Développement clinique de l`IRM du tenseur de diffusion
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Développement clinique de l`IRM du tenseur de diffusion
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com IRBM 29 (2008) 255–260 Article original Développement clinique de l’IRM du tenseur de diffusion de la moelle épinière dans un contexte de lésion médullaire Development of clinical diffusion tensor MRI of the spinal cord in a context of spinal cord injury J. Cohen-Adad a,b,∗ , H. Benali b , G. Barrière a,d , H. Leblond a,d , R.D. Hoge c,d , S. Rossignol a,d a Groupe de recherche sur le système nerveux central, faculté de médecine, université de Montré al, Montréal, QC, Canada b Inserm U678, université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI), CHU Pitié-Salpêtrière, Paris, France c Unité de neuro-imagerie fonctionnelle, CRIUGM, université de Montréal, Montréal, QC, Canada d Multidisciplinary Team on Locomotor Rehabilitation, Canadian Institutes of Health Research, Ottawa, ON, Canada Reçu le 6 août 2007 ; accepté le 27 décembre 2007 Disponible sur Internet le 4 mars 2008 Résumé L’imagerie du tenseur de diffusion permet de caractériser l’intégrité de la matière blanche après des traumatismes médullaires ou cérébraux. Néanmoins, la finesse de la moelle épinière ainsi que la présence d’artefacts d’origine physiologique (e.g., respiration et pulsation cardiaque) et d’artefacts de susceptibilité magnétique rendent cette technique plus difficilement applicable dans un contexte clinique. Dans cette étude, nous avons développé une méthodologie permettant de contourner de manière significative ces difficultés afin d’imager la moelle thoraco-lombaire chez le chat. Un attrait clinique de cette méthode est qu’elle a été développée sur un scanner à 3 T en utilisant des antennes standard et en se basant sur des séquences de type single-shot spin-echo echo planar imaging. Les résultats obtenus indiquent que notre méthodologie (1) permet d’optimiser l’orientation du plan de coupe et la direction d’encodage de phase, (2) valide l’utilisation de l’imagerie parallèle pour réduire les artefacts de susceptibilité magnétique, (3) permet une acquisition rapide des données de diffusion (13 minutes) à une résolution de 1,1 mm3 , (4) a permis de localiser par tractographie l’interruption de fibres chez deux chats avec lésion complète de la moelle épinière. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Magnetic resonance diffusion tensor imaging of the spinal cord is challenging because of the cord’s thin structure and the presence of physiological and susceptibility artifacts. To circumvent these issues, we developed a methodology for imaging the thoraco-lumbar spinal cord of cats at 3 T using single-shot spin-echo echo planar imaging. The presented method could potentially be applied to humans since it was developed on a clinical scanner with a standard spine coil. Results provide (1) suggestions for optimal slice orientation and phase encoding direction; (2) an assessment of the benefits of parallel imaging to reduce geometric distortions; (3) the feasibility of acquiring quality diffusion weighted data in 13 min at a resolution of 1.1 mm3 and (4) the determination of axonal disruption, in two cats with complete spinal cord transection, using tractography. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Chat ; Imagerie du tenseur de diffusion ; Lésion médullaire ; Moelle épinière ; Résonance magnétique Keywords: Cat; Diffusion tensor imaging; Magnetic resonance; Spinal cord; Spinal cord injury 1. Introduction ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Cohen-Adad). 