La notion de risque et l`évolution de la responsabilité
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La notion de risque et l`évolution de la responsabilité
7 LA NOTION DE RISQUE ET L’EVOLUTION DE LA RESPONSABILITE Caractériser les risques inhérents à une situation professionnelle donnée Déterminer le droit applicable et analyser l’évolution des principes juridiques en matière juridique La responsabilité civile consiste dans l’obligation de réparer le préjudice ou dommage subi par autrui et dont on doit répondre personnellement. Mais, le risque lui-même a évolué dans la société tout comme a évolué le fondement de la responsabilité qui le répare. Initialement, il était constitué par la faute de l’auteur du dommage. Aujourd’hui, c’est une approche des situations générant le risque qui permet de mettre en cause la personne qui, objectivement, est à l’origine de ce risque, même si aucune faute ne peut lui être reprochée (responsabilité présumée). I. LA NOTION DE RISQUE A. L’EVOLUTION DU RISQUE DANS LA SOCIETE Dans la société préindustrielle, de type essentiellement agricole, le risque n’est pas d’abord lié aux activités professionnelles : Les travaux des champs n’étaient pas particulièrement « accidentogènes ». De ce fait, le droit de la responsabilité civile, qui se construit avec le Code civil au début du XIXème siècle, repose naturellement sur la faute personnelle comme source de responsabilité civile. Cette faute, prévue aux articles 1382 et 1383 du Code civil, (« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence »), constitue le fait générateur de référence. Donc la faute peut être volontaire ou involontaire (négligence ou imprudence), et peut même être présumée chez celui qui a la garde d’une chose ou qui doit répondre de personnes à l’origine d’un dommage (art. 1384 « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde, etc. »). Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, visà-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil. Les parents, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. Les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ; Les instituteurs et les artisans, sont responsables du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance. La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les parents et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance ». Donc, dans sa conception originelle, la responsabilité est toujours subjective, c’est-à-dire liée au comportement de la personne responsable. Les trois éléments de mise en œuvre de la responsabilité sont : la faute, le dommage ou le préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice. L’évolution du droit de la responsabilité est liée aux bouleversements sociaux que la révolution industrielle a entraînés. L’utilisation de machines-outils performantes est source de dommages, le milieu professionnel devient source de danger : C’est la notion de risques professionnels. De plus, à côté des risques professionnels au sens propre (accidents du travail en relation avec les machines, avec les matières transformées ou avec le processus industriel), apparaissent des risques liés aux nouveaux moyens de transport (véhicules automobiles, avions, etc.) ou à l’utilisation de nouvelles techniques (ascenseur, four, appareil de chauffage, etc.) dans la vie quotidienne. Devant la multiplication des accidents en rapport avec l’industrialisation, il n’est pas toujours possible de mettre en cause une personne fautive. L’employeur dont une machine explose et blesse des salariés n’a commis aucune faute. Il est donc apparu nécessaire, dans l’intérêt des victimes, d’abandonner l’idée que seule la faute engendre la responsabilité. B. LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE PAR LE DROIT 1. Les apports de la jurisprudence C’est d’abord la jurisprudence qui intègre au droit de la responsabilité la nouvelle conception juridique du risque. Prenant appui sur les textes existants, la Cour de cassation reconnaît la responsabilité du chef d’entreprise dont une machine a causé un dommage corporel à des salariés. Les juges du droit considèrent qu’il ne faut pas chercher à lier responsabilité et faute du gardien de la chose. Cette jurisprudence ouvre la voie à l’essor de la responsabilité du fait des choses, en dissociant le droit à réparation de la victime et à la référence à la faute. Par exemple, dans un contrat de dépôt, les juges du droit font de la garde de la chose le fait générateur de la mise en jeu de la responsabilité, condition nécessaire et suffisante, indépendante de toute autre considération tenant au comportement du gardien ou des caractéristiques de la chose. L’intérêt est de permettre la réparation des dommages accidentels survenus sans que le gardien de la chose n’ait eu d’intention malveillante, ni même qu’il ait fait preuve d’imprudence. La voie de la conception objective de la responsabilité délictuelle est ouverte. 