Les défauts des produits de pâtisserie et biscuiterie au

Transcription

Les défauts des produits de pâtisserie et biscuiterie au
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Les défauts des produits de
pâtisserie et biscuiterie au cours
du stockage : la prévention
par la formulation
M. EL GERSSIFI,
CTUC, Massy, France
ge avec seulement 26 % des génoises qui sont
moisies.
INTRODUCTION
Prévenir l’apparition de certains défauts dans des
produits céréaliers, c’est une façon de prolonger
la durée de vie de ces produits.
Cet article abordera quelques uns des défauts
pouvant survenir au cours du stockage tels que :
– les altérations microbiologiques ;
– le rassissement ;
– les altérations organoleptiques et microbiologiques dues aux migrations d’eau à l’interface
fourrage-produit ;
– la fêle des biscuits.
La durée de vie d’un produit peut être définie
par la période pendant laquelle il ne présente
aucun signe de détérioration sensorielle et
demeure sain dans des conditions de stockage
normales.
Les détériorations peuvent être de plusieurs
ordres :
Ces défauts peuvent être maîtrisés au travers de
la formulation.
• sensorielles : perte de goût, apparition de
goûts étrangers, changement de couleur, …
perte de “moelleux”, de “croustillant” ;
% de génoises
moisies
• microbiologiques : moisissures essentiellement ;
• nutritionnelles : non-maitien des éléments
nutritionnels déclarés.
100
témoin
La durée de vie des produits céréaliers va
dépendre de plusieurs facteurs :
– formulation
– pétrissage/battage
– cuisson
– emballage
– conditions de stockage
50
Ces facteurs ont tous une influence significative
et il convient donc de n’en négliger aucun.
gaz
IR
On peut rajouter à cette liste les traitements
éventuels qui ont leur importance, pour allonger
la durée de vie des produits.
0
La figure 1 illustre cette importance. Alors qu’au
bout de 1 mois et demi de stockage, 80 % des
génoises « témoin » sont moisies, un traitement
infra-rouge permet d’arriver à 6 mois de stocka-
1
2
3
4
5
6 mois
Figure 1 : Pourcentage de génoises moisies en fonction du
temps et du traitement (Potier et al, 1989).
45
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Changer de farine, augmenter la quantité d’eau,
incorporer un émulsifiant, autant d’actions du
domaine de la formulation.
duit la disponibilité de l’eau.
Ainsi, la conservation d’un produit ne va pas
dépendre de sa teneur en eau mais de la quantité d’eau disponible pour les micro-organismes
ou pour les réactions de dégradation.
Choisir le type d’ingrédients à utiliser dans une
formule ne suffit pas. Il faut aussi déterminer les
caractéristiques (chimiques, biochimiques, rhéologiques,...) et la quantité de chacun des ingrédients.
En ce qui concerne les altérations microbiologiques, il existe aussi des seuils d’Aw en dessous
desquels les micro-organismes sont inhibés.
A cela on peut rajouter le choix du mode d’incorporation (état et ordre) qui est à la frontière
entre formulation et procédé.
La figure 2 permet de constater que les risques
d’altération microbiologiques dans les produis de
pâtisserie sont essentiellement des risques de
moisissures.
1. ALTÉRATIONS
MICROBIOLOGIQUES
La maîtrise de l’Aw va donc influencer directement la durée de vie des produits de pâtisserie.
Le 4e Colloque du CEDUS, et en particulier l’intervention du professeur Mathlouthi, a bien mis
en évidence l’importance du contrôle de l’Aw
pour prolonger la durée de vie des produits.
Comment maîtriser l’Aw à travers la formule ?
Il s’agit souvent pour l’industriel, d’abaisser l’Aw
de son produit.
Dans le cadre de la formulation, l’abaissement de
l’Aw se fait essentiellement grâce à l’emploi de
dépresseurs d’Aw.
