1 dossier pedagogique : galilee ou l`amour de dieu
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1 dossier pedagogique : galilee ou l`amour de dieu
DOSSIER PEDAGOGIQUE : GALILEE OU L’AMOUR DE DIEU 1. Fiche technique Galilée ou l’amour de Dieu de Jean-Daniel Verhaeghe (France, 2005, 90 min.). Scénario : Jean-Claude Carrière d’après le roman de Claude Allègre. Photographie : Jean-Claude Larrieu. Avec Claude Rich, Daniel Prévost, Jean-Pierre Marielle. 1.1 Synopsis XVIIe siècle, Florence. Grâce à la lunette astronomique qu’il a inventée, Galilée acquiert la certitude que la Terre tourne autour du soleil. Cette découverte s’oppose à la théorie défendue par l’Eglise selon laquelle la Terre, immobile, serait au centre de l’univers. Le pape Urbain VIII, qui soutenait jusque là le savant dans ses recherches, se voit contraint de le soumettre à l’Inquisition. 1.2 Biographie de l’auteur : Claude Allègre (1937) est un chercheur, géochimiste et homme politique français. Membre de l’Académie des sciences, il a été ministre de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie. Il a obtenu le prix Craaford en géologie et une médaille d’or du CNRS pour ses travaux scientifiques. Il a publié de nombreux livres de vulgarisation, mais certains ouvrages, de même que ses prises de position sur le réchauffement climatique, sont controversés – notamment l’idée que le réchauffement ne serait pas dû à l’activité humaine. Chez les spécialistes, sa position est minoritaire et une partie de la communauté scientifique l’accuse d’erreurs factuelles. 2. Contexte historique 2.1 L’Inquisition : Le terme Inquisition vient du latin inquisitio : enquête, recherche. Il désigne à l’origine une technique judiciaire ; il s’agit ici d’un tribunal créé par l’Eglise catholique romaine au 12e siècle, avec pour mission de combattre l’hérésie. A cette époque, les évêques disposent d’une importante législation pour faire face aux dissensions, mais pas d’une institution spécialisée. Le jugement pouvait aller de pénitences et d’amendes, à la peine de mort si l’hérésie était confirmée. La représentation qui subsiste aujourd’hui est une image de violence et d’arbitraire. L’Inquisition est principalement confiée aux Dominicains à partir de la moitié du 13e siècle. A la fin du Moyen-Âge, elle augmente en puissance et s’étend aux colonies. L’Inquisition espagnole de la fin du 15e siècle en particulier fut sanglante mais les peines capitales se firent plus rares au 16e siècle. Bien qu’encore en existence au 17e siècle, l’Inquisition s’affaiblit pour être abolie hors des Etats papaux au début du 19e siècle. Elle ne disparut pas mais fut réformée en 1908. En 1965 elle devient la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont la mission est de promouvoir et protéger la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans le monde catholique. On peut distinguer trois périodes : l’Inquisition médiévale, l’Inquisition espagnole (supprimée en 1834), et l’Inquisition romaine, fondée en 1542. Son but est de combattre l’hérésie qui reprend de l’ampleur au 11 et 12e siècle. Prenant dans sa ligne de mire les juifs, les musulmans, les sorcières, ainsi que divers dissidents spirituels, la définition de l’hérésie ne cesse de s’élargir jusqu’à toucher à l’indiscipline. L’hérésie n’est plus uniquement religieuse mais également sociale. Elle est réprimée par des juges séculiers en collaboration avec l’autorité ecclésiastique. L’Eglise cherche une solution alternative lorsque la dissension spirituelle prend de l’ampleur, comme par exemple lorsqu’elle se retrouve face à la doctrine cathare. L’Inquisition deviendra peu à peu le seul tribunal compétent concernant l’hérésie. Les prérogatives et le pouvoir des inquisiteurs augmentent et ceux-ci rendent de moins en moins de comptes à l’autorité séculière. 1 Au fil du temps, la procédure passe de l’accusation, à la dénonciation, puis à l’inquisition, qui peut être lancée par le juge sur la simple base de la réputation d’une personne. Tout est mis en place pour que la mise en examen puisse se faire rapidement. Il y a essentiellement deux formules : la citation individuelle, portant sur un sujet et l’enquête générale portant sur une région entière, où après une prédication générale l’inquisiteur prononçait un décret de grâce et un édit de foi qui obligeait tout un chacun à dénoncer les hérétiques. Tous les habitants passaient devant le tribunal ; s’ils avouaient spontanément, le décret leur enlevait les sanctions civiles. Un refus de parution était sanctionné par l’excommunication, le parjure par la prison à vie. Les inquisiteurs utilisaient le serment, un indice d’hérésie car beaucoup de sectes la proscrivaient. L’aveu est d’une importance capitale, car le but de la procédure inquisitoire est le rachat des âmes, qui s’obtient par le repentir. Tout est bon pour obtenir cet aveu, qu’il s’agisse de pressions morales ou physiques, de privations de nourriture et même de torture (aussi appelée la question). Fait particulièrement difficile, le procès se fait à l’aveugle, l’accusé et ses proches ne connaissant pas le chef d’accusation. La torture n’est pas systématique, car les aveux sous torture ne sont pas recevables. C’est une pratique en usage dans les tribunaux de l’époque, mais elle est moralement difficile pour les clercs qui sont religieux. Finalement, une bulle du pape autorise cette pratique en 1252, sous réserve de ne pas conduire à la mort ou à la mutilation, qu’elle ne soit donnée qu’une fois et que les aveux obtenus sous la torture soient répétés librement. Mais des sources historiques montrent que les inquisiteurs ont contourné cette bulle de diverses manières. Les sentences étaient prononcées lors de cérémonies publiques, devant les autorités civiles et religieuses, en un acte de foi public (en portugais : auto da fé). C’est le bras séculier qui prend le relais pour l’application des peines. Les peines sont parfois réduites et peuvent être de simples pénitences qui peuvent être économiques – confiscation des biens par exemple. Les peines graves sont l’emprisonnement à vie et la condamnation à mort ; la plus sévère est l’excommunication. Le relaps, c’est-à-dire celui qui refuse d’avouer, est transmis à l’autorité séculière ce qui signifie souvent pour lui le bûcher. La particularité est qu’au Moyen-Âge, l’ordre social se