Les deux faces de l`objection de consciences dans le

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Les deux faces de l`objection de consciences dans le
Les deux faces de l'objection de conscience dans le domaine de la santé: les
contraintes du libéralisme pluraliste
Marta Spranzi
Maître de conférences en histoire et philosophie des science, Université de Versailles
Chargée de mission, Centre d'éthique clinique, Hôpital Cochin, AP-HP (Paris
Introduction
La conscience peut se définir comme ce qui au nom de nos convictions les plus intimes
nous commande de résister à une contrainte extérieure, même s’il s'agit de pratiques
professionnelles communément acceptées. Par conséquent, le droit à l'objection de conscience
dans le domaine de la santé relève bien du droit à la liberté de "pensée, de conscience et de
religion", conformément à l'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme.
Même si en France l'objection de conscience n'est prévue dans la loi qu’en relation à la
pratique de l'IVG (article 2212-8 du CSP), les médecins, contrairement aux soignants,
peuvent toujours refuser individuellement un acte médical qui contrevient à leurs propres
principes, à condition que ce refus ne mette pas en péril la vie du patient et que le patient
puisse être référé à un autre praticien. Il y a des raisons de penser qu’un grand nombre de
pratiques (telles que certains arrêts de soins, actes d'assistance médicale à la procréation,
diagnostic prénatal) pourraient être à l'avenir concernées par des clauses de conscience, et ce
surtout si la loi devenait plus permissive (légalisation de l'euthanasie), et les professionnels
plus diversifiés du point de vue de leur obédience religieuse, notamment avec les médecins
d'obédience musulmane. C’est déjà le cas dans d’autres pays, notamment en Belgique
concernant l’euthanasie. Aux Etats-Unis par exemple, l'OC concerne une gamme beaucoup
plus étendue de services et d'actes médicaux: certains considèrent par exemple que le fait
même d'informer une patiente de la possibilité d'une IVG ou de la référer à un autre service,
ou encore de remplir une prescription médicale de pilule abortive est déjà inacceptable.
Or, le droit à l'objection de conscience, surtout lorsqu'il n'est pas suffisamment
réglementé, peut mettre en péril l'accès à certains actes médicaux. Etablir des limites au droit
à la clause de conscience implique une réflexion sur le rapport entre valeurs individuelles
(liberté de conscience) et valeurs collectives (droits d'accès à un service médical, en
l'occurrence pour les femmes) au sein d'une société libérale et multiculturelle. C’est d’ailleurs
dans ces termes que le débat autour de la clause de conscience est souvent présenté. Le
rapport récent de la députée socialiste Christine McCafferty au Conseil de l'Europe dont il
sera question plus loin parle d'un "équilibre nécessaire" entre le droit à l'objection de
conscience d'un individu à réaliser une procédure médicale particulière d'un côté, et la
1
responsabilité professionnelle ainsi que le droit de chaque patient d'avoir accès à un service
médical autorisé par la loi en temps utile, de l'autre côté"1.
Dans la première partie de cette intervention, je voudrais montrer que si on se focalise sur
cette opposition, le débat devient stérile (opposition inextricable entre deux droits différents)
et risque d'aboutir à une solution antilibérale, qui limiterait l’expression de valeurs
individuelles au nom de valeurs collectives comme le droit d'accès aux soins. Dans la
deuxième partie je montrerai que cette approche suppose de donner une définition
"restrictive" par opposition à une définition "inclusive" de l'objection de conscience. En effet
on peut objecter à un acte médical en adoptant deux attitudes différentes.
- Celui/celle qui adopte une approche que j'appellerai "restrictive", qui est celle de la clause
de conscience légale, déclare implicitement : "Je reconnais la pratique médicale courante que
je ne conteste pas, mais je me situe en dehors de celle-ci pour afin de préserver mes valeurs
personnelles."
- Celui/celle qui adopte une approche que j'appellerai "inclusive" déclare implicitement : "Je
suis en désaccord avec les valeurs médicales sous-jacentes à certains actes médicaux courants
et j'objecte afin que ces valeurs changent et que la loi évolue."
