LES COMPAGNIES AERIENNES LOW-COST EN

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LES COMPAGNIES AERIENNES LOW-COST EN
Master Services en réseaux 2007-2008
Cours de Pénard Thierry : Principes économiques des réseaux
DOSSIER 24h :
LES COMPAGNIES AERIENNES LOW-COST EN
FRANCE :
présentation du marché, des acteurs, de leurs stratégies (et
de leurs business models) et des perspectives
Frédéric Héas
I.
Synthèse
L’objet de ce dossier est d’expliquer l’émergence des compagnies aériennes low-cost sur le
marché français. Bien que concurrencées par le TGV et à moindre échelle par les compagnies
aériennes traditionnelles, le nombre des compagnies aériennes low-cost a explosé avec
l’ouverture de la déréglementation en 1997 en Europe.
Ce papier montre en quoi s’est instauré une nouvelle économie basée sur des coûts bas et
comment elle a pu rester viable sur le long terme. L’analyse de Porter montre ainsi comment
la faiblesse des barrières à l’entrée, le nombre croissant de substituts, le fort pouvoir de
négociation des prestataires et la connaissance complète par les clients des tarifs pratiqués par
les différentes compagnies aériennes entraîne une diminution des prix et une plus forte
concurrence entre les acteurs du marché.
II.
Introduction
Parmi les secteurs en réseaux, le transport aérien a su s’adapter à l’ouverture progressive à la
concurrence. La déréglementation à permis l’explosion du nombre des compagnies aériennes
low-cost en Europe. Par low-cost on entend les compagnies aériennes qui parviennent à
produire leur offre à un coût par siège-kilomètres nettement moindre que celui des
compagnies classiques. En quelques années le paysage des compagnies aériennes s’est ainsi
métamorphosé. En 1991 la compagnie Ryanair s’est inspirée de la compagnie Southwest
Airlines, créée en 1973 aux Etats-Unis. Ryanair s’est ainsi restructurée en utilisant les lignes
qu’elle exploitait jusqu’ici traditionnellement avec une réduction de ses coûts et ses prix.
C’est la déréglementation totale des transports aériens décrétée par la Commission
Européenne en 1997 qui a autorisé les transporteurs aériens à desservir n'importe quel
aéroport des pays de l'Union. Ceci mis fin au monopole des compagnies nationales sur les
liaisons intérieures en ouvrant la porte à la concurrence, ce qui a fait exploser le nombre de
compagnies aériennes low-cost sur le devant de la scène en Europe.
Nous verrons ainsi comment se présente le marché des compagnies aériennes à bas coût, avec
ses acteurs dans un premier temps, avant d’étudier leurs stratégies et business models dans un
second temps et avant de finir sur les perspectives d’évolution de ses compagnies.
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III.
Présentation du marché et des acteurs
Le marché des compagnies aériennes low-cost s’adresse à une clientèle soucieuse de
minimiser ses dépenses de transport. Son positionnement stratégique n’est pas celui de
concurrencer les compagnies traditionnelles comme on pourrait le penser car elles proposent
des tarifs allant de 30 à 60 % moins cher que ces dernières. Elles concurrencent les transports
terrestres car elles opèrent sur des trajets de courtes distances. Sur le réseau aérien, elles
dégagent cependant des revenus par siège-kilomètres élevés grâce à de forts taux de
remplissage sur des destinations à fortes demandes et pour lesquelles elles ont de fortes
fréquences de desserte. Elles obtiennent ainsi des économies de densité très importantes. La
tarification pratiquée est celle du yield management simplifiée, à savoir celle de faire payer
moins cher les premiers billets mis en vente et d’augmenter les prix plus on se rapproche de la
date du vol proposé.
Aujourd'hui, à côté des incontournables Ryanair et EasyJet, les compagnies à bas prix se
multiplient en France et élargissent leur offre de manière exponentielle. Même les compagnies
dites traditionnelles ont dû réagir en créant à leur tour une filiale low cost : Bmibaby chez la
britannique BMI ou Germanwings chez l'Allemande Lufthansa. Du côté des Français, le
succès est rarement au rendez-vous : Aeris Express, Air Lib et, plus récemment, Air
Turquoise ne sont pas parvenues à briser la domination sans partage d’Air France.
Avant de continuer sur les formes d’organisation des réseaux des transporteurs aériens,
étudions l’approche de Curien correspondant aux trois sous-réseaux des transports aériens.
Approche morphologique des réseaux en trois couches : réseau de transport aérien
Services = transport + services annexes (hôtellerie, location de voiture,
réservation par Internet)
Infostructure = gestion des itinéraires et des escales
Infrastructure = flottes aériennes low-cost
C’est à ces réseaux d’exploitation qu’il est fait référence à propos de la déréglementation du
transport aérien. Ce sont ces mêmes réseaux qui connaissent une recomposition selon la
structure des « hubs and spokes », dans laquelle les dessertes régionales s’organisent
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radicalement autour d’un petit nombre d’aéroports plaques tournantes, reliés entre eux par des
lignes longues distances.