fonde sur la religion, le christianisme. L’hérésie est donc une atteinte à l’ordre social. En théorie, l’Eglise prône la liberté de conscience –toute conscience a le devoir de chercher la vérité et de vivre en conséquence. L’Eglise de même est à la recherche de la vérité, c’est pour cela qu’elle traque tout soupçon d’hérésie. Le problème d’un tribunal tel que l’Inquisition commence quand l’Eglise accepte que son jugement devienne une sanction pénale ou quand elle se mêle de politique. Si l’Inquisition était d’abord au service du pape, elle fut utilisée entre le 14 et le 15e siècles par les monarques pour se débarrasser des personnes gênantes. En 2000, l’Eglise catholique s’est officiellement repentie des excès de l’Inquisition. L’Inquisition a durablement marqué l’imaginaire collectif, en raison de la violence de son système: la liberté de penser est contrôlée à travers l’utilisation de la terreur, en vue d’imposer un dogme. Les Anglicans utiliseront l’Inquisition pour valoriser la liberté du protestantisme. L’image qu’on s’en fait actuellement se centre sur la torture, l’emprisonnement, le bûcher, les abus sadiques et dérives en tout genre. Ce sont des aspects bien réels mais qui n’ont pas été systématiques, et que les historiens ont tenté de relativiser quant à leur fréquence et leur intensité. Le terme d’« inquisition » renvoie aujourd’hui à la persécution et à l’obscurantisme. 2.2 Géocentrisme / héliocentrisme : Les théories géocentrique et héliocentrique se sont opposées entre la fin du 16e et le début du 17e siècle. Cette révolution scientifique touche à la religion car ce qui est en jeu est la représentation du monde. Dans le géocentrisme, Dieu et l’Homme à son image sont au centre de l’univers ; dans l’héliocentrisme, Dieu est partout (et donc potentiellement nulle part), l’Homme est insignifiant et son existence fortuite. On peut aussi y voir l’opposition entre la représentation d’un monde clos et celle d’un univers infini. 2 La représentation géocentrique du système solaire imaginée par Aristote, développée par Hipparque et légitimée par Ptolémée, postule que la Terre se trouve immobile au centre de l’univers. Il s’agit autant d’un modèle scientifique que d’une conception philosophique du monde. Le géocentrisme date de l’Antiquité et perdure jusqu’à la Renaissance1. L’Eglise catholique a longtemps défendu cette conception du monde qui concorde avec les Saintes Ecritures. Par exemple, il est dit dans le Psaume 93 : « Tu as fixé la Terre ferme et immobile » ; dans l’Ancien Testament, il y a un passage où Dieu arrête la course du soleil et de la lune en réponse à la prière de Josué (Jos 10, 1214). Il s’agit donc autant d’une conception de l’univers, liée à la religion, que d’hypothèses scientifiques. Avec les avancées de la science et des instruments de mesure, ce modèle a petit à petit été invalidé pour être remplacé par la théorie héliocentrique. Dans le modèle géocentrique, la Terre est immobile et tout changement se fait donc par ailleurs. La version proposée par Aristote, revue par le dominicain saint Thomas d’Aquin, est celle qui va perdurer. Son système participe d’une vision du monde intuitive et esthétique : l’homme ne ressent pas le mouvement terrestre et les objets célestes ne tombent pas, contrairement aux objets terrestres. Ce qui est céleste est parfait, comme la sphère ; les mouvements des planètes sont donc automatiquement circulaires. L’univers, fini dans l’espace, est divisé en mondes sublunaire et supralunaire. La Terre fait partie du premier, régi par le mouvement et l’incertitude. Le second est immuable et parfait. Il comporte les astres portés par 55 sphères se déplaçant à des vitesses différentes, dont la Lune, tournant de manière uniforme autour d’un même axe. Mais aucun modèle n’intègre le mouvement rétrograde de certaines planètes ni les variations de vitesse dans leurs mouvements. La théorie des épicycles, basée sur les travaux de Hipparque et de Perga, fait l’hypothèse que les planètes tournent sur des roues, appelées épicycles, tournant sur une autre roue dont le centre est la Terre. Cette théorie permit d’établir des calculs précis en décomposant les mouvements des astres en cercles parcourus à vitesse constante, ainsi que les premiers calculs d’éclipses solaires. Tout cela contribua à établir la théorie géocentrique. Au 2e siècle, Ptolémée va perfectionner la théorie des épicycles de Hipparque en décrivant dans le détail les mouvements des planètes dans le modèle géocentrique. Il postule un point, l’équant, duquel on voit la trajectoire de la planète avec une vitesse angulaire constante. Il rajoute un épicycle inversé à celui sur lequel tourne l’épicycle du centre de la Terre. Il peut ainsi mieux calculer les vitesses des planètes, mais le centre n’est plus la Terre, c’est un point imaginaire. Il n’explique pas le pourquoi de ces mouvements mais calcule les positions et les mouvements, et légitime ainsi le modèle géocentrique d’Hipparque. Ptolémée crée des tables de données pour déterminer la position des astres. Ses écrits furent oubliés en Occident avant d’être redécouverts à la fin du Moyen-Âge. Son modèle diffère légèrement de celui d’Aristote : il ne pense pas que les astres sont pris dans des sphères de cristal, mais dans un fluide sans résistance qui évoque le vide. Le modèle héliocentrique place le soleil au centre de l’univers, ou parfois du système solaire – de nos jours un point fixe autour duquel le système s’organise. Il fut l’objet d’interdits religieux qui furent levés en 1741 (et 1757). C’est Copernic (1543) qui en propose le premier modèle, même si l’idée le précède : les premières mentions se trouvent dans des textes védiques du 8e et 9e siècle avant JC ; Aristarque de Samos la propose déjà du temps de l’Antiquité ; au 15e siècle, l’astronome Nicolas de Cues postulait aussi que le monde n’est pas fini et que la Terre n’est pas immobile en son centre, mais ses théories furent ignorées. Giordano Bruno adhère à la cosmologie de Copernic en postulant un mouvement des planètes sur elles-mêmes et autour du soleil. Il va même plus loin en disant que le soleil n’est pas au centre, qu’il n’y a pas de centre mais une pluralité de soleils et de terres tournant autour. Il n’appuie pas ses dires sur des preuves mathématiques mais sur l’intellect. Grâce à sa lunette astronomique, Galilée sera Les traités de référence au début du 16e siècle étaient le Traité du ciel d’Aristote et L’Almageste de Ptolémée. 