La faillite recouvre deux réalités fort distinctes. La première
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La faillite recouvre deux réalités fort distinctes. La première
Dossier: Faillite, comment l’éviter Dossier réalisé par Sébastien Bettschart, Sylvain Jaccard, Daniel Loeffler et Frédéric Vormus La faillite recouvre deux réalités fort distinctes. La première, comptable implacable froidement statistique concerne les chiffres; la seconde, vivante, sanguine, furieusement lacrymale correspond au drame humain. Chaque année, l’Office fédéral de la statistique publie ses résultats. En 2007, il y a eu en Suisse 10 700 procédures de faillites, 10 500 ont été liquidées, un niveau relativement stable par rapport à l’année précédente. Cela correspond à une moyenne de 30 faillites ouvertes journellement. Le montant des pertes liées aux liquidations ordinaires et sommaires est lui par contre en augmentation de 11% sur celui de l’année passée. Il s’élève à CHF 3,4 milliards. La répartition canton par canton indique que Zürich et Vaud comptent le plus grand nombre de faillites (1600), suivi par Berne (1200) et Genève (940). Treize cantons ont vu leurs chiffres augmenter et 12 baisser. Bâle-Ville a connu la plus forte hausse des faillites + 19% alors que dans le même temps elles tombaient de 12% à Genève. Voilà pour la vision statistique. Mais la faillite, c’est avant tout des chocs, des larmes, des douleurs, des vies brisées. Celles d’individus déjà soumis à d’énormes pressions. Des hommes, des femmes qui par honte n’osent plus regarder leur famille ou leurs amis en face, se trouvant minables de n’avoir pas été à la hauteur du défi. Loin d’être des perdants, ils sont ceux, au contraire qui ont pris des risques, qui ont essayé. Si nous changions de mentalité et remplacions le «Mort aux vaincus» par un Gloria Victis? 16 Créateurs No 7 DOSSIER - Des conseils Quelques outils pour assurer la pérennité de l’entreprise Pour ne pas subir les événements, mais les prévoir, il est important de mener une réflexion stratégique qui permettra de fixer des objectifs, d’arrêter les moyens nécessaires pour les atteindre et de déployer des actions en fonction des opportunités du marché. Contrôler régulièrement ces actions en fonction des objectifs fixés et mettre en place des mesures correctives est essentiel. L’entreprise doit maîtriser en tout temps son environnement financier c’est-à-dire gérer ses liquidités (voir p.18), ses débiteurs, ses fournisseurs et sa structure de financement. Daniel Loeffler Gestion des débiteurs Les débiteurs représentent souvent plus de 25% de l’actif et requièrent un suivi tout particulier. Il faut adapter la gestion des débiteurs aux exigences du marché et à la structure de l’entreprise en mettant en place une gestion dynamique de ceux-ci. En définissant notamment des contrats cadres, en négociant des délais courts ou en exigeant des acomptes. Pour pallier le manque de liquidités et s’assurer contre les pertes sur débiteurs, l’affacturage (transfert de créances commerciales à une société tierce) est aussi une solution pouvant s’avérer intéressante Mais la gestion des débiteurs ne se limite pas à un suivi attentif des encaissements. Le degré de dépendance vis-à-vis de ses débiteurs est également un élément clé du succès de la société. Si seuls quelques clients garantissent le chiffre d’affaires, la société peut dépendre du bon vouloir de ceux-ci et ainsi se trouver dans une position délicate. D’autre part, un trop grand nombre de clients peut mener la société à devoir fournir une large palette de prestations et ainsi conduire à une dispersion de ses activités. D’où l’importance de trouver un juste équilibre. le 80% du produit de la société (principe de Pareto, ou voir la méthode de classification ABC des produits selon l’importance stratégique des fournitures). Elle peut négocier des conditions différentes pour les pièces importantes (rabais sur quantités). La création de groupement d’achat permet également de réduire le prix d’achat. Structure de financement Celle-ci doit être cohérente. Ainsi des actifs immobilisés se règlent par du financement à long terme. Et les besoins de financement courant sont assuré par du financement à court terme. D’où l’importance de disposer de fonds propres suffisants, surtout en phase de démarrage car il est relativement difficile