4e
Sans revenir sur la définition de l’Aw (cf
Colloque du CEDUS), on peut dire que l’Aw tra-
Développement des micro-organismes
(données indicatives)
Développement de tous
les micro-organismes
Arrêt du développement
de la plupart des bactéries
(Aw < 0,86)
Arrêt du développement
des mosissures
(Aw < 0,70)
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
Aw
Aw des aliments
(données indicatives)
1
Blinis (0,97)
viandes légèrement salées,
camembert, lait concentré
(0,93 < Aw < 0,98)
0,9
0,8
0,7
viandes fraîches, poissons, fruits frais,
légumes frais, lait, crème fraîche
(Aw > 0,98)
Pain de mie (0,90)
Génoise fourrée
fraise (0,86)
beurre, desserts au lait gélifiés,
saucisson sec
(0,87 < Aw < 0,93)
Génoise fourrée
chocolat (0,80)
lait concentré sucré
(0,80 < Aw < 0,87)
Cake aux fruits
(0,76)
pâte d'amande, confiture
(0,75 < Aw < 0,80)
Madeleine (0,73)
fruits secs
(0,65 < Aw < 0,75)
Pain d'épices (0,67)
Arrêt du développement
des levures
(Aw < 0,62)
0,6
fruits déshydratés, bonbons
(0,60 < Aw < 0,65)
0,5
épices, caramel
0,4
œufs en poudre
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
Boudoir (0,30)
0,3
Arrêt de tout
dévelopement
(Aw < 0,60)
0,2
0,1
Biscuit goûter (0,12)
0
Figure 2 : Rôle de l’Aw sur le développement des micro-organismes (L’Alliance 7 ; CTUC).
46
chocolat, chapelure
lait entier en poudre,
légumes déshydratés
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Tableau 1 : Coefficients d’équivalent saccharose pour divers produits.
Coefficients d’équivalent saccharose (matières sèches des produits)
Sel (chlorure de sodium)
Alcool éthylique pur
Glycérol
Levure chimique
Acide citrique, tartrique
Sorbitol
Blanc d’œuf
Dextrose
Gélatine, caséine
9
8
4
3
2,5
2
1,4
1,3
1,3
Lévulose
Sucre inverti
Farine de soja
Lait écrémé
Rasin sec
Sirop de glucose 60 DE
Lactose
Lait entier
Saccharose
1,3
1,3
1,2
1,2
1,2
1
1
1
1
Amidon
Sirop de glucose 40 DE
Gomme arabique
Œufs entiers
Pectine
Sirop de glucose 28 DE
Farine de blé
Jaune d’œuf
Matière grasse
0,8
0,8
0,8
0,8
0,8
0,7
0,58
0,5
0
L’incorporation de dépresseurs d’Aw ne doit pas
se faire aux dépens du goût. Ainsi, l’emploi de
sel ou de glycérol en pâtisserie est limité à de
faibles doses, permettant d’éviter des saveurs
trop salées ou trop amères.
Le tableau 1 indique pour un certain nombre
d’ingrédients, les coefficients d’équivalent saccharose.
Le coefficient de 2 pour le sorbitol, par exemple,
signifie que 1 g de matière sèche de sorbitol lie
l’eau autant que 2 g de saccharose ; le coefficient
de 9 pour le sel que 1 g de sel lie l’eau autant que
9 g de saccharose.
Un bon compromis consiste à utiliser plusieurs
dépresseurs d’Aw à faibles doses. Ceci évite d’atteindre les concentrations pour lesquelles se
manifestent les goûts désagréables.
Le formulateur va ainsi avoir à sa disposition un
outil très simple de calcul de l’Aw lui permettant
de simuler à moindre coût.
En pâtisserie, le mélange sucre + sel + glycérol +
sorbitol donne de bons résultats en général.
Le sorbitol (E 420) et le glycérol (E 422) sont
autorisés à dose QS (Quantum Satis), c’est-à-dire
qu’aucune quantité maximale n’est spécifiée.
Cet outil très simple (méthode de Grover) est
illustré par le tableau 2.
Il s’agit en fait de multiplier les quantités de
matière sèche de chaque constituant par le coefficient d’équivalent saccharose correspondant,
de faire la somme de tous les résultats obtenus et
de diviser cette somme par la quantité d’eau
contenue dans le produit. Le résultat obtenu
permet alors de lire l’Aw sur un tableau de correspondances (tableau 3).