1 3 l’auteur des premières observations démontrant la validité du modèle héliocentrique, qu’il n’arrivera cependant pas à prouver. Kepler résout la question sur le plan théorique en proposant un modèle plus précis qui introduit les premières orbites elliptiques et non plus circulaires. Ses lois empiriques furent démontrées grâce aux découvertes de Newton sur la gravitation. Selon le modèle de Copernic, la Terre est le centre du système Terre/Lune et non pas le centre de l’univers. Le soleil est le centre de l’univers et tout tourne autour de lui. La Terre tourne autour d’elle-même. Ce modèle permet de placer les planètes dans le bon ordre selon leur distance au soleil et la théorie des épicycles devient obsolète. Mais l’astronome reste bloqué par l’idée que les trajectoires sont circulaires; il doit donc compliquer son modèle en gardant les épicycles pour expliquer les variations de vitesse et de distance des mouvements des planètes. Cela permet d’expliquer néanmoins pourquoi Vénus et Mercure restent proches du soleil – toutes ces hypothèses discréditent la théorie géocentrique. Le traité de Copernic sur le système héliocentrique est mal perçu par les ecclésiastes, que ce soit les Catholiques ou les Réformés, même si Copernic le présente uniquement comme un modèle mathématique, qu’il a construit dans le but de simplifier le calcul du mouvement des astres. Comme le dit l’Eglise, il s’agit de simples hypothèses de calcul et Copernic ne fit jamais rien pour essayer d’établir un système philosophique. L’astronome danois Tycho Brahe va repenser ce système au 16e siècle. Il ne peut accepter le modèle héliocentrique de Copernic pour des raisons religieuses. Là où Galilée essaie de faire coexister la foi avec la théorie héliocentrique, Brahe va essayer de formuler un modèle hybride : un univers géocentrique avec un système solaire héliocentrique. La lune et le soleil tournent autour d’une Terre immobile au centre de l’univers, mais les planètes tournent autour du soleil. Les observations de Galilée à travers sa lunette astronomique sont décisives pour montrer les failles du système géocentrique. Il voit que les tailles de Mars et de Vénus varient, de même que les phases de Vénus comme Copernic l’a prédit (selon Copernic la distance entre la Terre et ces planètes est variable au long de leur révolution même si les observations possibles à l’époque ne montrent pas leur mouvement). Le relief lunaire invalide la théorie d’Aristote selon laquelle le monde supralunaire est invariable et immuable. Les expériences de Galilée sur la chute des corps introduisent la notion de principe d’inertie (= les corps tombent à la verticale). Lorsque Newton découvre le principe de la force gravitationnelle, il explique pourquoi les objets restent collés à la Terre et pourquoi la lune suit la révolution de la Terre. Johannes Kepler (1571-1630), disciple de Brahe, introduit l’idée de trajectoires elliptiques – les lois de Kepler et valide ainsi théoriquement la thèse héliocentrique. Cependant la théorie n’est pas encore confirmée expérimentalement. Les travaux de James Bradley sur l’aberration de la lumière en 1727 apporteront la preuve de l’orbitation de la Terre. Enfin, le mouvement de rotation de la terre sur elle même sera prouvé expérimentalement en 1851 grâce au pendule de Foucault. A l’époque de Galilée, la théorie copernicienne semble peu fiable car on se comprend pas comment la lune accompagne la Terre dans son mouvement autour du soleil, ou comment les corps chutent à la verticale si la Terre tourne sur elle-même. Galilée répondra à cela avec le principe de relativité, même si plus tard la mécanique newtonienne montrera que le mouvement de rotation provoque malgré tout des effets mesurables (mais très faibles) dont il faut tenir compte. Il est aujourd’hui admis qu’il n’y a pas de centre absolu de l’univers. Selon le problème à résoudre, on choisit le centre d’un système solaire en fonction de sa pertinence. L’opposition entre géocentrisme et héliocentrisme fut cruciale du temps de Bruno et de Galilée, mais depuis le principe de la relativité, on sait que les lois de la physique ne dépendent pas du référentiel choisi. Dans certains cas, l’utilisation du modèle géocentrique facilite les calculs. 4 2.3 Personnages principaux du film - Galileo Galilei, dit Galilée: Né en 1564 et mort à l’âge de 78 ans en 1642, Galilée est un mathématicien, physicien et astronome italien issu d’une famille cultivée de Florence. Dès l’enfance, il invente des machines et se montre très observateur. Il étudie les mathématiques, ce qui à l’époque inclut l’astronomie et la physique. A 19 ans, il observe que les corps chutent tous à la même vitesse2 - une expérience dont il trouvera la loi en 1602 en expérimentant à l’aide d’un plan incliné. Il est nommé à la chaire de mathématiques de l’Université de Pise, puis trois ans après à l’université de Padoue, où il enseigne entre autres les principes de la pensée aristotélicienne et le système cosmologique de Ptolémée. La ville de Padoue est rattachée à la République de Venise où l’Inquisition est peu puissante et Galilée bénéficie d’une grande marge de liberté. Ses domaines d’enseignement sont entre autres la mécanique, les mathématiques, l’astronomie. Comme il doit assurer la subsistance de sa mère, de sa sœur, et même de son frère, il supplée à ses rentrées en vendant des instruments scientifiques pour arrondir ses fins de mois. Il aura trois enfants naturels d’une liaison avec une jeune vénitienne. En 1604, il observe une nova pendant plusieurs mois. L’apparition de cette étoile et sa disparition est en contradiction avec la cosmologie d’Aristote, qui postule que le monde supralunaire est immuable. En 1609, Galilée découvre la longue-vue ou lunette d’observation qui grossit les objets jusqu’à 7 fois, inventée par un hollandais. Galilée fait une copie de cet instrument, et en peu de temps la perfectionne jusqu’à créer une lunette avec un grossissement de 30 fois. Il a ensuite l’idée d’utiliser cet instrument pour regarder le ciel ; puis il en réalise une autre pour le regarder de nuit. Il offre sa lunette astronomique à la République de Venise, ce pour quoi il sera récompensé. Le savant utilisera lui-même