pour une jeune société d’obtenir des prêts bancaires. Le canton de Genève a mis en place, à travers la Fondation d’Aide aux Entreprises (FAE), un dispositif de soutien aux entreprises, dispositif qui facilite l’accès aux financements pour les sociétés en démarrage ou ayant des projets de développement lorsque les bailleurs de fonds habituels ne peuvent s’engager, pour autant que la viabilité de celles-ci soit démontrée. Gestion des fournisseurs L’optimisation des décaissements implique une gestion dynamique des fournisseurs. Une classification des achats, selon l’importance stratégique de la pièce ou de la prestation, peut être effectuée. L’entreprise doit se concentrer sur le 20% des pièces ou prestations représentant Perte de capital et surendettement L’entrepreneur doit contrôler en permanence les données clés de son bilan et prendre en temps utile les mesures qui s’imposent, notamment en cas de perte de capital et de surendettement. L’art. 725 du Code des obligations est très clair à ce sujet. L’alinéa 1 de l’article 725 vise à protéger en premier lieu les actionnaires. Il stipule: «S’il ressort du dernier bilan annuel que la moitié du capital actions et des réserves légales n’est plus couverte, le conseil d’administration convoque immédiatement une assemblée générale et lui propose des mesures d’assainissement.» Ces mesures d’assainissements peuvent être de plusieurs natures: augmentation du capital, restructuration de la société permettant de corriger la tendance ou postposition de créance (créance subordonnée qui ne sera payée qu’une fois que tous les autres créanciers auront été désintéressés). L’alinéa 2 de l’article 725, quant à lui, vise à protéger le créancier. Il stipule: «S’il existe des raisons sérieuses d’admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification d’un réviseur agréé. S’il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d’exploitation, ni lorsqu’ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d’administration en avise le juge.» Le juge prononce alors la faillite lorsque l’ajournement de faillite n’est pas sollicité. Dans le cas contraire, le juge ajourne la faillite lorsque l’assainissement paraît possible. Daniel Loeffler Directeur ad intérim du Service de la Promotion Economique de Genève Créateurs No 7 17 © Ariane Arlotti DOSSIER - Des conseils Gérer sa trésorerie Pour une start-up, comme pour toute entreprise, la trésorerie est un véritable trésor qui devrait être géré comme tel par l’entrepreneur. La réussite en création d’entreprise passe par une gestion quotidienne et avisée de ce butin qui peut s’appeler liquidité, cash, ou disponible. Sylvain Jaccard Rentable, mais pas solvable Il s’agit de ne pas confondre la rentabilité et la solvabilité. Les tableaux de pertes & profits ou le bilan comptable donnent des informations sur la rentabilité de l’entreprise et sur sa capacité à se développer. La solvabilité, elle, permet de savoir si l’on risque un jour de ne pas être en mesure d’honorer ses créanciers et de lisser les charges sur l’année entière. Si le paiement de certaines dépenses intervient bien à la fin de chaque mois, d’autres n’apparaissent qu’une fois l’an. Ensuite seulement, les objectifs de chiffre d’affaires sont planifiés afin de couvrir ces futures dépenses. Si les objectifs de ventes sont réalistes, il y a peu de risque d’être insolvable. Du moins en théorie car si les dépenses sont plus ou moins bien évaluées, les objectifs de revenus sont souvent surévalués. D’où la mise à jour mensuel du tableau en procédant aux corrections entre le prévisionnel et le réalisé. Les éventuels risques d’insolvabilité sont ainsi prévenus au fur et à mesure. L’insolvabilité est un virus qui guette l’ensemble des start-up, les vaccins existent que la précédente. Augmenter le volume des ventes, le prix (quoique plus difficile) ou les deux, permet d’obtenir des liquidités suffisantes et régulières pour couvrir les charges et se développer. Ce moyen se révèle efficace que si la start-up ne doit pas trouver une solution dans l’urgence. 