La procdure de rgularisation des trangers en Belgique : loterie ou

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La procdure de rgularisation des trangers en Belgique : loterie ou
Siréas
asbl
Service International de Recherche , d’Education et d’Action Sociale
Année 2005
DOCUMENT n° 3
Analyses et études
La procédure de régularisation
des étrangers en Belgique :
un jeu de loterie
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La procédure de régularisation des étrangers en Belgique : un jeu de loterie (Décembre
2005)
Introduction
La régularisation des étrangers en Belgique a une longue histoire.
Son point de départ est une règle de procédure très laconique, l’article 9 alinéa 3 de la loi du
15 décembre 80 qui prévoit qu’en cas de circonstances exceptionnelles, l’étranger peut
introduire sa demande auprès du Bourgmestre de sa commune de résidence. Il s’agit d’une
exception au principe général qui prévoit que toute demande de séjour doit être introduite
auprès du poste diplomatique belge dans le pays d’origine.
Cette disposition ne précise pas ce qu’il faut entendre par circonstances exceptionnelles
permettant d’éviter un retour au pays d’origine pour l’introduction de la demande ni quelles
sont les circonstances de fond pouvant donner lieu à régularisation.
Plusieurs circulaires verront le jour, dont celle du 15 décembre 98 qui abrogeait les
précédentes et prévoyait quatre critères de régularisation.
La loi du 22 décembre 1999 mit en œuvre une opération de régularisation massive, avec
l’instauration d’une Commission pour traiter des demandes, et quatre critères clairs de
régularisation. Il s’agissait d’une opération dite « one shot », c’est - à - dire temporaire, le
délai d’introduction des demandes étant limité au mois de janvier 2000, et massive parce que
les critères visaient un nombre très importants de personnes en situation illégales.
Cette loi du 22 décembre 1999 ayant rendu caduque les critères de la circulaire du 15
décembre 1998, la conséquence fut qu’à nouveau les intéressés et praticiens ne savaient plus à
quoi se fier au moment d’introduire une demande, l’Office des étrangers disant tantôt
s’inspirer des anciens critères de la circulaire de 98 abrogée, tantôt rendant des décisions ne
tenant pas du tout compte de ces critères.
La dernière circulaire du 19 février 2003 n’a apporté aucune information déterminante quant à
la définition des circonstances exceptionnelles et ne proposait aucun critère clair de
régularisation.
Dans ce contexte, la jurisprudence abondante du Conseil d’Etat en la matière a contribué à
donner un contenu plus précis à la notion de circonstances exceptionnelles. Malheureusement,
cette jurisprudence est très fluctuante.
Le Ministre Dewael a préparé un projet de modification de la loi du 15 décembre 1980 qui
abroge l’article 9 al. 3 pour en faire un article 9 bis et qui insère un nouvel article 9 ter qui
concerne les demandes de régularisation pour raisons médicales.
Cet article a pour objet d’examiner les évolutions en matière de régularisation et de donner
des indications et pistes à suivre dans un contexte juridique très incertain.
1. L’article 9 alinéa 2 et 3 de la loi du 15 décembre 1980
Cet article 9 prévoit, en son alinéa 2, que l’’introduction d’une demande de séjour de plus de
trois mois s’effectue au poste diplomatique belge dans le pays d’origine de l’étranger
(Consulat belge ou Ambassade de Belgique).
Lorsque l’étranger peut se prévaloir de « circonstances exceptionnelles », il peut introduire sa
demande de régularisation au Bourgmestre de sa commune de résidence, sur base de l’alinéa 3
de l’article. Après avoir procédé à la vérification de la résidence effective de l’étranger
mentionnée dans sa demande, le Bourgmestre envoie le dossier à l’Office des étrangers pour
traitement. Il s’agit par conséquent d’une exception à la règle de base qui est l’introduction
d’une demande à partir du pays d’origine.
L’idée du législateur de la loi 15-12-1980 était de rencontrer des "situations alarmantes qui
requièrent d'être traitées avec humanité"
Dans les faits, l’utilisation de l’article 9 alinéa 3 est devenu un mode courant d’introduction des
demandes de séjour par des étrangers résidant en Belgique en situation illégale du point de vue du
séjour.
La jurisprudence du Conseil d’Etat est intervenue pour donner un contour moins flou à la
notion de circonstances exceptionnelles. Il devint communément admis que les circonstances
exceptionnelles ne sont pas des circonstances de force majeure, qu’il suffit pour l’intéressé de
démontrer qu’il lui est impossible ou particulièrement difficile de retourner introduire sa
demande dans son pays de provenance.
