errance-aleatoire

Transcription

errance-aleatoire
L’ « EAB »
Règles du jeu
On appelle règle de jeu l'ensemble des principes qui
régissent les conditions de déroulement d'un jeu jusqu'à la
victoire.
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Sommaire
Résumé
Règle du jeu
L’inventeur
Synopsis
Note de réalisation
Diffusion
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Résumé :
J’erre dans la ville en respectant les règles d’un jeu ; l’EAB ou errance aléatoire brownienne. C’est en jetant un dès sur le trottoir que se
dessine un parcours et des arrêts, décrète la prise de sons et d’images et provoque parfois des rencontres.
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Règles du jeu Matériel : un dé à 10 faces . un plan de métro . un appareil photos . un enregistreur sonore
But du jeu : Errer, aléatoirer, browner
Nombre de joueuses : Selon l’humeur
Durée : 90 minutes
La situation initiale : La joueuse tire au sort une station de métro.
Scénario : En sortant du métro, la joueuse se positionne dos aux escaliers et lance le chrono.
La joueuse jette le dé.
Si elle tire les nombres 0 ou 9, il prend la première rue à gauche
Si elle tire les nombres 1 ou 8, il prend la première rue à droite
Si elle tire les nombres 2 ou 7, il va tout droit
Si elle tire les nombres 3 ou 6, il fait demi-tours
Si elle tire les nombres 4 ou 5, il s’arrête durant 10 minutes, enregistre un plan séquence sonore de 1 minute et prend une photo.
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Déroulement :
Une fois la direction de l’errance tirée au sort, la joueuse se met en route. Elle ne relance le dés qu’une fois après avoir franchi 3 rues. Sauf
si elle arrive à une intersection de minimum 2 rues, où alors elle lance le dé.
Autours du jeu : Tout passage qui ne peut être emprunté par les voitures, ne compte pas. Conditions de fin de partie et victoire : 1h30 après le début de la partie, le jeu est terminé, la joueuse a gagné.
Atteinte d’un but : Aucun but à atteindre, la victoire est assurée, jeu très valorisant.
Elimination du ou des adversaires : Seule adversaire : soi, l’envie de tricher.
On ne sait jamais d’où l’on part et où on arrive. On ne sait par avance ce qu’il va se passe.
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L’inventeur
Janos, le savant fou.
Ancien océanographe sur le Cousteau, ancien réfugié politique hongrois, toujours dégingandé, conducteur de mobylette, ancien trotskyste, à
chaque fois qu’il vient chez moi, il renverse une bouteille, casse un verre, parle fort et réveille ma fille qui dort, encore régulièrement
amoureux, nouvelliste, créateur de bijoux, grand avec œil de verre, ancien prof de maths, ancien sexagénaire, manifestant systématique depuis
toujours.
Janos, l’inventeur.
C’est lui qui a inventé les règles de ce jeu. Un protocole et un algorithme d’abord pensés pour une EAB en train en Hongrie. Son texte, la
carte. De retour à Paris, il raconte et nous donne envie. Il élabore une EAB à pied, en ville. J’habite Aubervilliers depuis peu, j’ai du mal à
habiter mon monde. Nulle part où me mettre. On se donne RDV mais une averse torrentielle s’abat, on zone, s’abrite chez un couturier.
J’aurais été seule, on aurait probablement discuté avec ce monsieur mais Janos parle pour trois. Surtout il parle de « s’envoler » grâce à ces
règles, mais je n’y crois pas un instant. Au contraire, c’est une manière d’être hyper présent, pas de s’échapper.
Je te balade
tu balades
elle se balade
nous te baladons
vous les baladez
ils baladent
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Synopsis
Une carte du métro est étalée au sol. 302 stations.
Je ferme les yeux, tourne la carte afin de ne plus avoir de repères. Lance une pièce en l’air. Métro Danube sur la 7 bis. A la sortie, je garde
les escaliers dans le dos, déclenche le décompte, 90 minutes d’EAB et jette le dès au sol. Le 7 sort. Tout droit. 6290 rues dans Paris, on
appelle ça le réseau viaire. Rue David D’Angers. Arrivée au bout, 5 rues se croisent. Je jette le dé, le 7 encore. J’arrive à l’intersection de la
rue de Crimée. Très tentant d’entrer aux Buttes Chaumont…
Je n’avais jamais pris la 7 bis jusqu’à la station Danube.
Je n’avais jamais emprunté les rues d’Alsace Lorraine, la rue Tandou, la rue de la Meurthe, la rue de Lorraine.
Je n’avais jamais erré contrainte.
Je n’avais jamais franchis ce pont sous lequel je passe pourtant régulièrement en vélo, celui de la rue de l’Ourcq.
Je n’avais jamais adressé la parole à des chasseurs alpins.
Je n’avais jamais respecté des règles au pied du chiffre.
Je n’avais jamais longé le parc des Buttes Chaumont sans y pénétrer.
J’avais déjà zoné 10 minutes à un carrefour merdique par contre.
Je n’avais jamais vu de boite aux lettres entièrement recouverte de peinture, de dessins, de taches, jusqu’à se demander si mon enveloppe
adressée à la CAF, de la plus haute importance donc, ne tomberait pas aux oubliettes colorées.
Je n’avais jamais marché aussi vite pour rien ou plutôt pour la victoire.
Envie d’entendre « Lorraine » de Linton Kwesi Johnson, dub poète britannique,
Whenever it rains, I think of you
And I always remember that day in May
When I saw you walking in the rain
I know not what it was nor why
For usually I'm quite shy
I ax'd your name, you smile and said, "Lorraine"
I ax'd if I could share your umbrella
You smiled and said, "What a cheeky little fella"
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Paroles de l’inventeur, extraites lors d’une EAB :
S’il y a un café, on ne s’assoit pas.
S’il y a une boutique en face, on n’y va pas.
S’il y a un parc, on oublie.
On peut poser ses fesses sur le trottoir.
Il faut respecter les règles, hein !
Tu peux tourner dans le même pâté de maison pendant 90 minutes.
La, c’est la clinique de merde où je me suis fait opérer des yeux.
Dès qu’il y a trop de bruit, je marche vite.
Là où il y a des escaliers, ça ne compte pas.
Tu cherches rien, tu ne vas rien trouver, t’es jamais perdu, tu ne décides rien, jamais en avance, pas en retard, pas à l’heure, tu sors du
temps. Comme les souris de Diogène.
C’est un carrefour, on peut considérer que ça continue, non ? Parfois, c’est litigieux.
Mais là on peut considérer que ça continue. Donc on tire.
C’est le quartier idéal pour une errance, dans les quartiers modernes, c’est chiant quand c’est rectangulaire.
Là, on arrive au jardin, on ne tire pas.
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Note de réalisation
« Photomanies » de Yves pages. Des photos et du texte mais… Ce que ça dit du jeu entre sons et images et du jeu avec les gens.
Ni commenter les illustrations ni illustrer les commentaires
C’est le jeu qu’il peut y avoir entre sons et images qui m’intéresse.
C’est l’écart entre ce qui se voit et ce qui s’entend.
C’est le décalage
C’est comme une panoplie vestimentaire, un costume. C’est si beau une jupe a paillette portée un mardi matin.
Du coup, c’est par la juxtaposition de matières distinctes, le montage d’objets de nature différentes que ça s’opère.
Aucun absolu dans une image ou dans un son, mais les faire résonner.
Des images fixes (uniquement ?), des plans sonores, du texte.
Est ce un film que je fabrique ?
Saisir le quotidien.
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