2° Modifier les délais de paiements Cette mesure, facile à mettre en place, a un impact rapide. Souvent les créateurs d’entreprise, de peur de perdre des clients, accordent des délais de paiement trop généreux. Le simple fait de demander le règlement d’une partie à la signature du contrat peut permettre de pallier le manque de liquidités. Le suivi du délai de paiement (ne pas laisser de factures impayées sans réagir) reste l’élément le plus important. «La trésorerie est gérée par un autre document souvent oublié: le tableau de trésorerie» ainsi de se retrouver rapidement aux poursuites et finalement en faillite. Le principal danger est de croire que si l’entreprise est rentable (elle dégage un bénéfice), elle est forcément solvable. Et bien non! Trop de liquidités nuisent à la rentabilité, mais trop peu prétérite la survie de la start-up. Sa pérennité est toujours égale à la rentabilité plus la solvabilité. La trésorerie est gérée par un autre document souvent oublié: le tableau de trésorerie. Le tableau de trésorerie Il est l’outil idéal pour planifier et gérer sa trésorerie. En création d’entreprise, on parlera de tableau de trésorerie prévisionnel, car il doit planifier sur l’année de démarrage les entrées et les sorties des liquidités. Concrètement, on commence par énumérer mensuellement les charges monétaires sur toute l’année. L’erreur principale est 18 Créateurs No 7 pour autant que la maladie ait été décelée à temps. Sinon, l’issue est généralement fatale. Remédier à l’insolvabilité Après avoir décelé les risques d’insolvabilité, le créateur d’entreprise se doit de mettre en place des mesures préventives: 1° Diminuer les charges ou augmenter les ventes Il s’agit-là du premier reflex en création d’entreprise: il faut diminuer ou supprimer toutes les charges pouvant l’être. Cette mesure n’a qu’un impact marginal sur les problèmes de trésorerie. Souvent, les charges ont déjà été calculées au plus juste lors de la rédaction du tableau de trésorerie afin de ne pas donner une image trop mauvaise. Quant à l’augmentation des ventes, cette mesure est souvent bien plus pertinente 3° Augmenter les fonds propres ou étrangers L’entrepreneur ou une tierce personnes ont bien entendu toujours la possibilité d’augmenter le capital en injectant de la trésorerie dans la société. Certains établissements bancaires proposent également des lignes de crédits adaptées à cette situation. Ces deux mesures doivent néanmoins être réalisées en temps opportuns. Le manque de trésorerie n’est donc pas une cause automatique de faillite mais doit être anticipé et pris très au sérieux. Dès lors que des mesures adéquates sont mises en place à temps, la start-up a de bonnes chances de poursuivre son aventure. Un exemple de tableau de trésorerie et des conseils peuvent être obtenus auprès de Genilem. Sylvain Jaccard Gestionnaire Genilem DOSSIER - La justice Perte de capital et surendettement L’art. 725 du CO règle la phase de pré-faillite des entreprises en définissant les devoirs du conseil d’administration en cas de perte de capital ou de surendettement. Les administrateurs sont concernés au premier chef par cette disposition. En cas de surendettement, s’ils n’avisent pas le juge, ils risquent en effet d’engager leur responsabilité personnelle. Résumé de l’article Sous le titre «Perte de capital et surendettement», l’art. 725 du CO définit les devoirs du conseil d’administration (CA) dans les situations de pré-faillite. Dans le cas d’une perte de capital, c’est-à-dire lorsque «la moitié du capital-actions et des réserves légales n’est plus couverte [par les actifs sociaux]», le CA doit convoquer une assemblée générale pour lui proposer des mesures d’assainissement. exception, le CA doit alors aviser le juge et celui-ci décidera si la société doit être retirée du circuit économique pour protéger les créanciers, c’est-à-dire mise en faillite. Postposition Le CA n’est pas tenu d’avertir le juge s’il parvient à convaincre certains créanciers de la société à renoncer à demander le remboursement de leurs créances tant que dure le surendettement et à placer leurs de capital ou en cas de crise. S’ils n’avertissent pas le juge, ils peuvent en effet engager leur responsabilité personnelle pour tout le passif qui se créerait dès lors. Les administrateurs de petites structures, sans expérience, ne peuvent pas se réfugier derrière leur ignorance: le test sera de comparer leur comportement avec ce qu’aurait fait un administrateur diligent dans la même situation. Projet de révision du Conseil fédéral Sous le titre «Perte de capital et surendettement», l’art. 725 du CO définit les devoirs du conseil d’administration (CA) dans les situations de pré-faillite. Dans la situation où «il existe des raisons sérieuses d’admettre que la société est surendettée» c’est-à-dire «que les dettes sociales ne sont couvertes [par les actifs sociaux] ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d’exploitation, ni lorsqu’elles le sont à leur valeur de liquidation, le CA en avise le juge à moins que des créanciers de la société» n’acceptent de postposer leurs créances. créances à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances en cas de faillite. Si les postpositions permettent de couvrir l’insuffisance d’actifs, l’avis au juge n’est alors plus nécessaire. En pratique, c’est souvent un créancier proche de la société (par exemple un actionnaire) qui acceptera de postposer sa créance. Encore à l’état de projet, la révision du droit de la société anonyme propose notamment l’introduction d’un troisième critère, celui de la solvabilité. Pour l’instant, on se base sur le bilan, il s’agit donc d’une analyse rétrospective. Le critère de la solvabilité qui se fonde sur l’analyse du cash-flow projeté pour l’avenir est certainement plus en adéquation avec la réalité financière des entreprises. Le projet ne résout toutefois pas tous les problèmes spécifiques que rencontrent les start-up. Sébastien Bettschart Ajournement Lorsque le juge est avisé du surendettement, il déclare la faillite. Il peut également l’ajourner «si l’assainissement de la société paraît possible.» Perte de capital C’est un signal d’alarme qui exige du CA qu’il propose des mesures d’assainissement pour protéger les actionnaires et sauver la société. Dans la majorité des cas, le juge prononce la faillite lorsqu’il a été avisé du surendettement. Il peut toutefois l’ajourner s’il existe des perspectives sérieuses d’assainissement. Lorsque le juge accepte l’ajournement, il prend les mesures nécessaires à la conservation de l’actif social et place généralement la société sous le contrôle d’un curateur. Raisons sérieuses Surendettement Les pertes sont telles qu’elles ont complètement éliminé les fonds propres; sur la base des bilans dressés à cette occasion, les actifs sociaux ne suffiraient plus à payer tous les créanciers. Sauf Si les créateurs d’entreprise qui sont membres du CA de leur société doivent retenir un point essentiel de l’article 725, c’est bien leur devoir d’aviser le juge s’ils ont des «raisons sérieuses» de penser que la société est en situation de surendettement, en particulier si la société est déjà en perte Sébastien Bettschart est chargé de cours «Assainissement et faillite» à l’Université de Fribourg. Il est avocat, associé de l’Etude Tavernier Tschanz, à Genève. Créateurs No 7 19 DOSSIER - La justice A l’Office des Poursuites et des Faillites Faillite. Le mot est connu pourtant ses implications réelles le sont moins. Que se passe-t-il lorsque le processus est engagé? Comment fonctionne la procédure? Quelles en sont les conséquences? Alireza Moghaddam, substitut à l’Office des poursuites de Genève, a accepté d’illuminer les arcanes des dispositions légales. Alireza Moghaddam Qu’est-ce qu’une faillite? Alireza Moghaddam: Le législateur a estimé, dans le cadre de l’exécution forcée des dettes dues par les justiciables, qu’il convenait de prévoir une certaine organisation. Cette concrétisation s’est faite en 1889 par la Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Il s’agissait de déterminer et de fixer les paramètres légaux de cette activité. Il fallait donc arrêter une procédure pour permettre à une personne de rechercher son débiteur en vue de récupérer son dû, en évitant toute perturbation de l’ordre public, notamment l’usage de la force physique. Un organisme étatique devait donc être chargé d’entreprendre les démarches idoines, afin de satisfaire un créancier reconnu en cette qualité. Il existe ainsi différentes possibilités de recouvrement: l’exécution spéciale, c’est ce à quoi procède l’Office des poursuites sous la forme de saisies et l’exécution générale, soit l’activité déployée par l’Office des faillites. Quelles sont les différences entre la poursuite et la faillite? L’Office des poursuites, dans le cadre de l’exécution de sa mission, va chercher à connaître l’état des biens de la personne poursuivie, afin de déterminer si elle est saisissable, selon des critères déterminés par la loi. Dans