Interview – Bruno Hamard (Orchestre de Paris) - Societaires

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Interview – Bruno Hamard (Orchestre de Paris) - Societaires
Interview – Bruno Hamard (Orchestre de Paris)
Pouvez-vous nous présenter l’Orchestre de Paris ? Sa mission essentiellement
C’est le plus vieil orchestre français puisqu’il est l’héritier de la Société des concerts du
conservatoire ; il a pris le nom d’Orchestre de Paris en 1967. Il est composé de 119
musiciens et donne un peu plus d’une centaine de concerts par an en France et dans le
monde entier : 50 concerts à Pleyel, 25 concerts pour le jeune public, scolaires ou familles, à
Pleyel et à la Cité de la Musique et 25 concerts à l’étranger. La mission de l’orchestre, c’est
de faire entendre au plus grand nombre le répertoire symphonique de la meilleure manière
possible avec un très large répertoire. Paavo Järvi, notre directeur musical, dirige à peu près
un tiers des concerts de l’année, pour les deux autres tiers, nous invitons des chefs et des
solistes choisis parmi les plus prestigieux ou parmi les meilleurs
On essaie de rendre ces concerts accessibles au plus grand nombre avec des actions
tarifaires. Grâce à l’aide depuis maintenant six ans de la Caisse d’Epargne Ile-de-France,
nous proposons des tarifs jeunes très accessibles. C’est un enjeu difficile lorsque l’on met,
pour chaque concert, une centaine d’artistes sur le plateau ! (…)
En plus d’essayer de maintenir des tarifs bas, on a beaucoup développé depuis quelques
années les captations de concerts, qu’il s’agisse de captations radiophoniques ou de
captations audiovisuelles pour que le plus grand nombre puisse entendre jouer les
musiciens. Notre politique pour le moment consiste à mettre à la disposition du public
gratuitement tous ces enregistrements par le biais de la radio avec notre principal
partenaire qui est Radio Classique mais aussi Radio France qui enregistre un certain nombre
de nos concerts. A la télévision, Mezzo est également un partenaire fidèle ainsi qu’Arte et
Arte Live Web puisqu’on a choisi d’être présent sur Internet ce qui permet à la fois à ceux
qui ne peuvent pas assister au concert Salle Pleyel de pouvoir écouter et d’assister aux
concerts qu’ils n’ont pas vu physiquement et à ceux qui sont venus l’entendre de réécouter
intégralement ou par morceaux ce qu’ils ont aimé. (…)
Comment se fait l’ouverture vers les jeunes ?
On a un quota de tarifs pour les jeunes pour chaque concert et aussi on construit des
concerts spécifiquement pour eux. Toutes nos répétitions générales sont ouvertes à des
scolaires, on accueille entre trois et quatre classes tous les mercredis matin pour les 30
programmes de la saison au concert. Ils ont préparé les œuvres avec leur professeur ou des
musiciens sont intervenus dans leurs classes ou on leur envoie un dossier pédagogique ; ils
arrivent en sachant ce qu’ils vont entendre. Selon ce qu’a décidé le professeur, ils écoutent
seulement la symphonie ou seulement le concerto ou l’intégralité du programme. Par
ailleurs, presque chaque semaine on fait un concert construit pour les enfants à partir du
programme de la semaine où on va reprendre le mouvement d’une symphonie ou un
concerto, c’est extrêmement varié parce que quand vous avez des pièces narratives du type
Peer Gynt ou l’Enfant du Violoneux, c’est l’histoire que l’on va raconter ; sinon, quand ce ne
sont pas des pièces narratives, on essaie en fonction des âges des enfants, de construire un
argumentaire pédagogique qui leur permette une approche de l’œuvre, de comprendre son
histoire ou sa structure. On essaie de garder un coté plaisant, pas trop compliqué et on
gradue la difficulté et l’approfondissement en fonction de l’âge du public. Et enfin, on
construit chaque année des concerts spécialement pour le jeune public, pas un morceau du
programme de la semaine, mais un concert entièrement conçu pour les enfants, là aussi en
fonction de la tranche d’âge - on vient d’achever une série de 12 concerts à la salle Pleyel et
à la Cité de la Musique - on a fait beaucoup de thématiques, du fantastique, un voyage
autour du monde, une histoire de sorcière… etc. (…)
On a également beaucoup de partenariats avec des établissements scolaires Parisiens et
également dans des zones qui sont un peu plus difficiles où les enfants, compte tenu du
contexte social ou familial, ont assez peu de chance de croiser cette discipline, mais on
essaie de faire en sorte qu’ils aient l’occasion de la croiser. On fait valoir tout ce qu’il peut y
avoir de plaisant, d’intéressant. La musique symphonique pour les enfants a une vertu
pédagogique qui est particulière quand on les initie à la pratique instrumentale par exemple.
