Éléments d`analyse

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Éléments d`analyse
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O
R
■ Éléments
NOTIONS
EN
R
I
G
É
CORRIGÉ
C
d’analyse
JEU
Le langage ; la société.
THÈSE
ADVERSE
Contrairement au langage animal, dans lequel chaque signe renvoie à
une expérience individuelle, le langage humain permet de généraliser,
de classer des objets particuliers dans des genres.
PROCÉDÉS
D’ARGUMENTATION
L’argumentation de Bergson repose ici sur l’opposition et la comparaison du langage animal au langage humain.
DÉCOUPAGE
DU
TEXTE
ET
IDÉES
PRINCIPALES
m Dans la première partie du texte (du début jusqu’à « une infinité de
choses »), Bergson affirme que les signes dont est composé le langage
humain peuvent s’étendre à une infinité de choses, à la différence de
ceux qui constituent le langage animal.
m Dans la seconde partie (depuis « Cette tendance du signe » jusqu’à la
fin), il distingue cette « tendance » du signe intelligent du pouvoir de
généraliser, commun au langage humain et au langage animal.
REMARQUES
ET
DIFFICULTÉS
m Il s’agit d’un texte difficile car il remet en cause des présupposés
philosophiques : la généralisation, qui est l’œuvre de la conscience ou
de la faculté de représentation, n’est pas le propre du langage humain.
Comme telle, elle ne se confond pas avec la faculté de « se transporter
d’un objet à un autre » – ce qu’il conviendra de comprendre grâce au
choix d’exemples précis, correspondant à chacun de ces deux cas.
m La phrase « N’importe quoi peut désigner n’importe quoi », prise isolément, laisse entendre que le langage humain nous incite à formuler
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des discours insignifiants. Or en réalité ce n’est pas ce que veut dire
Bergson ; il ne s’agit pas là d’une critique du langage mais de l’énonciation d’un signe distinctif : le caractère arbitraire du langage humain
est ce qui le rend supérieur à celui des animaux.
m Le lien qu’établit l’auteur entre le langage et l’action ne devra pas être
éludé : le langage aurait-il une finalité pratique ?
m Enfin, ce texte est particulièrement intéressant car ce que l’on sait en
général de Bergson en classe de terminale, c’est que le langage, selon
lui, échoue à restituer nos sentiments, émotions ou idées singulières –
ce dont il n’est pas du tout question ici. Il faudra donc, comme souvent,
porter un regard neuf sur le texte, sans « a priori » philosophiques tirés
du cours.
THÈME,
QUESTION,
THÈSE
m Thème : Langage humain et langage animal.
m Question : Qu’est-ce qui caractérise le langage humain ?
m Thèse : Le langage humain est constitué de signes mobiles.
PLAN
Introduction
Étude ordonnée
1 Le langage humain se distingue du langage animal
A - Dans le langage animal, le signe est adhérent à la chose signifiée
B - Les signes du langage humain sont extensibles à une infinité de
choses
2 « Le signe instinctif est un signe adhérent, le signe intelligent est un
signe mobile »
A - Le signe intelligent est un signe mobile
B - La mobilité du signe intelligent ne doit pas être confondue avec son
caractère générique
Intérêt philosophique du texte
3 Le mot libère l’intelligence
Conclusion
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■ Corrigé
Introduction1
On admettra volontiers que le langage dont se sert l’animal a une finalité
exclusivement pratique : accomplir ce qui est utile à la conservation de
l’espèce. Voilà pourquoi on a coutume de faire, par contraste, de la tendance à généraliser, à conceptualiser, la caractéristique essentielle du
langage humain.
Or dans le texte qui nous est proposé, Bergson critique implicitement
cette idée. Le langage de l’homme répond lui aussi à une fonction
concrète, à un but utilitaire – à cette différence près qu’il doit permettre
à l’intelligence d’accomplir des actions nouvelles, de transformer la
matière de manière inventive, de fabriquer des outils. Voilà pourquoi le
« signe intelligent » est, contrairement au « signe instinctif » (celui du
langage animal), un signe « mobile » et non pas fixe, « adhérent » : il nous
« transporte d’un objet à un autre », n’est pas déterminé une fois pour
toutes à désigner une classe d’objets, change de sens avec les circonstances et l’apparition de nouveaux besoins.