Réseau de communication two-way
On observe deux formes d’organisation des réseaux des transporteurs aériens :
-
le premier consiste en des liaisons directes entre les aéroports, dites « point à point ».
Les villes du réseau sont chacune directement reliées à un certain nombre d’autres
villes, de manière à avoir un ensemble de lignes directes. C’est ce qu’utilisent les
compagnies low-cost, ne prenant pas en compte généralement, les correspondances.
Elles réalisent alors des économies sur les coûts de revient.
-
Le second, dit réseau en « hubs and spokes » (« moyeu et rayons », en français),
s’organise autour d’un aéroport pivot, un hub. Les autres villes du réseau sont toutes
reliées à celui-ci, imposant une correspondance aux passagers qui veulent voyager
d’une ville à l’autre. Un hub est un moyen de désenclavement pour les villes de
province dont les flux de passagers intercontinentaux sont faibles pour chaque
destination et ne justifieraient pas l'exploitation de vols directs.
Qu’en est-il de la stratégie et du business model des compagnies low-cost ?
IV.
Stratégies et business models des acteurs
Le marché des low-cost en France et en Europe est dominé par Ryanair et EasyJet qui suivent
des stratégies différentes bien que ce soient des compagnies low-cost toutes les deux. Il
apparaît en effet que EasyJet soit plus cher de 5 € par vol en moyenne que Ryanair mais qu’en
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contre partie elle desserve des aéroports plus proches des villes et qui sont mieux desservis au
niveau des infrastructures d’accès. Le confort est supérieur lui aussi pour EasyJet. Malgré ces
différences, elles gardent une certaine homogénéité concernant la politique tarifaire, celle des
bas coûts.
On peut ainsi faire un diagnostic concurrentiel à la Porter en prenant en compte les différents
acteurs du marché et les pressions qu’ils exercent sur le secteur.
On a des barrières à l’entrée faibles car il est simple de pénétrer le marché avec une puissance
financière suffisante, ce qui entraîne une forte concurrence entre les compagnies. Les produits
de substitution comme le TGV ou la route remplissent les mêmes fonctions pour un rapport
qualité-prix avantageux. On a un fort pouvoir de négociation des prestataires (aéroports et
fournisseurs). Les clients disposent d’une connaissance parfaite du marché, ce qui entraîne
une diminution des prix.
Il y a une stratégie de domination par les coûts des compagnies low-cost afin d’offrir à leurs
passagers des prix toujours plus compétitifs par rapport à ceux que pratiquent les compagnies
traditionnelles. Ces économies au niveau des coûts s’opèrent dans différents domaines.
En ce qui concerne le business model des compagnies low-cost, on peut noter qu’elles
desservent des aéroports secondaires afin d’économiser sur les taxes aériennes. Cela leur
permet aussi d’avoir des retards moins fréquents du fait de la non congestion de ce type
d’aéroport ce qui limite le nombre de passagers mécontents.
Pour éviter les frais d'émission, de distribution et de contrôle, les compagnies se contentent
d'attribuer un numéro de confirmation lors de la commande par téléphone ou sur le site
Internet, que le passager doit préciser lors de l'enregistrement.
Il n'existe qu'une seule classe, les services à bord sont réduits au minimum et sont
généralement proposés en option.
Il n’y a pas de plateau-repas ni de collation offerte, il faut prévoir son casse-croûte ou bien
l'acheter dans l'avion.
Les sièges ne sont pas non plus attribués à l'avance, les passagers se débrouillent une fois à
bord.
La flotte des compagnies est uniformisée et récente, ce qui évite notamment de former
différents équipages en fonction de l'appareil et limite la maintenance de la flotte et les frais
de carburant. La plupart des avions sont des Boeing 737.
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L’équipage est jeune et motivé par les salaires plus élevés que dans les compagnies
traditionnelles. La sous-traitance et le télétravail permettent une structure plus simplifiée, ce
qui permet de faire des économies de masse salariale.
Les courtes distances de trajet proposées permettent des fréquences de rotation plus élevées et
l’utilisation globale de la flotte et cela allège la gestion des vols.
Comme on l’a vu au point précédent les liaisons entre aéroports correspondent à des liaisons
point à point pour les compagnies aériennes low-cost ce qui leur permet de ne pas être
congestionnées comme dans les hubs et de pas entraîner de retards dans les rotation d’avions
du fait des faibles créneaux horaires.
On peut illustrer notre propos par certains aspects de l’exploitation des ressources et
compétences du secteur aérien.
