Développement clinique de l`IRM du tenseur de diffusion

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Développement clinique de l`IRM du tenseur de diffusion
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
IRBM 29 (2008) 255–260
Article original
Développement clinique de l’IRM du tenseur de diffusion de la moelle
épinière dans un contexte de lésion médullaire
Development of clinical diffusion tensor MRI of the spinal
cord in a context of spinal cord injury
J. Cohen-Adad a,b,∗ , H. Benali b , G. Barrière a,d , H. Leblond a,d , R.D. Hoge c,d , S. Rossignol a,d
a
Groupe de recherche sur le système nerveux central, faculté de médecine, université de Montré al, Montréal, QC, Canada
b Inserm U678, université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI), CHU Pitié-Salpêtrière, Paris, France
c Unité de neuro-imagerie fonctionnelle, CRIUGM, université de Montréal, Montréal, QC, Canada
d Multidisciplinary Team on Locomotor Rehabilitation, Canadian Institutes of Health Research, Ottawa, ON, Canada
Reçu le 6 août 2007 ; accepté le 27 décembre 2007
Disponible sur Internet le 4 mars 2008
Résumé
L’imagerie du tenseur de diffusion permet de caractériser l’intégrité de la matière blanche après des traumatismes médullaires ou cérébraux.
Néanmoins, la finesse de la moelle épinière ainsi que la présence d’artefacts d’origine physiologique (e.g., respiration et pulsation cardiaque) et
d’artefacts de susceptibilité magnétique rendent cette technique plus difficilement applicable dans un contexte clinique. Dans cette étude, nous
avons développé une méthodologie permettant de contourner de manière significative ces difficultés afin d’imager la moelle thoraco-lombaire chez
le chat. Un attrait clinique de cette méthode est qu’elle a été développée sur un scanner à 3 T en utilisant des antennes standard et en se basant sur
des séquences de type single-shot spin-echo echo planar imaging. Les résultats obtenus indiquent que notre méthodologie (1) permet d’optimiser
l’orientation du plan de coupe et la direction d’encodage de phase, (2) valide l’utilisation de l’imagerie parallèle pour réduire les artefacts de
susceptibilité magnétique, (3) permet une acquisition rapide des données de diffusion (13 minutes) à une résolution de 1,1 mm3 , (4) a permis de
localiser par tractographie l’interruption de fibres chez deux chats avec lésion complète de la moelle épinière.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Magnetic resonance diffusion tensor imaging of the spinal cord is challenging because of the cord’s thin structure and the presence of physiological
and susceptibility artifacts. To circumvent these issues, we developed a methodology for imaging the thoraco-lumbar spinal cord of cats at 3 T
using single-shot spin-echo echo planar imaging. The presented method could potentially be applied to humans since it was developed on a clinical
scanner with a standard spine coil. Results provide (1) suggestions for optimal slice orientation and phase encoding direction; (2) an assessment
of the benefits of parallel imaging to reduce geometric distortions; (3) the feasibility of acquiring quality diffusion weighted data in 13 min at a
resolution of 1.1 mm3 and (4) the determination of axonal disruption, in two cats with complete spinal cord transection, using tractography.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Chat ; Imagerie du tenseur de diffusion ; Lésion médullaire ; Moelle épinière ; Résonance magnétique
Keywords: Cat; Diffusion tensor imaging; Magnetic resonance; Spinal cord; Spinal cord injury
1. Introduction
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J. Cohen-Adad).
1959-0318/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rbmret.2007.12.012
Les axones constitutifs de la matière blanche du cerveau et de
la moelle épinière induisent des propriétés particulières de diffusion de l’eau. Au sein de ce tissu fibreux, la diffusion induite par
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les mouvements browniens est restreinte dans une direction de
l’espace, i.e., le long des axones. Cette anisotropie de diffusion
de l’eau est détectée en imagerie par résonance magnétique de
diffusion (IRMd). L’application d’un gradient de champ magnétique avant et après l’impulsion d’écho permet de distinguer les
protons statiques des protons en mouvement. Pour des protons
en mouvement, le temps de relaxation transverse sera accéléré,
donc une pondération en T2 induit une baisse de signal. En
appliquant des gradients dans plusieurs directions de l’espace,
il est possible de cartographier la direction de diffusion de l’eau
dans les tissus. Les données de diffusion sont ensuite analysées
voxel par voxel en modélisant l’anisotropie par un tenseur [1].
