À minsK, le locataire Doit Donner son salaire

Transcription

À minsK, le locataire Doit Donner son salaire
international
biélorussie
A Minsk, les loyers
des appartements
représentent la quasitotalité d’un salaire
moyen, et ce sont
les propriétaires qui
imposent leur loi.
Dr
À minsK, le locataire Doit
Donner son salaire...
Yuliya Kaspiarovich
Collaboratrice
Asloca Romande
Vous avez entre 25 et 30 ans,
vous avez déjà un emploi à
Minsk et vous êtes prêt à payer
six mois de loyer d’avance?
Alors vous pourrez peut-être
devenir locataire dans la capitale biélorusse. Mais vous
n’allez pas échapper pour
autant aux exigences exorbitantes et discriminatoires
des propriétaires biélorusses,
qui ne sont d’ailleurs sanctionnés par aucune législation. La pénurie est telle que
les propriétaires savent qu’ils
trouveront toujours un locataire heureux. Tant pis si les
travaux de construction ne
sont pas encore terminés, le
loyer excessif et les conditions
contractuelles rudimentaires.
Les locataires sont mis
dans une position d’infériorité, parfois même d’humiliation. Le prix des loyers ne
cesse de grimper pour des
conditions de confort souvent
minimales. Ainsi, le montant
du loyer pour un appartement
d’une pièce varie entre 350 et
450 francs. Or le salaire moyen
se situe autour de 450 francs.
Comment les gens font-ils? Ils
font tout simplement avec. Ils
n’ont pas le choix. Une chose
reste certaine: la demande en
logements locatifs est nettement supérieure à l’offre.
Forte immigration
La pénurie de logements à
A l’entrée des immeubles de Minsk, les gens ont l’habitude de coller ce genre de petites annonces
qui signifie «je cherche à louer un appartement».
Minsk s’explique par une forte
migration interne au pays car
les Biélorusses déménagent
vers la capitale, où les salaires sont nettement plus élevés.
Minsk est aussi le principal
centre d’études universitaires.
Avantages aux jeunes
Les jeunes diplômés sont
par ailleurs des locataires très
intéressants pour les bailleurs,
car ces derniers bénéficient
d’une exonération de l’impôt
locatif lorsqu’ils louent à ces
jeunes spécialistes. Il faut rappeler qu’en Biélorussie, pour
louer un appartement, le
contrat liant le propriétaire et
le locataire doit être enregistré
par l’Etat, lequel perçoit du
propriétaire un impôt régulier sur la location. Enfin, une
particularité du marché du logement minskois est la location
spéculative à court terme s’appuyant sur le nombre crois-
16 — Droit au logement • Novembre 2013 n° 212
sant de touristes et de Russes
venant passer quelques jours
dans la capitale biélorusse
(surtout pendant les périodes
de fête). Les premiers visitent, les seconds profitent des
avantages du rapport qualitéprix sur les différents biens et
services. Dès lors, nombre de
propriétaires réservent leur
appartement pour cette catégorie de locataires et encaissent en quelques jours le
montant d’un loyer mensuel.
Locations
non déclarées
Depuis juin 2013, de nombreux appartements nouvellement construits intègrent
le marché gris de la location.
C’est la conséquence de l’«oukase» présidentiel du 30 mai
2013 qui stipule que tout propriétaire ayant construit un
logement avec un crédit à
taux préférentiel grâce à l’aide
de l’Etat doit l’occuper luimême et ne peut le louer que
cinq ans après la fin du remboursement de la totalité de
la dette. D’où un paradoxe:
d’une part, en raison de la situation économique critique,
nombre de propriétaires, s’ils
occupent eux-mêmes le logement, sont en difficulté quant
au remboursement de la dette;
d’autre part, ils ne peuvent pas
officiellement louer leur bien.
Surgit alors le phénomène de la
location non déclarée. L’impôt
locatif n’est pas payé. L’Etat a
tout intérêt à démasquer les
opérations frauduleuses.
On revient ainsi à l’époque
soviétique avec la réapparition
de la pratique de dénonciation
de son voisin, largement soutenue par l’Etat, sans que cela
ne contribue en rien à l’amélioration de la situation des
personnes concernées et du
marché du logement.