Les montages sociétaires possibles
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Les montages sociétaires possibles
Centrales Villageoises Photovoltaïques Note explicative sur les montages juridiques possibles Anne-Sophie Cichowlas – Noémie Poize Contexte global L’approche défendue est une approche globale et intégrée du développement du photovoltaïque. Elle fait, entre autres, appel à la participation citoyenne, tant au niveau de la conception du projet qu’au niveau du financement. Le modèle recherché pour le portage des projets de centrales villageoises photovoltaïques doit respecter certaines conditions, qui font partie des valeurs défendues par le projet. Il s’agit notamment d’aboutir à une solution qui : Permette la participation des citoyens ET des collectivités Offre une rémunération financière modeste mais réelle Soit en cohérence avec la politique énergétique des PNR Permette aux collectivités d’intervenir en cas de non respect des valeurs du projet Puisse porter plusieurs projets de production d’énergie renouvelable et d’économies d’énergies sur un territoire Se compose à la fois d’un portage local et d’outils mutualisés à une échelle plus large Soit la plus simple et reproductible possible et peu coûteuse à mettre en place Le rôle des collectivités territoriales est celui de promouvoir, d’intéresser les citoyens aux projets de centrales villageoises et d’assurer un certain encadrement pour éviter toute dérive. La collectivité ne s’approprie pas la direction de la société mais participe à l’animation de la démarche et à son encadrement. La collectivité participe aussi financièrement au projet si elle le souhaite et bénéficie de retombées économiques locales. Le rôle des citoyens est de contribuer à l’élaboration du projet (choix du site d’implantation, adaptation du modèle juridique localement) et de participer ensuite au montage, au financement et aux orientations de la société locale et de conduire sa gestion et son évolution. Afin de répondre à ce cahier des charges plusieurs structures sociétaires ont été étudiées sur la base de la réglementation ainsi que par l’analyse d’expériences existantes d’investissement citoyen dans les énergies renouvelables. Les sociétés envisagées sont Soit des sociétés à capitaux privés Soit des sociétés à capitaux publics et privés [En annexe : définitions des termes repérés par un astérisque] RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize jeudi 23 juin 2011 - 1 - Sociétés uniquement privées Parmi celles-ci, nous trouvons, les SARL : Société à responsabilité limitée, les SA : Société Anonyme et les SAS : Société par actions simplifiée. Ci-dessous un tableau présente les principales caractéristiques de ces sociétés. Les caractéristiques contraignantes apparaissent en rouge, celles qui sont le plus propices au projet sont en vert. SARL SA SAS Combien d’actionnaires De 2 à 100 associés possibles ? A partir de 7, pas de maximum A partir de 2, pas de maximum Capital social de départ Aucun 37 000 euros Aucun Qui peut prendre des parts de capital? Citoyens, entreprises. Pas de collectivités Comment sont affectés Un actionnaire détient des droits de vote en les droits de vote ? proportion de sa participation au capital. Organe(s) de direction Un ou plusieurs gérant(s) Liberté statutaire. Statut coopératif possible (1 homme = 1 voix) – Droits de préférence possibles Dirigée par un Conseil Liberté statutaire d'administration. Président obligatoire Président obligatoire. Organe de conseil possible Comment sont répartis En fonction du capital détenu les dividendes ? Commissaire aux comptes obligatoire ? Non sauf si seuils dépassés Oui Non sauf si seuils dépassés OPTF* (au-dessus des seuils d’exception) Oui sous certaines conditions Oui Non Responsabilités La responsabilité est limitée au montant des apports Comment cède-t-on ses parts de capital ? Entre associés Soit libre soit soumis à Libre l’accord des associés A un tiers Soumis à l’accord de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales Transmission par décès libre, sauf clause restrictive RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize libre + possibilité d’être soumis à l’accord des actionnaires Toujours libre avec possibilités de clauses particulières : - Accord des actionnaires nécessaire pour l’entrée d’un nouvel actionnaire - Priorité donnée à l’achat par les actionnaires existants libre jeudi 23 juin 2011 - 2 - La SARL peut accueillir au maximum 100 actionnaires, ce qui semble être un critère très restrictif pour le développement des centrales villageoises, dans la mesure