Quels mots pour dire la destruction des Juifs d`Europe
Transcription
Quels mots pour dire la destruction des Juifs d`Europe
Shoah, Holocaust(e)… Quels mots pour dire la destruction des Juifs d’Europe ? Mémoire - Histoire Le langage codé des nazis De 1941 à 1944, la décision planifiée de destruction des populations juives d’Europe a été mise en œuvre par le régime nazi, dans l’objectif d’une élimination totale de tous leurs membres, à l’échelle de la planète. Ce crime était dénié par ses auteurs dans le même temps qu’il était perpétré : les nazis ont tenu secrète leur décision et ils utilisaient des euphémismes qui ne devaient être compris que des initiés. Il s’est construit une sorte de langage codé qui permettait de ne pas avertir les victimes du sort qui les attendait, de ne pas alerter les populations témoins des rafles, de ne pas culpabiliser les bourreaux et d’innocenter, par avance, les coupables1… Les termes allemands sont nombreux et leur usage était systématique. Traduits en français, ils doivent être utilisés avec prudence car porteurs de déni : les déportations étaient « réinstallation » ou « transfert à l’Est » ou encore «mobilisation de main d’œuvre », on n’assassinait pas, mais «nettoyait», «désinfectait», on évoquait un «traitement spécial» ou «Himmelweg», le «chemin du ciel», les chambres à gaz étaient camouflées en «douches» … Les victimes étaient déjà déshumanisées dans le langage nazi – comme dans la propagande antisémite – les Juifs étaient désignés comme des insectes, des parasites, des bacilles, des choses : un champ lexical qui participait à la déshumanisation des victimes. 1 À signaler à ce sujet l’ouvrage du linguiste Victor Klemperer, rédigé d’après ses «carnets secrets» durant la guerre et publié sous le titre : «LTI. La langue du IIIème Reich» Albin Michel 1996 La négation du génocide commence donc par les mots. Ce langage détourné par les nazis est aujourd’hui utilisé par les négationnistes pour banaliser, minimiser, nier les faits. C’est pourquoi il est indispensable d’être attentif au lexique utilisé pour enseigner, et de veiller à ne pas transmettre, sans le savoir, les «mots des bourreaux». Génocide est le terme générique. Il a été forgé en 1944, par le juriste juif d’origine polonaise Raphaël Lemkin, à partir de la racine grecque «genos» - origine, espèce - et du suffixe latin - cide , de «cadere» – tuer –. Utilisé pour la première fois dans l’acte d’accusation du procès de Nuremberg, il est aujourd’hui passé dans le langage courant et trop souvent banalisé : «génocide» demeure un terme juridique encadré par les textes du Droit international, défini comme le «… refus de droit à l’existence de groupes humains entiers » et, par extension : «tout acte commis dans l’intention de détruire méthodiquement un groupe national, ethnique, racial ou religieux». Ce terme réfère donc à la décision d’un Etat de détruire de façon méthodique et systématique un groupe cible de population. L’histoire du 20ème siècle retient le génocide des Hereros (1904), le génocide des Arméniens (1915), le génocide des Juifs d’Europe (1941 à 1944) et le génocide des Tutsi au Rwanda (1994). Holocaust est le terme en vigueur dans les pays anglo-saxons et en Allemagne. D’origine hébraïque, il est utilisé dans la Bible, signifie étymologiquement «brûlé jusqu’au bout» et désigne une pratique antique de sacrifice, d’offrande. Souvent décrié parce qu’il sous-entend la soumission et la passivité des victimes – un sacrifice est un acte consenti ou volontaire dans un objectif d’ «expier» –, ce terme demeure d’usage fréquent dans le langage international, et dans certains textes officiels en France. Shoah est le terme le plus précis et le plus adéquat pour rendre compte de la singularité du génocide des Juifs d’Europe. Ce mot d’origine hébraïque signifie «catastrophe» ; il rend la parole aux victimes en puisant dans leur langue liturgique mais ce n’est pas un terme religieux à proprement parler et il convient à définir ce qui fut une «catastrophe» à l’échelle de l’humanité. © Civisme et démocratie - CIDEM Le terme de «solution finale», souvent utilisé par les historiens, doit être cité avec des guillemets car il reprend précisément les mots et le point de vue des bourreaux : «solution» sous‑entendant un problème (juif), avec lequel il faudrait en «finir». Ce qui nous situe dans le registre antisémite. Ressources Shoah 3 Quels mots utiliser pour désigner le génocide des Juifs d’Europe par les nazis ?