1959-0318/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rbmret.2007.12.012 Les axones constitutifs de la matière blanche du cerveau et de la moelle épinière induisent des propriétés particulières de diffusion de l’eau. Au sein de ce tissu fibreux, la diffusion induite par 256 J. Cohen-Adad et al. / IRBM 29 (2008) 255–260 les mouvements browniens est restreinte dans une direction de l’espace, i.e., le long des axones. Cette anisotropie de diffusion de l’eau est détectée en imagerie par résonance magnétique de diffusion (IRMd). L’application d’un gradient de champ magnétique avant et après l’impulsion d’écho permet de distinguer les protons statiques des protons en mouvement. Pour des protons en mouvement, le temps de relaxation transverse sera accéléré, donc une pondération en T2 induit une baisse de signal. En appliquant des gradients dans plusieurs directions de l’espace, il est possible de cartographier la direction de diffusion de l’eau dans les tissus. Les données de diffusion sont ensuite analysées voxel par voxel en modélisant l’anisotropie par un tenseur [1]. Ce modèle permet d’accéder à certaines métriques de quantification de la diffusion comme l’anisotropie fractionnaire (AF). Ces métriques permettent notamment de quantifier l’intégrité des axones de la matière blanche [2]. Un des enjeux importants de l’IRMd est la possibilité de localiser et d’identifier la présence de connexions résiduelles après des lésions de la moelle épinière [3,4]. Les difficultés associées à l’IRMd de la moelle épinière relèvent de sa fine géométrie (au plus 1 cm de diamètre chez l’humain), de la présence de mouvements d’origine physiologique (cardiaques et respiratoires) et de la présence d’artefacts de susceptibilité magnétique induits par les inhomogénéités de champ, notamment au niveau des disques intervertébraux et des poumons [5]. Ces artefacts sont caractérisés par des distorsions géométriques non linéaires. Ce dernier point est crucial en IRMd, car les séquences habituelles de type echo planar imaging (EPI) sont particulièrement sensibles aux inhomogénéités de champ [6–9]. Dans le but de minimiser certaines de ces difficultés, nous avons développé une méthodologie permettant d’optimiser l’imagerie de la moelle thoraco-lombaire chez le chat et chez l’homme. La présente étude soulève différents aspects de l’IRMd, depuis l’acquisition jusqu’au traitement des données. Premièrement, nous avons cherché à optimiser l’orientation du plan de coupe et la direction du codage de phase. Deuxièment, nous avons évalué une méthode d’imagerie parallèle permettant de réduire les distorsions discutées précédemment. Troisièmement, des données de diffusion ont été acquises à haute résolution spatiale, avec des voxels isotropiques afin de limiter les effets de volume partiel et de réduire le biais directionnel dans l’estimation de la direction de diffusion. Enfin, nous avons appliqué cette méthode sur cinq chats sains et avec lésion complète de la moelle épinière, afin d’évaluer l’intégrité de la matière blanche et d’attester la présence de connexions axonales résiduelles. 2. Méthodes 2.1. Préparation animale Cinq chats ont été scannés par IRM. Ils ont été anesthésiés (isoflurane 1,5–2 %) et respiraient librement. Les expériences ont été conduites en accord avec les directives du Guide for the Care and Use of Experimental Animals (Canada), en utilisant des protocoles approuvés par le comité d’éthique de l’université de Montréal. Quatre chats ont été chroniquement implantés avec des électrodes (fils multibrins d’acier inoxydable et recouverts de teflon) pour l’acquisition de données électromyographiques (EMG) des muscles des pattes postérieures au cours de la marche sur tapis roulant. Il est important de le mentionner, car ces électrodes partant de la tête jusqu’aux membres inférieurs induisent des inhomogénéités de champ magnétique, générant d’importantes distorsions dans la direction du codage de phase sur les images EPI. Deux chats ont été complètement spinalisés, i.e., la moelle épinière a été sectionnée au niveau de la 13e vertèbre thoracique. L’espace entre la partie rostrale et caudale à la lésion a été comblé avec un agent hémostatique (Surgicel® ) afin de minimiser le saignement et d’empêcher la repousse axonale. 