En quoi consiste exactement cette différence faite par Bergson entre la
mobilité supposée du signe intelligent et son pouvoir de généralisation ?
Le langage n’est-il lui-même qu’un simple outil au service de l’intelligence ?
CORRIGÉ
(corrigé complet)
1. Le langage humain se distingue du langage animal
A. Dans le langage animal, le signe est adhérent à la chose signifiée
Dans la première partie du texte (du début jusqu’à « une infinité de
choses »), Bergson affirme que les signes utilisés par l’homme peuvent
s’étendre à une infinité de choses. Pour le montrer, il commence par
définir négativement le langage humain, le désigner par ce qu’il n’est
pas – à savoir un langage constitué de signes « adhérents », comme celui
des animaux.
Expliquons tout d’abord ce point.
Dans la première phrase du texte, Bergson cite le cas des fourmis afin
d’illustrer la définition qu’il proposera du langage animal : les signes du
langage des fourmis « doivent être en nombre bien déterminé, et chacun
1. Les titres en gras servent à guider la lecture et ne doivent pas figurer sur la copie.
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d’eux rester invariablement attaché, une fois l’espèce constituée, à un
certain objet ou à une certaine opération ». Le mouvement qu’une fourmi
mime avec son corps sert à indiquer une source de nourriture ou une
action à réaliser, telle que la fuite d’un danger ou la quête d’un endroit
où établir la fourmilière ; certains mouvements que les fourmis accomplissent dans l’espace sont bien en ce sens des « signes » ayant pour
fonction de désigner un « objet » ou d’enjoindre les autres fourmis à
réaliser une action. Or ces actions et ces objets étant déterminés une
fois pour toutes par l’instinct, c’est-à-dire commandés par la seule
nécessité de se nourrir, de se reproduire et de se préserver des dangers,
les signes qui y correspondent seront toujours les mêmes, ils y seront
« invariablement attaché(s), une fois l’espèce constituée ». Voilà pourquoi
ces signes existent eux-mêmes en nombre déterminé.
De cette première remarque, Bergson tire alors la conséquence suivante :
« Le signe est adhérent à la chose signifiée. » En d’autres termes, le signe
du langage animal renvoie à un type d’expérience ou d’objet auquel il
est étroitement lié, dont il est l’inamovible substitut.
Pour cette raison, le langage animal est inné dans l’espèce, il réapparaît
sous la même forme à chaque génération car il répond à une fonction
unique et invariable : chaque fourmi peut en user dès la naissance sans
être dans la nécessité de l’apprendre.
B. Les signes du langage humain sont extensibles à une infinité de
choses
La phrase suivante indique une opposition : « au contraire », il en va tout
autrement du langage humain. Dans « une société humaine » en effet,
« la fabrication et l’action sont de forme variable, et, de plus, chaque
individu doit apprendre son rôle, n’y étant pas prédestiné par sa
structure ». Contrairement aux fourmilières qui sont les mêmes aujourd’hui que ce qu’elles étaient il y a deux mille ans, c’est parce que les
sociétés humaines évoluent, parce qu’elles ont une histoire, que la
fabrication et l’action y sont de forme variable : de fait, les modes de
production auxquels renvoie la « fabrication » changent, comme l’atteste
le cas de l’industrialisation en Europe par exemple ; l’action politique et
individuelle se transforme également au gré des bouleversements survenant dans les mentalités et les institutions.