Les circonstances exceptionnelles les plus fréquemment invoquées sont l’existence d’un
traitement médical en cours, une situation de guerre ou de chaos dans le pays d’origine,
l’absence de poste diplomatique belge, la scolarisation des enfants dont le retour pour
l’introduction de la demande aurait pour conséquences l’interruption brutale d’une année
scolaire, le fait d’avoir une formation professionnelle en cours, des circonstances familiales
particulières, etc
Ces circonstances exceptionnelles ne doivent pas être confondues avec les arguments de fond
que l’étranger doit également faire valoir à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour,
même si en pratique elles sont souvent les mêmes.
2. La circulaire du 15.12.1998 relative à la régularisation
Le 15.12.1998, une circulaire du Ministre de l’Intérieur Antoine Duquesne définissait quatre
catégories de situations pouvant donner lieu à régularisation :
1. Le fait de ne pas avoir reçu de décision depuis plus de 5 ans (s’agissant de personnes
isolées) ou de 4 ans (s’agissant de parents d’enfants mineurs) d’une instance d’asile
(Commissariat Général aux réfugiés et aux Apatrides ou de la Commission
permanente de recours des réfugiés), les prorogation de l’ordre de quitter le territoire
étant comprises dans le calcul du délai.
2. Le fait de se trouver, pour des raisons indépendantes de sa volonté dans l’impossibilité
de retourner dans leur pays d’origine ou de provenance pour des raisons
administratives (impossibilité de se procurer un laisser passer, situation d’apatridie,
etc) ou situationnelles (guerre, chaos, etc)
3. La maladie grave
4. Les circonstances humanitaires angoissantes, très strictes, selon la circulaire qui vise
des situations telles que le fait d’être auteur d’un enfant belge ou de parents ou grands
parents de personnes établies en Belgique qui ne savent plus se prendre en charge
seuls dans le pays d’origine. La circulaire précise que le long séjour, la scolarisation
des enfants et la bonne intégration ne peuvent constituer des raisons humanitaires
suffisantes. Le Ministre entend par là très clairement à exclure de la régularisation la
situation des étrangers qui se prévalent uniquement d’une longue présence en
Belgique accompagnée d’une intégration dans la société.
Cette circulaire fut abrogée lorsque la loi du 22.12.1999 relative à la régularisation de
certaines catégories d’étrangers entra en vigueur.
3. La loi du 22.12.1999 relative à la régularisation de certaines catégories d’étrangers
La loi du 22.12.1999 fut préparée et votée dans un contexte politique propice – celui du
gouvernement arc-en-ciel qui suivi les élections législatives de 1999 - , et dans le contexte du
Mouvement national des sans papiers qui suivi le décès, en septembre 1998 ,de Sémira
Adamu tuée par des gendarmes lors de son expulsion.
Cette loi prévoyait pour les étrangers qui pouvaient prouver leur présence en Belgique à la
date du 1er octobre 1999, la possibilité d’introduire une demande de régularisation en janvier
2000 s’ils se trouvaient dans une des quatre situations suivantes :
1. Soit ont demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié sans avoir reçu de décision
exécutoire dans un délai de quatre ans, ce délai étant ramené à trois ans pour les familles avec
des enfants mineurs séjournant en Belgique au 1er octobre 1999 et en âge d'aller à l'école;
2. Soit ne peuvent, pour des raisons indépendantes de leur volonté, retourner ni dans le ou les
pays où ils ont séjourné habituellement avant leur arrivée en Belgique, ni dans leur pays
d'origine, ni dans le pays dont ils ont la nationalité;
3. Soit sont gravement malades;
4. Soit peuvent faire valoir des circonstances humanitaires et ont développé des attaches
sociales durables dans le pays à condition
- de prouver que leur présence en Belgique remonte à plus de six ans, ou plus de cinq
ans pour les familles avec enfants mineurs séjournant en Belgique au 1er octobre 1999
et en âge d'aller à l'école
- et/ou, le cas échéant, la preuve qu'ils ont séjourné légalement en Belgique
- et/ou une déclaration écrite établissant qu'ils n'ont pas reçu l'ordre de quitter le
territoire au cours des cinq années qui précèdent la demande.
Ne sont pas considérés comme un séjour légal significatif, le séjour sur base d'un visa
touristique, le séjour autorisé aux candidats réfugiés en attente d'une décision sur la
recevabilité de leur demande d'asile, (et l'autorisation) de séjour accordée aux étudiants.
En outre, pour apprécier si un séjour est significatif, il est tenu compte des circonstances
humanitaires et des attaches sociales durables.