l’hypothèse où elle le serait, l’Office des poursuites ne lui ponctionnerait que le montant nécessaire pour satisfaire les créanciers qui l’ont mise en poursuite. En matière d’exécution générale, la faillite, tous les biens vont être saisis, indépendamment du montant de la poursuite qui a conduit à la mise en faillite; ce qui, dans le cadre d’une entreprise, signifie généralement sa 20 Créateurs No 7 fermeture. La faillite correspond à une mainmise de l’Etat sur tous les biens de la personne. Elle est ainsi générale à un double titre: parce qu’elle embrasse non pas un nombre déterminé d’objets, mais la totalité du patrimoine du débiteur; puis parce qu’elle sert à désintéresser non pas un ou plusieurs créanciers déterminés, mais tous les créanciers du débiteur. La faillite est donc un mode d’exécution qui a pour but d’obtenir la réalisation de tout le patrimoine du débiteur au profit de tous ses créanciers. Comment se déroule une procédure de faillite sur le canton de Genève? L’Office des faillites reçoit du Greffe du Tribunal de première instance les jugements de faillites qui sont prononcés. Chaque cellule qui compose l’Office des faillites, reçoit un certain nombre de jugements qu’elle va devoir traiter. On commence par un inventaire des biens (actifs) de la personne, physique ou morale, qui est tombée en faillite: meubles, immeubles, argent ou créances. L’inventaire terminé, on passe à la liquidation de la faillite, pour autant qu’il y ait suffisamment d’actifs à cet effet. Ensuite, on lance un appel aux créanciers pour déterminer l’état des dettes (passif). Une fois les productions de la part des créanciers reçues, on dresse l’état de collocation. C’est un tableau dans lequel on répertorie les créances suivant les privilèges: 1re classe, 2e classe 3e classe ainsi que les gages. On réalise les actifs, normalement par une vente aux enchères publiques ou exceptionnellement par une vente de gré à gré (offre directe qui correspond à l’estimation et qui doit recevoir l’aval de tous les créanciers ainsi que de la Commission de surveillance). La réalisation des actifs effectuée, on distribue l’argent en fonction des classes. Les créanciers colloqués en 1re classe sont désintéressés en premier lieu, viennent ensuite ceux colloqués en 2e classe et après ceux en 3e classe. Si ceux de la 1ère classe venaient à ne pas à être désintéressés complètement, alors la distribution se ferait au prorata. Les autres classes, ainsi que ceux en 1re classe pour le solde non honoré, se verraient alors délivrer des actes de défauts de biens. Combien de temps dure une faillite? Cela peut s’étendre sur une période allant de 4 à 5 mois à plus de 3 à 4 ans, en fonction de la complexité de la faillite. Cette complexité peut s’exprimer notamment par le nombre d’intervenants. En outre, faut-il rappeler que chaque décision de l’Office des faillites peut faire l’objet d’une contestation devant différentes instances judiciaire (Tribunal de première instance ou Commission de surveillance). Ces contestations sont des procédures qui peuvent incidemment engendrer un retard dans le traitement de la faillite. Un conseil à donner à de jeunes entrepreneurs? Il faut être très attentif aux règlements des dettes de nature privée. On peut effectivement tomber en faillite pour ne pas avoir payé une facture de téléphone! Pour éviter une faillite, il est important d’avoir un service de comptabilité performant qui tirerait tout de suite la sonnette d’alarme en cas de problème. Propos recueillis par Frédéric Vormus DOSSIER - Des exemples Comment ABB a évité la faillite Procès des victimes de l’amiante, endettement colossal, une action qui flottait autour du franc, la peau du géant helvético-suédois ABB ne valait pas très chère en 2002. Au bord de la faillite, l’entreprise a pris des mesures radicales qui lui ont permis de se relever et d’occuper encore la place de leader des technologies d’énergie et d’automation. Entretien avec M. Thomas Schmidt, responsable de la communication d’entreprise. En 2002, ABB a connu des difficultés, de quoi s’agissait-il? Thomas Schmidt: Il s’agissait de plusieurs types de difficultés. L’une des filiales d’ABB aux Etats-Unis avait été attaquée pour un problème d’amiante. Le procès avait pris de l’envergure et pouvait s’avérer ruineux. A cela se sont ajoutés des problèmes financiers qui résultaient