En ce qui concerne la diminution des risques
microbiologiques, le formulateur dispose de
conservateurs tels que l’acide propionique et ses
sels (E 280 à E 283) ou l’acide sorbique et ses sels
(E200, E202 et E203). Ces additifs sont autorisés
à raison de 2 g par kg de produit fini ayant une
activité de l’eau supérieure à 0,65.
Le formulateur devra toutefois se méfier des
éventuelles interactions avec les autres constituants. Par exemple, le propionate de calcium
risque de réagir avec les poudres levantes dans
une pâte à cake.
Les exemples donnés permettent de simuler l’effet de l’incorporation de 2 % de glycérol dans la
formule sur l’Aw. Celle-ci passerait de 0,858 à
0,826.
Il est évident que cette méthode n’est qu’approximative mais elle a le mérite d’être simple et
rapide et donc de faire gagner un temps précieux
au formulateur. Les dernières phases de mise au
point devront bien entendu se référer à des
méthodes expérimentales de détermination de
l’Aw.
De la même manière, l’acide sorbique doit être
évité dans les produits nécessitant une fermentation en raison de son action inhibitrice sur les
levures.
2. LE RASSISSEMENT
Il existe de nombreux ingrédients qui sont
dépresseurs de l’Aw.
Lorsqu’un consommateur parle de la durée de
vie d’un produit, il évoque invariablement les
altérations microbiennes et le rassissement. Le
rassissement est un terme générique utilisé pour
décrire la perte de “fraîcheur” perçue par le
consommateur. La croyance populaire qui attribue cette perte de fraîcheur à un simple dessèchement a été depuis longtemps contredite. En
Leur efficacité dépend du type de produit, des
traitements et des conditions de conservation.
Cependant, le sel (NaCl) peut être considéré
comme l’agent dépresseur de l’Aw le plus efficace
devant le glycérol puis le sorbitol. De plus, il existerait des synergies entre certains dépresseurs.
47
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Tableau 2 : Exemples de calculs de l’Aw.
PATE
Matières
premières
Quantité
Teneur
en eau
Quantité
d’eau
Matière
sèche
Farine
Beurre
Œufs entiers
Sucre
Sel
100
100
100
100
1
15
16
76
0
0
15
16
76
0
0
85
84
24
100
1
Total
401
107
294
PRODUIT
Perte en eau (cuisson + ressuage) :
Soit :
Produit fini :
Quantité d’eau :
Teneur en eau :
Eq. saccharose par g d’eau :
HRE Coefficient
d’équivalent
saccharose
0,58
0
0,8
1
9
Équivalent
saccharose
Pourcentage
49,3
0
19,2
100
9
24,9
24,9
24,9
24,9
0,2
177,5
100
Équivalent
saccharose
Pourcentage
49,3
0
19,2
100
9
32
24,9
24,9
24,9
24,9
0,2
2
209,5
102
5%
20,05 g
380,95
86,95
22,8
2,0
85,8
PATE
Matières
premières
Quantité
Teneur
en eau
Quantité
d’eau
Matière
sèche
Farine
Beurre
Œufs entiers
Sucre
Sel
Glycérol
100
100
100
100
1
8
15
16
76
0
0
0
15
16
76
0
0
0
85
84
24
100
1
8
Total
409
107
302
PRODUIT
Perte en eau (cuisson + ressuage) :
Soit :
Produit fini :
Quantité d’eau :
Teneur en eau :
Eq. saccharose par g d’eau :
HRE Coefficient
d’équivalent
saccharose
0,58
0
0,8
1
9
4
5%
20,45 g
388,55
86,55
22,3
2,4
82,6
Au cours du processus de cuisson, les granules
vont gonfler puis éclater. L’intensité de ce phénomène dépend de deux facteurs :
effet, on peut avoir un rassissement sans dessèchement.
On sait aujourd’hui que l’amidon joue un rôle
important dans les phénomènes de rassissement.