La demande de régularisation était introduite auprès de la commune de résidence et transmise
à la Commission de régularisation qui rendait un avis au Ministre. Le Ministre de l’Intérieur
s’était engagé à suivre les avis de la Commission lors des travaux parlementaires de la loi.
Une cinquantaine de milliers d’étrangers ont été régularisés par le biais de cette loi. La
volonté du législateur étant de procéder à une régularisation massive, les critères furent
examinés avec souplesse par la Commission de régularisation
4. La régularisation après la loi du 22.12.1999
A. La situation des sans papiers 5 ans plus tard
Le législateur de 1999 était parti du principe qu’il fallait assainir une situation, en partie due à
la défaillance de la procédure d’asile en Belgique en ce qu’elle avait accusé des retards
importants, ce qui avait pour conséquence que les personnes concernées s’étaient intégrées en
Belgique, et qu’il fallait réformer la procédure d’asile pour la rendre plus rapide et plus
simple.
On peut lire dans les travaux parlementaires de la loi du 22 décembre 99 et notamment dans
l’exposé des motifs du Ministre de l’Intérieur de l’époque que, outre le l’aveu de la
responsabilité de l’Etat belge vis-à-vis des personnes qui ont eu à souffrir des lenteurs des la
procédure d’asile, un autre constat était fait : celui de la présence en Belgique de milliers de
personnes qui vivent dans le pays sans avoir forcément demandé l’asile. Le constat était fait
que l’on ne pouvait les ignorer parce qu’elles vivent dans notre pays depuis plusieurs années,
ont noué des attaches sociales fortes, mais vivent dans une situation de grande précarité et
alimentent le travail en noir ainsi que les filières d’exploitants de toutes sortes.
Cinq ans plus tard, les changements escomptés ne sont pas intervenus. La réforme de la
procédure d’asile mise en chantier lors de la législature précédente n’a pas vu le jour et les
instances d’asile ont continué à être engorgées, pas seulement eu niveau du Commissariat
Général aux Réfugiés et aux Apatrides mais également au niveau de la Commission
Permanente de recours des réfugiés.
Pire même, l’embouteillage s’est étendu à tous les niveaux de la matière du droit des étrangers
en ce compris l’asile.
L’Office des étrangers prend des années pour traiter les demandes de régularisation. Quant au
Conseil d’Etat, que ce soit dans le cadre des recours en matière d’asile tout comme dans le
cadre de ceux introduit contre une décision de l’Office des étrangers c’est l’embouteillage
complet.
Et si la procédure – temporaire - de régularisation mise en œuvre par la loi du 22 décembre
1999 a permis de régulariser 50.000 personnes environ, elle n’a évidemment pas permis de
résoudre de manière structurelle le problème de la clandestinité.
En 2005, on constate à nouveau la présence en Belgique d’une centaine de milliers de
personnes en situations diverses qui réclament la régularisation de leur séjour :
- Soit des personnes qui ont attendu longtemps une décision dans une procédure quelconque,
notamment au Conseil d’Etat, ou en demande en révision au Ministre dans le cadre d’un
regroupement familial échoué, ou en demande de régularisation, ... On sait que les
embouteillages se trouvent à tous les niveaux : des demandes d’asile attendent depuis plus de
trois ans une décision, le Conseil d’Etat a des milliers de dossiers non traités parfois depuis
plus de cinq ans, l’Office des étrangers met entre un an et trois ans voire plus pour rendre une
décision dans le cadre d’une demande de régularisation. Pendant toutes ces années écoulées,
les personnes concernées se sont intégrées, leurs enfants sont scolarisés, la famille a un
entourage social.
- D’autres personnes sont ce que l’Office des étrangers appelle les « clandestins ». Il s’agit
des personnes inconnues de ses services parce que n’ayant jamais introduit de procédure. Un
grand nombre réside en Belgique depuis plusieurs années, d’autre depuis moins longtemps
mais se trouvent très souvent dans des situations humanitaires très diverses.
B. L’arbitraire de l’Office des étrangers
Depuis l’annulation de la circulaire du 15.12.1999 suite à l’entrée en vigueur de la loi du 22
décembre 1999 mettant en œuvre une opération temporaire de régularisation en janvier 2000,
les sans papiers, en ce compris les étrangers détenteurs d’un séjour temporaire et par
conséquent précaire, n’ont pas d’autre mode d’introduction d’une demande de régularisation
de leur séjour que le laconique article 9 al. 3 de la loi du 15 décembre 80.