Exploitation des ressources et compétences du secteur aérien
Ressources et
compétences
V.
Offre de produits et services
Traditionnelle dans
Originale dans le
le secteur
secteur = low-cost
Au cœur du métier
Transporter des
Transporter des
voyageurs entre
voyageurs entre
grandes villes
aéroports éloignés
des grands centres
urbains
Emergentes
Offrir une
Utiliser les avions
restauration et des
comme support
produits duty free à
publicitaire
bord
Perspectives du marché
EasyJet semble vouloir se démarquer du modèle de Ryanair. Elle envisage de s'implanter sur
Orly au lieu de Beauvais pour une ligne Paris-Londres. Ensuite, elle souhaite séduire la
clientèle affaire avec des prix plus avantageux que les majors mais pas autant que ceux d'une
entreprise low-cost telle que Ryanair. Elle souhaite poursuivre sa croissance avec le rachat de
Go et une option d'achat sur Deutsche BA basée à Munich (compagnie traditionnelle). EasyJet
semble alors prendre les devants et tente de se tourner vers le marché du middle cost. Ce
nouveau marché, certes encore vierge de toute concurrence, semble attractif mais répond à des
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problématiques nouvelles. EasyJet devra mettre en avant son modèle car il ne s'agit plus de
suivre un modèle déjà testé.
Par ailleurs, l’attraction des destinations des compagnies low-cost va tendre à diminuer
progressivement et le nombre de nouveaux créneaux intéressants pour celles-ci se restreint.
D’un autre côté, des risques de pression à la baisse ne sont pas à exclure, si la création de
nouvelles compagnies low-cost entraînait une surcapacité de l’offre. On devrait assister à un
certains nombre de regroupement.
De plus en France, le TGV concurrence de plus en plus les compagnies low-cost avec les
dernières lignes Paris-Strasbourg et prochainement Lyon-Turin.
L’arrivée des pays de l’Est en Europe entraîne elle aussi une concurrence grandissante venant
de ces pays, et les principales compagnies low-cost hésitent encore à continuer leurs
implantations vers ces pays.
Compte tenu de ces éléments, une concurrence accrue entre les deux acteurs majeurs EasyJet
et Ryanair est à prévoir sur les destinations principales sur lesquelles elles sont déjà engagés,
elles vont ainsi entrer en concurrence frontales sur plusieurs destinations, notamment en
Espagne.
Sans oublier qu’une trop grande surcapacité de leur flotte entraîne la baisse inéluctable des
prix des trajets.
VI.
Conclusion
Les compagnies low-cost ont réussi à tirer leur épingle du jeu en profitant du nouveau créneau
ouvert par la déréglementation totale des transports aériens en Europe. Deux compagnies
principales (Ryanair et EasyJet) ont ainsi pris de fortes parts de marché sur ce créneau en
évitant le choc frontal avec les compagnies traditionnelles, qui se trouvaient sur un marché
plus mature. De nouvelles destinations ce sont ainsi développées et se sont mis en place des
plates-formes secondaires moins congestionnées permettant des rotations plus élevées à coûts
plus faibles.
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Mais la concurrence farouche entre ces compagnies low-cost a entraîné de nombreuses
faillites et rachats par d’autres compagnies. Ce qui n’a pas découragé de nombreuses
compagnies des pays de l’Est à faire leur trou et à se développer. Des tensions entre ces
différentes compagnies et les compagnies traditionnelles, qui ont créé des filiales low-cost,
provoquent une forte concurrence, et aussi avec des substituts comme le TGV.
Les compagnies low-cost devront aussi s’adapter à la saturation des destinations sur leur
marché et à la maturité grandissante des consommateurs.
On arrive ainsi à une surcapacité du marché et à des problèmes de croissance future.
Comment devront s’orienter les compagnies low-cost pour éviter les faillites et continuer à
survivre ?
VII.
Bibliographie / webographie
CURIEN N., (1999) : Economie des Réseaux, Collection Repères, Editions La Découverte.
LECOQ X., DEMIL B., WARNIER V., (2006) : Le business model, un outil d’analyse
stratégique, in L’Expansion Management Review.
www.linternaute.com/voyager/vol_degriffe/index.shtml
http://lfonsek.free.fr/index.htm
http://www.memoireonline.com/03/06/118/m_concurrence-economique-transportaerien17.html
http://www.routard.com/guide_dossier/id_dp/33/low_cost.htm
http://costkiller.net/couts/air-et-fer-couts.pdf
http://www.afitl.com/CST/precedents-numeros/N47/Dobru47.pdf
http://www.statistiques.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/NS149-33-38_cle6a24b7.pdf
8
http://www.transponts.com/dossiers/Hubs_and_spokes.pdf
http://www.annales.org/gc/2004/gc75/liberal64-80.pdf
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