dans la
République Mexicaine est devenue une variable
critique de développement. L'exemple présenté de la
Vallée de Mexico est une situation extrême de laquelle
malheureusement quelques autres villes s'approchent
déjà. Le modèle de développement de la ville de
Mexico, de la même façon que celui d'autres villes du
pays, est tout simplement insoutenable. La croissance
de la Vallée de Mexico a dépassé sa limite et la mégaville est de moins en moins viable. Pour inverser le
processus il sera nécessaire d'établir au niveau national
un modèle de développement moins concentré et
moins centralisé, qui cherche à harmoniser
l'occupation du territoire et l'environnement. Seul un
changement drastique de cap pourra permettre la
survie de la région au-delà de son agonie actuelle.
ANTÓN, Danilo, (1996) “Ciudades sedientas, agua y ambientes
urbanos en América Latina”, Editorial NORDAN,
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Sans aucun doute, l'approvisionnement en eau est une
question sociale. Dans le monde contemporain, le
manque d'eau dont souffrent de nombreuses mégavilles du monde est fondamentalement une injustice
sociale. Néanmoins, cette situation lamentable affecte
principalement ceux qui disposent de moins de
ressources pour chercher des solutions alternatives. Le
manque d'eau porte atteinte précisément à ceux qui
vivent une existence précaire dans des environnements
risqués, avec de faibles revenus et des familles
nombreuses.
Le nouveau modèle de société mexicaine à imaginer
pour le futur doit se baser sur le partage des ressources
naturelles entre tous dans un cadre de gestion durable
et de respect. L'eau est sans l'ombre d'un doute la plus
importante des ressources naturelles, ce qui implique
que les politiques de l'eau seront inévitablement l'axe
de tout développement véritable qui puisse être
imaginé ou réalisé.
Bibliogaphie
Guía mundial (2003) Almanaque Anual 2003. Publicación anual.
Editorial Cinco S. A. de C. V. México D. F. Págs. 7586 y 103-118.
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VertigO, hors-série no 1
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