Dans le premier cas de figure (approche restrictive), la conscience est évoquée pour
défendre des valeurs strictement individuelles qui doivent être mis en "équilibre" avec les
valeurs collectives. Dans le deuxième cas de figure (approche inclusive), la conscience
individuelle déborde sur ce qu'on appelle l'intégrité médicale, c'est-à-dire les valeurs
collectives propres que la communauté médicale a l'obligation de défendre et de promouvoir.
C'est à ce deuxième niveau que le débat sur l'objection de conscience si situe réellement. Dans
la conclusion, je montrerai qu'il est bien qu'il en soit ainsi : c'est précisément en portant la
question de l'OC sur le terrain des valeurs communes, valeurs sociétales aussi bien que
valeurs propres à l’intégrité médicale, que le libéralisme pourra sortir renforcé, et non
diminué.
1. Le débat autour de l’objection de conscience
L'objection de conscience dans le domaine sanitaire a fait l'objet d'un débat important au
niveau européen. Le 7 octobre 2010 l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a
voté la résolution n. 1763 qui a complètement renversé les recommandations du rapport de
rendu par la députée socialiste anglaise Christine McCafferty. Ce rapport prônait de
réglementer le droit à l’objection de conscience au nom du principe de justice (droit d'accès à
tous les services de soins prévus par la loi). En effet, dans certains contextes (notamment dans
les zones rurales de certains pays de l'Est, ou en Italie où l'objection de conscience à l'IVG
1
On remarquera que le rapport ne parle pas d'un conflit entre deux droits (droit à l'IVG et droit à la liberté
de conscience), mais de conflit entre un droit individuel et un droit à l'accès à un service médical légal que l'État
s'est engagé à fournir.
2
atteint dans certaines régions 70%), un droit individuel à l’objection de conscience (droit
liberté individuel) est en contradiction avec un autre droit protégé par la loi, le droit à l’accès
pour tous à des services de santé (droit-créance collectif). Le rapport préconise deux types de
mesures afin d'assurer la compatibilité entre les deux droits : la première consiste à obliger
l'objecteur à en informer le patient et à le transférer à un collègue et/ou un service où il
pourrait recevoir l'acte demandé. Surtout, les professionnels de santé seraient « obligés de
donner le traitement souhaité, notamment l’IVG, en dépit de leur objection de conscience » en
cas d'urgence et au cas où il est impossible de transférer le patient à un autre professionnel. En
d’autres termes un droit collectif à un service doit prévaloir sur un droit individuel à ne pas le
fournir, s’il est impossible de satisfaire les deux. La deuxième mesure vise justement à faire
en sorte qu'on en arrive pas à cette situation. Le rapport préconise de limiter d'éventuels abus
de la clause de conscience en s'assurant que l’objection est réellement « fondée en conscience
ou sur des croyances religieuses, philosophiques ou morales » et « que le refus est donné en
toute bonne foi » (§19) ainsi que d'établir un registre des objecteurs de conscience. Cette
deuxième mesure vise à restreindre au maximum l’objection de conscience et à faire en sorte
que ce droit individuel reste minoritaire, et ne serve pas de moyen oblique pour redéfinir les
droits des patients et les devoirs médicaux, notamment en rendant problématique
(pratiquement et éthiquement) l'accès à l'IVG ou d'autres actes controversés. De même, le
droit à l'objection de conscience serait limité à ceux qui exécutent l'acte (par opposition à ceux
qui contribuent à sa réalisation) et aux individus (par opposition aux institutions).
De façon cohérente, donc, le rapport identifie la condition essentielle pour que les
deux droits, droit-liberté à l'objection de conscience et droit-créance à certains services
médicaux, puissent coexister : le droit à l'objection de conscience doit rester très minoritaire et
doit être limité à une catégorie particulière d'actions et de sujets. C'est précisément ce que
contestent les groupes de pression qui se réclament notamment de la religion chrétienne. Sur
le premier point, on fait observer que si on considère que le comportement homosexuel est un
droit qui doit être protégé, ce droit ne cesserait pas d'exister si les homosexuels devenaient
majoritaires dans la société. Sur le second point, on fait valoir le fait qu'il serait incongru
d'obliger des institutions officiellement catholiques à fournir de services qui vont à l'encontre
des valeurs fondamentales défendues par le personnel y travaillant. Aussi, dans le contexte
actuel des soins médicaux qui sont souvent pratiqués par des équipes, il est difficile de
distinguer de façon nette celui qui effectue le geste de celui qui suit le patient avant et après la
procédure.