Ce modèle permet d’accéder à certaines métriques de quantification de la diffusion comme l’anisotropie fractionnaire (AF).
Ces métriques permettent notamment de quantifier l’intégrité
des axones de la matière blanche [2]. Un des enjeux importants
de l’IRMd est la possibilité de localiser et d’identifier la présence de connexions résiduelles après des lésions de la moelle
épinière [3,4].
Les difficultés associées à l’IRMd de la moelle épinière
relèvent de sa fine géométrie (au plus 1 cm de diamètre chez
l’humain), de la présence de mouvements d’origine physiologique (cardiaques et respiratoires) et de la présence d’artefacts
de susceptibilité magnétique induits par les inhomogénéités de
champ, notamment au niveau des disques intervertébraux et
des poumons [5]. Ces artefacts sont caractérisés par des distorsions géométriques non linéaires. Ce dernier point est crucial
en IRMd, car les séquences habituelles de type echo planar imaging (EPI) sont particulièrement sensibles aux inhomogénéités
de champ [6–9].
Dans le but de minimiser certaines de ces difficultés, nous
avons développé une méthodologie permettant d’optimiser
l’imagerie de la moelle thoraco-lombaire chez le chat et chez
l’homme. La présente étude soulève différents aspects de
l’IRMd, depuis l’acquisition jusqu’au traitement des données.
Premièrement, nous avons cherché à optimiser l’orientation du
plan de coupe et la direction du codage de phase. Deuxièment,
nous avons évalué une méthode d’imagerie parallèle permettant
de réduire les distorsions discutées précédemment. Troisièmement, des données de diffusion ont été acquises à haute
résolution spatiale, avec des voxels isotropiques afin de limiter
les effets de volume partiel et de réduire le biais directionnel dans
l’estimation de la direction de diffusion. Enfin, nous avons appliqué cette méthode sur cinq chats sains et avec lésion complète de
la moelle épinière, afin d’évaluer l’intégrité de la matière blanche
et d’attester la présence de connexions axonales résiduelles.
2. Méthodes
2.1. Préparation animale
Cinq chats ont été scannés par IRM. Ils ont été anesthésiés
(isoflurane 1,5–2 %) et respiraient librement. Les expériences
ont été conduites en accord avec les directives du Guide for the
Care and Use of Experimental Animals (Canada), en utilisant
des protocoles approuvés par le comité d’éthique de l’université
de Montréal. Quatre chats ont été chroniquement implantés avec
des électrodes (fils multibrins d’acier inoxydable et recouverts
de teflon) pour l’acquisition de données électromyographiques
(EMG) des muscles des pattes postérieures au cours de la
marche sur tapis roulant. Il est important de le mentionner, car
ces électrodes partant de la tête jusqu’aux membres inférieurs
induisent des inhomogénéités de champ magnétique, générant
d’importantes distorsions dans la direction du codage de phase
sur les images EPI. Deux chats ont été complètement spinalisés,
i.e., la moelle épinière a été sectionnée au niveau de la 13e vertèbre thoracique. L’espace entre la partie rostrale et caudale à la
lésion a été comblé avec un agent hémostatique (Surgicel® ) afin
de minimiser le saignement et d’empêcher la repousse axonale.
2.2. Acquisition IRMd
Les données single-shot spin-echo EPI pondérées en diffusion ont été acquises sur un système Siemens Trio 3T.
L’acquisition a été conduite dans la région thoraco-lombaire
(T8–L7) à l’aide d’une antenne spinale huit canaux. Toutes les
images ont été acquises avec b = 800 s/mm2 dans 12 directions
(excepté pour un jeu de données acquis dans 55 directions),
matrice égale à 128 × 128, TR = 9500 ms, TE = 109 ms, angle
de bascule égal à 90◦ . Le nombre de coupes était respectivement de neuf et de 15 en orientation coronale et sagittale. Afin
de limiter les distorsions, la durée inter écho a été réduite à son
minimum, généralement de l’ordre de 1,1 ms.
