La 2e guerre mondiale, une guerre d`anéantissement

Transcription

La 2e guerre mondiale, une guerre d`anéantissement
« La Deuxième Guerre mondiale, une guerre d’anéantissement »
Éléments de corrigé
Introduction
Partant d’une analyse rigoureuse des termes du sujet, la problématique doit dégager les enjeux sous-jacents de celui-ci.
Ici, les termes ne posaient pas de problème particulier – d’autant qu’ils correspondent exactement à l’intitulé de la mise
en œuvre du programme (cf. manuel, p. 3).
Toutefois, au vu des copies, il semble important de souligner :
•
que « deuxième guerre mondiale » implique que l’on ne traite que de la guerre elle-même – donc de la période 19391945, cadre chronologique qu'il convenait de rappeler. Ce qui se passe entre 1933 et 1939 est en principe hors sujet,
sauf s’il s’agit d’éclairer des points du sujet (le génocide comme conséquence « logique » du racisme nazi). Ajoutons
que la Deuxième Guerre mondiale ne se réduit pas à l’Europe : ce qui se passe en Asie (atrocités japonaises, notamment, mais pas seulement) est à prendre en compte. De la même façon, les Alliés sont impliqués eux-mêmes dans
cette guerre : ils bombardent des villes, faisant de nombreuses victimes civiles (Dresde, Hiroshima, etc.). Le conflit ne
doit donc pas se restreindre à la seule Allemagne ;
•
qu’« anéantissement » devait être entendu dans toute la polysémie du terme. Il s’agit donc ici :
1. du génocide juif et tzigane perpétré par les nazis. À ce titre, une analyse des camps de concentration ET d’extermination s’imposait ;
2. de l’idée que la Deuxième Guerre mondiale, contrairement aux guerres classiques, vise moins à vaincre des armées, qu’à obtenir la capitulation sans condition de gouvernements. Cela implique que l’on se penche sur la notion des civils comme cible de guerre et sur les destructions destinées à annihiler le potentiel économique de l’ennemi.
À ce propos, une capitulation (8 mai et 2 septembre 1945) est obtenue d'une armée, mais un armistice l'est d'un gouvernement (11 novembre 1918).
Fort de ces quelques remarques, il était simple de proposer une problématique ressaisissant l’ensemble des enjeux du
sujet, en soulignant évidemment les aspects idéologiques de cette guerre. On pouvait proposer, par exemple : « en quoi la seconde guerre mondiale est-elle une guerre d'anéantissement ? ». La définition de l'expression « guerre d'anéantissement » doit
bien sûr être fournie, sinon dès l'introduction, au moins dans le développement.
Cette problématique posée, il convenait d'indiquer sur votre brouillon les grandes lignes de la réponse, nuancée, sur laquelle repose votre conclusion. Trop de copies se terminent par des banalités, qui montrent assez un problème de maîtrise du
temps imparti, sinon un oubli de la problématique.
NB : il vous est possible, pour clarifier votre propos de procéder en rédigeant un très court paragraphe introductif (de 2/3,
maxi 4 lignes) à votre partie, posant ses enjeux et les éléments qu’elle va démontrer (technique très utilisée dans les facultés de
droit et d’économie). Suit alors la problématique puis l'annonce du plan.
Plan du développement
1.
a.
b.
« Une guerre qui n’est pas semblable à celle du passé » (Staline)
Objectif : montrer ici que la 2e guerre mondiale s’inscrit en rupture avec les guerres du passé quant à ses objectifs :
les guerres « traditionnelles » sont déclenchées pour des questions de frontière ;
elles visent à vaincre les armées ennemies et à le forcer à la paix (reddition= il se rend), mais non à l’écrasement et la
capitulation sans condition (même 14-18 : les Alliés n’envahissent pas l’Allemagne, mais seulement la Rhénanie, provisoirement, le temps d'établir la traité de Versailles). Inversement, la guerre de 1939-1945 vise à l’écrasement non
seulement de l’armée ennemie, mais également la nation ennemie toute entière, dans toutes ses dimensions, en le
mettant à la merci du vainqueur (capitulation sans condition)
1.1.