où l’on recherche une société pouvant porter plusieurs projets de production d’énergie renouvelable et pouvant accueillir un maximum de citoyens dans son capital. La SA dispose d’un mode de fonctionnement très lourd : conseil d’administration et président ou directoire et conseil de surveillance, présence obligatoire de deux commissaires aux comptes. Aucune expérience d’investissement citoyen dans les énergies renouvelables n’existe sous forme de SA en France. Au regard de ces arguments, les solutions en SA et SARL semblent mal convenir au cadre des centrales villageoises photovoltaïques. La SAS est caractérisée par sa très grande souplesse : son fonctionnement est à définir dans les statuts, il peut donc être très simple. Une SAS pourra notamment avoir un capital fixe ou variable, des statuts coopératifs ou non, un conseil d’administration ou pas, etc. De plus aucun commissaire aux comptes n’est obligatoire sauf si 2 conditions sur les 3 suivantes sont réunies: total du bilan > 1million d'€ chiffre d’Affaire HT > 2 millions d'€ ; nombre de salariés >20 Au-dessus de certains seuils, la SAS ne peut pas recourir à l’OPTF (offre au public de titres financiers : cf. définition en annexe). Cela signifie entre autres que pour augmenter son capital, une SAS devra notamment procéder par offres annuelles et que chacune de ces offres ne pourra pas permettre d’associer plus de 100 nouveaux actionnaires, ce qui est restrictif mais non rédhibitoire pour un projet de centrale villageoise. Autre point, une SAS est une société privée, n’acceptant aucune participation publique dans son capital. En résumé, les contributions au capital et aux décisions dans une SAS peuvent prendre la forme suivante selon les participants : SAS Participation financière Participation aux décisions Citoyens Actions Obligations Compte – courant d’associés 1 homme = 1 voix ou Prorata des participations au capital ou Actions de préférence (droits de vote multiple, droits de veto) Avances remboursables Garanties d’emprunt (pouvant être payantes) Indirectement si la collectivité participe dans une société publique-privée qui participe dans la SAS (et à laquelle on pourrait affecter une action de préférence) Acteurs privés Collectivités RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize jeudi 23 juin 2011 - 3 - Si le nombre de nouveaux actionnaires est supérieur à 99 par an, une solution possible est de recourir aux Clubs CIGALES* (Clubs d'investisseurs locaux au service du développement d'entreprises solidaires, cf. Annexe) ou de passer via EPI* (Energie Partagée Investissement, cf. Annexe) pour prendre des actions dans la SAS. Sociétés publiques/privées Seules la SEM (Société d’Economie Mixte) et la SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) permettent de combiner financements publics et privés dans leur capital. Ci-dessous des tableaux présentant les principales caractéristiques de ces sociétés. SEM Une SEM est basée sur le modèle de la SA SCIC Une SCIC est une SA ou une SARL, assortie d’un agrément « SCIC » Objet Lien avec les compétences des Notion d’intérêt collectif collectivités Notion d’intérêt général Associés 7 minimum Capital de départ 37 000 € Aucun si SCIC / SARL 18 500€ Si SCIC / SA Actionnaires Publics Entre 51% et 85% privés Entre 15% et 49% (citoyens, entreprises) Quels droits de vote ? Organe de direction Inférieur à 20% Supérieur à 80% (citoyens, entreprises) Au prorata des participations au capital Le système étant coopératif chacun dispose d’une voix Idem qu’une SA (Conseil Idem SA ou SARL Un employé obligatoire d'administration et Président) Répartition des dividendes Au prorata des participations Responsabilités La responsabilité est limitée aux apports Commissaire aux comptes obligatoire Oui Recours à l’OPTF ? Oui, possible Cession d’actions Idem SA RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize Mise en réserve de 57,5% des bénéfices – rémunération limitée - Oui si SCIC / SA Non si SCIC / SARL sauf si seuils dépassés Idem SA ou SARL jeudi 23 juin 2011 - 4 - La SEM est une société pilotée par des collectivités dans la mesure où elle permet à celles-ci de participer au capital entre 51% et 85%, le reste étant des participations privées. Le fonctionnement est assez lourd puisque il est basé sur le modèle de la SA : commissaire aux comptes obligatoire, conseil d’administration ou directoire et conseil de surveillance. La SCIC met en avant l’intérêt collectif et l’absence d’intérêt lucratif. C’est un montage qui permet aux collectivités de participer à hauteur de 20% maximum au capital (sachant