Le Parapet - Le site des bouquinistes de Paris
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Le Parapet N°34 Juin 2002 BOOKSTALLS : les quais de Paris au cinéma Charles MONSELET Adolphe FONTAINE de RESBECQ ATGET sur le site Gallica de la BnF Syndicat des Bouquinistes Professionnels des Quais de Paris 1 rue de la Basse Roche 91140 Villebon-sur-Yvette Tél : 01 60 10 35 01 Fax 01 60 10 52 33 Mail : [email protected] 0 Sommaire Le billet du Président .............................................................................................................................. 2 LES PETITES ANNONCES.................................................................................................................. 2 LE VICOMTE AUMONT : .................................................................................................................... 4 VOYAGES LITTERAIRES SUR LES QUAIS DE PARIS .................................................................. 5 1 Le billet du Président Il n’est pas de lecture plus douce, nostalgique et éducative que celle du Nouveau Larousse illustré en 7 volumes (si ce n’est celle du même en 16 volumes)… Je lis ainsi dans le volume 6 : “Charles Monselet (1825-1888) était né pour le petit journalisme et il y a dépensé tout son talent“. Ses romans, ses pièces, opéras-comiques et vaudevilles comme ses études biographiques et bibliographiques indiquent une grande dispersion intellectuelle et un esprit curieux. Cherchez sur les quais son “Almanach des gourmands“ (1865), sa “Cuisinière poétique“ (1859) et son “Paris“ (1879) dont nous reproduisons ici quelques jolis passages où apparaissent des dons d’observation certains. Revenant au volume 4, une notice m’apprend que Fontaine de Resbecq (1813-1865) s’adonnait sans modération à la composition d’ouvrages d’éducation morale et religieuse pour la jeunesse… Ses “Voyages littéraires sur les quais de Paris“ (1857) montrent que son esprit n’en était pas pour autant amoindri : il visitait les boites des bouquinistes ! Son énumération des “stations“ (je l’imagine s’arrêtant à nos boites comme un train de campagne aux gares) apporte quelques surprises. On trouve sur les quais des livres sur le cinéma, et au cinéma des films sur les quais. Les deux ensemble donnent un livre sur les quais vus au cinéma dans un livre lu sur les quais… et l’article des pages 4 et 5. Bonne lecture, … et merci pour vos futurs envois de textes et documents sur notre profession, glanés peut-être sur Gallica ! LES PETITES ANNONCES -M. Laurent Dulas, 76 rue Jean Jaurès, 33400 Talence, 06 12 58 71 41, recherche : “L’épave du Grand Congloué à Marseille“, XIVème supplément à Gallia, 1961, Fernand Benoit, éditions du CNRS -M. Daniel Colombo, 12 rue de la Coutotte, 55200 Commercy, recherche : Romans policiers de la Série Noire anglo-saxons, et de la collection Rivages -M. Georges Jaeck, résidence Les Cadets, 74500 Bernex, 04 50 73 62 89, recherche : Livres, revues, articles concernant même brièvement le porte-avions “U.S.S. EnterpriseCVAN-65, en anglais, français ou autre langue. BOUQUINISTES 2 Paris est par excellence la ville des bouquinistes. Indiquez m’en un autre où il se rencontre une demi-lieue de parapets couverts de volumes, — car telle est à peu près la distance du quai d’Orsay au quai de la Tournelle. Les quais, voilà le véritable empire des bouquinistes ; c’est une bourse, une halle, — avec les splendeurs d’un paysage unique et de jolis arbres tout le long des trottoirs, tamisant la lumière et versant la fraîcheur. Là, les amateurs sont assurés de trouver un aliment considérable à leur curiosité, à leur manie, à leur passion. (…) Eté comme hiver, hiver comme été, le bouquiniste des quais arrive chaque matin, vers huit heures, poussant une charrette à bras qui contient un certain nombre de caisses en bois, fermées la plupart d’une courroie. Il les dispose sur le parapet, et les ouvre ; chacune de ces caisses est surmontée d’un écriteau indicatif des prix, — qui vont s’échelonnant de cinq centimes à deux francs. (…) Quelquefois cependant, par exception, on remarque une boite supplémentaire, sans écriteau : — ce sont des livres d’extra, comme on dit de certains mets au restaurant, mais dont les prix sont toutefois abordables aux bourses moyennes. (…) Tous [les bouquinistes] ne sont pas sans défauts. Quelques uns d’entre eux sont quinteux, irritables ; ils viennent derrière vous replacer avec humeur le livre que vous avez dérangé ; ils repoussent durement les petits garçons.