A Life-and-Death Struggle (un combat à mort) comme disent les Américains.
On doit montrer ici que la Deuxième Guerre mondiale met aux prises des nations qui cherchent moins à régler une ques tion politique par des moyens militaires (cf. la célèbre formule de Clausewitz : la guerre, c’est la continuation de la politique par
d’autres moyens) qu’à résoudre des enjeux qu’elles considèrent vitaux pour eux.
Donc a priori, pas de compromis possible. La dimension idéologique est donc fondamentale :
•
pour les nazis, la guerre est censée procurer à l’Allemagne son « espace vital » (Lebensraum), sans lequel la nation
(la « race » dans le langage d’Hitler) allemande s’étiolerait ou périrait. Cf. texte de Himmler (manuel 2 p. 97) où il explique que la mort de 10 000 Slaves lui importe peu, si cela permet à l’Allemagne de survivre (« si dix mille femmes
russes tombent d’épuisement en creusant un fossé anti-tank, seul m'importe l'achèvement du fossé anti-tank pour l'Allemagne ») ;
•
pour les démocraties et l’URSS, ce n’est pas leur espace vital qui est en jeu, mais leur propre survie : c’est ce que
comprend et affirme Churchill ou ce que sous-entend l’Appel du 18 juin 1. Rapidement, la guerre devient pour les alliés
occidentaux celle de la survie (et du triomphe) de la démocratie. L’Allemagne et le Japon ne doivent pas être vaincus :
ils doivent être écrasés. D’où l’exigence d’une capitulation sans condition, qui motive l’emploi de tous les moyens
1. On peut développer un peu l’ex de l’Angleterre ou sur l’URSS : Stalingrad
(donc le 1.2.). Ces moyens reposent notamment sur une propagande à outrance, qui vise à mobiliser l'opinion publique
dans l'effort de guerre.
1.2.
Frapper les populations civiles : terreur et destruction comme « histoire naturelle » (Sebald)
Objectif : on montre donc logiquement ici qu’il ne s’agit pas seulement de vaincre des armées mais des populations. Les
civils deviennent des buts de guerre. Chiffre à rappeler : plus de la moitié des victimes est civile. Le but est d'impressionner (au
sens de « faire pression ») sur la population pour qu'elle se retourne contre son propre gouvernement. C'est ce qui est recherché par les bombardements allemands sur les Pays-Bas en mai 1940 (destruction de Rotterdam) et sur le Royaume-Uni, notamment au cours de la bataille d'Angleterre (automne 1940), avec l'écrasement de quartiers de Londres et de villes comme
Coventry. C'est la même chose avec les bombardements alliés sur l'Allemagne qui s'intensifient à partir de 1943. Dans les deux
cas, si la population est très durement touchée (Sebald évoque six cent mille tués en Allemagne), elle se détourne peu de son
gouvernement, bien au contraire. L'exception est celles des deux bombardements américains sur Hiroshima et Nagasaki (6 et 9
août 1945), dont la conséquence est la capitulation japonaise (02/09/1945).
Développement ici nécessaire sur les techniques employées pour terroriser et soumettre les populations : bombardements aériens et bien sûr bombe atomique. On peut également ajouter les techniques de prises d’otage et de punition collective
(Oradour) employées par les nazis ou les Japonais.
1.3.
Anéantir le potentiel adverse.
Objectif : logiquement donc (l’enchaînement est volontairement souligné de manière grossière pour le rendre plus clair),
il faut montrer que vaincre l’ennemi suppose d’anéantir son potentiel économique et social, afin de l’empêcher de poursuivre la
guerre : détruire ses usines, ses moyens et infrastructures de transport, ses sources de ravitaillement, etc. Ce qui explique les
bombardements massifs de villes (Le Havre, Dresde, Tokyo, etc.).