(…)
Le soutien des actions au jeune public, vous pouvez nous en dire plus ?
Ce que je tiens à dire sur ce partenariat, c’est qu’il s’inscrit dans la durée, et cela est très
important pour nous car, en tant que formation symphonique, on a un rythme de travail où
la programmation se fait très en avance et puis dès l’instant où l’on veut faire des activités
pédagogiques on ne peut pas fonctionner sur des coûts. La Caisse d’Epargne Ile-de-France
est là chaque année, c’est elle qui nous a permis de construire petit à petit et de faire
évoluer le contenu du programme et de l’améliorer, de l’affiner d’année en année pour être
au plus près de ce que sont les attentes des enseignants, pour être le plus efficace possible
dans nos missions, et ça c’est très précieux et indispensable. (…) On a une liberté qui n’est
permise que parce que c’est sur la durée surtout quand on a une activité qui a une
dimension patrimoniale importante, donc qui va avec une conception du temps qui n’est pas
du tout immédiate même si le plaisir peut être immédiat avec la musique ;
on est quand même au service d’un répertoire qui s’étale sur plusieurs siècles avec l’idée de
le perpétuer de manière durable. (…)
Il y a quand même une image de la musique comme quelque chose d’inabordable ?
Je n’en suis pas certain. Tout le travail qu’on fait pour les jeunes (cette année on aura
accueilli près de 40 000 jeunes aux activités de l’orchestre) essaie d’aller à l’encontre. On
sait bien que ceux qui fréquentent les musées sont pour l’essentiel des gens qui ont été dans
leur enfance initiés par leur famille et ça quel que soit leur milieu social, ce n’est pas une
question de revenus, c’est une question d’initiation qui peut venir des milieux les plus
modestes. Nous essayons modestement de contribuer à cette initiation. (…)
Une de nos responsabilités est de pouvoir développer, notamment sur le web, l’exploitation
des programmes présentés à la salle Pleyel et, en termes de spectacle vivant, d’avoir le
temps nécessaire à la répétition d’un programme, à peu près incompressible si l’on veut
qu’il soit de qualité. (…) Donc, la musique n’est pas du tout quelque chose pour une élite,
mais si on veut que ce soit bien fait, il faut qu’un certain nombre de conditions soient
réunies qui ne sont pas forcément propices à diffusion extraordinairement large. (…)
Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
L’Orchestre doit déménager en 2014 pour s’installer à la Philharmonie de Paris construite
par Jean Nouvel à la Villette, qui doit permettre par rapport à la salle Pleyel de nous ouvrir à
un public un peu plus large : la capacité de la salle est importante, (1 900 places à Pleyel et
2 400 à la Villette). Donc sur deux concerts dans une semaine c’est 1 000 places de plus, ce
qui est très important sur une année, vous imaginez. Cette Philharmonie de Paris
comportera, outre la salle principale, plusieurs salles de répétition dans lesquelles on pourra
accueillir le public et toute une série d’ateliers pédagogiques dont nous ne disposons pas
aujourd’hui à la salle Pleyel. (…) Cette salle devrait être prête en septembre 2014. (…)
Est-ce que vous avez quelque chose à dire à nos sociétaires ?
La constance de l’aide et son inscription dans la durée, c’est pour nous la chose la plus
précieuse. Parce que le plus important, c’est qu’un mécène reste avec nous longtemps,
plutôt que de chercher à faire un coup. (…) D’ailleurs, c’est un peu consubstantiel à notre
activité, on travaille dans la durée et dans le temps. On joue un programme deux fois : si on
veut que quelqu’un s’associe à nous, il faut qu’il s’associe un peu à notre histoire. (…)
Après ça, on peut se centrer sur un secteur plus particulier comme avec la Caisse d’Epargne
Ile-de-France, l’importance de l’engagement pour le jeune public. Nous sommes dans un
pays où l’éducation artistique est moins développée que dans d’autres pays. (…) Du coup,
les formations comme la nôtre sont conduites à pallier un petit peu à ces manques du
système pédagogique et ces actions vers le jeune public sont vitales, on mène une mission
de service public de la culture ; et puis aussi on construit notre avenir, on fabrique
aujourd’hui ceux qui dans 10, 15 ans viendront nous écouter parce qu’étant enfants ils nous
ont croisés. (…)