Bergson ajoute (« et, de plus ») que, contrairement à l’animal, à la fourmi
par exemple dont le corps, la « structure », la détermine dès la naissance ou la prédestine à une tâche d’ouvrière ou de dirigeante, chaque
individu humain n’est pas désigné par la nature à accomplir un travail
plutôt qu’un autre : son « rôle » social dépendra au contraire du milieu
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LA POLITIQUE
social dans lequel il vit, de sa culture, de la prise en considération de
ses désirs ou de l’usage qu’il fera de sa liberté. Bref, il « apprend » son
rôle, il l’acquiert sous l’effet de l’expérience et de la réflexion, il ne le
reçoit pas de la nature, ce pour quoi il lui est également loisible d’en
changer.
Or cette troisième phrase du texte est en quelque sorte la prémisse
de ce qui va suivre : « Il faut donc un langage qui permette, à tout
instant, de passer de ce qu’on sait à ce qu’on ignore. » Et Bergson
précise aussitôt ce qu’il entend par là : « Il faut un langage dont les
signes – qui ne peuvent pas être en nombre infini – soient extensibles
à une infinité de choses. »
Dans ce passage, l’idée générale est la suivante : le langage dépend de
la nature de la société, ce qu’a montré le cas des sociétés animales. Or,
comme les sociétés humaines évoluent et se constituent à partir de l’apprentissage que chacun y fait de son rôle, le langage dont usent les
hommes doit y être adapté : en l’occurrence, il doit permettre à chacun
de passer de ce qu’il connaît déjà à ce qu’il lui faut apprendre à connaître
et à réaliser, à faire et à fabriquer. C’est ce qu’atteste par exemple la
création de nouveaux termes à l’occasion de l’apparition de techniques
nouvelles. Le langage se présente donc ici comme un outil qui rend
l’homme adaptable à des situations inédites. Y a-t-il alors création infinie
de termes nouveaux ?
Non, car les signes qui composent le langage humain, sans être une
fois pour toutes « en nombre bien déterminé » comme ceux du langage
animal, ne sont pas pour autant « en nombre infini » : il n’y a pas, en
d’autres termes, un mot pour chaque concept ou idée évidemment, ce
qui rendrait le langage humain impossible à acquérir, mais les signes,
en nombre limité, sont « extensibles à une infinité de choses » – ce que
la suite du texte va expliquer.
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2. « Le signe instinctif est un signe adhérent,
le signe intelligent est un signe mobile »
A. Le signe intelligent est un signe mobile
C’est parce qu’il est arbitraire et conventionnel, et non pas inné dans
l’espèce, donc fixe, que le signe du langage humain est « extensible » :
loin d’être destiné à désigner une unique catégorie d’objets en effet,
il peut être affecté indifféremment à une idée ou à une autre, comme
le montre le cas des « faux amis » qui évoquent, dans des langues
distinctes, un même mot renvoyant à des concepts différents. Mais
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encore et surtout, pour une langue donnée, un signe unique peut
s’appliquer à plusieurs catégories d’objets à la fois : c’est en particulier le cas des synonymes ; ainsi le terme « lâche » désigne-t-il, selon
le contexte, un lien desserré ou un défaut de courage. C’est encore
ce que montre, historiquement, la mutation du sens des termes, leur
extension à d’autres catégories d’objets que celles qu’ils servaient à
désigner initialement.
Or c’est dans cette extensibilité ou « tendance du signe à se transporter
d’un objet à un autre », à changer de référent selon l’énoncé et partant
de signification, que Bergson fait résider « la caractéristique du langage
humain » : c’est ce qu’il illustre en développant le cas de l’enfant chez
qui cette tendance se manifeste « du jour où il commence à parler »,
dès qu’il use d’un langage par conséquent. « Tout de suite, et naturellement, il étend le sens des mots qu’il apprend, profitant du rapprochement le plus accidentel ou de la plus lointaine analogie pour
détacher et transporter ailleurs le signe qu’on avait attaché devant lui
à un objet. »
La tendance à transporter un signe d’un objet à un autre est inscrite
dans la nature du langage humain, cette tendance semble même innée
(« naturellement », l’enfant étend le sens des mots) comme l’est chez
l’homme, d’après Bergson, l’intelligence qu’elle suppose.