2.2. Acquisition IRMd Les données single-shot spin-echo EPI pondérées en diffusion ont été acquises sur un système Siemens Trio 3T. L’acquisition a été conduite dans la région thoraco-lombaire (T8–L7) à l’aide d’une antenne spinale huit canaux. Toutes les images ont été acquises avec b = 800 s/mm2 dans 12 directions (excepté pour un jeu de données acquis dans 55 directions), matrice égale à 128 × 128, TR = 9500 ms, TE = 109 ms, angle de bascule égal à 90◦ . Le nombre de coupes était respectivement de neuf et de 15 en orientation coronale et sagittale. Afin de limiter les distorsions, la durée inter écho a été réduite à son minimum, généralement de l’ordre de 1,1 ms. 2.2.1. Orientation du plan de coupe La faible épaisseur de coupe combinée à un large champ de vue crânio-caudal (∼ 20 cm) aurait nécessité plus d’une centaine de coupes en orientation axiale, augmentant ainsi le TR et donc la durée d’acquisition. Les deux autres orientations étaient donc coronale et sagittale. Avec le chat positionné sur le dos, la direction d’encodage de phase aurait été antéro–postérieure (A–P) ou crânio–caudale (C–C) pour sagittale ou bien gauche–droite (G–D) ou C–C pour coronale. Les régions proches des disques intervertébraux étant susceptibles d’induire des inhomogénéités de champs, nous avons évité la direction C–C afin de réduire tout biais lors de l’évaluation des distorsions géométriques [7]. Nous avons donc acquis les images en sagittal et coronal avec encodage de phase suivant A–P et G–D, respectivement. 2.2.2. Acquisition parallèle Cette méthode permet de réduire l’étendue des distorsions géométriques en acquérant les données simultanément sur différents éléments de l’antenne réceptrice [6]. Sachant que la région spinale est le siège de grandes inhomogénéités de champs et que les séquences EPI y sont très sensibles, l’acquisition parallèle est une technique de choix pour l’IRM spinale [10]. Toutefois, un inconvénient majeur de l’imagerie parallèle réside dans la réduction du rapport √ signal sur bruit (RSB) par un facteur au moins égal à R avec R comme facteur d’accélération. Notre objectif initial était donc de trouver un compromis acceptable entre l’étendue des distorsions et le RSB. L’acquisition parallèle a été menée en utilisant la séquence generalized autocalibrating partially parallel acquisition (GRAPPA) avec des facteurs J. Cohen-Adad et al. / IRBM 29 (2008) 255–260 257 Fig. 1. Vue coronale de la moelle lombaire de chat en utilisant différents facteurs d’accélération: R = 1 (a), R = 2 (b) et R = 4 (c). Nous observons une nette réduction des distorsions avec un facteur d’accélération de 4 tout en gardant un RSB satisfaisant. d’accélération R de 1, 2 et 4, et une résolution spatiale de 1,3 mm3 . tester l’homogénéité d’AF le long des moelles intactes (n = 3) et avec lésion (n = 2). 2.2.3. Haute résolution spatiale À cause du faible diamètre de la moelle, l’IRMd spinale requiert une résolution spatiale particulièrement élevée en comparaison à celle utilisée dans les séquences traditionnelles appliquées au cerveau. Toutefois, l’étude de certaines structures fines du cerveau chez l’homme a été réalisée à une résolution spatiale élevée à 3 T. Quelques exemples de ces résolutions sont : 1,8 mm3 [11], 1,25 mm3 [8] et 0,8 × 0,8 × 3 mm [12]. Nous avons par ailleurs, déjà publié des résultats à 1,3 mm3 [13]. Dans la présente étude, notre objectif était d’atteindre 1,1 mm3 à 3 T en utilisant une antenne clinique. Selon notre connaissance, cela n’a encore jamais été réalisé dans le cadre d’études in vivo. La difficulté de ces acquisitions a été de conserver un RSB suffisamment élevé pour obtenir une bonne cohérence dans les résultats de tractographie. 3. Résultats 2.3. Traitement des données L’analyse des données a débuté par la reconstruction, puis le moyennage des images DICOM. L’estimation des tenseurs et la procédure de tractographie ont été réalisées à l’aide du logiciel MedINRIA (gratuit et disponible à l’adresse suivante http://www-sop.inria.fr/asclepios/software/MedINRIA/). Au lieu d’utiliser l’espace euclidien classique, les tenseurs ont été estimés par le log-euclidien dans un espace riemannien. Le choix d’une telle méthode a été motivé par le faible RSB, car l’espace riemannien offre une méthode de régularisation des tenseurs particulièrement avantageuse pour des données bruitées [14]. L’algorithme de tractographie implémenté suit une procédure standard dite de streamline [15], est complètement automatique, i.e., aucun point source/arrivée n’est requis [16]. Pour la quantification d’AF, des régions d’intérêt en coupe sagittale ont été manuellement sélectionnées à cinq niveaux vertébraux différents (T12–L3) pour chacun des cinq chats. Les coupes sagittales ont été centrées sur le canal spinal. La moyenne et la déviation