Or, le compromis proposé par le rapport ("équilibre [balance]") n'a pas convaincu la
majorité. Non seulement les recommandations du rapport n'ont pas été suivies, mais le droit
individuel à l'objection de conscience a été renforcé et étendu aux institutions : "Aucune
personne, hôpital ou institution ne peut être d’aucune manière contraint, tenu pour
responsable ou objet de discrimination parce qu'elle refuse de pratiquer, arranger, aider ou se
soumettre à un avortement, pratiquer une fausse couche, une euthanasie ou tout acte qui
pourrait causer la mort d'un fœtus humain ou d'un embryon humain, quelle qu’en soit la
raison" (§1 de la résolution 1763 votée le 7 octobre 2010).
La solution préconisée par le rapport McCafferty adoptait implicitement une forme de
libéralisme défensif aux ambitions modestes. Comme l'écrit John Gray : "Instead of seeing
liberalism as a system of universal principles, we can think of it as an enterprise of pursuing
3
terms of coexistence among different ways of life. Instead of thinking of liberal values as if
they were universally authoritative, we can think of liberalism as the project of reconciling the
claims of conflicting values. If we do this, liberal philosophy will look not to an illusion of
universal consensus, but instead to the possibilities of modus vivendi". ("Excerpt from 'Two
faces of liberalism'", in: G.W. Smith (ed.) Liberalism. Critical concepts in political theory, (4
vols.) Routledge, 2002 vol. 1, pp. 81-88). Cette approche suppose toutefois que les objecteurs
restent très minoritaires et donc accepte implicitement que s’ils devenaient majoritaires, ou
bien la société serait amenée à changer les lois, ou bien elle devrait se défendre en interdisant
ou en limitant fortement l’objection de conscience. Cela conduit à un paradoxe : une
réglementation de l'OC pourrait aboutir à mettre en cause l'approche libérale et pluraliste qui
la justifie. On pourrait résoudre ce paradoxe en considérant que les médecins qui ont rejoint la
profession après le vote d’une loi établissant un droit d'accès à certains services (IVG,
euthanasie, DPN), s’engagent implicitement à les fournir. Il n’y aurait plus de contradiction
entre liberté de conscience et bien collectif : en effet la liberté individuelle consisterait à ne
pas s’engager dans une profession dont les devoirs définis collectivement comportent des
gestes qui vont à l’encontre de sa propre conscience. Le problème de l'objection de
conscience serait réglé de façon spontanée, au fur et à mesure que le personnel se renouvelle
et que les services prévus par la loi deviennent pratique courante. Or, c’est l’inverse qui se
produit : plus la bataille idéologique des militants pour le droit à l'IVG s’éloigne dans le
temps, plus l’objection gagne du terrain. Aussi, obstétriciens, sages-femmes et infirmières qui
font appel à l'objection de conscience déclarent s’être engagés dans la profession par amour
de la vie, et refusent de ne pas s'y engager, en considérant qu’une éventuelle interdiction serait
non seulement contraire à la liberté d'exercer la profession de son choix (discrimination), mais
surtout à la liberté de défendre des valeurs individuelles et professionnelles ressenties comme
fondamentales. La solution qui consisterait à donner une claire préséance aux valeurs
collectives (compatibilistes) peut aboutir à retirer à la profession médicale ce qu'elle a de plus
précieux. En effet, "Exiger d'un médecin qu'il se sente moralement responsable de ses actes et
en même temps insister pour qu'il soit neutre par rapport aux valeurs serait porter atteinte à
son intégrité" (J. Blustein and A. R. Fleishman, "The pro-life maternal-fetal medicine
physician", HCR, 25/1, 1995, 22-27, p. 25).