2.2.1. Orientation du plan de coupe
La faible épaisseur de coupe combinée à un large champ de
vue crânio-caudal (∼ 20 cm) aurait nécessité plus d’une centaine
de coupes en orientation axiale, augmentant ainsi le TR et donc
la durée d’acquisition. Les deux autres orientations étaient donc
coronale et sagittale. Avec le chat positionné sur le dos, la direction d’encodage de phase aurait été antéro–postérieure (A–P)
ou crânio–caudale (C–C) pour sagittale ou bien gauche–droite
(G–D) ou C–C pour coronale. Les régions proches des disques
intervertébraux étant susceptibles d’induire des inhomogénéités
de champs, nous avons évité la direction C–C afin de réduire
tout biais lors de l’évaluation des distorsions géométriques [7].
Nous avons donc acquis les images en sagittal et coronal avec
encodage de phase suivant A–P et G–D, respectivement.
2.2.2. Acquisition parallèle
Cette méthode permet de réduire l’étendue des distorsions géométriques en acquérant les données simultanément
sur différents éléments de l’antenne réceptrice [6]. Sachant
que la région spinale est le siège de grandes inhomogénéités de champs et que les séquences EPI y sont très
sensibles, l’acquisition parallèle est une technique de choix
pour l’IRM spinale [10]. Toutefois, un inconvénient majeur
de l’imagerie parallèle réside dans la réduction du rapport
√
signal sur bruit (RSB) par un facteur au moins égal à R
avec R comme facteur d’accélération. Notre objectif initial était donc de trouver un compromis acceptable entre
l’étendue des distorsions et le RSB. L’acquisition parallèle a
été menée en utilisant la séquence generalized autocalibrating partially parallel acquisition (GRAPPA) avec des facteurs
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Fig. 1. Vue coronale de la moelle lombaire de chat en utilisant différents facteurs d’accélération: R = 1 (a), R = 2 (b) et R = 4 (c). Nous observons une nette réduction
des distorsions avec un facteur d’accélération de 4 tout en gardant un RSB satisfaisant.
d’accélération R de 1, 2 et 4, et une résolution spatiale de
1,3 mm3 .
tester l’homogénéité d’AF le long des moelles intactes (n = 3) et
avec lésion (n = 2).
2.2.3. Haute résolution spatiale
À cause du faible diamètre de la moelle, l’IRMd spinale requiert une résolution spatiale particulièrement élevée
en comparaison à celle utilisée dans les séquences traditionnelles appliquées au cerveau. Toutefois, l’étude de certaines
structures fines du cerveau chez l’homme a été réalisée à une
résolution spatiale élevée à 3 T. Quelques exemples de ces résolutions sont : 1,8 mm3 [11], 1,25 mm3 [8] et 0,8 × 0,8 × 3 mm
[12]. Nous avons par ailleurs, déjà publié des résultats à
1,3 mm3 [13]. Dans la présente étude, notre objectif était
d’atteindre 1,1 mm3 à 3 T en utilisant une antenne clinique.
Selon notre connaissance, cela n’a encore jamais été réalisé
dans le cadre d’études in vivo. La difficulté de ces acquisitions a été de conserver un RSB suffisamment élevé pour
obtenir une bonne cohérence dans les résultats de tractographie.
3. Résultats
2.3. Traitement des données
L’analyse des données a débuté par la reconstruction, puis
le moyennage des images DICOM. L’estimation des tenseurs
et la procédure de tractographie ont été réalisées à l’aide
du logiciel MedINRIA (gratuit et disponible à l’adresse suivante http://www-sop.inria.fr/asclepios/software/MedINRIA/).
Au lieu d’utiliser l’espace euclidien classique, les tenseurs ont
été estimés par le log-euclidien dans un espace riemannien. Le
choix d’une telle méthode a été motivé par le faible RSB, car
l’espace riemannien offre une méthode de régularisation des
tenseurs particulièrement avantageuse pour des données bruitées [14]. L’algorithme de tractographie implémenté suit une
procédure standard dite de streamline [15], est complètement
automatique, i.e., aucun point source/arrivée n’est requis [16].