Par ailleurs, cette tendance se manifeste à l’occasion du « rapprochement
le plus accidentel » : ainsi arrivera-t-il par exemple qu’un enfant appelle
« chien » tout animal marchant à quatre pattes, non à la suite d’un choix
réfléchi mais parce qu’accidentellement, c’est-à-dire par hasard, un chien
aura été désigné devant lui en premier – le terme aura été « attaché »
à ce premier « objet ». L’expression « la plus lointaine analogie » évoque
la même idée, de manière plus précise, l’analogie désignant un « rapprochement » d’un type particulier, c’est-à-dire un rapprochement établi
entre deux rapports : le rapport de protection qu’une mère a avec sa
fille pourra par exemple porter celle-ci à se qualifier elle-même de « mère »
à l’égard de tout objet ou être vivant tombant sous sa protection, tels
qu’un chiot, une peluche ou une fourmi sauvée de la noyade. Du même
coup, on comprend pourquoi le principe « latent », c’est-à-dire sousjacent ou implicite, du langage enfantin, c’est que « n’importe quoi peut
désigner n’importe quoi ».
Or c’est moins le signe d’un défaut de rigueur ou d’intelligence que
celui d’une capacité à associer des termes à des objets nouveaux, d’une
tendance à innerver un mot d’une signification nouvelle en vertu d’un
rapport que l’enfant est seul à établir – bref à inventer et à créer du
sens.
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Cette « tendance du signe à se transporter d’un objet à un autre »
doit-elle être assimilée à la faculté de généraliser ? Dans Éléments de
linguistique générale, André Martinet distingue, parmi les signes du
langage humain, deux sortes d’unités linguistiques, lesquelles constituent la double articulation du langage : les « phonèmes », d’une part,
ont une forme et sont dépourvus de sens par eux-mêmes ; ce sont des
syllabes ou des éléments de syllabes. D’autre part, les « monèmes »
ont à la fois une forme et un sens. Parmi eux les mots renvoient le
plus souvent à des concepts : ainsi le mot « chien » ne désigne-t-il pas
tel chien particulier à poils ras et à longues oreilles par exemple, mais
l’idée de chien, laquelle comprend les caractéristiques essentielles de
l’espèce chien.
Or si l’on « a tort de confondre » la tendance à étendre le sens des mots
avec cette faculté de généraliser, que donne nécessairement le langage,
c’est que cette dernière n’est pas propre au langage humain d’après
Bergson : « Les animaux eux-mêmes généralisent, et d’ailleurs un signe,
fût-il instinctif, représente toujours, plus ou moins, un genre. » Même si
un signe du langage animal est indécomposable et, corrélativement,
impossible à combiner avec d’autres signes contrairement au signe du
langage humain, même s’il renvoie à une expérience et à une seule
commandée par l’instinct – ce pour quoi il est un signe d’un genre
particulier que l’on nomme encore « signal » –, le signe instinctif a nécessairement une signification générique, il est le substitut d’un « genre »,
c’est-à-dire d’une représentation générale, non celui d’une opération ou
d’un objet particuliers. Ainsi un nouveau danger sera-t-il repéré comme
danger grâce au signe qui renvoie à toutes les sortes de danger existant,
à l’idée générale de danger – sans quoi les signes du langage animal
devraient exister en nombre infini, ce qui est impossible.
CORRIGÉ
B. La mobilité du signe intelligent ne doit pas être confondue avec son
caractère générique
3. Le mot libère l’intelligence
Voilà pourquoi « ce qui caractérise les signes du langage humain, ce
n’est pas tant leur généralité que leur mobilité » : ce n’est pas tant leur
caractère abstrait par conséquent que leur pouvoir de signifier plusieurs
genres à la fois, de changer de signification selon le contexte de la communication et l’inspiration du locuteur. De là découle le fait que « le
signe instinctif est un signe adhérent » au genre de choses qu’il signifie,
tandis que « le signe intelligent est un signe mobile ». Or cette phrase
est à la fois la thèse et l’enjeu du texte.