2. La bataille autour de l'objection de conscience: l'arbre qui cache la forêt
En effet, contrairement à ce que les défenseurs de l'OC mettent en avant pour prendre au
piège le libéralisme pluraliste, le sens de l’objection de conscience n’est pas de défendre la
stricte liberté religieuse, mais de pouvoir proposer indirectement une autre façon de défendre
les valeurs médicales et universelles que celles au nom desquelles est défendu le droit d'accès
à l'IVG (droit à disposer de son corps), à l'euthanasie (droit de mourir dans la dignité) ainsi
qu'à l'AMP et le DPN (liberté procréative). Pour illustrer ce point je ferai référence, entre
autres, à des extraits du procès-verbal des débats de l'assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe qui ont abouti à la résolution réaffirmant le droit à l'objection de conscience. Comme
l'affirme Mme BEMELMANS-VIDEC (Pays-Bas), "le refus de pratiquer un avortement n'est
pas simplement fondé sur des sentiments individuels, mais sur des valeurs humaines
objectives". Le député italien Farina va dans le même sens quand il affirme que ceux qui font
4
appel à l'objection de conscience "ne font que s'opposer à des lois qu'ils considèrent comme
nuisibles au bien commun". En commentant sur le site Liberté politique.com un document de
l'"Observatoire sur l'intolérance et la discrimination contre les Chrétiens en Europe", PierreOlivier Arduin est encore plus explicite : "L'objectif à plus long terme doit être en effet de
donner corps à des communautés médicales, scientifiques (..) qui rendent évident et
convaincant pour nos contemporains un respect absolu de la vie humaine. (..)"; il continue :
« Ce n'est qu'au prix de cet engagement résolu et passionné que les gynécologues et sagesfemmes catholiques seront "les héros d'une nouvelle culture de vie" ». C'est bel et bien pour
faire reculer le recours à l'avortement, défendre la naissance de bébés porteurs de handicap,
endiguer la demande d'euthanasie et de certaines pratiques de fin de vie comme la sédation
terminale, que les défenseurs de l'OC se battent, bien au-delà de leurs valeurs individuelles et
de leur liberté religieuse. Ceux qui veulent restreindre au maximum le droit à l'OC ont donc
raison de voir dans l'appel à la liberté de conscience une tentative pour contester des droits
acquis à certaines prestations controversées et les valeurs qui les sous-tendent. Mme Circene,
Rapporteur du "Committee on Equal Opportunities for Women and Men", affirme pendant
les débats que "beaucoup d'opposants [au rapport McCafferty] mettent l'accent sur la
protection de la liberté religieuse, quand en réalité ils forment un petit groupe d'activistes
ultraconservateurs et "anti-choice" qui essaient de faire reculer les avancées de l'Europe en
matière de santé et droits reproductifs et sexuels, ainsi qu’en matière de droits des femmes".
Et la députée française Marie-Christine Blandin observe qu'il s'agit bel et bien de défendre les
valeurs de la modernité qui inclut le droit non-négociable des femmes à disposer de leur
propre corps. On voit donc que le combat pour limiter l'objection de conscience ne porte pas
seulement sur l'accès pratique à certaines techniques, mais également sur la légitimité de ces
mêmes prestations. Ce deuxième combat, plus substantiel que le premier, est tout aussi
important, sinon plus.