2. Les apports de la loi Les textes du Code civil ne suffisant pas à prendre en compte les divers risques de la société moderne (accidents du travail ou de transport, accidents médicaux, utilisation de produits défectueux, pollution des mers ou d’atteinte à l’environnement etc., c’est le législateur qui a adopté des textes spécifiques en matière d’accidents survenus dans des contextes particuliers (accidents d’aéronef ou de téléphérique, accidents d’origine nucléaire ou de pollution marine, accidents de la circulation ou problèmes liés aux transfusions sanguines, etc.) : - La première loi importante est celle du 9 avril 1898 qui a posé le principe de la responsabilité du chef d’entreprise en cas d’accident du travail, bien avant que ce risque soit intégré à ceux que la S.S a pris en charge après la Seconde Guerre mondiale (loi du 30 octobre 1946). - Selon la loi du 19 mai 1998, un produit doit répondre aux exigences normales de sécurité des utilisateurs. Elle concerne la responsabilité du producteur mettant un produit défectueux sur le marché et vis-à-vis duquel, si un dommage est causé par cette défectuosité, le professionnel doit en assumer les conséquences, quand bien même il n’a commis aucune faute personnelle. Le droit français, comme le droit communautaire préfère s’attacher à la protection de la personne plutôt qu’à la notion de faute du responsable. II. L’EVOLUTION DE LA RESPONSABILITE : DE LA FAUTE AU RISQUE A. DE LA RESPONSABILITE POUR FAUTE A L’OBJECTIVISATION DE LA RESPONSABILITE Bien évidemment, parmi les faits générateurs de la responsabilité civile, la faute personnelle garde une place prépondérante dans le droit contemporain : - Ainsi, en matière de concurrence déloyale, le chef d’entreprise doit répondre de sa faute, volontaire (dénigrement d’un concurrent) ou involontaire (imitation d’un élément d’identification du fonds de commerce d’autrui). - Le droit du travail met en exergue la faute inexcusable de l’employeur pour améliorer le régime de la réparation du dommage subi par le salarié victime d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail. L’objectivisation de la responsabilité se traduit par la prise en compte de faits générateurs de responsabilité sans rapport avec la faute de la personne responsable. Ainsi, c’est le commettant, c’est-à-dire l’employeur, qui est responsable des accidents causés par ses salariés alors qu’il n’a commis aucune faute, le salarié ayant agi hors de sa vue et de sa surveillance. De même, le salarié, lui, a pu commettre une faute à l’origine du dommage. Pourtant, dans ce domaine du droit, le salarié fautif n’est pas responsable, et l’employeur responsable n’est pas fautif. La finalité est bien de réparer le préjudice subi par la victime plutôt que de punir le fautif. B- LA COLLECTIVISATION DU RISQUE La collectivisation du risque consiste à mettre à la charge du plus grand nombre l’obligation de réparer le préjudice subi par certaines victimes. Que l’auteur du dommage soit solvable ou non, qu’il soit connu ou non, ces victimes sont ainsi certaines d’être indemnisées. Il existe plusieurs dispositifs de collectivisation du risque : - les contrats d’assurance - la sécurité sociale - les fonds de garantie. Dans le cadre de l’assurance ou de la sécurité sociale, les conséquences des actes d’un assuré sont supportées par l’assureur ou l’organisme social, donc indirectement par tous les assurés. Au plan individuel, cela peut donner à l’assuré un certain sentiment d’irresponsabilité. Seuls des aménagements contractuels, éventuellement prévus par les textes, peuvent imposer une participation de l’assuré aux conséquences de ses actes (comme le système de bonus/malus en matière d’assurance automobile).