Pour la quantification d’AF, des régions d’intérêt en coupe
sagittale ont été manuellement sélectionnées à cinq niveaux vertébraux différents (T12–L3) pour chacun des cinq chats. Les
coupes sagittales ont été centrées sur le canal spinal. La moyenne
et la déviation standard de l’AF ont été estimées au sein de chacune des 5 × 5 régions. Une analyse de la variance (Anova) a
été réalisée entre les cinq segments de chacun des chats, afin de
3.1. Paramètres d’acquisition
L’orientation coronale a permis d’obtenir une qualité d’image
supérieure à l’orientation sagittale, du fait de la présence
d’importants artefacts fantômes en orientation sagittale probablement induits par la respiration. Toutefois, la courbure A-P
(antéro-postérieure) de la moelle peut parfois générer des artefacts de volume partiel en orientation coronale, limitant la
comparaison d’AF le long de la moelle.
L’imagerie parallèle a permis de réduire considérablement les
distorsions en utilisant un facteur d’accélération R = 4 (Fig. 1).
Le RSB a été quantifié en divisant le signal moyen dans la
moelle par la déviation standard du bruit.1 Pour des facteurs
d’accélération de 1, 2 et 4, le RSB était respectivement de 38,20,
42,96 et 33,01. On notera qu’une augmentation non attendue du
RSB à R = 2 est justifiée par le fait que la méthode de quantification du RSB ne tient pas compte du biais induit par la
technique de reconstruction GRAPPA [17]. Cette réduction des
distorsions lors de l’acquisition permet d’appliquer plus facilement des algorithmes visant à corriger a posteriori les distorsions
résiduelles [9]. De même que pour le cerveau [18] l’imagerie
parallèle a permis de réduire de façon drastique l’étendue des
distorsions dans la région thoraco-lombaire.
3.2. Haute résolution spatiale
Deux jeux de données à 1,1 mm3 et 12 directions ont été
acquis en 13 minutes et traités sans difficulté. Une meilleure
résolution spatiale permet de différencier avec plus d’assurance
la matière blanche de la matière grise (Fig. 2). Le traitement
des images à haute résolution spatiale a conduit à des résultats
cohérents, en regard de la direction principalement longitudinale
1 La deviation standard du bruit mesuré dans le background a été corrigée afin de tenir compte de sa distribution ricienne. Ainsi, pour la déviation
standard apparente σ, la déviation standard du bruit dans la moelle devient :
σ ∗ (2 − ␲/2) ˆ (−0, 5).
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Fig. 2. Coupe axiale d’images EPI de la moelle lombaire (L5) non pondérées
en diffusion acquises à 1,3 mm3 (a) et à 1,1 mm3 (b). Le distinguo entre matière
blanche et matière grise est plus aisé à haute résolution. Pour plus de clarté, les
images ont été interpolées par quatre, puis lissées.
des fibres de la matière blanche (Fig. 3). De plus, la quantification
d’AF pour chacun des segments atteste de son homogénéité le
long de la moelle intacte (Tableau 1).
Afin d’optimiser la modélisation tensorielle, nous avons également acquis un jeu de données à haute résolution spatiale
(1,1 mm3 ) avec un meilleur échantillonnage de l’espace Q (55
directions). Les données ont été acquises en 82 minutes et présentent une bonne cohérence des tenseurs le long de la moelle
(Fig. 4). De plus, les tenseurs montrent une plus grande sphéricité au niveau de l’entrée des nerfs spinaux, i.e., la norme du
second vecteur propre est plus importante traduisant probablement un croisement de fibres perpendiculaires. Ces fibres non
longitudinales correspondent aux axones des racines dorsales
Fig. 4. Carte des tenseurs estimés à partir de données haute résolution spatial
et angulaire (vue coronale, gauche pour rostral). Les flèches blanches pointent
l’entrée des nerfs spinaux. On notera que les tenseurs limitent la représentation
des croisements de fibres émanant des voies collatérales, donnant ainsi une
représentation sphérique.