standard de l’AF ont été estimées au sein de chacune des 5 × 5 régions. Une analyse de la variance (Anova) a été réalisée entre les cinq segments de chacun des chats, afin de 3.1. Paramètres d’acquisition L’orientation coronale a permis d’obtenir une qualité d’image supérieure à l’orientation sagittale, du fait de la présence d’importants artefacts fantômes en orientation sagittale probablement induits par la respiration. Toutefois, la courbure A-P (antéro-postérieure) de la moelle peut parfois générer des artefacts de volume partiel en orientation coronale, limitant la comparaison d’AF le long de la moelle. L’imagerie parallèle a permis de réduire considérablement les distorsions en utilisant un facteur d’accélération R = 4 (Fig. 1). Le RSB a été quantifié en divisant le signal moyen dans la moelle par la déviation standard du bruit.1 Pour des facteurs d’accélération de 1, 2 et 4, le RSB était respectivement de 38,20, 42,96 et 33,01. On notera qu’une augmentation non attendue du RSB à R = 2 est justifiée par le fait que la méthode de quantification du RSB ne tient pas compte du biais induit par la technique de reconstruction GRAPPA [17]. Cette réduction des distorsions lors de l’acquisition permet d’appliquer plus facilement des algorithmes visant à corriger a posteriori les distorsions résiduelles [9]. De même que pour le cerveau [18] l’imagerie parallèle a permis de réduire de façon drastique l’étendue des distorsions dans la région thoraco-lombaire. 3.2. Haute résolution spatiale Deux jeux de données à 1,1 mm3 et 12 directions ont été acquis en 13 minutes et traités sans difficulté. Une meilleure résolution spatiale permet de différencier avec plus d’assurance la matière blanche de la matière grise (Fig. 2). Le traitement des images à haute résolution spatiale a conduit à des résultats cohérents, en regard de la direction principalement longitudinale 1 La deviation standard du bruit mesuré dans le background a été corrigée afin de tenir compte de sa distribution ricienne. Ainsi, pour la déviation standard apparente σ, la déviation standard du bruit dans la moelle devient : σ ∗ (2 − /2) ˆ (−0, 5). 258 J. Cohen-Adad et al. / IRBM 29 (2008) 255–260 Fig. 2. Coupe axiale d’images EPI de la moelle lombaire (L5) non pondérées en diffusion acquises à 1,3 mm3 (a) et à 1,1 mm3 (b). Le distinguo entre matière blanche et matière grise est plus aisé à haute résolution. Pour plus de clarté, les images ont été interpolées par quatre, puis lissées. des fibres de la matière blanche (Fig. 3). De plus, la quantification d’AF pour chacun des segments atteste de son homogénéité le long de la moelle intacte (Tableau 1). Afin d’optimiser la modélisation tensorielle, nous avons également acquis un jeu de données à haute résolution spatiale (1,1 mm3 ) avec un meilleur échantillonnage de l’espace Q (55 directions). Les données ont été acquises en 82 minutes et présentent une bonne cohérence des tenseurs le long de la moelle (Fig. 4). De plus, les tenseurs montrent une plus grande sphéricité au niveau de l’entrée des nerfs spinaux, i.e., la norme du second vecteur propre est plus importante traduisant probablement un croisement de fibres perpendiculaires. Ces fibres non longitudinales correspondent aux axones des racines dorsales Fig. 4. Carte des tenseurs estimés à partir de données haute résolution spatial et angulaire (vue coronale, gauche pour rostral). Les flèches blanches pointent l’entrée des nerfs spinaux. On notera que les tenseurs limitent la représentation des croisements de fibres émanant des voies collatérales, donnant ainsi une représentation sphérique. (sensorielles) et ventrales (motrices) issues des projections des nerfs spinaux. Ce résultat suggère que le modèle du tenseur biaise la représentation des fibres à certains endroits de la moelle épinière, ouvrant la voie à d’autres modes de représentations autorisant plus de flexibilité concernant les croisements de fibres (voir Discussion). 