Le fait qu’il n’y ait pas de critères clairs de régularisation fait en sorte que les décisions de
l’Office des étrangers sont tout à fait arbitraires
Pour des cas semblables, des décisions tout à fait différentes sont rendues. Le Ministre de
l’Intérieur et son administration disposent d’un pouvoir exorbitant en la matière : sans critères
précis et légaux, c’est le Ministre ou son administration qui détermine selon des critères
opaques qui peut être régularisé et qui ne peut pas l’être. Aucun contrôle juridictionnel correct
ne peut être valablement exercé, les recours au Conseil d’Etat attendant des années pour
recevoir une décision, dans un contexte où l’ordre de quitter le territoire qui suit une décision
négative de l’Office des étrangers n’est pas suspendue et peut être à tout moment suivie d’une
expulsion.
C. Les occupations de lieux et grèves de la faim
Devant une telle situation, les étrangers en situation précaire ne trouvent plus d’autres solution
que d’entamer des actions : occupations de lieux et grèves de la faim.
Des Afghans ont occupé l’église Ste Croix, à Ixelles durant l’été 2003 et y ont fait une grève
de la faim parce qu’ils s’étaient vus notifier massivement des décisions négatives assorties
d’une ordre de quitter le territoire, alors qu’il était notoire que la situation en Afghanistan était
complètement chaotique, en insécurité totale et qu’en outre, la plupart d’entre eux étaient en
procédure d’asile depuis plusieurs années, avaient des enfants scolarisés, etc.
Des Iraniens en grève de la faim ont occupé l’ULB en 2004 avec la volonté ferme de faire
connaître la situation en Iran du point de vue des droits de l’homme
Des Kurdes en grève de la faim ont occupé l’église des Minimes à Bruxelles pour attirer
l’attention sur la situation des Kurdes en Turquie.
Chaque fois, les réponses apportées à ces situations par le Ministre Dewael et par le directeur
de l’Office des étrangers ont été ponctuelles et plus ou moins secrètes. La volonté était
d’étouffer le problème, de ne rien toucher à la loi, ni même de prévoir une circulaire qui aurait
pu proposer une solution applicable à chaque personne se trouvant dans une situation
identique.
Les Afghans et les Kurdes obtinrent un accord consistant en la régularisation de leur situation.
Pour les Afghans, l’accord concernait uniquement des Afghans arrivées en Belgique avant
l’été 2003...Quant aux Kurdes, uniquement les grévistes de la faim de l’église des Minimes.
Quelle discrimination pour les Afghans arrivés en Belgique après l’été 2003 et qui se trouvent
dans la même situation d’impossibilité de retour en Afghanistan que ceux arrivés avant l’été
2003, mais qui pourtant ne feront pas l’objet du même traitement !
Quelle discrimination pour les Kurdes qui se trouvaient dan la même situation que les
grévistes de la faim mais qui n’ont pas pu bénéficier de cet accord !
Pour les personnes concernées, ils’agit évidemment d’une victoire, mais quelle injustice pour
les autres ! Et quelle incohérence dans la politique appliquée à l’égard des étrangers en
Belgique !
D. Des critères pas clairs et insuffisants
Actuellement, les seules situations régularisables théoriquement par l’Office des étrangers
sont :
1. Les procédures d’asile longues de 3 ans pour les familles avec enfants scolarisés et 4 ans
pour les autres. La durée de la procédure se compte à partir de la date à laquelle la demande
d’asile a été introduite jusqu’à la décision du CGRA ou de la commission permanente de
recours qui clôture la procédure) On ne compte pas la procédure au Conseil d’Etat dans le
calcul. Ces personnes doivent en outre prouver une bonne intégration.
Mais comme il est expliqué avant, même lorsque ces exigences sont remplies, on constate que
l’Office des étrangers rend malgré tout des décisions négatives.
2. les personnes atteintes d’une maladie grave peuvent introduire une demande de
régularisation. Le problème est évidemment la prise en considération, qui fait souvent défaut,
par l’Office des étrangers de l’ensemble de la situation de la personne malade. En effet, il
arrive bien souvent qu’un traitement existe dans le pays d’origine de la personne atteinte
d’une maladie grave, mais que celui-ci est inaccessible parce qu’en quantité insuffisante, ou
acheminé de manière irrégulière ou tout simplement hors de prix.
La personne gravement malade ne peut jamais avoir de garantie que sa demande de
régularisation donnera lieu à une décision positive alors que le traitement qui lui est
nécessaire ne lui est pas accessible dans son pays d’origine.
3. Reste la dernière catégorie de motifs pouvant appuyer une demande de régularisation : les
circonstances humanitaires, sans précision. Le seul constat que l’on puisse faire est qu’il est
rare, hormis la situation des parents d’enfants belges – et par nature inexpulsables -, que des
personnes soient régularisées sur base de ce critère.