– les conditions de cuisson (temps et température)
– la quantité d’eau disponible
2.1. L’amidon : rôle sur le rassissement
Par exemple, en biscuiterie sèche, on arrive rarement à l’éclatement des granules d’amidon. En
effet, l’eau en quantité limitée et le séchage rapide du biscuit conduisent à un amidon faiblement
gélatinisé.
L’amidon est le constituant majeur de la farine
(70-75 %). Il se présente sous la forme de granules. Les granules sont constituées de deux
molécules : l’amylose (chaîne linéraire de glucose) pour environ 25 % et l’amylopectine (chaîne
ramifiée de glucose) qui constitue la fraction
principale.
Les granules commencent à gonfler à des températures d’environ 50-60 °C. La cristallinité de
l’amidon disparaît alors.
48
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Tableau 3 : Correspondance des concentrations en saccharose exprimées en gramme par gramme d’eau avec l’HRE.
Es
HRE
Es
HRE
Es
HRE
Es
HRE
Es
HRE
Es
HRE
1,4
1,5
1,6
1,7
1,8
1,9
2,0
2,1
2,2
90,9
90,0
89,1
88,3
87,4
86,6
85,8
85,0
84,2
2,3
2,4
2,5
2,6
2,7
2,8
2,9
3,0
3,1
83,4
82,6
81,8
81,0
80,3
79,5
78,8
78,0
77,3
3,2
3,3
3,4
3,5
3,6
3,7
3,8
3,9
4,0
76,6
75,9
75,2
74,5
73,8
73,2
72,5
71,8
71,2
4,1
4,2
4,3
4,4
4,5
4,6
4,7
4,8
4,9
70,6
69,9
69,3
68,7
68,1
67,5
66,9
66,3
65,8
5,0
5,2
5,4
5,6
5,8
6,0
6,2
6,4
6,6
65,2
64,1
63,1
62,1
61,1
60,2
59,3
58,4
57,6
6,8
7,0
7,2
7,4
7,6
7,8
8,0
8,5
9,0
56,8
56,0
55,3
54,6
53,9
53,3
52,8
51,5
50,4
Température de début de gélatinisation (°C)
Au fur et à mesure que la température s’élève,
les granules vont éclater et une partie de l’amylose va diffuser hors des grains (figure 3).
Lors du refroidissement, il y a gélification puis
rétrogradation de l’amidon. C’est ce dernier phénomène qui est en partie responsable du rassissement.
L’amylose et l’amylopectine tendent à se réorganiser sous forme cristalline au cours de la
conservation. Cependant, cette réorganisation se
fait avec des cinétiques différentes : très rapide
dans le cas de l’amylose et beaucoup plus lente
dans le cas de l’amylopectine.
75
73
71
69
67
65
63
61
59
57
55
0
Pâte
Four
10
15
20
25
30
35
40
45
50
Concentration en saccharose (en %)
Figure 4 : Effets du saccharose sur les paramètres amylographiques (ici la température de début de gélatinisation)
d’une suspension de farine (CTUC, 1990).
Cuisson
Ainsi, des systèmes à base d’amidon cireux (ne
contenant que de l’amylopectine) vont évoluer
très lentement et faiblement.
Refroidissement
Produit rassis
5
2.2. Prévention du rassissement
par la formulation
Produit frais
Rassissement
Plusieurs types d’ingrédients sont connus pour
limiter les phénomènes de rassissement.
Nouvelle
2.2.1. Les matières sucrantes
cuisson
Amylopectine
amorphe
Amylose
amorphe
Amylopectine
cristalline
Amylose
cristalline
La figure 4 nous montre l’effet de l’addition de
saccharose sur la température de début de gélatinisation dans le cas d’une suspension de farine.
Le saccharose provoque une augmentation de la
température de gélatinisation de l’amidon. Cette
action du sucre peut être expliquée par plusieurs
hypothèses. La plus communément admise reste
la compétition entre sucre et amidon pour l’eau,
l’eau étant alors moins disponible pour la gélatinisation de l’amidon.
Figure 3 : Représentation schématique de la transformation de l’amidon.