que les collectivités peuvent également participer en compte-courant d’associés). Les statuts sont obligatoirement de types coopératifs, ainsi le pouvoir de décision est totalement dissocié du montant de capital pris. Le fait qu’au moins 57,5% des résultats doivent être obligatoirement mis en réserve ne permet pas une rémunération très élevée. De plus, les retours d’expériences des SCIC existantes sont mitigés voir pour certains négatifs. Le montage d’une telle société est souvent long (1 voire 2 ans) et coûteux. SEM Participation financière Participation aux décisions Citoyens Actions Obligations Compte – courant d’associés Au prorata des participations au capital ou selon des Actions de préférence (droits de vote double possible, droits de veto) Collectivités Avances remboursables Garanties d’emprunt (payantes) Compte-courant d’associés Actions, obligations Les collectivités et acteurs privés participent à la décision via le conseil d’administration ou directoire et conseil de surveillance SCIC Participation financière Participation aux décisions Citoyens Actions Obligations Compte – courant d’associés La SCIC étant une société de forme coopérative, la prise de décision se fait de manière coopérative soit 1 homme = 1 voix Garanties d’emprunt (payantes) Actions, obligations, pas de comptes courants d’associés Les collectivités et acteurs privés participent à la décision via la conseil d’administration ou directoire et conseil de surveillance (si forme SA) ou un gérant (SARL) Acteurs privés Acteurs privés Collectivités L’analyse de RAEE Afin de répondre au cahier des charges et au regard des différentes expériences existantes analysées, les sociétés qui semblent le mieux correspondre à nos besoins sont la SAS et la SCIC. RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize jeudi 23 juin 2011 - 5 - La SAS dispose d’une très grande souplesse statutaire, ce qui permet de personnaliser les statuts selon les territoires et de cadrer le régime d’intervention de la société selon les axes souhaités : respect de la charte des PNR, éventuels statuts coopératifs, etc. Seul le président est l’organe obligatoire au sein d’une SAS. Il est possible de créer un organe complémentaire, mais facultatif, pour lequel les pouvoirs de décisions, leurs modalités, majorités, sont définis dans les statuts. Les collectivités ne peuvent participer en direct au capital des SAS, mais peuvent intervenir en se portant garantes de l’emprunt, ou en proposant des avances remboursables. Ces deux modalités pouvant générer une rémunération à un taux fixé contractuellement, inférieur au taux du marché. D’autres opportunités sont étudiées pour essayer d’intégrer au mieux les collectivités dans les SAS, compte tenu du cadre réglementaire actuel. Une des possibilités serait de proposer aux collectivités locales de participer dans une structure publique –privée constituée à une échelle commune à l’ensemble des centrales villageoises. Il pourrait s’agir d’une structure de type « SEM Centrales Villageoises » ou de l’opérateur énergétique régional (OSER) qui est entrain de se mettre en place. Cet opérateur pourrait avoir un « droit de regard » dans les SAS. Pour s’assurer que les parts de capital prises par les collectivités soient bien réinvesties sur les territoires correspondants, un système d’actions traçantes serait mis en place. L’action traçante est une action rattachée à un territoire, une activité, une filiale. Les porteurs de ce type d’actions se réunissent en Assemblées spéciales, ce qui peut permettre par exemple de discuter des objectifs à poursuivre sur le territoire concerné par les actions traçantes. Il peut également être accordé à ces actions traçantes des droits de préférences. La non participation des collectivités au capital des SAS est l’inconvénient majeur identifié pour ce cas de figure. Une variante pourrait consister à envisager ponctuellement un montage en SCIC, notamment lorsque les collectivités souhaitent absolument participer au capital de la société locale. Les statuts étant coopératifs, une collectivité actionnaire d’une SCIC n’aura cependant qu’une voix lors des votes en assemblée. En ce qui concerne la SCIC, les collectivités peuvent participer directement au capital à hauteur de 20% (mais elles ont interdiction de souscrire des comptes courant d’associés), ce qui est un avantage certain. Cependant, le système étant coopératif, la collectivité n’a priori pas plus de poids qu’un autre actionnaire (sauf s’il y a pondération des droits de vote du collège auquel elle appartient). La SCIC pourra être un montage