Caramel mou
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Caramel mou
de souffle, à tenter d’aimer un homme. Et tous les autres aussi. Toutefois, ça, je ne le savais pas encore. Je le saurais bien assez vite. Or, il y avait aussi autre chose de bien pire que j’ignorais. Par le plus pur des mystères, je venais d’activer de façon irrémédiable une étrange production de caramel dans mon organisme. Un raz-de-marée innommable. Dès lors, bien que je ne l’aie compris que trop tard, j’allais dorénavant carburer au… caramel ! Mes bouffées d’émotion engendreraient des variations de sa texture dans mes veines. Du collant gluant au fondant léger jusqu’au dur cassant. Des bouffées hormonales de caramel mou ! Le lendemain, Guimauve et moi avons passé une soirée torride à une fête chez mon amie d’enfance, Patricia. À s’incendier sept fois en rafales sur la chanson Je t’aime moi non plus de Serge Gainsbourg. L’un dans le pantalon de l’autre. Bavant de bonheur dans les cheveux de l’autre. Sa braguette au bord du séisme. J’avais le caramel torréfié. Plus le temps passait, plus notre étreinte se resserrait. Sa main a heurté mon sein gauche. Comme par erreur. Il se cherchait et s’était sûrement perdu. Il était empoté, mais si amoureux. J’espérais qu’il me transporte, dans un long soupir d’amour, vers notre champ dessert. Il exhalait le sucre glacé. J’étais poudrée d’amour. Tendre Guimauve. Je m’imaginais, chauffée au-dessus d’un feu de bois contre son corps moelleux. Rouler avec lui dans les Rice Krispies à la chaleur d’un brasier crépitant. Par contre, chaque nuit étoilée a ses nuages. La musique lancinante et lascive s’arrêtait alors tout d’un coup. Comme une horde d’eau qui se déverse en trombe du ciel. La mère de Patricia venait refroidir l’ambiance avec un bon pop rythmé et des biscuits très secs avec verres de lait. Ardeur liquidée. Après toutes ces manipulations malhabiles, Guimauve m’a finalement ramenée chez moi le soir de nos premiers slows et a déposé ses savoureuses lèvres onctueuses sur ma bouche assoiffée d’amour, grande ouverte sous mes yeux bien fermés… Baiser suave. Ce bon goût de sucre. J’en suis devenue accro. Guimauve est demeuré collé au bout de ma langue. En plein émoi. J’étais subjuguée. Fondante d’émotion. Je transpirais le caramel à pleins pores. Je n’ai ouvert les yeux que quelques incalculables heures plus tard. Prostrée immobile devant mon miroir tout embué. Mes yeux baignaient dans le caramel ! Il y avait bien longtemps que Guimauve m’avait quittée en bâillant. Je n’avais jamais tant aimé ! Dès cet instant, je n’ai vécu chaque seconde que dans l’espoir de me rouler à nouveau dans cette guimauve duveteuse. Me sucrer toutes les lèvres de sa succulence. Mon corps tout entier à lui tout seul. J’achetais des boîtes et des boîtes de Rice Krispies. J’en comptais les grains, prostrée à côté du téléphone. Silencieuse. Comme le téléphone d’ailleurs. Parfois, ce cher Guimauve, je lui aurais aussi fait avaler l’appareil. Par moments, il me tombait bizarrement sur le cœur. Mais je m’en voulais alors bien vite d’avoir de telles pensées vulgaires. Je devais l’aimer. Comme il était. Pour ce qu’il n’était pas, mais qu’il serait sûrement un jour. Je devais être patiente. N’était-il pas mon tout premier amour ? Alors, il m’était tout. À mon cours de français, mon vocabulaire s’était enrichi de mots : Baisoter. Bécoter. S’enamourer. Jouir. Se complaire. Se vautrer. Et quand Guimauve prenait plus de trois jours à m’appeler, j’en apprenais vite d’autres nouveaux : berner, duper, entuber, feindre, couillonner… Les bons jours, « on » n’excluait plus la personne qui parle et « on » se mettait en genre et en nombre autant que désiré. ONctueux. N-ON-stop. Et l’onomatopée ONh ! décrivait alors mes pensées ànepasnommer. Puis se pointaient à nouveau des mauvais jours où « ON » n’existait plus. « ON » redevenait indéfini. C’était n’importe qui. Sauf nous. Des personnes quelconques. Des « ON-dit ». Pas plus. Notre « ON » passait en dernier dans ma vie comme dans poltrON,