3.3. Tractographie et lésions de la moelle épinière Une des motivations principales pour développer et améliorer l’IRMd spinale est de localiser de façon non invasive des blessures médullaires (complètes ou partielles) et d’évaluer de façon précise leur étendue et la nature des voies axonales épargnées par la lésion. Dans cette étude, nous avons imagé deux chats pré- Fig. 3. Coupe sagittale de volumes EPI à 1,1 mm3 non pondérée en diffusion (a), pondérée à b = 800 (b) et résultat de tractographie sur la région L1–L3 (c) (haut-gauche pour rostral-antérieur). La tractographie est cohérente et sans distorsion apparente. Tableau 1 Quantification d’anisotropie le long de la moelle épinière T12 Chat 1 Chat 2 Chat 3 Chat 4a Chat 5a 0,36 0,59 0,38 0,53 0,35 T13 ± ± ± ± ± 0,13 0,08 0,10 0,08 0,11 0,38 0,62 0,43 0,19 0,12 L1 ± ± ± ± ± 0,14 0,08 0,11 0,06 0,09 0,44 0,56 0,41 0,44 0,43 L2 ± ± ± ± ± 0,11 0,09 0,11 0,07 0,12 Moyenne d’AF ± déviation standard pour chacun des chats et chacune des régions disposées le long de la moelle. a Les chats 4 et 5, atteints de lésion complète en T13, ont montré une diminution d’AF significative (p < 0,05). 0,48 0,53 0,50 0,41 0,49 L3 ± ± ± ± ± 0,13 0,12 0,10 0,09 0,14 0,46 0,54 0,51 0,42 0,53 ± ± ± ± ± 0,10 0,13 0,13 0,09 0,13 J. Cohen-Adad et al. / IRBM 29 (2008) 255–260 259 Fig. 5. Fibres issues de tractographie superposées à une IRM anatomique (gauche pour rostral). La flèche blanche montre la lésion complète au niveau T13. L’interruption des fibres de tractographie correspond exactement à l’endroit de la lésion. Les faibles valeurs d’anisotropie au niveau de la lésion assurent une certaine robustesse dans l’interruption de fibres en tractographie (Tableau 1). sentant une lésion complète de la moelle épinière. Les valeurs d’AF étaient significativement réduites chez ces chats (p < 0,05), comparées aux données obtenues chez des chats intacts (Tableau 1). Cette diminution d’AF était accompagnée d’une interruption robuste des fibres en tractographie (Fig. 5). 4. Discussion Après analyse des données de diffusion, les cartes de tenseurs ont montré une bonne cohérence dans la direction des premiers vecteurs propres, le long de la moelle épinière thoraco-lombaire. En extrapolant ces cartes à une procédure de tractographie streamline, il a été possible de reconstruire les voies principales de la matière blanche sur plusieurs niveaux spinaux et sans distorsion apparente. Nous avons également montré la faisabilité d’observer par tractographie une interruption des fibres chez deux chats atteints de lésion médullaire. 4.1. Interprétation des résultats L’interruption des fibres en tractographie a montré de façon robuste le site de la lésion complète. Toutefois, la lésion était induite chirurgicalement, puis remplie avec un agent synthétique (Surgicel® ) permettant de limiter le saignement et prévenant la repousse axonale. Il faut se demander si la sensibilité à obtenir une interruption de tractographie aurait été similaire pour des lésions non chirurgicales et, a fortiori, partielles. Par ailleurs, la présence d’œdème et de tissu cicatriciel glial induiraient probablement un biais lors de la quantification d’AF, comme il est souligné dans [19]. Ces deux aspects figurent dans nos perspectives de recherche. La procédure de tractographie se doit également d’être discutée afin de ne pas interpréter incorrectement les résultats présentés. Comme il a été précédemment mentionné dans la littérature [20], les fibres reconstruites ne représentent pas le trajet réel d’axones mais le chemin par lequel l’eau diffuse le plus. Une certaine marge d’erreur est donc à considérer. De plus, les tenseurs quantifient la diffusion moyenne au sein d’un voxel, soit dans un espace de l’ordre du millimètre cube. Sachant que le diamètre des axones est de l’ordre du micromètre, les tenseurs ne donnent qu’une quantification macroscopique du processus de diffusion. Cet aspect souligne le besoin d’une haute résolution spatiale ainsi que l’introduction de modèles biophysiques permettant une meilleure estimation du degré de l’inhomogénéité intravoxel. 