— Il faut convenir qu’ils ont souvent bien des motifs pour être agacés, et que le nombre de leurs ennemis sans le vouloir est plus grand qu’on ne le croirait. (…) Le plus grand fléau du bouquiniste, c’est la pluie, la pluie soudaine, intermittente, qui le force plusieurs fois par jour à fermer ses boites et à chercher un abri sous les portes cochères des environs. (…) Tous les bouquinistes ne sont pas sur les quais. On en rencontre un peu partout, aux boulevards intérieurs et extérieurs, dans les passages. Le quartier latin, et particulièrement les alentours de la Sorbonne, en possèdent un grand nombre ; le bas de la rue Soufflot est littéralement tapissé de volumes ; — mais là encore on se heurte à de véritables maisons de commerce, à des entrepreneurs sur une vaste échelle. Dès lors, rien de curieux à observer, rien de pittoresque, rien d’original. Extrait de “Paris“, de Charles Monselet, E. Dentu, 1879 LES QUAIS DE PARIS AU CINEMA : quand le décor devient “acteur“ JOSEPH CORNELL Bookstalls (1957, restauré en 1978,16 mm, nb., muet, 11') 3 (Nyack 1903 - New-York 1972) L'Anthology Film Archives appelle ce film Bookstalls ; car après une brève présentation des toits de Paris il s'ouvre sur une série de prises de vues de flâneurs arrêtés devant les étalages des bouquinistes sur les quais de la Seine. La période semble correspondre aux années vingt et les jeunes gens qui feuillètent les livres ressemblent à s'y méprendre aux gamins des illustrations pour "Monsieur Phot". Paris était le centre des voyages imaginaires de Cornell et le flâneur errant dans les rues en quête de distractions futiles était l'un des médiateurs importants de ses rencontres mystérieuses, comme ce même personnage l'avait été pour Baudelaire. Dans Bookstalls, une double médiation intervient. Tout comme Cornell a recours à des documentaires touristiques, sérieux ou comiques, pour effectuer son voyage mental, le gamin-flâneur fait de même avec un livre. A l'un des étalages il ouvre un volume qui par un artifice de montage présente les photos d'un site espagnol, selon toute vraisemblance, l'Escurial. L'une des images fixes s’anime soudain à l'instant où un groupe de pigeons prend son envol. Cette transition de la stase au mouvement Cornell l'a trouvée, plus que construite, grâce aux techniques cinématographiques, mais elle est si intimement liée aux thèmes qui lui sont propres, du voyage imaginaire et de la magie des oiseaux, qu'elle semble avoir été créée pour lui seul. Les vues de l'Espagne enchaînent une séquence sur le canal calédonien en Ecosse au cours de laquelle un titre nous prépare à une virée rapide en bateau, Mais la vitesse impossible de la prise de vues image-par-image dépasse de façon hilarante nos attentes les plus folles de vitesse naturelle. Le bateau nous emmène avec une totale désinvolture géographique et par des mers houleuses à l'île de Marken dans le Zuiderzee où les enfants ressemblent aux convives miniatures de la trilogie achevée par Jordan. Les travaux de la moisson des adultes de l'île s'entremêlent à des activités de même nature, quelque part dans le Sud-Est asiatique, sans que rien ne nous prépare à la transition. Mais le voyage s'arrête 1à. Le jeune flâneur repose le livre et se dirige vers un autre bouquiniste où il poursuit sa lecture et vraisemblablement, quoique nous ne les partagions pas, ses voyages imaginaires. Il y a peu d'approximation dans le montage de Bookstalls. Les éléments sont choisis avec un tel soin, le minutage est si précis, l'équilibre si parfait qu'il ne fait aucun doute que l'auteur l'a minutieusement construit. Peter-Adams SITNEY (The cinematic gaze of Joseph Cornell, catalogue de l'exposition Joseph Cornell, Museum of modem art, New-York, 1980). LE VICOMTE AUMONT : Un amateur futé des quais Gentilhomme fameux adulé du Tout-Paris pour son élégance discrète et son esprit, le Vicomte Aumont est aussi un amateur futé des quais. Il nous offrira pour chaque Parapet l’amitié de ses poétiques observations. Ainsi, pour ce numéro, ces quelques fleurs embaumées : 4 - Des vandales derrière les parapets s’agglutinent