ces instruments pour étudier les astres. Il observe tout d’abord la Lune et remarque que l’on voit toujours la même face de celle-ci et que sa surface présente des irrégularités. L’année suivante, il découvre quatre étoiles circulant autour de Jupiter, comprend que la Voie Lactée est en fait un groupement d’étoiles, dénombre les étoiles de la constellation d’Orion et distingue des taches solaires qui montrent que le soleil a des imperfections. Il va également déceler les anneaux de Saturne et établir les phases de Vénus. Toutes ces découvertes gênent l’Eglise catholique car elles vont à l’encontre des théories d’Aristote, dont l’Eglise a fait son savant officiel depuis le 13e siècle. Les phases de Vénus en particulier vont dans le sens du modèle copernicien. Galilée arrive à expliquer les mouvements des satellites3 de Jupiter : l’ensemble représente pour lui un modèle du système solaire. Pour lui, ces découvertes indiquent que certains corps célestes ne tournent pas autour de la Terre, mais aussi que tous les corps célestes ne tournent pas autour du Soleil non plus, comme le pensent certains coperniciens. Galilée publie ses premières observations astronomiques dans le Sidereus Nuncius (Le Messager céleste) à Venise, en rendant hommage en même temps à son nouveau protecteur et ancien élève, Côme II de Médicis, grand duc de Toscane, en l’honneur duquel il nomme les satellites de Jupiter les étoiles Médicées ou astres médicéens – on parle aujourd’hui des lunes galiléennes. La publication suscite immédiatement des attaques contre lui, mais, sur plan astronomique, Galilée est inattaquable. Ses détracteurs cherchent des failles dans d’autres théories du savant, sans succès, avant de commencer à évoquer les répercussions religieuses de ses recherches. Le cardinal Barberini, futur pape Urbain VIII qui a pour le savant une certaine amitié, lui demande de présenter ses découvertes à Rome, au Collège pontifical et à l’Académie de Lyncées dont il deviendra membre. La renommée des résultats de Galilée grandit. 2 Si l'on jette ensemble une boule de papier et un sac de sable, ils atteignent en même temps le sol car ils ont la même vitesse et sont soumis à deux forces qui s'annulent : l'inertie et la gravité. Cette découverte est fondamentale pour la physique, puisqu'elle servira de base à Newton pour sa théorie de la relativité. 3 Ce terme est inventé par Johannes Kepler en 1610 – satellite voulant dire « garde du corps » en latin. 5 En 1611, le cardinal Bellarmin, un jésuite qui a instruit le procès de Giordano Bruno plus d’une décennie auparavant, demande des informations sur les travaux du Florentin. La réponse de ses pairs, signée par l’éminent mathématicien et jésuite Christopher Clavius, confirme l’exactitude des observations de Galilée, en se gardant toutefois de se prononcer sur les conclusions que celui-ci en a tirées. La grande-duchesse Christine de Lorraine demande à un ancien élève de Galilée de prouver l’orthodoxie de la théorie de Copernic. Galilée intervient et soutient la position révolutionnaire selon laquelle l’Eglise n’a pas juridiction dans le domaine des phénomènes physiques. En 1615, suite aux attaques contre Galilée, le carme Foscarini publie une lettre arguant le possible mouvement de la Terre comme réalité physique. En 1616, le cardinal Bellarmin réagit en condamnant la thèse héliocentrique, alors qu’il reconnaît son intérêt pratique pour effectuer les calculs. Galilée essaie de faire changer d’avis le jésuite, en cherchant à prouver la mobilité terrestre à l’aide des marées. Il n’arrive pas à établir cette preuve - la première preuve du mouvement de la Terre datera des observations de Bradley, publiées en 1728. Le cardinal met en place un arrêté censurant les théories coperniciennes : l’héliocentrisme ne peut être défendu ou enseigné. Galilée reçoit une admonestation de Bellarmin en présence d’un officier de l’Inquisition4. Pour ne pas être accusé d’hérésie, Galilée cesse de parler et d’écrire sur l’héliocentrisme. Il continue à enseigner la cosmologie aristotélicienne et le système géocentrique de Ptolémée, même s’il est convaincu par la thèse de Copernic. En 1618, le passage de trois comètes relance le débat sur l’immuabilité des cieux. Le jésuite Orazio Grassi soutient la théorie de Tycho Brahe selon laquelle les comètes auraient une trajectoire elliptique. Galilée n’y croit pas et attaque publiquement les théories du jésuite; Grassi contre-attaque en saupoudrant sa réfutation scientifique d’insinuations à caractère religieux. Le cardinal Barberini soutient Galilée et le conflit s’aggrave jusqu’à parvenir à l’Inquisition, mais celle-ci conclut à un non lieu. En 1623, Barberini devient pape sous le nom d’Urbain VIII. Il permet à Galilée d’évoquer l’héliocentrisme de manière officieuse, pour autant qu’il n’évoque le mouvement de la Terre que sous forme d’hypothèse et qu’il accorde une place équivalente dans son discours au géocentrisme. Au cours des années suivantes, le savant va travailler sur un livre que le pape lui a demandé d’écrire et qu’il publiera en 1632 sous le nom de Dialogue entre les deux plus grands systèmes du monde. L’idée est de présenter de manière neutre tous les aspects des systèmes de Ptolémée et de Copernic. Mais le résultat est différent de ce qu’Urbain VIII a escompté. Les dialogues auxquels le titre fait allusion ont lieu entre trois interlocuteurs : Simplicius, un personnage caricatural qui défend (mal) la thèse d’Aristote ; Salviati, un Florentin qui explique les thèses de Copernic ; et Sagredo, un érudit de Venise sans parti pris, qui reste neutre. Le livre parle assez clairement en faveur des hypothèses de Copernic. Il est de plus écrit en italien, donc accessible à un plus large public. Le déchaînement contre Galilée est immédiat et Urbain VIII demande une mise en procès. Au delà du détournement de l’ouvrage opéré par Galilée, c’est le manque de preuves données par le savant pour étayer ce qui est rapporté qui irrite le pape. Au procès, le savant, malade et âgé de 69 ans, se retrouve seul face à ses juges et abjure rapidement. Il est condamné à être emprisonné jusqu’à la fin de ses jours ; le pape commue immédiatement sa condamnation en résidence surveillée. Ses livres et ses enseignements sont prohibés, mais il garde quelques revenus. Il devient aveugle, mais malgré tout, il continue à travailler ; petit à petit, il aura à nouveau droit à des visites. À cette époque, entouré de ses disciples, il écrira son œuvre majeure : Discours concernant deux sciences nouvelles. Lorsqu’il mourra à presque 78 ans, ses amis n’auront pas le droit de rédiger son épitaphe. Celle-ci ne verra le jour qu’un siècle plus tard. L’admonestation est un avertissement sévère sans condamnation ; si le prévenu ne se repent pas lors de l’admonestation, l’officier d’Inquisition impose un précepte - un commandement ou une règle à suivre absolument. 