C'est la raison pour laquelle certains médecins sont tentés de faire appel à l'OC non pour
des raisons religieuses, mais pour des raisons qui relèvent de l'idée qu'ils se font de leur
propre fonction et de ce qu'on appelle aujourd'hui l'"intégrité médicale". Dans le débat qui a
précédé le vote de la résolution du Conseil de l'Europe, un député hollandais (M. OMTZIGT)
fait observer que le débat sur l'OC tel qu'il est souvent relayé ne prend pas en compte ce qui a
lui a été communiqué par un grand nombre de lettres de professionnels de la santé: "Il existe
une catégorie de personnes qui sont absentes du rapport. (..). La grande majorité des médecins
pensent que l'avortement est acceptable dans certaines circonstances, mais pas dans d'autres,
par exemple quand quelqu'un souhaite interrompre une grossesse en raison du fait que l'enfant
est d'un sexe non voulu ". La question de l'objection de conscience pourrait ainsi être élargie
au refus de pratiquer certains soins qui iraient à l'encontre de sa propre conception de
l'intégrité médicale. C'est le cas par exemple de l'accès à l'AMP pour des couples que l'on peut
considérer comme non conformes, qu'il soient homosexuels (interdit par la loi en France) ou
dont l'un des membres est considéré comme étant en dehors de l'"âge de procréer" que la loi
ne définit pas de façon précise). Tel médecin confronté à cette demande dit par exemple: "Ce
n'est pas mon travail que de créer des grands-pères".
3. Conclusions: intégrité médicale et respect de l'autonomie
5
Dans une conception "inclusive" de l'objection de conscience, le périmètre de la
conscience est plus large et inclut des croyances qui ne sont pas directement en rapport avec
la doctrine religieuse, mais qui font partie de la conception que l’agent se fait de sa propre
intégrité à la fois morale et professionnelle. Considérée sous l'angle de l'affrontement entre
des conceptions alternatives de l'intégrité médicale, la question de l'objection de conscience
devient à la fois plus difficile à régler d’un point de vue pratique et plus intéressante d'un
point de vue éthique. Elle est plus difficile à régler d'un point de vue pratique parce que les
procédures médicales concernées iraient au-delà de l'IVG et de l'euthanasie et seraient
potentiellement plus nombreuses et plus variées. La pratique médicale supposerait pour
chaque cas spécifique un accord entre médecin traitant et patient autour de valeurs
fondamentales : ainsi un médecin qui serait lui-même gai, ou simplement gagné à l’idée d'une
liberté reproductive très large, pourrait mieux accompagner un couple de femmes lesbiennes
au cours d'un projet d'assistance médicale à la procréation. Ce genre d'"appariement" entre
médecins et patients partageant les mêmes valeurs n'est pas aisé. D'un point de vue éthique
l'approche "inclusive" à la question de l'objection de conscience constitue un défi plus
ambitieux que l'approche "étroite". Elle suppose de s'éloigner d'un strict libéralisme pluraliste
que Philip Pettit appelle "vulnérable" et adopter un libéralisme plus "résilient" qui se bat
positivement pour l'importance du respect de l'autonomie des patients dans tous les domaines
des soins et pour une redéfinition de l'intégrité médicale qui inclut par exemple le devoir
d'assurer aux patients une mort digne, même au prix d'une aide active à mourir.
"L'intégrité signifie unité. Nous utilisons le terme pour décrire quelqu'un qui est à la hauteur
de ses propres normes" (Christine Koorsgard, "The sources of normativity", p. 8).
En même temps, l'intégrité défendue par l'approche "inclusive" doit être entendue comme une
"vertu sociale", et non simplement comme la défense de sa propre identité individuelle:
"L'intégrité inclut le fait de reconnaître que les autres doivent eux-mêmes agir en conformité
avec leur propre conscience (..) Cela veut dire que quand il y a désaccord sur ce qu'il convient
de faire, l'intégrité nous demande de faire deux choses à la fois : tenir bon sur nos propres
convictions et en même temps prendre au sérieux les doutes qu'elles peuvent susciter chez les
autres. Par conséquent, ni l'ambivalence ni le compromis ne semblent indiquer un défaut
d'intégrité" (C. Calhoun, "Standing for something", Journal of Philosophy, 1995, 92/5 : p.
260). Si on peut que réglementer l'OC au sens strict du terme, on ne peut que négocier
l'objection de conscience au sens inclusif du terme, tout en s’efforçant d’élaborer et de faire
accepter par une grande partie des médecins une conception de l'intégrité médicale qui
comprenne une réelle prise en compte des valeurs des patients, au delà de ses propres valeurs
strictement personnelles. Le débat qui se cache (à peine) derrière celui de l'OC est la
définition de la profession médicale elle-même.
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