49
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
240
200
Volume approximatif occupé par la pâte
2,000
Ce phénomène explique ainsi l’effet protecteur
du saccharose en ce qui concerne le rassissement.
80
160
En effet, l’intensité de la rétrogradation est liée à
l’intensité de la gélatinisation.
120
40
Toutefois, l’augmentation de la quantité de sucre
dans la formule dans des proportions trop
importantes risque de conduite à des défauts de
consistance de pâte et de volume des produits.
0%
1,500
En effet, la gélatinisation de l’amidon participe
activement à la structuration du produit au
cours de la cuisson et à sa tenue en sortie de four
(figure 5).
Le formulateur peut être amené, pour diverses
raisons à substituer le saccharose par d’autres
matières sucrantes.
1,000
0
10
20
30
La figure 6 montre l’effet de divers mono et disaccharides sur la température de gélatinisation
de l’amidon.
40
Le maltose a sensiblement le même effet que le
saccharose alors que le fructose a un effet bien
moindre sur la température de gélatinisation.
Figure 5 : Expansion à la cuisson de pâtes pâtissières en
fonction de la teneur en sucre, exprimée par rapport à la
farine (Mizukoshi, 1985).
Température de début de gélatinisation (°C)
84
82
80
78
76
74
50
72
20
Concentration (%)
70
Fructose
5
Glucose
Maltose
Lactose
Saccharose
Matière sucrante
Figure 6 : Effets de différents sucres sur les paramètres amylographiques (ici la température de début de gélatinisation)
d’une suspension à 7 % d’amidon (d’après Savage et Osman, 1978).
50
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Le tableau 4 indique une liste d’émulsifiants
autorisés en biscuiterie-pâtisserie.
Tableau 4 : Liste d’émulsifiants autorisés en biscuiteriepâtisserie.
N° CEE
Dose
d’emploi
Lécithine
E322
QS*
Mono- et di-glycérides
d’acides gras
E471
QS*
E472a
E472b
E472c
E472d
QS*
QS*
QS*
QS*
E472e
QS*
di-glycérides d’acides gras
E472f
QS*
Sucroesters d’acides gras
E473
10 g/kg
Sucroglycérides
E474
10 g/kg
Esters polyglycériques
d’acides gras
E475
5 g/kg
Esters de propane -1, 2-diol
d’acides gras
E477
10 g/kg
Stéaroyl-2-lactylate de sodium
E481
5 g/kg
Stéaroyl-2-lactylate de calcium
E482
5 g/kg
Émulsifiant
Esters
acétiques
lactiques
citriques
tartriques
des mono- et di-glycérides
d’acides gras
Esters mono- et di-acéthyltartrique
des mono-et di-glycérides
d’acides gras
Les émulsifiants jouent de nombreux rôles en
biscuiterie-pâtisserie : ils permettent de stabiliser
les émulsions, de réguler la viscosité des pâtes,
d’améliorer l’incorporation d’air. De plus, ils
interagissent avec les protéines et l’amidon.
C’est cette dernière propriété qui nous intéresse
ici.
Lorsqu’un émulsifiant et notamment un monoglycéride est incorporé dans une pâte, il va réagir
avec l’amidon au cours de la cuisson.
Plus précisément, le monoglycéride va former
un complexe avec l’amylose (figure 7). La molécule linéaire du monoglycéride va se placer à
l’intérieur de la molécule hélicoïdale de l’amylose. Ce phénomène va empêcher la diffusion de
l’amylose hors du granule d’amidon, et limiter
l’absorption d’eau. Ainsi, l’amidon aura moins
gélatinisé et donc rétrogradera moins. D’autre
part, lors du refroidissement, l’amylose qui aura
formé un complexe avec le monoglycéride ne
rétrogradera pas. Cela signifie que la quantité
d’amylose qui va rétrograder sera beaucoup plus
faible.
Esters mixtes acétiques et
tartriques des mono- et
Tous ces facteurs expliquent l’effet bénéfique des
émulsifiants sur la texture.