4 6 Il faut attendre plus de 80 ans après la mort de Galilée avant que Bradley ne prouve l’orbitation de la Terre en 1728. En 1744, Benoit XIV autorise la publication du Dialogue, mais en ajoutant l’adjectif « supposé » devant « mouvement de la Terre » et en soulignant encore et toujours qu’il s’agit d’une hypothèse. Ce n’est qu’en 1822 que l’Eglise annule le décret interdisant la thèse héliocentrique ; Galilée sera finalement réhabilité par l’Eglise en 1922. - Le pape Urbain VIII Maffeo Barberini, né en 1568, sera le 235e pape, de 1623 à sa mort en 1644 sous le nom d’Urbain VIII. Il est de notoriété publique qu’il a des liens amicaux avec Galilée et il permet au savant de continuer ses recherches pour autant que celui n’avance pas de preuve de l’héliocentrisme et qu’il évoque aussi le géocentrisme. Mais le pape aurait été assez gravement remis en cause en 1632 par des prélats menés par le cardinal Borgia. Celui-ci l’accuse de ne pas être assez dur envers les hérétiques (et ce alors que les protestants enchaînent les victoires lors de la guerre de Trente Ans). Les jésuites dénoncent depuis longtemps les travaux de Galilée, son ami ; Urbain VIII a besoin de se réhabiliter. Lorsque Galilée publie Le Dialogue, le Pape ordonne son procès. Il atténuera sa condamnation en l’autorisant à être assigné à résidence. - Le Cardinal Inquisiteur : le cardinal Robert Bellarmin Robert Bellarmin est un prêtre jésuite italien, théologien et écrivain. Proche conseiller de Clément VII, Bellarmin instruit le procès de Giordano Bruno, qui sera jugé hérétique et brûlé vif pour avoir défendu, entre autres, l’héliocentrisme. En 1616, Bellarmin convoque Galilée et lui interdit d’enseigner le système héliocentrique de Copernic ; le cardinal ne participera pas au procès du savant car il décède en 1621. Le pape Pie XI le béatifie en 1923 et le canonise en 1930. En 1992, Jean-Paul II reconnaît les erreurs commises par l’Eglise à cette époque, mais ne mentionne pas l’Inquisition. 7 2.4 Chronologie -384: -322: 90 : 168 : 1440 : 1473 : 1510 : 1542 : 1543 : 1545 : 1546 : 1547 : 1559 : 1563 : 1564 : 1568 : 1570 : 1583 : 1584 : 1587 : 1584 : 1589 : 1592 : 1596 : 1597 : 1600 : 1601 : 1602 : 1604 : 1609 : 1610 : 1615 : Naissance d’Aristote, philosophe grec de l’Antiquité. Décès d’Aristote. Naissance de Ptolémée, astronome et astrologue grec, auteur du traité d’astronomie Almageste. Mort de Ptolémée. Nicolas de Cues publie Docte ignorance dans lequel il affirme que le monde n’est pas fini, que la terre n’en est pas le centre et qu’elle se meut. Naissance de Nicolas Copernic. Copernic formule sa théorie héliocentrique mais ne la publie qu’en 1543. Le pape Paul III convoque le Concile de Trente pour répondre aux demandes de Martin Luther. Décès de Nicolas Copernic. Parution du traité de Copernic De revolutionibus Orbium Coelestium qui introduit le système héliocentrique. Début du Concile de Trente. Naissance de Tycho Brahe. Le dominicain Tolosani réfute la doctrine héliocentrique en se basant sur la Bible et sur la doctrine d’Aristote. A la demande de l’Inquisition, le pape Paul IV publie le premier Index des livres interdits. Fin du Concile de Trente, qui représente la rupture entre l’Eglise médiévale et l’Eglise des temps classiques, ainsi que la rupture entre l’Eglise romaine et la Réforme. Naissance de Galilée. Naissance de Maffeo Barberini, qui deviendra le Pape Urbain VIII. Le jésuite Christophe Clavius réfute Copernic sur des bases astronomiques et physiques et rappelle que ses théories sont contraires à la Bible. Galilée déduit la loi de la chute des corps par observation. Giordano Bruno publie Le Banquet des cendres dans lequel il adhère à la cosmologie de Copernic et De l’univers infini et des mondes dans lequel il soutient l’hypothèse de la pluralité des mondes habités. Galilée rencontre Christopher Clavius, surnommé l’Archimède du 15e siècle. Giordano Bruno conteste l’univers fini postulé par Ptolémée. Le père de Galilée meurt, cela rend cruciale la quête d’emploi de celui-ci pour subvenir aux besoins de sa mère et de sa sœur. Galilée obtient la chaire de mathématiques de Pise. Galilée devient professeur de mathématiques à l’université de Padoue. Kepler défend la thèse de Copernic en se basant sur des arguments physiques dans Mysterum cosmographicum. Galilée commence à s’intéresser à la chute des corps. Giordano Bruno est brûlé. Décès de Tycho Brahe. Galilée formule la loi mathématique décrivant la chute des corps. L’apparition d’une supernova dans la Voie Lactée sème le doute par rapport au dogme de l’immuabilité du ciel de la théorie aristotélicienne. Galilée découvre la lunette d’approche hollandaise et la perfectionne. Kepler établit que les trajectoires des planètes sont elliptiques. Observations de Galilée avec sa lunette : relief sur la Lune, satellites autour de Jupiter, phases de Vénus, taches solaires, voie lactée = étoiles multiples. Galilée obtient le poste de Premier Mathématicien de l’université de Pise et de Premier Philosophe du grand-duc de Toscane. Le théologien Foscarini écrit au cardinal Bellarmin que Copernic et Galilée ont raison. 8 1616 : Le livre de Copernic introduisant le système héliocentrique est mis à l’Index. Le cardinal Bellarmin interdit à Galilée d’évoquer et d’enseigner les théories de Copernic. 1618 : L’apparition de trois comètes relance Galilée dans les explorations du ciel. Début de la Guerre de Trente Ans. 1621 : Décès du cardinal Bellarmin. 1623 : Election du pape Urbain VIII, qui autorise officieusement Galilée à évoquer l’héliocentrisme à condition que ce soit sous forme d’hypothèse. 1632 : Galilée publie le Dialogue entre les deux plus grands systèmes du monde, qui présente une preuve du mouvement de la Terre. Descartes défend la thèse héliocentrique dans le Traité du monde et de la lumière. 