de notre politique d’acquisitions des années 80-90. Le bilan 2001 indiquait une part très élevée de dettes qui devaient être remboursées à court terme. De plus en 2001-2002, les secteurs industriels et les marchés financiers traversaient une mauvaise passe. Lesquelles se sont avérées les plus efficaces? Les mesures doivent être considérées dans leur contexte. La solution aux problèmes de l’amiante a permis de retrouver de bonnes bases à court terme. A plus long terme, les changements dans le portefeuille d’entreprises, les mesures d’améliorations de l’opérationnel et les transformations dans la culture d’entreprise ont été déterminants dans le succès définitif. Est-ce que la gestion d’ABB s’en est trouvée modifiée? ABB a utilisé cette crise aiguë pour instaurer des changements importants pas seulement dans la culture d’entreprise. Le management s’est profondément amélioré. De la même manière, ABB s’est «ABB a utilisé cette crise aiguë pour instaurer des changements importants pas seulement dans la culture d’entreprise» Quelles mesures avez-vous prises pour vous en sortir? ABB s’est recentrée sur son marché historique de la technologie de l’énergie et de l’automation. Elle s’est séparée du reste de son portefeuille. Grâce à cette mesure les dettes ont reculé. La seconde décision déterminante a été de mettre notre succursale américaine incriminée dans le procès sur l’amiante en faillite selon le chapitre 11 de l’United States Bankruptcy Code (le droit américain sur les faillites) afin de la protéger des actions judiciaires présentes et futures. Nous avons constitué un trust au capital libéré à la hauteur des demandes formulées par les plaignants afin qu’ABB retrouve un niveau de risque normal. La troisième mesure a été d’améliorer l’opérationnel en réduisant les coûts et induisant une transformation à long terme. Quand les résultats ont été visibles en 2003, ABB a pu avec succès augmenter son capital et améliorer ainsi son bilan de façon durable. Dans quelle mesure la taille de l’entreprise influe-t-elle sur les risques qu’elle encourt? Comme le montre les exemples actuels, n’importe quelle entreprise peut se retrouver en faillite. Où en est ABB aujourd’hui? ABB est aujourd’hui exceptionnellement positionnée. Nous profitons beaucoup de la demande à long terme pour de l’efficience énergétique et une productivité accrue. La demande mondiale d’électricité va doubler entre 2005 et 2030. Dans les marchés émergents comme ceux de l’Asie, de nouvelles infrastructures vont être bâties et dans les pays occidentaux, les infrastructures existantes vont être modernisées. De nouvelles sources d’énergie comme l’éolienne vont être intégrées. En tant que leader technologique et leader du marché de la technologie électrique, nous allons profiter mondialement de ce développement. Propos recueillis et traduits de l’allemand par Frédéric Vormus recentrée sur ces deux activités à succès. Aujourd’hui nous poursuivons notre politique conservatrice du bilan par un financement à long terme ce qui, dans la crise financière actuelle, se révèle d’une grande aide. D’ailleurs, est-ce que la crise actuelle vous inquiète? Personne ne peut actuellement estimer les conséquences de la crise. Notre carnet de commande est plein et nous observons attentivement les développements futurs. Nous sommes persuadés que la tendance à long terme va rester identique. Est-ce que les problèmes que peuvent rencontrer une entreprise sont toujours liés à sa trésorerie? Non, les difficultés peuvent provenir de différentes origines à commencer par une direction stratégique fausse. Dans notre cas, ça a été un portefeuille d’entreprises trop gros pour les ressources financières disponibles. Souvent les mauvais développements sont dus à un déficit de la culture d’entreprise de même qu’à un management de projets ou de risques hasardeux. Thomas Schmidt Créateurs No 7 21 DOSSIER - Des exemples Juggers Sécurité Paul-Henri Levin a fondé sa société de sécurité par nécessité. Etudiant en physique à l’EPFL, il a dû seul subvenir à ses besoins. Travail de qualité et engagement total, lui ont permis d’assurer le développement de sa société jusqu’au jour où son banquier lui annonce que sa ligne de crédit a été coupée. Là, tout s’est précipité… Quelles mesures avez-vous prises? Je ne voulais pas aller chercher une autre banque. Cela représentait