L’effet de complexation de l’amylose est différent
selon l’émulsifiant. Le tableau 5 permet de
constater qu’au sein même de la famille des
monoglycérides, l’indice de complexation peut
varier du simple au triple selon l’origine de
l’émulsifiant.
QS* (Quantum Satis) : auncune quantité maximale n’est spécifiée. Toutefois,
les additifs sont employés conformément aux bonnes pratiques de fabrication, la dose utliisée ne dépassant pas la quantité nécessaire pour obtenir l’effet désiré à condition de ne pas induire le consommateur en erreur.
La fabrication de cakes avec des sirops de glucose riches en maltose permet d’obtenir des produits dont la texture est comparable à celui du
témoin fabriqué avec du saccharose.
Il faut dissocier le rôle joué par les monoglycérides de celui joué par les triglycérides. En effet,
les triglycérides vont surtout jouer un rôle de
lubrifiant et un rôle dans la répartition de l’eau et
donc dans le niveau de transformation de l’amidon. Il y aurait un effet d’enrobage de l’amidon
de la part des triglycérides, limitant ainsi son
hydratation et donc son degré de gélatinisation.
La fabrication de cakes avec des sirops de glucose riches en fructose conduit à des produits dont
la texture est défavorable.
Ces deux exemples permettent tout simplement
de constater que le rôle technologique des matières sucrantes ne peut être dissocié de l’amidon.
Ainsi, l’optimisation des formulations peut être
réalisée en utilisant les résultats de l’amylographe.
Molécule linéaire de monoglycéride
2.2.2. Les émulsifiants
La définition officielle d’un émulsifiant indique
qu’il s’agit d’une substance qui, ajoutée à une
denrée alimentaire, permet de réaliser ou de
maintenir le mélange homogène de deux ou
plusieurs phases non miscibles telles que l’huile
et l’eau.
Molécule hélicoïdale d'amylose
Figure 7 : Complexe amylose-monoglycéride.
51
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
permet de réduire significativement la vitesse de
rassissement des produits. Alors que pour
témoin, la force de compression est multipliée
par 5, on arrive au maximum à un coefficient de
multiplication de 3 avec les agents épaississants.
Tableau 5 : Effet de complexation de l’amylose de différents monoglycérides et dérivés (données Danisco).
Type d’émulsifiant
Index de
complexation
de l’amylose
Monoglycérides distillés
1. Sur base de suif hydrogéné
(65 % de mono-stéarine,
30 % de mono palmitine)
92
2. Sur base d’huile de soja hydrogénée
(85 % de monostéarine)
87
3. Sur base de saindoux non-hydrogéné
(45 % de monooléine)
35
4. Sur base d’huile de soja non-hydrogénée
(55 % de monooléine)
28
Monoglycérides acétylés
0
Mono-diglycérides
(saturés, 50 % de monoester)
42
La formulateur devra donc rechercher des ingrédients qui, d’une part réduisent l’intensité de la
gélatinisation et de la rétrogradation de l’amidon
et qui, d’autre part, réduisent la vitesse de rétrogradation de l’amidon. L’association d’un émulsifiant et d’un agent épaississant semble être une
voie très intéressante.
3. ALTÉRATIONS DUES AUX
MIGRATIONS D’EAU
Les transferts d’eau au ours du stockage peuvent
être à l’origine d’altérations organoleptiques et
microbiologiques lorsqu’elles ne sont pas maîtrisées. Ces transferts d’eau peuvent apparaître
dans le cas de systèmes hétérogènes où deux
phases d’activité de l’eau différentes sont en
contact. C’est le cas des biscuits enrobés, des
tartes garnies, des pizzas, des génoises fourrées,
etc.
Esters d’acides organiques
de monoglycérides
1. Ester lactique de monoglycérides
22
2. Ester succinique de monoglycérides
63
3. Esters diacétyl-tartriques
de monoglycérides (DATEM)
4. Stéraoyllactylates
45-72
68
Ainsi, des migrations d’eau vont avoir pour
conséquence de faire perdre le caractère croustillant d’un biscuit ou le caractère moelleux
d’une génoise, de favoriser le développement de
micro-organismes, etc.