1633 : Galilée comparait devant le tribunal de l’Inquisition. Il est condamné ; il abjure et est assigné à résidence près de Florence. 1634 : Descartes lit le Dialogue de Galilée et suspend la publication de son Traité du monde et de la lumière. 1638 : Galilée perd définitivement la vue. Il finit son œuvre majeure, le Discours concernant deux sciences nouvelles, en la dictant ; elle sera publiée en France et aux Pays-Bas. 1642 : Décès de Galilée. Naissance de Newton. 1644 : Décès du Pape Urbain VIII. 1648 : Fin de la guerre de Trente Ans. 1728 : Bradley prouve l’orbitation de la Terre. 1744 : Benoît XIV autorise la publication des Dialogues en rajoutant l’adjectif « supposé » devant « mouvement de la Terre » et en signalant qu’il s’agit d’une hypothèse. 1751 : Le modèle héliocentrique et ses fondements mathématiques sont diffusés par l’Encyclopédie. 1757 : Les ouvrages favorables à l’héliocentrisme sont retirés de l’Index. 1822 : Le décret interdisant l’héliocentrisme est annulé. 1992 : Jean-Paul II réhabilite Galilée. 2.5 Abjuration de Galilée « Moi, Galileo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma main les Saints Évangiles, jure que j'ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l'aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne. Cependant, alors que j'avais été condamné par injonction du Saint Office d'abandonner complètement la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n'est pas au centre du monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral ou par écrit; et après avoir été averti que cette doctrine n'est pas conforme à ce que disent les Saintes Écritures, j'ai écrit et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans la réfuter en aucune manière; ce pour quoi j'ai été tenu pour hautement suspect d'hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n'est pas le centre, et se meut. J'abjure et maudis d'un coeur sincère et d'une foi non feinte mes erreurs. [...] » 3. Pour les élèves : clés de lecture pour le visionnement 9 - Soyez attentifs aux argumentations en faveur de la thèse géocentrique et de la thèse héliocentrique ; quelles sont les expériences et en quoi prouvent-elles ou infirment-elles les théories en jeu ? - Relevez tout les éléments du film (esthétiques ou techniques) qui évoquent un procès. - Quels sont les enjeux pour l’Eglise ? de quoi provient le retournement du pape vis à vis de Galilée ? - Quels moyens et stratégies Galilée a-t-il mis en œuvre pour continuer ses recherches, que ce soit sur le plan financier ou par rapport à ses convictions personnelles ? Que pensez-vous de ses stratégies ? - Pensez-vous que la religion puisse avoir son mot à dire dans les questions scientifiques, et viceversa ? Pourquoi, dans le film, la religion et la science sont-elles si liées, et comment est-ce le cas aujourd’hui ? 4. Pistes pédagogiques pour l’enseignant 4.1 Science et foi : une découverte ébranle une vision du monde Encore plus que le procès contre Giordano Bruno, le procès contre Galilée est devenu un symbole de l’opposition entre religion et science. Le Florentin se retrouve face à l’Inquisition pour avoir osé publier un ouvrage dans lequel il décrit les cosmologies d’Aristote et de Copernic en favorisant clairement la seconde alors que l’Eglise soutient la première depuis le 13e siècle. Bien qu’ayant étayé par diverses observations l’hypothèse héliocentrique qu’impliquent les thèses de Copernic, et que Bruno a théorisée, Galilée doit abjurer ses convictions sous peine d’être condamné à mort. Galilée conteste que la science soit assujettie à une lecture littérale de la Bible. Le savant est partagé : d’une part il tient à la justesse des théories scientifiques, d’autre part, il respecte l’Eglise. Il n’entre pas en matière sur le terrain théologique qui n’est pas le sien et n’essaie pas de remettre en question les Saintes Ecritures ; au lieu de chercher à opposer la science à la religion, il essaie de les concilier. Voici ce qu’il écrit sur cette question : «Le mouvement de la Terre et le repos du Soleil n'ont jamais pu être contre la foi ou les Écritures saintes, quand elles ont été véritablement prouvées, par des expériences sensibles, avec des observations minutieuses et des démonstrations nécessaires, comme étant vraies dans la nature par les philosophes, astronomes et des mathématiciens; mais dans un tel cas, si quelques passages des Écritures parurent dire le contraire, nous devions affirmer que c'étaient à cause de la faiblesse de notre intellect, lequel n'avait pas pu pénétrer le vrai sens des Ecritures sur ce point particulier: et c'est une doctrine commune et absolument exacte qu'une vérité ne peut être contraire à une autre vérité5. » La problématique repose sur le fait que, à cette époque, les scientifiques sont soumis aux autorités religieuses; le principe d’autonomie de la science n’existe pas. L’éducation est basée sur la scolastique ; cosmologie et théologie sont liées. Il n’y a pas une vraie distinction entre la philosophie d’Aristote et ses traités scientifiques. Au 13ème siècle, lorsque Thomas d’Aquin reprend les théories d’Aristote, il intègre toutes les sciences aristotélicienne en un ordre unique, subordonné à la théologie. La méthode scolastique est très spéculative alors que les nouvelles théories cosmologiques sont basées sur l’expérimentation – Galilée en particulier combine le raisonnement inductif basé sur l’étude de la nature avec la déduction mathématique. La remise en question de la vision du monde en vigueur qui commence avec Copernic, est mise à l’épreuve avec Bruno, et atteint un pic avec Galilée. Ses observations, réfutées et condamnées à son procès, suivies par Newton et la confirmation des thèses héliocentriques, entraînent l’affranchissement de la science des théories aristotéliciennes. 5 Galilée, Considération sur l'opinion copernicienne, février 1616. 