une perte de temps. Paul-Henri Levin et Lucifer Où en était Juggers Sécurité dans son histoire au moment de ce coup dur? Paul-Henri Levin: La société existait depuis 1993. Fin 95, j’ai réussi à réunir un capital pour passer en SA. Le capital à l’époque, c’était la famille et l’argent que j’avais pu mettre de côté en me serrant la ceinture. La proto-entreprise s’est transformée en entreprise. Les problèmes ont surgi à ce moment: trésorerie, démarchage client, gestion d’entreprise, pénétration du marché. C’est à cette époque que Genilem a commencé à nous soutenir. Comme les affaires commençaient à entrer, je suis allé solliciter une ligne de crédit auprès d’une banque cantonale. J’ai été très bien reçu. J’ai demandé un montant qu’ils m’ont accordé très rapidement. Et ensuite? Ensuite, sans doute en raison des difficultés que la banque cantonale traversait en 1999, on m’a subitement coupé la ligne de crédit. Là, je me suis retrouvé mal. Juggers avait un volume 10 fois supérieures à son année de lancement mais aucune marge de manœuvre. Je suis allé voir le banquier avec lequel j’ai discuté. Sa réponse est restée identique. Il m’a demandé si j’avais un plan de sauvetage auquel il pourrait participer. La seule chose que je voyais, d’autant plus que le chiffre d’affaires mensuel dépassait nettement le capital, c’était la recapitalisation de l’entreprise. Le banquier m’a pratiquement ri au nez en me souhaitant bon courage. 22 Créateurs No 7 Je suis donc allé voir des organismes institutionnels et je peux dire que c’est une grande expérience. Quand on n’a jamais fait l’opération, aller les voir sans savoir ce qu’implique la recapitalisation d’une entreprise, c’est quelque chose. Il fallait en plus demander l’accord des autres actionnaires. Cela nécessite du culot et de se fixer des échéances. De toutes façons, je n’aurais pas laissé beaucoup de plumes dans l’histoire, à part l’investissement initial et le temps de travail fourni. J’ai rapidement trouvé des investisseurs car, mine de rien, ce que j’avais monté était solide. De plus, l’investissement au niveau de la recapitalisation, n’était pas «énorme, énorme». Aujourd’hui, où en êtes-vous? Je n’ai pas de dettes, je n’ai pas de ligne de crédit mais si je devais en avoir une je m’y prendrais très en avance. Je contacterais l’établissement bancaire pour lui expliquer ce que je veux et pour connaître sa politique. Il faut se renseigner sur sa vision de l’avenir. Même avec les bons clients, les établissements bancaires vont restreindre leur risque (baisse des plafonds, hausse des taux et réduction des octrois). Je suis pessimiste, les dangers sont réels pour 2009, surtout pour les PME endettées à moyen et court terme. La sécurité pour certain est une nécessité mais pas un besoin absolu. Je prévois une baisse de volume dans certains secteurs mais d’autres clients ne pourront pas s’en passer. Prévoyant, j’ai pris de mesures. Selon vous, quelles sont les raisons à l’origine d’une faillite? Qui étaient vos actionnaires? Des actionnaires individuels qui étaient d’accord d’investir plus et des institutionnels, notamment le Centre patronal vaudois qui m’a aidé et qui continue à le faire. Le Centre patronal a, parmi ces activités, l’investissement dans des structures. J’ai consulté sa direction pour demander conseil et ils m’ont dit: «Attendez, attendez. On peut commencer à regarder chez nous mais il faut élire un conseil d’administration sérieux avec un avocat, quelqu’un du marketing, d’autres spécialistes et trouver d’autres investisseurs.» J’ai trouvé des personnes qui ont accepté de siéger au conseil d’administration, non pas pour toucher des jetons de présence mais pour y être utiles. Ils sont très motivés et toujours présent aujourd’hui. Les problèmes commencent à se poser quand les commandes n’entrent pas et quand les flots de trésoreries sont fluctuants, ou que les associés ne tirent plus à la même corde et que rien n’a été prévu au départ. Il faut aussi faire attention à une croissance trop importante. Si vous engrangez trop, vous allez avoir des difficultés de gestion de ressources humaines, de gestion d’entreprise. Vous n’aurez plus le temps de gérer l’entreprise. La trésorerie à elle seule n’est pas à l’origine d’une faillite, elle n’est souvent qu’un symptôme ou un résultat de difficultés purement structurelles. Frédéric Vormus