Ainsi, dans le cas des monoglycérides, l’effet est
lié à un phénomène de complexation de l’amylose alors que dans le cas des triglycérides, il est
lié à une modification de la répartition de l’eau.
La limitation de ce phénomène peut se faire de
différentes façons.
2.2.3. Autres ingrédients
La maîtrise de la gélatinisation et de la rétrogradation de l’amidon est un point clé pour contrôler et augmenter la durée de vie du produit en
terme de texture.
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;
× 4,8
F14/F1
Ainsi, faut-il viser les ingrédients qui permettent
de jouer sur la transformation de l’amidon en
cours de cuisson. Cela implique aussi, lorsqu’il
s’agit d’employer des ingrédients défavorables,
de modifier toute la formulation en vue d’obtenir le même état de transformation de l’amidon.
Nous avons aussi vu l’importance de l’eau pour
le maintien d’une texture favorable au cours du
stockage. Toutes les méthodes de mesures instrumentales de la texture impose d’ailleurs des
teneurs en eau de produits identiques ; sous
peine de risques de transformer son texturomètre en “humidimètre”.
Témoin
Ainsi, des ingrédients ayant des capacités de
rétention d’eau seront-ils intéressants. La figure 8
nous montre que l’emploi d’agents épaississants
;;
;;
;;
;;
× 2,8
Carraghénane
0,3 %
;;;
;;;
;;;
;;;
;;; ;;;
;;;
× 2,6
Guar
0,1 %
× 2,7
Xanthane
0,3 %
Figure 8 : Rapport force de compression après 14 jours de
conservation/force de compression après 1 jour de conservation dans le cas de cakes.
52
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
conditions de refroidissement. Le refroidissement doit en effet être assez lent pour permettre
aux biscuits d’absorber les contraintes mécaniques dues aux transferts d’eau.
Le professeur Mathlouthi, lors du 4e Colloque du
CEDUS, a présenté une solution qui consiste à
faire subir au produit fini un séchage court.
Une deuxième solution consiste à diminuer le
gradient d’Aw entre les deux phases du produit
et permettre une meilleure rétention d’eau.
L’utilisation d’agents dépresseurs de l’Aw, et
d’agents épaississants se révèle ici judicieuse.
Ces transferts d’eau peuvent être limités en
minimisant le gradient de teneur en eau au sein
du biscuit. Cela peut être obtenu par l’utilisation
de traitements radiatifs pénétrant tels que les
hautes fréquences, les micro-ondes et les infrarouges courts.
Toutefois, leur emploi ne peut être illimité sans
modifications trop importantes des caractéristiques technologiques des pâtes et des caractéristiques organoleptiques des produits finis.
En ce qui concerne la formulation, l’utilisation
d’ingrédients qui vont favoriser une meilleure
homogénéité du biscuit semblent donner de
bons résultats contre la fêle comme la lécithine
par exemple. Dans le même ordre d’idée, du
sucre avec une granulométrie trop importante
peut, dans le cas d’une mauvaise dissolution,
produire des points de fragilisation dans le biscuit.
La troisième solution consiste à placer entre les
deux phases du produit, une barrière, bien
entendu comestible, qui aura la propriété de
limiter les transferts d’eau à l’interface. Ces
films-barrières doivent, bien sûr, présenter une
faible perméabilité à la vapeur d’eau.
Ces substances peuvent être des polyosides, des
protéines, des lipides.
L’utilisation d’ingrédients permettant une
meilleure répartition d’eau, comme le sirop de
sucre inverti ou le glycérol, semblent donner des
résultats satisfaisants dans la prévention de la
fêle. Cet effet bénéfique peut se faire, malheureusement, aux dépens du caractère croustillant
des biscuits.
4. LA FÊLE DES BISCUITS
La fêle est un phénomène qui n’apparaît en
général que pendant le stockage des biscuits
emballés. Elle se manifeste par l’apparition de
petites fêlures dans le biscuit conduisant lors du
moindre choc et souvent par le simple fait de la
saisie, à la rupture du biscuit en deux ou plusieurs fragments. Lorsqu’apparaît un problème
de fêle, le phénomène peut être limité, mais il
peut aussi toucher toute une fabrication.