intéressant si tous les actionnaires acceptent de se placer dans une démarche collective, privilégiant l’utilisation des bénéfices au service de nouveaux projets (portés par la société) plutôt que la redistribution sous forme de dividendes. RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize jeudi 23 juin 2011 - 6 - A noter que la SCIC doit compter comme charges supplémentaires (par rapport à la SAS) des charges de personnel et de commissaire aux comptes. La question de la régie a été posée. Cette solution ne semble pas permettre de répondre à nos besoins. En effet, une des pierres angulaires du projet est le citoyen, or dans la régie seule les collectivités sont impliquées. De plus, la régie est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) chargé de la gestion d’un service public, ce qui ne correspond pas au cas de la production d’électricité. Annexe : définitions L’Offre au Public de Titres Financiers L’OPTF est une offre publique de titres financiers, anciennement dénommée appel public à l’épargne. La SARL, la SA, la SEM, la SCIC peuvent faire une OPTF selon certaines conditions, notamment l’obtention d’un visa de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), ce qui peut se révéler être une opération lourde et complexe. Ces sociétés peuvent néanmoins effectuer une offre de placement privé aux conditions suivantes (article L411-2 du code monétaire et financier) : une offre de placement privé dont le montant est inférieur à 100 000€ Une offre de placement privé dont le montant est compris entre 100 000€ et 2 500 000€ et dont le montant est inférieur à 50% du capital. Ces offres se font sur une période annuelle. La publicité, d’après l’AMF, serait libre dans ce cas-ci. offre faite à un cercle restreint d’investisseurs : l’offre doit s’adresser à moins de 100 nouveaux investisseurs strictement. Ce seuil sera modifié par la prochaine Directive européenne Prospectus II, qui doit entrer en vigueur le 1 juillet 2012, et qui portera le seuil du nombre restreint d’investisseurs à 150 (strictement) offre faite à des investisseurs qualifiés (définis par l’article D411-1 du code monétaire et financier), sans restriction de nombre. Les investisseurs qualifiés peuvent notamment être des entreprises locales, sous réserve que ces dernières remplissent un formulaire de l’AMF http://www.amf-france.org/documents/general/7332_1.pdf. Cette qualité d’investisseur qualifié justifie que celui qui prend des titres lors d’une offre de placement privé est conscient des risques et avantages que cela implique. La SAS dispose d’une situation particulière, elle ne peut pas faire d’OPTF en tant que tel, mais il existe des seuils d’exception en dessous desquels il est possible de faire une offre de RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize jeudi 23 juin 2011 - 7 - placement privé. Ces seuils sont les suivants (Article L227-2 du code de commerce, article L 411-2 du Code monétaire et financier et article L 211-2 du Règlement général de l’AMF) : offre faite à un cercle restreint d’investisseurs : idem que ci-dessus. Le Seuil de 100 sera relevé à 150 au 1er juillet 2012. offre faite à des investisseurs qualifiés (cf. ci-dessus) La publicité dans le cadre d’une offre de placement privé effectuée par la SAS est un peu complexe. En effet, l’AMF peut contrôler que l’offre n’a pas été adressée à plus de 100 actionnaires. Il faut alors pouvoir apporter la preuve que moins de 100 actionnaires ont été réellement touchés par l’offre. Ce qui n’est pas le cas, lorsque l’offre s’adresse à des investisseurs qualifiés. EPI : Energie Partagée Investissement EPI est une société en commandite par action, qui a été lancée fin 2008, et qui permet de collecter l’investissement citoyen placé dans les projets locaux de production d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Il est possible de prendre des parts de capital dans EPI qui capitalise ensuite d’autres sociétés (telles que celles des centrales villageoises). http://www.energie-partagee.org/ Club CIGALES Les Club d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire : c’est une structure de capital risque solidaire mobilisant l’épargne de proximité de ses membres au service de la création et du développement de petites entreprises locales et collectives. Chaque CIGALES est composé de 5 à 20 investisseurs. La durée de vie est de 5 ans (mais les dividendes sont perçues au-delà de l’arrêt de l’activité du club). Ces clubs ont plutôt vocation à permettre le lancement de petites sociétés. RAEE Anne-Sophie Cichowlas, Noémie Poize jeudi 23 juin 2011 - 8 -