2. De la boucherie à l’extermination
Objectifs : montrer ici que cette guerre a été la plus meurtrière de l’histoire humaine (60 millions de morts, dont plus de
20 pour l’URSS), et que ce résultat a été obtenu en raison non seulement du potentiel létal de l’armement moderne utilisé, mais
également des « techniques » de massacre de masse mises au point, culminant dans les chambres à gaz des camps
d’extermination. Vous sentez bien en principe que le lien avec ce qui précède est évident : la guerre comme destruction sur une
immense échelle pour la survie (1) amène logiquement à mesurer et analyser (2) l’immense catastrophe humaine et morale
qu’elle a été.
2.1. « Un mort, c’est une tragédie, 100 000, une statistique » (Staline, expert ès-massacre de masse) : le temps des
massacres
Rappeler ici que la Deuxième Guerre mondiale a été très meurtrière. Des chiffres s’imposent : le total de 60 millions de
morts, etc. Il est également judicieux de rappeler ce que cela fait en pourcentage de la population, si on le peut.
Rappeler ensuite que les combats ont été plus violents (donc plus meurtriers) qu’en 1914 (pendant la courte « guerre
éclair », le nombre de morts/jour est plus élevé en 1940 que pendant la guerre de 14, par exemple ; vous pouvez également
évoquer la guerre dans le Pacifique entre EUÀ et Japonais2).
Montrer enfin que la guerre poursuit, en l'intensifiant, l'« ensauvagement » des combattants réalisé pendant la Première
Guerre mondiale, perpétrant des tueries militairement « inutiles » (par rapport aux buts de guerre) et autres exécutions sommaires, passibles d’être jugés pour crimes de guerre. NB : on ne parle pas ici des fanatiques psychopathes de la SS ou de la
Gestapo, mais des soldats « ordinaires », engagés dans les armées régulières, notamment les Allemands sur le front de l’Est
(sur le territoire soviétique, en Ukraine actuelle Russie actuelles), qui ont participé à ce que l’on appelle parfois la « Shoah par
balles » (cf. cours). On retrouve cela d’ailleurs dans les territoires asiatiques conquis par le Japon (tortures, décimation de vil lages, etc.)
2.2. L’organisation systématique de la mort : le « nettoyage » des territoires.
Objectifs : À propos de la Pologne, les nazis parlaient de la nécessité d’un « nettoyage » (sic) du territoire. De fait, menés notamment par les puissances de l’Axe, ce nettoyage a pris une forme systématique pendant la Deuxième Guerre mon diale. Dit autrement, ces massacres, accompagnés d’une exploitation et d’un pillage systématiques des pays occupés, prennent
une forme méthodique et méticuleuse qu'amplifie encore la collaboration de certains gouvernements (Vichy, gouvernement
croate de Palevitch, celui du norvégien Quisling…). Plus les Allemands progressent à l’Est, plus cette politique meurtrière prend
de l’ampleur : ils ressentent en effet comme une urgence à mettre en œuvre cette politique. Au demeurant, les Soviétiques ne
sont pas en reste après 1943 : expulsion des Allemands (Prusse orientale…), expropriation de leurs biens, etc.
Un exemple à développer ici : le massacre de Katyn en Pologne (1940), soit l’élimination systématique de l’élite militaire
(et en partie intellectuelle) polonaise par les Soviétiques (qui tentèrent d’en faire accuser les nazis).
Lidice (Tchécoslovaquie) en est un autre exemple : après l’assassinat de Reinhardt Heydrich3 (juin 1942), les nazis rasèrent intégralement le village (1942), tuèrent toute la population et salèrent le sol (Delenda Cathargo est), afin que rien n’y repousse… La répression se prolonge pendant tout l'été, faisant plus d'un millier de victimes.
Poser ce point permet de comprendre l’ouverture systématique des camps (je parle pour le moment des camps de
concentration) dans les territoires occupés (y compris en Alsace — camp du Struthof —, alors annexée au Reich, mais il est vrai
2. Voir les deux films de Clint Eastwood, Mémoires de nos pères (2006) et Lettres d'Iwo Jima (2007), où l'on voit d'une part l'énorme dispositf de guerre
américain, et, d'autre part, l'acharnement japonais à défendre l'île d'Iwo Jima.