E. Réformes
Dans le cadre d’un projet plus vaste de modification de la loi de 80, le Ministre de l’Intérieur
Patrick Dewael entend abroger l’article 9 alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980, et le
remplacer par un article 9 bis et 9 ter.
L’article 9 bis en projet reprend grosso modo l’actuel art. 9 al. 3 en y ajoutant quelques
restrictions supplémentaires. Il prévoit que lors de circonstances exceptionnelles et à la
condition que l’étranger dispose d’un document d’identité, la demande de régularisation peut
être introduite auprès du bourgmestre de la commune de résidence, qui la transmettra à
l’Office des étrangers.
Sont exemptés de l’exigence de produire un document d’identité, le demandeur d’asile dont la
procédure n’est pas clôturée, de même que celui qui démontre valablement son impossibilité
de se procurer un document d’identité.
Ce nouvel article en projet prévoit en son paragraphe 2 toute une série d’éléments qui ne
pourront pas être pris en considération ! Il s’agit :
- des éléments déjà invoqués à l’appui d’une demande d’asile et qui ont été rejetés car
n’entrant pas dans le champ d’application de l’asile ;
- des éléments qui auraient dû être invoqués au cours de la procédure d’asile parce
qu’étaient connus du demandeur ;
- des éléments qui ont déjà été invoqués à l’appui d’une précédente demande de
régularisation ;
- des éléments déjà invoqués à l’appui d’une demande de régularisation pour raisons
médicales.
Cette disposition en projet n’indique non seulement aucun critère assurant une sécurité
juridique aux demandeurs de régularisation mais en outre risque d’exclure toute une série
d’éléments, déjà invoqués précédemment, mais qui pourtant peuvent être évolutifs ou
constituer des circonstances humanitaires non négligeables lorsqu’ils se cumulent à d’autres
éléments nouveaux.
Cette nouvelle disposition qui n’apporte aucune avancée juridique à la situation des sans
papiers et étrangers en situation précaire et aboutira à rendre plus aisée les motivations
stéréotypées de l’Office des étrangers qui accompagnent les décisions négatives.
L’article 9 ter prévu par la réforme concerne les demandes de régularisation pour raisons
médicales, procédure déjà appliquée en pratique par l’Office des étrangers, et que la Belgique
est obligée d’inscrire dans la loi pour respecter la réglementation européenne relative à la
protection subsidiaire.
L’art. 9 ter prévoit que l’étranger qui réside en Belgique et souffre « d’une maladie dans un
état tel qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel
de traitement inhumain et dégradant lorsqu’il n’existe aucun traitement adéquat dans son pays
d’origine ou dans le pays où il séjourne » , peut demander la régularisation de son séjour en
Belgique à l’Office des étrangers.
On remarque tout de suite que la définition donnée à la maladie grave manque de précision.
En effet, le caractère « adéquat » du traitement qui sera analysé par l’Office des étrangers ne
permet pas de savoir si seule l’existence ou la non-existence du traitement dans le pays sera
examinée ou si la question de l’accessibilité de ce traitement sera également prise en
considération, dans le cadre de l’ensemble de la situation entourant le demandeur.
Par conséquent, les dispositions en projet n’apportent aucune amélioration à la situation des
sans papiers en Belgique.
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Nous nous trouvons actuellement très loin des critères de régularisation retenus dans la loi du
22.12.1999 qui mettait en œuvre une procédure de régularisation devant une commission
indépendante.
L’Europe forteresse a beau vouloir rendre ses frontières les plus hermétiques possibles, elle ne
peut empêcher des personnes qui fuient des guerres, des régimes dictatoriaux, la misère ou
simplement l’absence de perspective de vie décente, à immigrer dans nos pays pour y trouver
l’espoir d’une vie meilleure.
Tous les pays d’Europe sont confrontés au même constat et y répondent pas des opérations de
régularisation massives, qui divergent d’un pays à l’autre quant à leur fréquence et quant au
nombre de personnes régularisées. Mais si l’on effectue une moyenne générale des opérations
menées dans les 15 Etats membres de l’Union européenne, une opération de régularisation a
lieu dans chaque Etat tous les six ans.
Il est regrettable que ces opérations soient à chaque fois menées lorsque la situation est
devenue critique. Il serait nettement préférable que les Etats de l’Union européenne se dotent
d’une véritable politique d’immigration et parallèlement instaurent des critères permanents de
régularisation permettant de digérer progressivement au sein de leur société une population
devenue inexpulsable pour de multiples raisons.