sur les berges des villes, tandis que les bouquinistes étalent leurs piles de boites sur des quais de bronze sans pratiquer cependant le don des bouquins. - Ce bouquiniste, qui ne raffole pas des pébroques ludiques, sent une odeur de pluie derrière son parapet, et son pliant a gardé l’odeur du quai : il a constaté la moiteur du quai pendant une minute. - Cet autre, sensible aux achats des nippons, je lui souhaite des ventes fastes, des ventes fiables, et même des ventes raffinées. Merci, Monseigneur. PS : Le Vicomte Aumont éclaircira ses propos au 01 69 08 73 88 ! VOYAGES LITTERAIRES SUR LES QUAIS DE PARIS Lettres à un bibliophile de province (…) Hier à onze heures le temps se brouilla tout à coup et j’eus la douleur, en arrivant au pont de la Concorde, de voir le chef de ma première station fermer ses boites avec une activité mêlée de grognements. « Parbleu ! me dis-je, voilà une occasion de me livrer à une intéressante statistique ; il y a longtemps que je voyage sur cette route vraiment enchantée de la littérature et je n’ai pas encore eu le soin de compter le nombre des stations (étalages) ; cela sera bientôt fait, d’autant plus que n’ayant pas besoin de m’arrêter pour cela, je puis prendre un train direct. » Cela dit, je partis, et, trente cinq minutes après avoir pris cette belle résolution, je savais combien il y a de bouquinistes. Les voici : Sur le quai d’Orsay ……………….. 5 Sur le quai Voltaire ……………….. 10 Sur le quai Malaquai ……………… 15 Sur le quai Conti ………………….. 10 Sur le quai des Grands-Augustins ….. 7 Sur le quai Saint-Michel …………… 6 (quelques-uns de ces derniers étaient sur l’ancien pont Saint-Michel : rien n’égale la douleur que ce déplacement leur a fait éprouver.) A reporter …………………………. 53 Sur le quai Montebello ……………... 1 5 Sur le quai des Orfèvres ……………. 1 Sur le Pont-au-Change ……………… 6 Sur le quai aux Fleurs ………………. 1 Sur le quai de la Mégisserie ………… 3 Sur le quai de l’Hôtel-de-Ville ……… 1 Sur le Pont-Marie …………………… 1 total : 68 Mais comme la statistique est une science extrêmement attrayante, je voulus savoir : 1° Combien il y avait de boites, 2° Quelle longueur métrique toutes ces boites, rapprochées les unes des autres, présentaient d’étendue, 3° Combien chacune de ces boites pouvait contenir de livres. Et voici ce que je trouvai : Terme moyen, les bouquinistes occupent quinze mètres avec douze à quinze boites ; il y en a qui en ont plus. 68 fois quinze font 1020. Ces 1020 boites (d’un mètre chacune) étant rapprochées les unes des autres, donneraient donc une étendue de plus d’un kilomètre. D’après les renseignements que j’ai pris, une boite peut contenir de 75 à 80 volumes. Ainsi, terme moyen, un bouquiniste expose de 1000 (mille) à 1200 volumes (mille deux cents) qui fait pour les soixante-huit environ 70 000 volumes, c’est à dire la valeur de trois bibliothèques déjà importantes de nos départements. Un homme très-compétent que j’ai consulté et qui a exercé le métier, évalue à douze ou quinze cents le nombre de volumes vendus chaque jour ; cette vente peut être évaluée à mille francs ; donc la vente des livres sur les seuls parapets des quais serait à peu près de quatre cent mille francs par an. A. Fontaine de Resbecq Publié chez Durand, Libraire-Editeur. Rue des Grès, 7. En 1857 (on répondrait aujourd’hui à ces trois questions, “terme moyen“ comme dit le bon Adolphe-Charles-Théodore, par les chiffres suivants, sachant qu’il y a environ 240 6 bouquinistes sur les quais de la Seine disposant chacun de quatre ou cinq boites sur une longueur totale de 8 mètres : 1°1080 boites 2° 1920 mètres 3° 500 volumes par boites, mais on peut penser, “terme moyen“ toujours, que seule une moitié des boites en contient ; cela donne 270 000 volumes ! L’autre moitié contient plus encore de revues, albums de bandes dessinées, gravures, cartes postales et autres trésors de papier…) Le QUAI VOLTAIRE à la fin du XIXème siècle : les bouquinistes Une photo du grand photographe du XIXème siècle ATGET “téléchargée“ sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France parmi plus de cent. Sur Gallica sont numérisés en mode texte et mode image plus de 50000 volumes, des images et du son, à télécharger sans droits : une mine pour les chercheurs. site de la BnF : www.bnf.fr site de Gallica : http://gallica.bnf.fr 7