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Tout d’abord en effet elle implique que la différence de nature existant
entre l’instinct et l’intelligence ne se situe pas, comme on pourrait le
penser a priori, au niveau de la généralisation : au fond, le fait de
découper dans la réalité des classes d’objets, des « genres », est une
opération instinctive. Celle-ci suppose, en amont, une forme de
conscience, une capacité de représentation – celle de ranger des représentations singulières sous des représentations générales. Si cette
capacité est commune à l’homme et à l’animal, contrairement à ce que
pensait Descartes, c’est donc qu’elle existe à des degrés divers chez
chacun d’eux. Par conséquent, ce n’est pas de la conscience que dépend
l’intelligence, opposée ici à l’instinct.
Ensuite, il est légitime de se demander, à partir de cette dernière phrase
du texte, si le langage n’est pas le simple outil de l’intelligence, ou
l’occasion qui lui est donnée de se manifester au sein de la société. La
question semble d’autant plus évidente que l’auteur présente ici l’intelligence comme une qualité quasiment innée, à travers l’exemple de
l’enfant qui est spontanément capable en effet d’étendre le sens des mots.
Or en réalité, il semblerait que le mot, loin d’être un simple instrument
mis au service d’une faculté déjà constituée, incite l’intelligence, sans lui
asservie à des tâches utilitaires (organiser la réalité, fabriquer et agir), à
une activité plus désintéressée ; il semblerait qu’en se transportant d’une
classe d’objet à une autre, il en fasse une faculté créatrice d’idées, capable
de s’apercevoir elle-même dans son propre pouvoir d’invention – bref
capable de réflexion. C’est en ce sens que Bergson, dans L’Évolution
créatrice, affirme que le mot libère l’intelligence. « Il pourra donc s’étendre,
non seulement d’une chose perçue à une autre chose perçue, mais encore
de la chose perçue au souvenir de cette chose, du souvenir précis à une
image plus fuyante. » Et plus loin, il ajoute : « Ainsi va s’ouvrir aux yeux
de l’intelligence, qui regardait dehors, tout un monde intérieur, le spectacle de ses propres opérations. »
Enfin, il est étonnant de trouver ici une description positive du langage,
un éloge du pouvoir d’inventivité qu’il révèle, alors que dans d’autres
textes, plus connus, Bergson en critique le caractère général, inadapté
à la singularité de l’expérience vécue. La critique est alors la suivante :
le langage fige et matérialise la pensée ; le mot, en donnant à nos sensations toujours originales une signification commune, les dénature.
Deux types de langage doivent donc être distingués : l’un, fonctionnel,
qui sert essentiellement à l’action et à la communication, et dont Bergson
fait par ailleurs la critique ; l’autre, inventif et désintéressé, celui que
le langage enfantin préfigure – tel est le cas du langage poétique en
particulier dont les signes sont combinés librement.
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Comme le langage de l’animal, celui de l’homme est essentiellement
ordonné à l’action. Cependant, l’action humaine étant évolutive et supposant l’apprentissage, le langage qui sert à la communiquer est flexible
et non pas inné dans l’espèce – ce pour quoi il est institué, c’est-à-dire
composé de signes conventionnels, et pour cette raison arbitraires. Le
caractère arbitraire de ces signes se révèle en particulier dans leur
capacité à désigner plusieurs catégories d’objets à la fois, selon des
rapports établis objectivement dans une langue donnée mais aussi,
subjectivement, au fil des associations faites par chacun. La capacité
immédiate de l’enfant à étendre le sens des mots témoigne du fait que
ce pouvoir d’inventivité est caractéristique du langage humain – ce pour
quoi Bergson nous dit ici que le signe intelligent est, contrairement au
signe instinctif, un signe mobile.
CORRIGÉ
Conclusion
■ Ouvertures
LECTURES
– Henri Bergson, L’Évolution créatrice, PUF, coll. « Quadrige ».
– André Martinet, Éléments de linguistique générale 1967, Armand
Colin, coll. « U2 ».
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