(sensorielles) et ventrales (motrices) issues des projections des
nerfs spinaux. Ce résultat suggère que le modèle du tenseur
biaise la représentation des fibres à certains endroits de la moelle
épinière, ouvrant la voie à d’autres modes de représentations
autorisant plus de flexibilité concernant les croisements de fibres
(voir Discussion).
3.3. Tractographie et lésions de la moelle épinière
Une des motivations principales pour développer et améliorer
l’IRMd spinale est de localiser de façon non invasive des blessures médullaires (complètes ou partielles) et d’évaluer de façon
précise leur étendue et la nature des voies axonales épargnées
par la lésion. Dans cette étude, nous avons imagé deux chats pré-
Fig. 3. Coupe sagittale de volumes EPI à 1,1 mm3 non pondérée en diffusion (a), pondérée à b = 800 (b) et résultat de tractographie sur la région L1–L3 (c) (haut-gauche
pour rostral-antérieur). La tractographie est cohérente et sans distorsion apparente.
Tableau 1
Quantification d’anisotropie le long de la moelle épinière
T12
Chat 1
Chat 2
Chat 3
Chat 4a
Chat 5a
0,36
0,59
0,38
0,53
0,35
T13
±
±
±
±
±
0,13
0,08
0,10
0,08
0,11
0,38
0,62
0,43
0,19
0,12
L1
±
±
±
±
±
0,14
0,08
0,11
0,06
0,09
0,44
0,56
0,41
0,44
0,43
L2
±
±
±
±
±
0,11
0,09
0,11
0,07
0,12
Moyenne d’AF ± déviation standard pour chacun des chats et chacune des régions disposées le long de la moelle.
a Les chats 4 et 5, atteints de lésion complète en T13, ont montré une diminution d’AF significative (p < 0,05).
0,48
0,53
0,50
0,41
0,49
L3
±
±
±
±
±
0,13
0,12
0,10
0,09
0,14
0,46
0,54
0,51
0,42
0,53
±
±
±
±
±
0,10
0,13
0,13
0,09
0,13
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Fig. 5. Fibres issues de tractographie superposées à une IRM anatomique (gauche pour rostral). La flèche blanche montre la lésion complète au niveau T13.
L’interruption des fibres de tractographie correspond exactement à l’endroit de la lésion. Les faibles valeurs d’anisotropie au niveau de la lésion assurent une certaine
robustesse dans l’interruption de fibres en tractographie (Tableau 1).
sentant une lésion complète de la moelle épinière. Les valeurs
d’AF étaient significativement réduites chez ces chats (p < 0,05),
comparées aux données obtenues chez des chats intacts
(Tableau 1). Cette diminution d’AF était accompagnée d’une
interruption robuste des fibres en tractographie (Fig. 5).
4. Discussion
Après analyse des données de diffusion, les cartes de tenseurs
ont montré une bonne cohérence dans la direction des premiers
vecteurs propres, le long de la moelle épinière thoraco-lombaire.
En extrapolant ces cartes à une procédure de tractographie
streamline, il a été possible de reconstruire les voies principales
de la matière blanche sur plusieurs niveaux spinaux et sans distorsion apparente. Nous avons également montré la faisabilité
d’observer par tractographie une interruption des fibres chez
deux chats atteints de lésion médullaire.
4.1. Interprétation des résultats
L’interruption des fibres en tractographie a montré de façon
robuste le site de la lésion complète. Toutefois, la lésion était
induite chirurgicalement, puis remplie avec un agent synthétique
(Surgicel® ) permettant de limiter le saignement et prévenant la
repousse axonale. Il faut se demander si la sensibilité à obtenir
une interruption de tractographie aurait été similaire pour des
lésions non chirurgicales et, a fortiori, partielles. Par ailleurs, la
présence d’œdème et de tissu cicatriciel glial induiraient probablement un biais lors de la quantification d’AF, comme il est
souligné dans [19]. Ces deux aspects figurent dans nos perspectives de recherche.