10 Le fait que l’Inquisition ait participé au débat scientifique à travers le procès de Galilée fut à l’origine de la philosophie mécaniste de Descartes6. De plus en plus, les scientifiques délaissent la scolastique au profit d’autres domaines d’études, contribuant à l’avènement de l’autonomie de la science. Ce mouvement coïncide avec la naissance de la science moderne. Ce que Galilée prônait, c’est-à-dire que la science ne doit pas être liée à une lecture littérale des Ecritures, sera poussé plus loin par D’Alembert, qui prône une séparation entre l’Eglise et la science dans « l’Encyclopédie ». A partir du milieu du 17e siècle, une rupture dans la configuration du savoir a lieu, correspondant aux Méditations métaphysiques de Descartes. Néanmoins, la question de l’interprétation littérale de la Bible au 19e siècle ressurgit dans le conflit entre la théologie créationniste et la théorie de l’Evolution. En 1981, Jean-Paul II nomme une commission d’étude de la controverse ptoléméo-copernicienne. Selon lui, « à partir du siècle des Lumières, et jusqu'à nos jours, le cas Galilée a constitué une sorte de mythe, dans lequel l'image que l'on s'était forgée des événements était passablement éloignée de la réalité. Dans cette perspective, le cas Galilée était le symbole du prétendu refus par l'Église du progrès scientifique, ou bien de l'obscurantisme « dogmatique » opposé à la libre recherche de la vérité. Ce mythe a joué un rôle culturel considérable ; il a contribué à ancrer de nombreux scientifiques de bonne foi dans l'idée qu'il y avait incompatibilité entre, d'un côté, l'esprit de la science et son éthique de recherche et, de l'autre, la foi chrétienne. Une tragique incompréhension réciproque a été interprétée comme le reflet d'une opposition constitutive entre science et foi. Les élucidations apportées par les récentes études historiques nous permettent d'affirmer que ce douloureux malentendu appartient désormais au passé. On peut tirer de l'affaire Galilée un enseignement qui reste d'actualité par rapport à des situations analogues qui se présentent aujourd'hui et peuvent se présenter demain. » Lors de la conclusion des travaux de la commission d’études, en 1992, le pape déclare: « Ainsi la science nouvelle, avec ses méthodes et la liberté de recherche qu'elle suppose, obligeait les théologiens à s'interroger sur leurs propres critères d'interprétation de l'Écriture. La plupart n'ont pas su le faire. Paradoxalement, Galilée, croyant sincère, s'est montré plus perspicace sur ce point que ses adversaires théologiens. "Si l'écriture ne peut errer, écrit-il à Benedetto Castelli, certains de ses interprètes et commentateurs le peuvent, et de plusieurs façons". On connaît aussi sa lettre à Christine de Lorraine (1615) qui est comme un petit traité d'herméneutique biblique. » 4.2 Jésuites et Dominicains En Espagne en 1215, un chanoine, Dominique de Guzman, fonde l’ordre dominicain, appelé Ordre des Prêcheurs ou des Frères prêcheurs. Ce serait après la canonisation de saint Dominique en 1234 que les frères commencèrent à connus sous l’appellation « dominicains », devenue courante dès le 18e siècle. Ils font partie des ordres mendiants, mais les frères ne sont pas des moines ; le seul vœu qu’ils prononcent est celui d’obéissance, la pauvreté et la chasteté étant implicites. Leur mission est la diffusion de la foi chrétienne et la contemplation, leur devise est la vérité. Ils dépendent directement du pape. Comme le nom de leur ordre l’indique, leur vocation est de prêcher. L’ordre apparaît alors que le besoin de renouveau spirituel se fait sentir et se modèle sur la prédication itinérante. Dominique de Guzman s’établit avec des disciples et son ordre reçoit l’approbation ecclésiale en 1216. Dès la fin du 13e siècle, les dominicains entrent en rivalité avec les franciscains (ordre fondé par Saint François d’Assise). 6 Le mécanisme est une conception matérialiste qui pense les phénomènes selon des liens de cause à effet et rejette l’idée selon laquelle ils auraient un but. 11 La prédication est au centre de la vie des dominicains du Moyen-Âge ; c’est le meilleur moyen pour combattre l’hérésie et assurer le salut de chaque chrétien. Cela leur permet de défendre la vraie foi et de la nourrir au sein de la population. Leur objectif est d’imposer la religion chrétienne comme la seule vérité capable de sauver les âmes et ses dogmes comme étant incontestables. Ils sont en contact direct avec les fidèles dont ils ciblent les problématiques spécifiques selon leur catégorie socioprofessionnelle. La prédication se fait toujours à deux et l’enseignement est central dans cet ordre. Dominique désire s’entourer de frères compétents, avec une formation intellectuelle et un bagage théologique solide pour pouvoir vraiment être convaincants face aux hérétiques. Le pape Grégoire IX confie immédiatement l’Inquisition aux dominicains deux ans après la mort de leur fondateur car ils ont une bonne réputation ; cette réputation vient du fait que saint Dominique n’use pas de force mais de persuasion. Pour être inquisiteurs, les dominicains vont déroger à certaines règles de leur fondateur. Ils introduisent la pratique de la torture en 1252. Trois dominicains sont condamnés par l’Inquisition : Maître Eckart en 1329 ; Jérôme Savonarole et Giordano Bruno seront brûlés en 1498 et 1600. L’ordre est dissous en 1790, puis sera rétabli en 1850. Il y a aujourd’hui plus de 6000 frères, 3000 moniales, 40000 dominicaines apostoliques et une centaine de milliers dans les fraternités de laïcs. Les jésuites sont des clercs qui font partie de la Compagnie de Jésus. Celle-ci est fondée en 1539 par un gentilhomme basque espagnol, Ignace de Loyola, et sera reconnue par le pape Paul III l’année suivante. L’origine de leur appellation n’est pas connue, elle n’est pas dans les textes fondateurs de la Compagnie, mais ses membres sont rapidement connus sous ce nom. Comme les dominicains, les jésuites prononcent les vœux de pauvreté, chasteté et d’obéissance, mais aussi un 4e vœu d’obéissance spéciale au Pape. Ils sont au service de l’Eglise catholique ; ils ne cherchent pas les honneurs et ne se distinguent pas par leurs habits. Leurs missions sont l’évangélisation et l’éducation ; leur devise est « Pour une plus grande gloire de Dieu ». La formation intellectuelle des jésuites est poussée : ils doivent consacrer 5 ans à l’étude de la philosophie et des sciences, 5 ans au professorat, 5 ans à l’étude de la théologie, avant d’accéder à la prêtrise et de prononcer leurs 4 vœux. Les jésuites sont très actifs au Concile de Trente qui s’occupe de la réforme de l’Eglise catholique depuis longtemps attendue. Des activités missionnaires et pastorales ils vont rapidement se tourner vers l’enseignement ; ils seront présents dans