4.2. Limitations du tenseur Par des considérations anatomiques, nous savons que la matière blanche de la moelle épinière ne contient pas seulement des voies longitudinales ascendantes et descendantes mais également des voies transversales, e.g., fibres commissurales, afférentes sensorielles, efférences motrices. Or le modèle tensoriel utilisé dans cette étude ne permet pas de résoudre de tels croisements de fibres, car le processus de diffusion est seulement représenté par le premier vecteur propre et dans une certaine mesure, par le second vecteur propre contraint dans un plan orthogonal au premier [21]. Ces cinq dernières années ont vu le développement de nouvelles méthodes permettant de représenter l’anisotropie de diffusion par une fonction de distribution [22]. Comme suggéré dans [23], il peut être d’un grand intérêt de combiner des acquisitions haute résolution angulaire avec ce mode de représentation sur une sphère discrète. Cette combinaison permettrait une meilleure caractérisation des croisements de fibres dans la moelle épinière et permettrait éventuellement de détecter des phénomènes de sprouting de fibres présents après des lésions médullaires. Ce phénomène consiste en une réorganisation spinale des afférences sensorielles ou des voies descendantes préservées par la lésion, générant de nouvelles connexions avec des interneurones ou des motoneurones localisés sous la lésion [24]. 4.3. De l’animal à l’homme Bien que dans la présente étude la méthodologie ait été appliquée sur des chats, quelques ajustements paramétriques permettraient de la transposer facilement chez l’homme. En effet, le protocole d’acquisition utilisé a été conçu originellement pour l’homme, i.e., scanner à 3 T, antenne spinale et temps d’acquisition raisonnables. Par ailleurs, la moelle chez l’homme est plus large de 30 % environ que chez le chat. Par conséquent, la présente méthodologie qui permet de réduire les distorsions, d’acquérir des séquences à haute résolution et de détecter des interruptions axonales, pourrait s’avérer très utile dans le diagnostique clinique chez l’homme après des blessures médullaires. Des tests de validation sont toutefois envisagés à court terme. 5. Conclusion Nous avons montré que l’imagerie parallèle de la moelle thoraco-lombaire réduit considérablement les distorsions tout en conservant un signal suffisant, que des données d’IRMd à 12 260 J. Cohen-Adad et al. / IRBM 29 (2008) 255–260 directions et 1,1 mm3 peuvent être acquises en 13 minutes dans un système clinique et que des lésions complètes de la moelle épinière peuvent être détectées par tractographie. La méthodologie proposée peut servir de base pour des études longitudinales en IRMd clinique. Ces études sont d’un grand intérêt pour les programmes de recherche impliqués dans la réhabilitation locomotrice après traumatisme de la moelle épinière [25], ainsi que dans le pronostic de validation de l’imagerie de diffusion. [9] [10] [11] Remerciements [12] Nous remercions J. Provencher, H. Leblond, G. Barrière et A. Frigon pour la préparation des chats, J. Doyon et C. Hurst pour les aspects relatifs à l’acquisition IRM et G. Cohen-Adad pour la correction du document. Nous remercions également le relecteur de cet article pour ses commentaires pertinents. Cette étude a été financée par la chaire de recherche du Canada sur la moelle épinière à S.R., distribuée par les instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), par l’équipe multidisciplinaire en réhabilitation locomotrice (médecine régénérative et nanomédecine, IRSC) et par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). J.C.-A. est financé par une bourse de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM, France). Références [1] Le Bihan D, Mangin JF, Poupon C, Clark CA, Pappata S, Molko N, et al. Diffusion tensor imaging: concepts and applications. J Magn Reson Imaging 2001;13(4):534–46. [2] Thurnher MM, Bammer R. Diffusion-weighted magnetic resonance imaging of the spine and spinal cord. Semin Roentgenol 2006;41(4): 294–311. [3] Ducreux D, Fillard P, Facon D, Ozanne A, Lepeintre JF, Renoux J, et al. Diffusion tensor magnetic resonance imaging and fiber tracking in spinal cord lesions: current and future indications. Neuroimaging Clin N Am 2007;17(1):137–47. [4] Cohen-Adad J, Benali H, Hoge RD, Rossignol S. In vivo assessment of spinal cord integrity by diffusion tensor imaging, In: Society for Neuroscience Abstracts, San Diego, USA, 37:77.10, 2007. [5] Cohen-Adad J, Benali H, Rossignol S. Methodology for MR diffusion tensor imaging of the cat spinal cord. Conf Proc IEEE Eng Med Biol Soc 2007;1:323–6. 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