La procédure de tractographie se doit également d’être discutée afin de ne pas interpréter incorrectement les résultats
présentés. Comme il a été précédemment mentionné dans la
littérature [20], les fibres reconstruites ne représentent pas le
trajet réel d’axones mais le chemin par lequel l’eau diffuse le
plus. Une certaine marge d’erreur est donc à considérer. De plus,
les tenseurs quantifient la diffusion moyenne au sein d’un voxel,
soit dans un espace de l’ordre du millimètre cube. Sachant que le
diamètre des axones est de l’ordre du micromètre, les tenseurs ne
donnent qu’une quantification macroscopique du processus de
diffusion. Cet aspect souligne le besoin d’une haute résolution
spatiale ainsi que l’introduction de modèles biophysiques permettant une meilleure estimation du degré de l’inhomogénéité
intravoxel.
4.2. Limitations du tenseur
Par des considérations anatomiques, nous savons que la
matière blanche de la moelle épinière ne contient pas seulement des voies longitudinales ascendantes et descendantes mais
également des voies transversales, e.g., fibres commissurales,
afférentes sensorielles, efférences motrices. Or le modèle tensoriel utilisé dans cette étude ne permet pas de résoudre de tels
croisements de fibres, car le processus de diffusion est seulement
représenté par le premier vecteur propre et dans une certaine
mesure, par le second vecteur propre contraint dans un plan
orthogonal au premier [21]. Ces cinq dernières années ont vu
le développement de nouvelles méthodes permettant de représenter l’anisotropie de diffusion par une fonction de distribution
[22]. Comme suggéré dans [23], il peut être d’un grand intérêt
de combiner des acquisitions haute résolution angulaire avec ce
mode de représentation sur une sphère discrète. Cette combinaison permettrait une meilleure caractérisation des croisements
de fibres dans la moelle épinière et permettrait éventuellement
de détecter des phénomènes de sprouting de fibres présents
après des lésions médullaires. Ce phénomène consiste en une
réorganisation spinale des afférences sensorielles ou des voies
descendantes préservées par la lésion, générant de nouvelles
connexions avec des interneurones ou des motoneurones localisés sous la lésion [24].
4.3. De l’animal à l’homme
Bien que dans la présente étude la méthodologie ait été
appliquée sur des chats, quelques ajustements paramétriques
permettraient de la transposer facilement chez l’homme. En
effet, le protocole d’acquisition utilisé a été conçu originellement pour l’homme, i.e., scanner à 3 T, antenne spinale et temps
d’acquisition raisonnables. Par ailleurs, la moelle chez l’homme
est plus large de 30 % environ que chez le chat. Par conséquent,
la présente méthodologie qui permet de réduire les distorsions,
d’acquérir des séquences à haute résolution et de détecter des
interruptions axonales, pourrait s’avérer très utile dans le diagnostique clinique chez l’homme après des blessures médullaires.
Des tests de validation sont toutefois envisagés à court terme.
5. Conclusion
Nous avons montré que l’imagerie parallèle de la moelle
thoraco-lombaire réduit considérablement les distorsions tout
en conservant un signal suffisant, que des données d’IRMd à 12
260
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directions et 1,1 mm3 peuvent être acquises en 13 minutes dans
un système clinique et que des lésions complètes de la moelle
épinière peuvent être détectées par tractographie. La méthodologie proposée peut servir de base pour des études longitudinales
en IRMd clinique. Ces études sont d’un grand intérêt pour les
programmes de recherche impliqués dans la réhabilitation locomotrice après traumatisme de la moelle épinière [25], ainsi que
dans le pronostic de validation de l’imagerie de diffusion.
[9]
[10]
[11]
Remerciements
[12]
Nous remercions J. Provencher, H. Leblond, G. Barrière et
A. Frigon pour la préparation des chats, J. Doyon et C. Hurst pour
les aspects relatifs à l’acquisition IRM et G. Cohen-Adad pour la
correction du document. Nous remercions également le relecteur
de cet article pour ses commentaires pertinents. Cette étude a été
financée par la chaire de recherche du Canada sur la moelle épinière à S.R., distribuée par les instituts de recherche en santé du
Canada (IRSC), par l’équipe multidisciplinaire en réhabilitation
locomotrice (médecine régénérative et nanomédecine, IRSC) et
par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale
(Inserm). J.C.-A. est financé par une bourse de la Fondation
pour la Recherche Médicale (FRM, France).
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