toutes les parties du monde, de l’Asie, à l’Afrique, en passant par l’Australie, le Brésil ou le Mexique. Ils sont très actifs dans la lutte contre les hérétiques protestants et s’opposent à la révolution copernicienne, même si certains d’entre eux accueillent bien les découvertes de Galilée, qui, de leur avis, ne prouvent pas les théories de Copernic. Ce sont eux pourtant qui tirent la sonnette d’alarme. Les échanges entre certains jésuites, comme Orazio Grassi, et Galilée deviennent virulents, malgré les efforts du cardinal et jésuite Bellarmin pour les apaiser. Les jésuites vont subir des critiques de plus en plus nombreuses au 18e siècle en Europe. Ils seront bannis du Portugal, de France, puis d’Espagne ; l’opposition sera si forte que Clément XIV va dissoudre la Compagnie de Jésus partout dans le monde en 1773. Elle sera rétablie en 1814, mais continuera à être attaquée ; les jésuites vont alors s’établir aux Etats-Unis et par la suite, au Japon et en Amérique latine. Actuellement Les jésuites sont l’ordre religieux masculin le plus important de l’Eglise catholique. 12 Dans le cas de Galilée, tant les dominicains que les jésuites s’opposent au savant, avec néanmoins des positions différentes à l’intérieur du même ordre. Deux dominicains instruisent son procès, étant donné que cet ordre est responsable du tribunal de l’Inquisition. En 1612, Galilée entre en conflit avec Niccolo Lorini, un des dominicains qui présidera à son procès, lorsque celui-ci le sermonne sur la théorie de la rotation de la Terre. Lorini envoie une lettre concernant le savant à l’Inquisition en 1615, sans succès. L’autre inquisiteur de Galilée, Tommaso Caccini, l’attaque très violemment en 1616. Les dominicains en charge du procès de Galilée, loin d’être neutres, sont donc des opposants de longue date du savant. Lorini en particulier ne comprend pas l’influence toujours plus importante de Galilée sur les scientifiques et les intellectuels à travers l’Europe ; jusque là, c’est l’ordre dominicain qui possédait, ou se voulait le détenteur, d’une certaine direction intellectuelle de la société. Des jésuites se sont aussi opposés au Florentin, même si certains étaient quelque peu ouverts à ses recherches comme le cardinal Bellarmin ou le mathématicien Clavius. Galilée eut affaire à plusieurs membres de la Compagnie de Jésus avant le procès lui-même. Certains historiens pensent que le procès fut organisé par les Jésuites en représailles à l’altercation que Galilée eut avec le jésuite Orazio Grassi. En effet, celui-ci défendait la théorie des trajectoires elliptiques des comètes, théorie à laquelle Galilée ne croit pas du tout. Grassi attaqua à nouveau Galilée, en mêlant des insinuations d’ordre religieux. Le savant répondit par un ouvrage polémique : Il Saggiatore (L’Essayeur). Grassi fut ridiculisé ; en représailles, il sollicita à nouveau l’Inquisition, sans succès. Par la suite, certains amis de Galilée, et Descartes lui-même, pensèrent que le procès contre lui était une vengeance des jésuites pour l’outrage que Grassi essuya. D’après Francesco Beretta, « Urbain VIII profitera de cette occasion pour réaffirmer la hiérarchie intellectuelle de la Contre-Réforme, l’hégémonie des théologiens à l’égard des savants et il ira jusqu’à faire du géocentrisme biblique un objet de foi, en condamnant Galilée à l’abjuration. Ce choix, controversé au sein même de l’Inquisition, et notamment par des dominicains, n’allait pas de soi, il demandait une légitimation théologique. Elle fut confiée non pas à un dominicain, mais à un jésuite, Melchior Inchofer. » 13 5. Compléments et ressources 5.1 Les phases de Vénus, preuve de l’héliocentrisme « Vous saurez donc que, voici environ trois mois, Venus apparaissant le soir, je me mis à I’ observer soigneusement à la lunette afin de voir de mes yeux ce dont ma raison ne doutait plus. Je la vis donc d'abord de figure ronde, nette et entière, mais très petite; elle se maintint en cette forme jusqu'au jour où elle commença à s'approcher de sa plus grande digression; toutefois, elle croissait en grandeur. Elle commença ensuite à perdre son contour circulaire dans sa partie orientale, la plus éloignée du soleil, et en peu de jours elle se réduisit à un demi-cercle parfait; et telle elle demeura, sans changer en rien, jusqu'au point où elle commença à se retirer vers Ie Soleil, s'éloignant de la tangente. C'est alors qu'elle perd sa forme demi-circulaire et se présente comme un croissant qui va s'amincissant de plus en plus, se réduisant à deux cornes très minces, jusqu'à occultation complète; quand reviendra ensuite Ie temps de son apparition matinale, nous la retrouverons sous I’ aspect d'un très fin croissant, les cornes tournées dans la direction opposée au Soleil; elle croîtra peu à peu, jusqu'à sa plus grande digression, elle sera alors demi-circulaire et Ie restera, sans altération, plusieurs jours; après quoi, elle passera assez vite du demi-cercle au cercle parfait et demeurera ainsi toute ronde pendant plusieurs mois. Mais son diamètre apparent est alors environ cinq fois plus grand qu'il n'était à I’ époque de son apparition vespérale. Cette admirable expérience nous a donné la démonstration sensible et certaine de deux propositions jusqu'à présent douteuses pour les plus grands esprits du monde. L’une est que toutes les planètes sont naturellement ténébreuses (car ce qui arrive à Venus arrive aussi à Mercure); I’autre est qu'il faut de toute nécessité que Venus tourne autour du Soleil comme Mercure et comme toute les autres planètes, chose dont les pythagoriciens, Copernic et moi étions convaincus, mais dont on n'avait pas la preuve tangible que nous avons maintenant en ce qui concerne Mercure et Venus.» Lettre de Galilée à Julien de Médicis, 1er janvier 1611. 5.2 Ressources: - « Les dominicains et le procès de Galilée ou de l’Inquisition comme instrument de promotion sociale et d’hégémonie intellectuelle », par Francesco Beretta. https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00453325/document - « Des histoires de sciences : RETOUR SUR LE PROCÈS DE GALILÉE », par Patrice Remaud LIAS-ENSIP (Laboratoire d’Informatique et d’Automatique pour les Systèmes – Ecole Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Poitiers) http://blogs.univ-poitiers.fr/p-remaud/files/2011/03/ConferenceHistoireProcesGalilee.pdf 14