En ce qui concerne l’effet de la matière grasse, la
figure 9 nous montre qu’il existerait une plage de
concentrations catastrophiques.
Lorsque la quantité de matière grasse se situe
entre 5 % et 20 % par rapport à la farine, la fêle
peut atteindre de 35 % à 100 % des biscuits.
Les mécanismes semblent trouver leur explication lors de la phase de refroidissement des biscuits. En effet, en sortie de four, les biscuits présentent un gradient de teneur en eau : plus élevée au centre, plus faible à la périphérie.
100
90
80
70
Taux de fêle (en %)
Ce gradient peut être attribué à la cuisson mais
aussi à l’évolution de la répartition de l’eau lors
de la cuisson parmi les divers constituants (amidon, protéines, matières sucrantes).
Ce gradient va conduire à des transferts d’eau au
sein du biscuit qui tend à se rééquilibrer.
60
50
40
30
20
Ainsi, les zones qui reprennent de l’eau vont
subir une extension et celles qui en cèdent vont
subir une contraction. Ces mouvements provoquent des tensions que le biscuit ne pourra tolérer que s’il est suffisamment plastique.
10
0
0
7,5
15
22,5
30
37,5
Taux de shortening en % (par rapport à la farine)
Comme le suggère la description des mécanismes de la fêle, les facteurs les plus importants
seront les conditions de cuisson et surtout les
Figure 9 : Effet de différentes concentrations en shortenings sur le taux de fêle de biscuits (d’après Dunn et Bailey,
1928).
53
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
DUNN J.A. and BAILEY C.H. (1928), Factors
influencing checking in biscuits, Cereal
Chemistry, vol V, 395-430.
Ainsi, la fêle des biscuits peut avoir de multiples
causes et toutes les solutions, pour y remédier,
ne sont pas toujours prouvées.
DONNÉES CTUC non publiées.
CONCLUSION
La prévention de certains défauts de produits de
pâtisserie et biscuiterie au cours du stockage
peut être obtenue en jouant sur la formulation.
L’utilisation de dépresseurs d’Aw, d’émulsifiants
et d’agents épaississants donne de bons résultats
à condition de ne pas commettre la grossière
erreur de les incorporer tels quels dans la formule. Il faut en effet, dans de nombreux cas,
prévoir une remise à plat de la formule et la
concevoir de nouveau en reconsidérant le rôle
technologique de chacun des ingrédients
De plus, il ne faut pas dissocier de la formulation, les deux phases essentielles que sont la préparation de la pâte et la cuisson. Ces trois facteurs auxquels s’ajoutent les conditions de stockage (type d’emballage et conditions ambiantes)
sont essentiels pour assurer une durée de vie la
plus longue possible.
Enfin, tout ceci ne doit pas faire oublier les
autres types de défauts que l’on peut rencontrer
en biscuiterie et pâtisserie et qui peuvent aussi
être éliminés par une formulation appropriée.
Des défauts tels que, retombée à la cuisson,
développement insuffisant, mie hétérogène,
mauvaise répartition des fruits, présence de cheminées dans la mie, oxydation des matières
grasses,…, peuvent en effet tous, au même titre
que les défauts apparaissant au cours du stockage, être supprimés par la mise en œuvre d’une
formulation qui, loin de tout empirisme,
emploiera des méthodes scientifiques.
BIBIOGRAPHIE
POTIER S., PASCAT B. et BRUNET P. (1989),
Comparaison de trois techniques industrielles
visant à conserver une génoise durant six
mois, IAA mai 1989, 359-366.
ACTES DU 4e COLLOQUE L’ALLIANCE
7/CEDUS : L’activité de l’eau dans les produits
riches en sucre, 16 novembre 1995.
MATHIAS D. (1992). Les industries de cuisson
céréalières, in : le sucre, les sucres, les édulcorants et les glucides de charges dans les IAA.
Coord. J.L. Multon. Tec. et Doc. Lavoisier.
Paris.
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