3. Chef du RSHA (Reichssicherheitshauptamt : office central de la sécurité du Reich, qui comprend notamment la Gestapo), il est aussi le principal adjoint
d'Himmler. Il est, à ce titre, chargé d'organiser le génocide juif.
surtout en Europe de l’Est), dans lesquels les nazis ou les Japonais4 enferment, torturent et assassinent (lentement ou pas) résistants, opposants politiques, « déviants » et « dégénérés » (homosexuels, par ex) (sic et re-sic) et races dites inférieures
Il est ici important d’avoir une approche chronologique, notamment si l’on se centre sur l’Europe, dans la perspective du
2.3. : en effet, plus la guerre avance, plus les troupes nazies progressent vers l’Est, plus la brutalisation s’accroît et prend une
forme systématique5. C’est en 1941 que les nazis expérimentent les premiers camions diesel exterminateurs pour mettre à mort
les juifs. À la fin de la même année, il apparaît aux dirigeants nazis qu’il faut apporter à la « question juive » une réponse définitive : les camps de concentration ou la transformation envisagée de Madagascar en île-camp géant, étant à leurs yeux des réponses trop lentes ou insuffisantes, d’une part, et de l’autre la population juive sous leur domination étant de plus en plus nombreuse. C'est ce à quoi doit répondre la « solution finale » (définie lors de la conférence de Wannsee, 21/01/1942).
2.3. Le génocide juif et tsigane. (autre possibilité : développer cet aspect pour en faire une 3e partie)
Objectifs : il faut rappeler ici brièvement pour commencer les motifs idéologiques des nazis (théories raciales, etc.) ;
Puis décrire la « solution finale » proprement dite, en soulignant qu’elle débouche sur la mise en place des camps d’extermination. Et rappeler quel est le but qui leur assigné (la destruction systématique des juifs d’Europe, comme dit l’historien
Raoul Hillberg, qui est pour les nazis leur « grand œuvre » - c’est ainsi qu’ils qualifient l’extermination comme « la page la plus
glorieuse de notre histoire » selon les mots d’Himmler (sic).
Il faut alors décrire le fonctionnement des camps d’extermination, en prenant Auschwitz comme exemple.
Conclusion
Rappelons que la conclusion doit apporter une réponse (nuancée) à la problématique, et ouvrir le sujet sur un thème
sous-jacent.
Dans un premier temps, rappeler l’extrême choc moral ressenti par les Alliés lors de la libéra tion des camps6, celui des
Japonais et du monde entier après l'explosion des bombes nucléaires 7 et la situation de l’Europe (et de l’Asie) après guerre :
des pays en ruines, des dizaines de millions de réfugiés, etc., résultat d'une guerre exceptionnelle puisque l'objectif est d'anéantir.
Ensuite, souligner que les immenses pertes humaines et le génocide ont justifié (grâce aux procès de Nuremberg et To kyo) la reconnaissance en droit international de la notion de génocide et l’invention du crime contre l’humanité (qui apparaît
seulement en 1944), seul crime pénal imprescriptible.
Enfin, on peut élargir sur le rêve de paix mondiale porté par la création de l’ONU8.
4. Voir le roman de Pierre Boulle, Le Pont de la rivière Kwaï (1952), source du film de David Lean (1957)
5. Voir le roman de Robert Merle, La Mort est mon métier, qui montre l'ascension d'un nazi jusqu'à devenir le chef d'un camp d'extermination
6. On peut rappeler l'interpellation du général en chef américain, Eisenhower, lors de la libération des premiers ca mps : « Si vous ne saviez pas pourquoi
vous vous battiez, maintenant vous le savez… ».
7. On peut se référer à l'éditorial du journal Combat du 8 août 1945, où l'écrivain Albert Camus exprime sa désolation : « la civilisation mécanique vient de
parvenir à son dernier degré de sauvagerie ».
8. On peut s'appuyer sur les dernières lignes du même éditorial : « Mais nous nous refusons à tirer d'une aussi grave nouvelle autre chose que la décision
de plaider plus énergiquement encore en faveur d'une véritable société internationale […].
Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce
n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison ».