helminthiases intestinales : resultats de cinq

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helminthiases intestinales : resultats de cinq
HELMINTHIASES INTESTINALES : RESULTATS DE
CINQ ANNÉES DE COPROLOGIE PARASITAIRE
A L’INSTITUT PASTEUR DE COCODY (ABIDJAN - COTE D’IVOIRE)
E.I.H. MENAN, E. ROUAMBA, J. OUHON, N.G.F. NEBAVI, T.A.K. ADJETEY,
P.C. M.K. BARRO-KIKI, K.L. PENALI et M. KONE.
RESUME
En zone tropicale, la croissance exponentielle des populations des villes au cours de ces trente dernières années a
entraîné de profondes transformations de l’environnement. L’une des conséquences de cette situation est la propagation des parasites intestinaux dont les helminthes.
La présente étude rétrospective réalisée à Abidjan, porte
sur l’analyse des résultats des examens parasitologiques
des selles effectués de 1990 à 1994 au laboratoire de
parasitologie de l’Institut Pasteur de Cocody.
Ce travail visait à déterminer la prévalence des helminthiases intestinales et à apprécier l’influence de certains
facteurs (âge, sexe, profession, etc...).
Il ressort que 18,6% de la population étudiée est porteur
de diverses espèces d’helminthes dont les principales sont :
Necator americanus (7,4%), Trichuris trichiura (5,3%),
Ascaris lumbricoïdes (4,0%) et Schistosoma mansoni
(3,0%).
Le pourcentage de polyparasitisme est de 13,3% par rapport à l’ensemble des parasités. La différence de prévalence par sexe n’est pas significative.
Les jeunes de 10 à 19 ans sont les plus parasités et les
moins affectés sont les enfants de 0 à 4 ans.
Les agriculteurs, les éleveurs, les ménagères et les domestiques en sont les plus malades (27,2%) tandis que les
c a d res et les fonctionnaires sont les moins parasités
(9,5%).
Ces résultats montrent la nécessité du développement des
m e s u res d’assainissement de l’environnement et de
l’éducation sanitaire de la population. Puis suivront les
campagnes de déparasitage qui seront alors plus efficaces.
Mots clés : Helminthiases intestinales, Abidjan.
SUMMARY
Intestinal helminthiasis : results of five years of parasitical coprology at the Pasteur Institute of Cocody
(Abidjan - C.I.)
In tropical area, the excessive growth of the population
* Institut Pasteur - Antenne de Cocody - 01-B.P. 490 - Abidjan 01.
Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (7)
of cities during the last firthy years has involved deep
transformations of the environnement. One of the
consequences of the situation is the spreading of intestinal parasites like the helminths. This retrospective
study realized in Abidjan based on the analysis of the
results of parasitological examination of stools done
from 1990 to 1994 in the parasitology laboratory of the
Pasteur Institute of Cocody.
The aim of the work is to determine the prevalence of
intestinal helminthiasis and to judge the effect to some
factors (age, sex, profession...).
It is brought out that 18,6% of the studied population is
carrier of dif f e rent species of helminths especially
Necator americanus (7,4%), Trichuris trichiura (5,3%)
Ascaris lumbricoides (4,0%) ans Schistosoma mansoni
(3,0%). The percentage of polyparasitism is 13,3%
compared with the whole of the persons affected by the
parasites.
The difference of prevalence per sex in not significative.
Young people from 10 to 19 years old are the most affected ans the least are the children from 0 to 4 years old.
The farmers, the breeders, the housewives and the servants are the most infected (27,2%) while the managerial staff and officiers are the least (9,5%).
The results show the necessity of improvement of the
sanitation of the environment and the health education
of the population. Then will come the campaign of
deparasitage which will be therefore effective.
Key-words : Intestinal Helminthiasis, Abidjan.
INTRODUCTION
Les helminthes intestinaux occupent une place de choix
dans la pathologie des maladies parasitaires dans le monde.
Des prévalences élevées sont observées dans les pays en
développement des régions tropicales où les conditions
climatiques, les conditions d’hygiène précaires et le niveau
socio-économique bas font que ces vers parasites posent
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quotidiennement un véritable problème de santé publique.
L’efficacité des méthodes de lutte dépend en partie de la
bonne connaissance de la cartographie de ces affections.
Aussi une étude rétrospective sur une période de 5 ans
(1990 à 1994) a été menée à l’Institut Pasteur de Côte
d’Ivoire (I.P.C.I.) en vue de déterminer la prévalence des
helminthiases intestinales à Abidjan, la fréquence des
différentes espèces parasitaires qui y sont rencontrées et
d’apprécier leur évolution au cours de ces cinq années.
- l’examen direct
- la technique de concentration de KATO et
- la technique de concentration de RITCHIE.
La méthode de BAERMANN pour la recherche spécifique
des larves d’anguillule a été effectuée sur demande du
médecin.
RESULTATS
Figure 1 : Répartition de la population
en fonction du sexe
MATERIELS ET METHODES
De 1990 à 1994, le laboratoire de parasitologie de l’I.P.C.I.
a effectué 10 400 examens de selles.
Féminin
1329
• Modalités d’échantillonnage :
Un choix aléatoire a été effectué par tirage systématique à
partir de la liste exhaustive des patients. Nous avons ainsi
sélectionné 20% de l’ensemble des sujets, soit 2080
patients.
• Techniques coprologiques utilisées :
Les selles ont été examinées systématiquement par trois
techniques :
Masculin
751
Soit un sex ratio de 1,77
Figure 2 : Répartition de la population par tranches d’âge
800
Nombre de sujets
600
400
200
Tranches
d'âge
0
0à4
5à9
10 à
15 à 19
20 à
30 à 39
40 à
50 à
> 60
Non
déclarés
Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (7)
E.I.H. MENAN, E. ROUAMBA, J. OUHON, N.G.F. NEBAVI, T.A.K. ADJETEY,
P.C. M.K. BARRO-KIKI, K.L. PENALI et M. KONE
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Figure 3 : Prévalence globale
Figure 4 : Prévalence des Helminthiases par année
26
% de Positivité
24
Positifs
16,60%
22
20
18
16
Négatifs
81,40%
Année
14
1991
1990
1992
1993
Figure 5 : Prévalence par sexe
20
% de positivité
15
10
5
0
Sexe
Masculin
Féminin
Figure 6 : Prévalence par tranche d’âge
30
% de Positivité
20
Tranches
d'âge
10
0à4
5à9
Médecine d'Afrique Noire : 1997, 44 (7)
10 à 14
15 à 19
20 à 29
30 à 39
40 à 49
50 à 59
> 60
1994
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Figure 7 : Prévalence des diverses espèces d’helminthes
12
Prévalence en %
10
1990
Série1
8
1991
Série2
6
Série3
1992
4
Série4
1993
2
1994
Série5
Parasites
0
Necator
americanus
Trichuris
trichiura
Ascaris
lumbricoides
Schistosoma Strongyloides Hymenolepis
mansoni
stercoralis
nana
Figure 8 : Prévalence par profession
Sans emploi
20,1%
Agriculteurs
et éleveurs
27,6%
Taenia
saginata ou
solium
Enterobius
vermicularis
Figure 9 : Données du monoparasitisme et
du polyparasitisme
100
Pourcentage
80
60
Ménagères et
domestiques
27,2%
Artisans et
commerçants 13,4%
40
20
Elèves et étudiants
16,4%
Cadres et fonctionnaires
9,5%
DISCUSSION
La prévalence globale des helminthiases intestinales de
Janvier 1990 à Décembre 1994 à Abidjan était de 18,6%.
Ce taux est très inférieur à ceux trouvés lors de la plupart
des études menées à Abidjan chez les enfants d’âge
scolaire : 36,6% en 1994 (2, 5). Il faut remarquer que ces
différents travaux ont été effectués chez les enfants âgés de
4 à 15 ans alors que dans notre étude les sujets étaient de
tout âge (de 0 à plus de 60 ans).
Cette prévalence semble décroître dans le temps : on note
0
Monoparasitisme
Biparasitisme
Triparasitisme
24,0% en 1990 et 16,7% en 1994. Cette baisse pourrait être
due à une élévation du niveau de vie et de l’hygiène et à
une politique de déparasitage systématique de nos populations.
Les taux les plus élevés sont rencontrés dans les tranches
d’âge de 10 à 14 ans (26,5%), de 15 à 19 ans (28,3%) et de
cinquante ans et plus (23,9%). Plusieurs travaux révèlent
effectivement que les sujets de 10 à 19 ans sont les plus
parasités (1, 3, 8). Ce constat pourrait s’expliquer par le fait
que cette population a une vie communautaire plus active
et observe moins les règles d’hygiène. Les enfants de 0 à
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4 ans sont moins infestés (11,3 %). Cette tranche d’âge
regroupe les enfants qui sont encore sous surveillance
maternelle.
La profession constitue un facteur favorisant la survenue
des helminthiases intestinales (4).
En effet, nous avons obtenu des prévalences élevées chez
les agriculteurs et les éleveurs (27,6%) ainsi que chez les
ménagères et les domestiques (27,2%). Par contre, seulement 9,5% des cadres et fonctionnaires hébergeaient des
helminthes intestinaux. Cependant PITISUTTITHUM et
COLL. (7) en Thaïlande (1990) ont montré que le niveau
d’éducation et le niveau social n’influencent pas significativement l’infestation par les parasites intestinaux. En outre,
l’enquête a montré que Necator americanus était l’helminthe le plus rencontré à Abidjan (7,14%). La prévalence
rapportée de l’anguillulose (1,1%) est certainement inférieure à la valeur réelle car la technique de BAERMANN
n’a été réalisée que sur demande du médecin. Ces deux
helminthiases qui sont des maladies liées à l’eau, ont un
mode de contamination transcutanée. Ces prévalences relativement élevées révèlent un défaut de système d’assainissement à Abidjan.
Quant aux helminthiases intestinales à mode de contamination oro-fécale, elles viennent en seconde position avec
Trichuris trichiura (5,3%), Ascaris lumbricoides (4,0%) et
Enterobius vermicularis (0,1%). Ce dernier parasite voit sa
prévalence sous-estimée, la technique à la cellophane
adhésive de GRAHAM n’ayant pas été faite. Cette deuxiè-
me catégorie d’helminthiases intestinales pose le problème
de l’hygiène fécale et alimentaire surtout chez les plus
jeunes, de moins de 15 ans (2).
La bilharziose à Schistosoma mansoni (3,1%) est peu fréquente à Abidjan par rapport aux taux rapportés dans les
régions d’endémie non éloignées : 60% à Moapé (6). Les
cas observés à Abidjan pourraient donc être des cas importés.
Les téniases se signalent, par contre, par leur extrême rareté :
0,2% pour Taenia solium et Taenia saginata et 0,1% pour
Hymenolepis nana. La prévalence très faible des deux premiers parasites amène à penser que la population abidjanaise
consomme la viande bien cuite.
Il ressort de cette étude que la lutte contre les parasitoses
intestinales à Abidjan passe par des efforts d’assainissement de la ville. Aussi l’éducation sanitaire des populations
permettra une lutte collective contre le péril fécal et l’acquisition de comportement se traduisant par une bonne
hygiène fécale et alimentaire. Alors les campagnes de
déparasitage seront véritablement efficaces.
REMERCIEMENTS
Les auteurs tiennent à exprimer leurs sincères remerciements à tout le personnel du laboratoire de ParasitologieMycologie de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire antenne
de Cocody pour son apport technique.
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